• Aucun résultat trouvé

Le périmètre initial du changement, général ou local ?

1.3 Les modalités opérationnelles d’un changement et ses risques d’échec

1.3.1 Le périmètre initial du changement, général ou local ?

Lorsqu’on vise le changement global d’une organisation, comme l’adoption d’une certification ISO 9001 version 2000, il est nécessaire d’initier le changement, soit dans l’ensemble des cellules de responsabilité, soit dans quelques-unes d’entres elles, soit de manière mixte. Le schéma suivant représente ces trois axes possibles d’introduction au changement :

Analyse des trois angles d’attaque d’introduction du changement

N°1 Approche globale N°2 Approche expérimentale N°3 Approche coordonnée

- le changement global (triangle n°1)

Le changement général est une approche développée par le courant de l’« Organization Development »119. Il s’agit d’une tentative planifiée de changer, dirigée par la D.G., introduite dans tout le système et basée sur une stratégie éducationnelle. Cette approche est longue, lourde et coûteuse à mettre en place : 1) sur le plan temporel, le changement doit s’inscrire dans une durée conséquente 2) sur le plan systémique, les partisans de l’O.D. considèrent que l’intervention ponctuelle dans un seul service mène à des échecs en raison de l’interdépendance des problèmes rencontrés dans un sous-système de l’organisation. Cette option néglige également la résistance des individus face au changement. L’hypothèse d’une volonté généralisée d’adhérer au projet mis en œuvre est contestable. Selon Bartoli et Hermel « le consensus n’est pas un préalable à l’action, mais au contraire le résultat d’une action ». Cette approche du changement global correspond au modèle de l’action rationnelle. Elle s’appuie sur le postulat selon lequel la réussite du changement repose sur le choix de la bonne solution par l’analyse des dysfonctionnements, la recherche d’alternatives, l’évaluation multicritères. Dans une telle approche, le changement agit comme un acteur rationnel unique, incarné par la direction, qui dispose de la légitimité pour choisir l’organisation future. Crozier précise que « dans un tel système, personne n’a plus rien à apporter (...), tous les participants se trouvent pris dans l’univers des moyens ». Et « peu de personnes semblent s’engager dans le processus envisagé par les concepteurs du programme ». Cette résistance est perçue par la direction comme une incompréhension des bienfaits de la nouvelle conception organisationnelle, qu’en réalité les acteurs ressentent comme une programmation excessive à leur encontre, une inflexibilité du système mis en œuvre. Cette stratégie rationnelle du changement n’est pas dépassée, comme le montrent aussi bien des contributions théoriques que des cas d’entreprises rencontrés lors de nos benchmarks.

- le changement local (triangle n° 2)

Le changement local est envisagé comme une expérience - « dry run » - dont les leçons seront élargies à l’ensemble de l’organisation. Faure120 (1985) la qualifie d’«expérimentation sociale». Elle résulte d’une mise en interaction nouvelle des individus, dans un cadre limité et contrôlé, « pour provoquer d’autres représentations menant à une création structurelle progressivement expérimentée comme fiable et durable ». Il s’agit d’obtenir

119 R. Beckhard (1969) stipule que le «le développement organisationnel est un effort planifié, global c’est-à-dire au niveau de l’ensemble de l’organisation et géré par les dirigeants au sommet, en vue d’améliorer l’efficacité de la firme au moyen d’interventions planifiées sur les processus de l’organisation, en recourant aux connaissances des sciences humaines». La seconde définition est attribuée à W.G. Bernis (1978) qui cerne l’OD comme une réponse au changement. «C’est une stratégie d’éducation complexe en vue de changer les croyances, les attitudes, les valeurs et la structure des organisations, de sorte qu’elles puissent mieux s’adapter à de nouvelles technologies, de nouveaux marchés et de nouveaux défis ». Enfin H. Claude de Bettignies (1979) retient 4 éléments :

- un effort de longue haleine visant à mieux armer l’organisation face à ses problèmes ;

- un programme destiné à introduire des changements délibérés sur la base d’un diagnostic approuvé par les membres ; - des activités axées sur l’accroissement de l’efficacité globale de l’organisation ;

- des stratégies visant à optimiser l’utilisation des RH.

La structure de l’OD est un système à trois composantes liées entre elles : les valeurs, le processus et la technique.

120 Faure H., «Informatique nouvelle et bricolage organisationnel», in Alter, N., La bureaucratie dans l’entreprise, Paris, Editions Ouvrières, 1985.

des « quick wins » dans un ou plusieurs services et de les utiliser pour répandre le changement à l’échelle de l’organisation. Les avantages de ce processus en «tache d’huile» ont conduit Millot et Roulleau à souligner que les démarches réussies «procèdent toujours par étapes progressives : un atelier, un petit secteur, un service». Cette démarche expérimentale permet d’éviter une perturbation de la structure interne dans son ensemble : circonstanciés à une zone d’intervention réduite, les risques d’échec sont limités. Pour disposer d’une grande liberté d’action, il importe d’informer les acteurs touchés qu’il s’agit d’un « dry run » au terme duquel on tirera des enseignements. Evaluation faite des actions locales, la direction est amenée à infléchir l’opération pour renforcer son efficacité et son périmètre de couverture. Cependant, des risques d’échec existent :

- une mauvaise articulation entre expérimentation locale et généralisation ; - la duplication du « quick win » sur un territoire mal évalué.

Transition des fonctionnements sociaux

Structure possible d’organisation Support à la transition généralisation ouverture Pratiques exceptionnelles projet atelier Expression Information Communication Formation Changement Organisation Négociation Conflits agression Ecoute Diagnostic Evaluation Innovation institution apprentissage confrontation reconnaissance émergence Expérimentation

Equilibre du système social postérieur Equilibre du système social

antérieur

Source : séminaire « Dynamique du développement social » 1995-Université Paris-Dauphine

Dans le schéma ci-dessus, Sainsaulieu souligne cette mise en cohérence diachronique en la subdivisant en cinq étapes :

1- « l’émergence» d’identités sociales nouvelles. Il faut produire des interactions inédites dans les milieux les plus favorables à l’innovation ;

2- la « reconnaissance » des logiques qui se développent est nécessaire ;

3- la « confrontation des logiques nouvelles », c’est-à-dire la rencontre entre acteurs anciens et nouveaux pour produire la transformation sur un champ organisationnel plus large ;

4- l’« apprentissage » culturel du changement des représentations doit se coupler avec l’étape d’information, de communication, d’expression et de formation ;

5- l’« institutionnalisation » permet de fixer le nouveau modèle d’organisation.

Cependant, la conduite sur le terrain d’un changement organisationnel ne se fait pas selon une suite d’étapes préétablies. Pour Quinn, le changement procède d’une démarche prudente dans laquelle on va légitimer de nouveaux points de vue et remettre en question les anciens présupposés, neutraliser les oppositions pendant que l’on développe un soutien politique en faveur de nouvelles orientations. L’utilisation de projets pilotes basés sur un nombre d’initiatives restreintes mais efficaces permet de cimenter les fondations d’un engagement futur plus large.

- le changement coordonné (triangle n°3)

Les expériences menées par Savall et Zardet montrent que le pari d’accroître le nombre des adeptes au changement dans la firme n’est pas tenu. Certains membres de l’encadrement adoptent des comportements hostiles dommageables pour l’efficacité de l’intervention. Pour parer au risque d’échec, qui s’avère élevé dans un processus de changement, Savall et Zardet ont développé la démarche Horiver.

Schéma du processus Horiver

Direction Equipe de direction Cadres METAM Action horizontale 1 atelier Ou 1 service A cti on v ert ic ale

Source : Savall H., et Zardet V., « Maîtriser les coûts cachés », Economica, 1989, p.201

Le démarrage de l’intervention porte sur deux actions simultanées et articulées :

- une action verticale sur une ou deux unités.

La différence majeure par rapport au changement local consiste à impliquer l’équipe de direction (action horizontale) dès la phase d’expérimentation, alors qu’elle avait lieu seulement en phase de généralisation dans le « processus tache d’huile ». La formation de l’équipe de direction à la méthode «socio - économique» intervient même avant l’expérimentation du terrain. Ces deux actions s’alimentent mutuellement. D’une part, l’équipe de direction est informée des résultats des diagnostics réalisés dans les unités expérimentées. D’autre part, suite à l’analyse de ces résultats, les échelons inférieurs se voient définir des objectifs stratégiques. Enfin, les unités engagées dans l’action verticale bénéficient du soutien de la direction. Cette méthode, surtout pratiquée dans le cadre d’un objectif de réduction des coûts cachés s’applique à de nombreux types de changements puisqu’elle permet d’identifier des dysfonctionnements importants. L’organisation121 est ici comparée à un système dynamique non linéaire dans lequel de petites actions peuvent avoir de grands effets.