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Partie 1: L’application des concepts de diplomatie culturelle et de, la marque

1.3 La Colombie dans les dix dernières années

1.3.3 Son positionnement au niveau international

Au XXIe siècle, la Colombie a fait l’objet d’une attention particulière de la communauté internationale dû au fait que ses grands problèmes internes comme le trafic de stupéfiants, les déplacements forcés, les dégâts environnementaux induits par la production et la fumigation des champs de drogues, la fragilisation des droits humains et le terrorisme sont des thèmes prioritaires du nouvel agenda international. « La liaison entre le conflit colombien et le trafic de drogues a toujours été un des principales arguments pour considérer ce conflit comme un problème de sécurité internationale »54, ce qui a joué un rôle essentiel dans la définition de la politique étrangère de la Colombie et dans son positionnement au niveau international tout en ayant également un effet sur l’image du pays.

Il est important de souligner que, depuis le XXe siècle, la politique étrangère colombienne a oscillé entre deux doctrines : d’une part, une doctrine orientée vers le nord, celle du « Respice pollum » qui fait référence à l’alignement de la Colombie avec les politiques des Etats-Unis et des pays développés ; d’autre part, la doctrine du « Respice Similia » orientée vers les pays similaires à la Colombie. Cette dernière doctrine valorise ainsi les relations de la Colombie avec ses voisins régionaux ou avec les pays en voie de développement. Cette dualité se traduit dans les différences qui distinguent la politique étrangère d’Alvaro Uribe de celle du président actuel, Juan Manuel Santos.

Mandat d’Alvaro Uribe Vélez

Les bons résultats de l’armée colombienne dans la lutte contre la guérilla durant le premier mandat du président Uribe (2002-2008) ont entraîné le repli des guérilleros vers les frontières. Plusieurs milliers de Colombiens ont traversé la frontière, en particulier vers le Venezuela et l’Equateur, afin de fuir la crise interne, le conflit est

54 Cancelado, Henry. “Las Redes Del Poder En El Sistema Internacional, Análisis Del Caso Colombiano.” Revista de relaciones internacionales, estrategia y seguridad Vol.1 No.2 (2007). (Accès Mai 10, 2016). http://www.umng.edu.co/documents/63968/76572/HCancelado.pdf.

ainsi devenu international aussi par le faite de refugiés colombiens dans les pays voisins.

La politique de « sécurité démocratique » a eu la chance de s’inscrire dans un agenda international faisant de la lutte contre le terrorisme une priorité. Dans ce sens, le gouvernement Uribe a fortement marqué son alignement avec les politiques de George W. Bush. Le Plan Colombia, déjà évoqué, a été l’outil qui a facilité le renforcement des relations entre les Etats-Unis et la Colombie. Cet alignement très fort a été mal perçu dans la région, dans un contexte politique régional dominé par les gauches latino-américaines.

L’application du respice pollum était manifeste : le gouvernement voyait dans son allié nord-américain la possibilité de disposer des ressources et de la coopération nécessaires à la lutte contre les deux fléaux de la guérilla et du trafic de drogue. L’exemple le plus clair des tensions alors à l’œuvre dans la région a été le bombardement réalisé par l’armée colombienne en 2008, sans l’autorisation du président équatorien, d’un champ des FARC localisé en territoire équatorien, à proximité immédiate de la frontière entre les deux pays. Les présidents Rafael Correa, Hugo Chávez et Evo Morales, grandes figures de la gauche latino-américaine, ont fortement réagi : cette crise diplomatique a dégradé les relations de la Colombie avec ses voisins et l’ont isolée au niveau régional.

La politique étrangère colombienne de cette période a été caractérisée par l’utilisation d’un type de diplomatie méconnu des colombiens : la « diplomatie microphone », dans laquelle le ministère des Affaires étrangères était marginalisé tandis que la diplomatie était coordonnée et gérée par le président et le ministre de Défense. L’arrivée au pouvoir du président Santos a, en revanche, donné lieu à un changement d’approche.

Mandat de Juan Manuel Santos

Le nouveau président de la Colombie prend ses fonctions en pleine crise diplomatique avec les voisins les plus importants du pays, le Venezuela et l’Equateur. Dès le premier jour de son mandat, il décide de faire montre aux présidents Hugo Chávez et Rafael Correa de son pragmatisme en les invitant à la cérémonie d’installation présidentielle. Les accords de San Pedro Alejandrino, signés en août 2010 entre le président Santos et Chávez, marquent quant à eux le début d’une nouvelle histoire de réconciliation, de travail mutuel et de normalisation des relations malgré les différences idéologiques et politiques entre les deux gouvernements, l’un de gauche et l’autre de centre droit. Cette approche du président Santos, dans laquelle s’inscrit le fait que sa première visite officielle a été au Brésil (et non pas aux Etats-Unis comme ç’avait été le cas de la plupart de ses prédécesseurs), marque un changement de doctrine en politique étrangère au profit du « respice similia ».

Le président Santos veut montrer à la communauté internationale une Colombie plus sure, avec une économie dynamique, ouverte aux investisseurs et aux touristes mais qui joue également un rôle important comme puissance régionale secondaire. Ceci s’est incarné dans le rôle joué par la Colombie dans la création de l’Alliance du Pacifique en 2012 : cette dernière est devenue la communauté économique plus attractive de la région et réunit le Mexique, le Pérou, le Chili et la Colombie. La Colombie a également joué un rôle très important dans la négociation des ODD (objectifs de développement durable) adoptés par tous les pays membres des Nations Unies lors du sommet de Rio+20 en septembre 2015. Ces objectifs définissent l’agenda de développement jusqu'à 2030 et succèdent aux objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Un dernier thème de l’agenda international sur lequel la Colombie a joué un rôle important est celui de la lutte contre les drogues. Avec quelques pays d’Amérique centrale, la Colombie a défendu aux Nations Unies en avril 2016 la nécessité de lutter contre ce fléau d’une autre manière. Après plusieurs décennies de lutte directe et frontale dont les

résultats ont été négligeables, les trafiquants et producteurs se sont adaptés aux nouvelles formes de lutte et le fléau demeure : la Colombie reste l’un des premiers producteurs de cocaïne. La Colombie et ses partenaires mènent aujourd’hui les réflexions au sein des Nations Unies afin de trouver des moyens innovants pour lutter contre la production, la commercialisation et le trafic de drogues.

Malgré la diversification de l’agenda d’une politique étrangère colombienne qui tâche de ne pas se focaliser uniquement sur le thème de la sécurité comme ce fut le cas durant le mandat du président Uribe, le thème central qui attire l’attention de la communauté internationale est le processus de paix avec les FARC engagé depuis 2012 à Cuba. La dimension régionale du conflit colombien a rendu indispensable la participation de la communauté internationale à la recherche d’une solution à celui-ci. Les pays amis et garants du processus de paix comme la Norvège, le Chili, Cuba et le Venezuela jouent un rôle essentiel dans les négociations entre les FARC et le gouvernement colombien.

Après avoir analysé la politique étrangère de la dernière décennie, nous pouvons affirmer que la politique interne détermine l’agenda international de la Colombie et que les thèmes dominants de cet agenda sont la sécurité et la lutte contre les drogues. Ainsi, bien que les deux présidents aient abordé la politique étrangère d’une manière différente, leur diplomatie a des points communs : l’intérêt de rapprocher la Colombie vers l’Asie de l’Est, l’adhésion de la Colombie à l’OCDE, la volonté de jouer un rôle exemplaire dans les structures d’intégration régionales et sous-régionales, ainsi que la promotion de la culture de la Colombie à l’étranger – ce que nous verrons dans la deuxième partie.

Conclusion partielle de la première partie

La diplomatie culturelle et la marque pays sont deux outils de diplomatie publique qui aident à mobiliser les idées, qui permettent de donner de la valeur aux ressources de soft power de chaque pays ce qui peut se traduire à long terme par une amélioration ou une consolidation de l’image positive d’un pays. Le message que chacun de ces outils va transmettre doit cependant être soutenu par une stratégie de communication claire et structurée sur le long terme.

Les différentes études d’impact menées pour évaluer les effets des politiques de diplomatie culturelle ou le développement d’une bonne stratégie de marque pays arrivent à la même conclusion : il n’y a pas de moyen unique pour mesurer leur impact. Ce constat a conduit à la création de différents index qui visent à évaluer le pouvoir d’influence d’un pays : Soft power index, Futurebrand country brand index, entre autres. En l’absence de variables fixes permettant de mesurer l’influence d’un pays dans le monde, la perception de cette dernière est difficile à quantifier : il existera donc autant d’index et de moyens de mesure que de perceptions. Ceci est un vrai défi pour les acteurs en charge des activités de diplomatie culturelle ou des stratégies de marque pays, dès lors qu’il n’est pas aisé de démontrer les résultats obtenus par ces outils très coûteux.

Pour un pays comme la Colombie qui, au cours des dix dernières années, est devenu une économie émergente, a amélioré sa situation sécuritaire et qui joue désormais un rôle de puissance régionale secondaire, la marque pays ainsi que la diplomatie culturelle constituent des facteurs qui valorisent ses bons résultats. Par conséquent, il est nécessaire de regarder en détail la manière dont la Colombie a utilisé ses politiques publiques pour améliorer son image à l’étranger au cours des dix dernières années, ce qui sera exposé dans la deuxième partie de ce mémoire.

Partie 2: Evolution de la diplomatie culturelle et de la