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1 Introduction générale

1.3 Dynamique de la matière organique dans les estuaires

1.3.2 Les sources potentielles de matière organique particulaire dans les estuaires

Dans ce travail de recherche il est à souligner que nous nous sommes intéressés exclusivement aux origines naturelles de la MOP, excluant ainsi l’apport de l’activité anthropique, notamment à travers le rejet d’eaux usées.

1.3.2.1 La matière organique particulaire d’origine estuarienne 1.3.2.1.1 La production primaire estuarienne

La MOP estuarienne, dite « autochtone » correspond à la MOP qui a été produite directement dans l’écosystème estuarien à travers les processus de production primaire, réalisée par les organismes autotrophes ou la production secondaire, réalisée par les organismes hétérotrophes. Comme présentée dans l’équation suivante, la production de MOP dans les estuaires est principalement réalisée par l’utilisation de carbone atmosphérique (CO2) et de nutriments, présents dans l’eau ou le sédiment grâce au processus de photosynthèse :

106 CO2 + 16 HNO3 + H3PO4 + 122 H2O -> (CH2O)106 (NH3)16 H3PO4 + 138 O2

L’un des acteurs de la production primaire de MOP dans les estuaires est le phytoplancton. Les communautés phytoplanctoniques estuariennes sont définies par une diversité et une biomasse très variables au cours des saisons, régulées principalement par la température, la disponibilité de la lumière et des nutriments (Pinckney et al. 1999, Cloern & Dufford 2005). Dans la baie des Veys, dans le bassin central de la Manche, Jouenne et al. (2007) ont défini des espèces dominantes au cours des saisons comme par exemple Thalassiosira rotula (hiver), Phaeocystis globosa (printemps) et Odontella regia (été). Au printemps, une efflorescence printanière est observable dans de nombreux écosystèmes côtiers en réponse à des conditions propices de croissance du phytoplancton (lumière, nutriment, température). A l’échelle globale, à partir de la mesure de la production primaire phytoplanctonique dans 131 écosystèmes estuariens, Cloern et al. (2014) ont déterminés que les communautés phytoplanctoniques produisent en moyenne 252 gC/m²/an.

Dans les estuaires, une grande part de la production primaire est assurée par le microphytobenthos. Le microphytobenthos (MPB) est un constituant majeur du tapis microbien

(Stoodley et al. 2002, Patil & Anil 2005) qui se développe à la surface du sédiment, dans des milieux hydrodynamiques peu intenses où le sédiment est composé majoritairement de particules fines (< 63 µm), tels que les vasières et les prés-salés (Watermann et al. 1999, Pan et al. 2013). Les communautés microphytobenthiques sont constituées d’organismes unicellulaires photosynthétiques, soit majoritairement de diatomées mais aussi de cyanobactéries benthiques en association avec des organismes hétérotrophes (Paterson & Hagerthey 2001). Le MPB est un acteur prépondérant de la forte productivité primaire dans les environnements intertidaux (Admiraal 1984, Underwood & Kromkamp 1999, Thornton et al. 2002). Il existe deux grands groupes de MPB, les espèces épipsammiques qui vivent attachées aux grains grossiers tels que les sables, et les espèces épipéliques vivant à la surface des sédiments cohésifs, telle que la vase (Underwood 2001), peuvent se déplacer dans les couches superficielles de la colonne sédimentaire (Happey-Wood & Jones 1988, de Brouwer & Stal 2001). En migrant vers les couches plus profondes, le MPB épipélique se protège de l’érosion. Au contraire, lors des périodes diurnes d’exondation, en migrant vers les couches localisées plus en surface, le MPB épipélique cherche son optimum écologique vis-à-vis de l’irradiance (Perkins et al. 2001). Cette motilité dans le premier centimètre de la colonne sédimentaire, s’effectue dans une matrice de substances polymériques extracellulaires (EPS), sécrétée par le MPB, composée de protéines, d’acides nucléiques, de lipides mais aussi et surtout de carbohydrates (Wingender et al. 1999, Underwood et al. 2004). Il a été estimé que le MPB produit annuellement de 29 à 314 gC/m²/an (Underwood & Kromkamp 1999). Dans les environnements estuariens, où la présence de végétaux halophytes est réduite, la production primaire assurée par le MPB contribue jusqu’à 2/3 de la production totale de MO (Asmus 1982).

Dans les estuaires tempérés, une troisième source de MOP est représentée par les végétaux supérieurs halophytes (Valiela et al. 1976, Gallagher et al. 1980). Les halophytes sont présents dans le haut de la zone intertidale des environnements côtiers tempérés et constituent une plateforme végétalisée. Les communautés de plantes halophytes sont distribuées dans une succession de zones continues en conséquence de la compétition interspécifique et des conditions édaphiques (salinité, disponibilité en eau douce, nutriments, conditions redox du sédiment, compaction et aération du sédiment (Anderson 1974, Bertness & Ellison 1987, Silvestri et al. 2005, Veldkornet et al. 2016). Cette organisation spatiale, caractéristique d'un phénomène écologique nommé "zonation" (Marani et al. 2003), est contrôlée majoritairement par la fréquence et la durée

d’inondation, dépendantes du régime tidal et de l’altitude des sédiments estuariens (Figure 7; Silvestri et al. 2005).

Figure 7 : Profil longitudinal d’un profil sédimentaire avec la succession végétale associée aux différents environnements tidaux dans l’estuaire de l’Authie. PMVE correspond au niveau de pleine mer de vive eau et PMME correspond au niveau de pleine mer de morte eau (d’après Marion et al. 2009 ; modifié).

Les communautés végétales du bas des prés-salés, adjacent aux vasières sont colonisées par des espèces tels que Spartina anglica ou Salicornia spp. Le milieu et le haut des prés-salés sont colonisés par des espèces halophytes telles que Puccinellia maritima, Halimione portulacoides ou encore Limonium vulgare. Bouchard and Lefeuvre (2000), en baie du Mont Saint-Michel (France), ont estimé que les communautés halophytiques produisent entre 30 gC/m²/an (Salicornia spp.) à 910 gC/m²/an (Halimione portulacoides), représentant entre 35 et 50 % de la production primaire totale.

Il est important de souligner que la production primaire au sein d’un même estuaire est très variable dans le temps. Concernant les communautés phytoplanctoniques, la variabilité au cours du temps est la conséquence de nombreux facteurs comme la température de l’eau (Gallegos, 2012), la disponibilité en nutriments (Ryther and Dunstan, 1971), la lumière (Pennock and Sharp, 1986) ou encore le broutage (Calbet, 2001). Dans le cas de la production primaire issue des communautés de MPB, la variabilité a comme origine principale la température (Guarini et al., 1997), la quantité de lumière (Pinckney and Zingmark, 1991), la structure du sédiment (de Jong and de Jonge, 1995) ou encore le broutage (Blanchard, 1991). Finalement pour les végétaux halophytes, leur contribution à la production primaire varie en fonction des cycles de vie des différentes espèces (Boorman & Ashton 1997) mais aussi de leur localisation (bas ou haut) dans les prés-salés (Lefeuvre 1996, Bouchard & Lefeuvre 2000).

1.3.2.1.2 La production secondaire estuarienne

La production secondaire de MOP correspond à la quantité de MOP produite par les organismes hétérotrophes (bactéries, copépodes, bivalves) consommant la MO produite par les producteurs primaires. Dans les estuaires, l’importante production secondaire est la conséquence de la forte production primaire présente dans ces écosystèmes côtiers (Costanza et al. 1997). De plus à travers les processus de couplage bentho-pélagique, le carbone, fixé par les producteurs primaires, est efficacement transféré aux échelons supérieurs du réseau trophique comme les poissons (Griffiths et al. 2017). Plus récemment, il a été démontré que le phytoplancton estuarien a une valeur nutritive plus importante que des celui rencontré dans les écosystèmes fluviatiles ou marins, stimulant la production secondaire estuarienne (Winder et al. 2017). Dolbeth et al. (2003) présentent de nombreuses études réalisées dans des environnements intertidaux, quantifiant la production secondaire, avec une gamme de valeurs s’étendant de 5,5 à 225,2 g AFDW/m²/an (AFDW : ‘ash free dry weight’ soit, poids sec sans cendre).

1.3.3 La matière organique particulaire d’origine continentale, fluviatile et