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La Figure 48 présente la dépendance des flux de CO2 avec les différentes propriétés du sédiment de surface mesurées au cours de l’étude présentée Chapitre 4. Le meilleur ajustement qu’il soit linéaire ou exponentiel entre les flux de CO2 et les différents paramètres sédimentaire a été déterminé à partir du R² et d’un test de significativé.

À partir des mesures réalisées dans les 14 stations, il a été démontré que les variations des flux de CO2 à l’émersion sont expliqués significativement (p < 0,05) d’une part par la D50 mais aussi par la quantité de MOT, la porosité, la quantité de chlorophylle a et finalement par l’altitude du sediment (Figure 48). Nos résultats montrent clairement que les flux de CO2 à l’émersion dans l’estuaire de la Canche et de l’Authie sont dépendants de la topographie (Figure 48H) comme observés dans l’estuaire de l’Escaut (Westerschelde, Pays bas) pourvus d’une plateforme végétalisée (Gribsholt & Kristensen 2003). Les plus faibles étages tidaux (Sta1.C et Sta1.A) sont soumis à de fortes conditions hydrodynamiques où les dépôts sédimentaires sont définis par des dépôts de sédiments perméables (porosité inférieure à 0,47) appauvris en MOT (< 2 %). Dans ces dépôts grossiers (D50 > 81 µm) les flux de CO2 à l’émersion sont faibles (0,26-2,7 µmol CO2/m²/s). Au contraire dans les étages tidaux plus élevés, les conditions hydrodynamiques plus faibles permettent le dépôt et la stabilisation de sédiments fins (moindre remise en suspension) (D50 < 24 µm) cohésifs (porosité supérieure à 0,54) enrichis en MOT (> 5,7 %) qui ont des flux de CO2

plus élevés (1,1 – 6,9 µmol CO2/m²/s). La libération de CO2 du sédiment vers l’atmosphère correspond à la minéralisation benthique totale (aérobie et anaérobie) de MO dans le sédiment

sous l’hypothèse que les processus de précipitation et de dissolution des carbonates soient négligeables (Kristensen et al. 1995, Gribsholt & Kristensen 2003). En effet dans notre étude la quantité de MOT déposée à la surface du sédiment permet d’expliquer partiellement (R² = 0,52) et significativement (p < 0,001) selon une relation linéaire, la variation spatiale et temporelle des taux de minéralisation mesurés à marée basse. Cette dépendance permet explique les plus forts flux de CO2 mesurés dans les sédiments cohésifs en comparaison des sédiments perméables où la quantité de MOT importante conduit à une activité de minéralisation benthique plus importante à ces stations et donc à une libération accrue de CO2. Cette tendance a aussi été observée à partir de nombreuses autres études conduites dans des environnements côtiers (Hammond et al. 1985, Nedwell et al. 1993, Zimmerman & Benner 1994, Wijsman et al. 1999, Denis & Grenz 2003, Giles et al. 2007, Pastor et al. 2011, Shim et al. 2011).

Figure 48 : Relation linéaire et non linéaire entre les valeurs de flux de CO2 etles valeurs de la médiane granulométrique (A), de la porosité (B), de la quantité de matière organique totale (C), du rapport élémentaire COT/TN (D), de la quantité de chlorophylle a (E), de la quantité d’EPS colloïdaux (F), de la température du sédiment (G) et de l’altitude (H) pour chacune des stations échantillonnées le long du gradient tidal dans l’estuaire de la Canche et de l’Authie et pour les deux saisons étudiées (printemps et été).

Cependant la dimension quantitative de la MOT n’est pas le seul élément mis en valeur à travers cette approche statistique. En effet les valeurs de flux de CO2 à l’émersion sont significativement (R² = 0,37 ; p < 0,05) dépendants des valeurs de chlorophylle a. Les valeurs de chlorophylle a sont indicatrices de la biomasse chlorophyllienne, soit le MPB et le phytoplancton déposé à la surface du sédiment à marée basse (Blanchard et al. 1996, MacIntyre & Cullen 1996). Cette source de matière organique présente à la surface du sédiment est très labile, caractérisée par un rapport COT/NT faible (Lamb et al. 2006), et peut donc alimenter efficacement la minéralisation. Il est à noter cependant que les valeurs de chlorophylle a et du rapport COT/TN ne sont pas corrélées significativement (R = -0,51 ; p = 0,059), probablement en raison du fait que les végétaux supérieurs (COT/NT = 12) contribuent aussi significativement au réservoir de chlorophylle a à la surface du sédiment (Estrada et al. 1974, Brotas & Plante-Cuny 1998). Néanmoins, sous l’hypothèse que la quantité de chlorophylle a mesurée correspond potentiellement à un reservoir de MOT moins réfractaire, la dépendance significative entre les valeurs chlorophylle a et les flux de CO2 à l’interface sédiment-atmosphère témoigne de l’influence de labilité de la MOT d’origine chlorophyllienne (MPB et phytoplancton) sur les taux de minéralisation benthique. Une telle relation a déjà été mise en avant dans d’autres études biogéochimiques à l’interface sédimentaire et est reconnue comme l’un des facteurs prépondérants pour expliquer les variations spatiales et saisonnières des taux de minéralisation en milieu côtier (Banta et al., 1995; Cowan and Boynton, 1996; Link et al., 2011; Shim et al., 2011). Comme nous avons pu le voir précédemment, les végétaux supérieurs halophiles ont une contribution non négligeable dans les flux de CO2 à l’interface sédimentaire (Gribsholt & Kristensen 2002, Middelburg et al. 2005). La présence d’un système racinaire dans des sédiments localisés aux plus hauts étages tidaux, c’est à dire les prés salés, explique alors les plus forts flux de CO2 mesurés à ces stations. Un paramètre qui peut aussi influencer la minéralisation de manière significative à l’échelle du transect est la température du sédiment. La Figure 47 montre des différences significatives (p < 0,05) avec des flux de CO2 mesurés au printemps plus faibles que ceux mesurés en été, excepté pour la station de sédiments perméables (Sta1.C) où les flux de CO2 sont faibles et la vasière de la Canche (Sta.2C). Ces différences significatives ne semblent pas attribuées aux modifications des propriétés sédimentaires mesurées (qui ne varient pas significativement entre les deux saisons), mais elles sont en revanche corrélées à la température du sédiment qui varie de 11,1±0,8 °C au printemps à 18,0±1,4 °C en été. La température a été

largement reportée comme un facteur prépondérant dans les variations de taux de minéralisation (Boynton et al., 2018; Davoult et al., 2004; Hubas et al., 2006; Middelburg et al., 1994). Un indice de Q10, traduisant le quotient du taux de l’augmentation de la valeur du flux total de CO2 après une variation de 10 °C de la température du sédiment, est calculé selon l’équation suivante : Q10 = e10 x k ou k est le coefficient défini à partir de la relation exponentielle entre la température du sédiment et les valeurs de flux de CO2 (F[CO2] = a T ek) présentée Figure 48G. La faible significativité (R² = 0.064 ; p > 0.05) ne permet pas de fournir un indice Q10 fiable à partir de nos mesures le long du gradient tidal. L’influence de la température sur les flux de CO2 est masquée par l’influence d’autres paramètres sédimentaires comme les propriétés sédimentologiques (porosité, quantité de MOT) ou biologique (présence de racines) entre les différents faciès biosédimentaires. Il est alors plus judicieux de mesurer un indice Q10 indépendamment pour chacun des faciès biosédimentaires pour finalement déterminer avec plus de justesse l’influence de la température du sédiment sur les taux de minéralisation benthiques.