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Les objectifs de la diplomatie culturelle colombienne, son budget et ses activités . 41

Partie 2: Evolution de la diplomatie culturelle et de la marque pays colombienne

2.1 La diplomatie culturelle colombienne au cours des dix dernières années

2.1.2 Les objectifs de la diplomatie culturelle colombienne, son budget et ses activités . 41

Afin de comprendre en détail le fonctionnement de la diplomatie culturelle colombienne et de déterminer l’existence ou non d’une continuité dans le long terme, il est nécessaire d’examiner quels ont été les objectifs que celle-ci s’est fixés pendant les trois derniers mandats présidentiels. Pendant le deuxième mandat du président Uribe (2006-2010), l’objectif de la DIAC était d’aborder la culture « comme un facteur transversal qui aura une importance majeure pour la consolidation des relations stratégiques bilatérales, l’élan des processus d’intégration, le rapprochement vers l’Asie-Pacifique et l’Océanie et

59 Interview Directeur des Affaires Culturelle au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisé le 22 mars 2016.

l’élargissement de l’agenda international vers des thèmes positifs avec de nouveaux interlocuteurs »61.

Pour le premier mandat du président Santos (2010-2014), l’objectif était de « générer et profiter du positionnement de la Colombie dans les dynamiques et thématiques mondiales en participant dans les forums d’Amérique Latine et des Caraïbes ainsi que d’Asie-Pacifique et établir un agenda international diversifié orienté vers des thèmes qui engendrent le développement »62. Pour son deuxième mandat (2014-2016) le gouvernement a fixé à la diplomatie culturelle l’objectif suivant : « promouvoir la Colombie comme un pays moderne, innovateur, divers, inclusif et engagé pour la recherche d’une coexistence pacifique en profitant des scénarios pour le positionnement de la Colombie dans les thématiques et dynamiques mondiales »63

Il est possible d’identifier une continuité de la diplomatie culturelle au cours de ces trois mandats présidentiels. Plusieurs éléments de continuité se distinguent : la Colombie recherche grâce à cet instrument des nouveaux partenaires, elle cherche aussi à consolider les relations avec ses partenaires traditionnels et elle veut diversifier les thématiques de son agenda international historiquement dominé par le thème de la sécurité.

On peut affirmer que la diplomatie culturelle colombienne est un rare exemple d’une politique d’Etat plutôt que de gouvernement en Colombie, puisque comme cela a été évoqué, le pouvoir du président est significatif et que, tous les quatre ans, le nouveau président instaure de nouvelles politiques et de nouvelles

61 Ministerio de Relaciones Exteriores. (2008). Op.Cit.p.78

62 Cancilleria, R. E. (2013, January). Proyecto de inversión promoción de Colombia en el Exterior- Resumen ejecutivo. Retrieved from https://www.cancilleria.gov.co/sites/default/files/informe-ejecutivo-2012-promocion-col-exterior.pdf

63 Ministerio de relaciones exteriores. (2016). Resumen ejecutivo Plan de Promoción de Colombia en el Exterior. Retrieved from

https://www.cancilleria.gov.co/sites/default/files/planeacion_estrategica/promocin_de_colombia_en _el_exterior.pdf p.3

manières d’agir pour se différencier de son prédécesseur. Cela se fait parfois au détriment de l’obtention de bons résultats, surtout dans des domaines où les résultats ont besoin de temps pour se matérialiser. La diplomatie culturelle colombienne se caractérise par une continuité dans les dix dernières années, alors même qu’elle a évolué pour s’adapter au style du gouvernement : la forme a changé mais non le fond, puisque l’objectif reste le même. Cet instrument de la politique étrangère s’adapte au contexte et propose des activités dans de domaines nouveaux tels que la diplomatie sportive, les activités gastronomiques ou encore la promotion de l’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère en Colombie.

En termes de budget la DIAC été accoutumée à avoir un budget annuel compris entre 3 et 4 millions de pesos, soit environ 2 millions de dollars. Cependant, depuis le deuxième mandat du président Uribe, son budget a peu à peu augmenté : entre 2007 et 2015, la moyenne du budget annuel a été de 7,6 millions de pesos, presque le double de la moyenne observée jusqu’alors. L’évolution du budget consacré aux activités culturelles du MAE peut être observée dans le graphique n°5. La courbe nous montre que le montant annuel a été plus ou moins constant entre 2009 et 2012 ; mais l’existence de fortes fluctuations de ce budget fragilise la continuité des activités culturelles à l’étranger. Ainsi, entre 2007 et 2009, y a-t-il eu une diminution du budget annuel de 44% ; entre 2012 et 2013, en revanche, il y a eu une augmentation de 223%, tandis qu’2013 et 2015 a été enregistrée une nouvelle baisse, de 43%. Ces fortes variations du budget annuel de la DIAC se font au détriment de la constance des missions de Colombie à l’étranger et mettent en péril l’atteinte des objectifs fixés pour cette diplomatie culturelle à long terme. Les variations du budget déterminent aussi la quantité d’activités culturelles réalisées et le nombre de pays où elles ont lieu. Ce constat est manifeste si l’on compare la courbe du graphique n°5 (budget annuel entre 2007 et 2015) celle du graphique n°6 (quantité d’activités culturelles réalisées par la DIAC à travers les missions diplomatiques de la Colombie à l’étranger dans cette même période), et

celle du graphique n°7 (nombre de pays où la Colombie a été présente à travers ses actions culturelles). Ces courbes peuvent pratiquement se superposer : les variations du budget semblent impacter directement les deux autres variables. Il est ainsi possible d’affirmer que les variations fortes du budget affectent la présence de la Colombie à travers les activités culturelles : plus le budget est élevé, plus la présence de la Colombie est importante ; s’il diminue, la présence de la culture colombienne et son positionnement à l’étranger sont remis en question. On observe ainsi qu’entre 2007 et 2009, la diminution du budget s’est traduite par une diminution de 45% du nombre d’activités culturelles réalisées. A l’inverse, entre 2012 et 2013, lorsqu’a été enregistrée l’augmentation la plus forte du budget, la quantité d’activités a augmenté de 169%. Enfin, entre 2013 et 2015, le nombre d’activités s’est réduit de 37%, passant de 317 activités à 199.

Graphique No.5

Source : Chiffres Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport DIAC 2015.

9.824 5.508 5.499 4.857 5.879 13.143 9.019 7.600 2007 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Budget de la Direction des Affaires

Culturelles, 2007-2015

(millions de pesos)

Graphique n°6

Source : Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport DIAC 2015.

Graphique n°7

Source : Ministère des Affaires Etrangères de Colombie Rapport 2015.

417 317 230 231 149 185 314 214 199 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Quantité d'activités culturelles entre

2007 et 2015

Numéro d'activités culturelles

27 43 52 46 46 54 59 70 54 58 0 10 20 30 40 50 60 70 80 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Nombre de pays où se sont déroulées les

activités culturelles colombiennes entre

2006 et 2015

Il est également nécessaire de souligner que le nombre de pays où se déroulent les activités culturelles est lié au nombre de missions diplomatiques de la Colombie à l´étranger. La Colombie possède aujourd’hui 59 ambassades à l’étranger ; durant la précédente mandature, ce nombre n’était que de 52, ce qui explique une présence de la Colombie plus réduite. La plus forte présence de la Colombie pendant le gouvernement Uribe a été atteinte en 2008, avec des activités culturelles dans 52 pays, tandis qu’avec le président actuel, qui a ouvert sept nouvelles ambassades, cette présence a augmenté. Un pic a été atteint en 2013, année durant laquelle la Colombie a été présente dans 70 pays. Ce chiffre signifie qu’il y a encore un grand nombre de pays dans lesquels la Colombie n’a pas mené d’activités culturelles et avec lesquels les relations pourraient être renforcées. Si cette présence est en lien direct avec les objectifs stratégiques du MAE, la Colombie pourrait établir davantage de ponts et de canaux de dialogue. Dans cette perspective, les ambassades doivent aller au delà de la réalisation d’activités dans les seules capitales où est située l’ambassade et être plus actives auprès des pays avec lesquels elles partagent des compétences complémentaires.

2.1.3 De nouvelles activités dynamisent la diplomatie culturelle colombienne

L’action culturelle dans le monde se compose d’activités musicales, d’arts visuels, cinématographiques et d’arts scéniques, qui sont autant de domaines dans lesquels la Colombie est active. Cependant, le gouvernement Santos a introduit des initiatives nouvelles qui, comme l’affirme le directeur de la DIAC, « ouvrent des espaces pour aller au-delà des circuits classiques de la diplomatie culturelle »64. La diplomatie culturelle colombienne propose ainsi des activités innovantes, telles que la promotion de l’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère et le déploiement d’une stratégie de diplomatie sportive et musicale.

L’apprentissage de l’espagnol comme langue étrangère vise, d’une part, à promouvoir la Colombie comme lieu d’apprentissage de cette langue à travers le

64Interview du directeur des Affaires culturelles au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisée le 22 mars 2016.

cours d’espagnol pour guides touristiques des pays membres du Forum de coopération Amérique Latine-Asie de l’Est (FEALAC) et, d’autre part, à promouvoir la culture colombienne en offrant des cours d’espagnol aux diplomates des pays avec lesquels la Colombie souhaite renforcer ses relations : Guyane, Ghana, Jamaïque, Kazakhstan, Azerbaïdjan, Surinam et Barbados.

Le cours d’espagnol pour guides touristiques a eu un double impact : d’une part pour les universités colombiennes qui, dans différentes villes (Bogotá, Manizales, Medellín et Bucaramanga), ont reçu près de 170 citoyens provenant de pays relativement méconnus des Colombiens : le Myanmar, le Vietnam, le Laos, l’Indonésie, la Malaisie, la Chine, le Cambodge, Singapour ou la Thaïlande. D’autre part, il a permis de faire de la Colombie une destination pour l’apprentissage de l’espagnol par les ressortissants d’une région lointaine avec laquelle le MAE veut créer et renforcer des liens de coopération. En 2013, l’Agence Présidentielle de Coopération Internationale (APC-Colombia) a qualifié cette initiative de meilleur programme de coopération sud-sud de la Colombie. Le programme, qui a eu un grand impact, a déjà été renouvelé trois fois depuis 2013 et pourrait être pérennisé (cf. annexe 1).

Par ailleurs, la DIAC a mis en place depuis 2011 un programme d’échanges sportifs qui a été suivi par un programme d’échanges musicaux, lesquels visent à attirer les enfants et adolescents proches du conflit colombien (18 municipalités ont été identifiées comme prioritaires) et à les éloigner du recrutement forcé par des groupes organisés illégaux tout en renforçant leur inclusion sociale. Il s’agit d’un programme très particulier, qui apparaît comme un instrument de diplomatie reflétant les caractéristiques et difficultés liées au contexte interne de la Colombie mais en y ajoutant un aspect international. Comme son directeur l’affirme, « ce programme veut montrer comment la Colombie prend soin de ses jeunes et met en valeur les expressions culturelles et sportives locales des jeunes »65. Il s’agit donc

65 Interview avec le directeur des Affaires culturelles au MAE-Colombie, Luis Armando Soto Boutin, réalisée le 22 mars 2016.

bien d’une nouvelle manière de promouvoir la Colombie, qui incarne l’engagement de la Colombie pour prévenir l’accès des jeunes aux groupes illégaux.

Entre novembre 2011 et décembre 2015, plus de 1067 enfants et adolescents ont participé à ces échanges sportifs et musicaux. Dans près de 16 disciplines sportives et 10 genres musicaux, les jeunes ont voyagé dans plus de 40 pays différents, où ils ont effectué des entraînements sportifs avec des entraîneurs et des jeunes de leur âge et rencontré des personnalités du sport qu’ils pratiquent. C’est le cas des jeunes qui ont fait un échange en athlétisme en Jamaïque et ont rencontré Usain Bolt, ou encore des jeunes qui ont fait un échange en football à Dubaï et ont rencontré Diego Maradona en 2014 (cf. annexe 2). Une récente étude d’impact sur l’un des projets de diplomatie sportive a montré que, lors de l’échange à l’étranger, les enfants apprennent que le sport est une source d’opportunité et veulent ensuite réellement construire un meilleur projet de vie. Ils ont une meilleure conscience de la vie en communauté et veulent poursuivre une formation académique qui leur assure un meilleur avenir66.

Il s’agit donc d’un programme qui ouvre l’esprit des jeunes et qui s’inscrit dans le cadre d’une approche innovante, puisque la diplomatie s’articule ici avec une action d’inclusion sociale. Elle a également un double impact : d’un côté, un impact positif sur la communauté locale qui participe aux échanges ; d’un autre côté, une promotion positive du pays à l’étranger. C’est un modèle qui attire l’attention et le directeur du programme a indiqué qu’un pays comme le Paraguay avait déjà manifesté son souhait de le reproduire.