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Sommeil et mémoire épisodique chez le sujet âgé

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III. Relations entre sommeil et mémoire au cours du vieillissement

3. Sommeil et mémoire au cours du vieillissement Comme nous l avons vu en fin de chapitre précédent, le vieillissement s accompagne d une

3.1. Sommeil et mémoire épisodique chez le sujet âgé

La mémoire épisodique est le système de mémoire le plus vulnérable aux effets de l âge, et fait l objet de plaintes spontanées de la part des sujets âgées (Wang et al., 2017, pour revue). Comme cela a été décrit précédemment, les travaux menés chez le jeune adulte ont montré que la mémoire épisodique est consolidée principalement au cours du sommeil lent profond. Ce stade de sommeil étant particulièrement affecté au cours du vieillissement, nous pouvons nous attendre à une perturbation du processus de consolidation en mémoire épisodique au cours du sommeil chez le sujet âgé.

En 2007, dans une étude incluant une analyse du sommeil par polysomnographie, Backhaus et collaborateurs ont évalué la consolidation d informations en mémoire épisodique au cours du sommeil chez des sujets jeunes et âgés, grâce à une tâche d apprentissage de paires de mots (Backhaus et al., 2007). Le protocole comportait deux conditions. Dans la première, une partie des sujets réalisait l apprentissage des paires le soir, dormait puis était réveillée 3 heures plus tard pour rappeler les paires. Dans cette condition, les sujets bénéficiaient d un intervalle de rétention dominé par du sommeil lent profond. Dans la seconde condition, les participants apprenaient les paires en milieu de nuit, dormaient puis étaient réveillés au matin pour le rappel. Dans cette condition, les sujets bénéficiaient d un intervalle de rétention dominé par du sommeil paradoxal. Les performances initiales des deux groupes de sujets étaient équivalentes, suggérant que les paires de mots étaient correctement encodées par l ensemble des sujets. En revanche, les auteurs ont observé de moins bonnes performances de rappel chez les sujets âgés mais uniquement lorsque l intervalle de rétention se situait en début de nuit. Enfin, la quantité de sommeil lent profond était positivement corrélée aux scores mnésiques. Les données de cette étude révèlent donc un trouble de la consolidation mnésique chez les sujets âgés lié à la diminution de la quantité de sommeil lent profond.

Mander et collaborateurs (2013) ont cherché à confirmer l altération du processus de consolidation mnésique au cours du vieillissement. Dans une étude incluant une polysomnographie, une IRM structurale et une tâche évaluant la consolidation de paires de mots, ils ont montré, grâce à des analyses de médiation, que l atrophie des régions frontales serait associée à une diminution de l activité ondes lentes ou « slow wave activity », définie comme la puissance spectrale du signal dans la bande de fréquence delta) chez les sujets âgés, et cette diminution serait à son tour associée à une altération de la consolidation mnésique. Dans une autre étude, ces mêmes auteurs ont montré que les participants âgés présentent, comparés à des sujets jeunes, une réduction importante de la fréquence et de la densité des fuseaux de sommeil au niveau du cortex préfrontal, ce qui pourrait également expliquer l altération des processus de consolidation mnésique dépendants de l hippocampe (Mander et al., 2014). Westerberg et al. (2015) ont montré, grâce à un protocole de siestes chez des sujets âgés, que des stimulations électriques transcrâniennes visant à augmenter les ondes lentes, entraînaient une amélioration des performances de mémoire épisodique par rapport à des stimulations placebo, confirmant

le rôle des ondes lentes dans la consolidation de la mémoire épisodique chez le sujet âgé. Cependant, Eggert et collaborateurs (2013) nont pas montré d effet bénéfique de la stimulation électrique transcrânienne sur les performances de mémoire.

Dans une étude de Cherdieu et collaborateurs (2014) des sujets jeunes et âgés étaient séparés en deux groupe : le premier groupe devait apprendre l emplacement de paires de cartes (jeu du Memory) le matin puis était retesté le soir après une période de veille, tandis que le second réalisait l apprentissage le soir puis était retesté le lendemain matin après une nuit de sommeil. Les auteurs rapportent des différences significatives entre les sujets jeunes et âgés au niveau de l architecture de sommeil. De plus, dans le groupe ayant dormi après l apprentissage, les sujets âgés obtiennent des performances de rappel plus faibles par rapport aux sujets jeunes, suggérant qu ils n ont pas bénéficié de l effet du sommeil sur les traces nouvellement créées. Enfin, les performances des sujets âgés après une nuit de sommeil n étaient pas meilleures par rapport à celles mesurées après une période de veille. Dans une étude menée également chez un groupe de sujets jeunes et âgés, Mary et collaborateurs ont proposé à leurs participants d apprendre des paires de mots couplées à des paires d images (Mary et al., 2013). Les sujets étaient par la suite testés immédiatement après l apprentissage, minutes plus tard et enfin une semaine plus tard. Les résultats montrent que les deux groupes d âge obtiennent des performances similaires lors du rappel immédiat et à 30 minutes. Cependant, les performances des sujets âgés déclinent de manière significative par rapport aux sujets jeunes après un délai d une semaine. De plus, les auteurs ont montré une association négative entre le nombre de réveils au cours des nuits suivant l apprentissage, rapportés par les participants à l aide d un agenda de sommeil, et les performances à la tâche de mémoire. Ces résultats suggèrent ainsi que la qualité subjective de sommeil, et plus particulièrement la fragmentation du sommeil, serait liée aux capacités de rétention des informations chez les sujets âgés.

Cependant, bien que ces études aient proposé des arguments en faveur d une altération de la consolidation mnésique au cours du sommeil chez le sujet âgé, d autres travaux rapportent des résultats contradictoires. Ainsi, alors que Backhaus et collaborateurs (2007) montraient qu une diminution du temps passé en sommeil lent profond prédirait une altération de la consolidation mnésique, l étude de Scullin (2013) ne montre aucun lien entre les performances à une tâche d apprentissage et de rappel de paires de mots et

le sommeil lent profond. Dans une étude de Wilson et al. (2012), des sujets jeunes et âgés devaient réaliser un apprentissage de paires de mots qui, contrairement à l étude de Backhaus et al. (2007), étaient non-liés sémantiquement. Les sujets étaient retestés après deux nuits de sommeil. Les données ne montrent aucune différence entre les groupes après l intervalle de rétention de sommeil, suggérant par conséquent que les modifications du sommeil liées à l âge n auraient pas d impact sur les performances de rappel pour ce type d apprentissage. Enfin, Aly et Moscovitch (2010) ont comparé les performances de mémoire épisodique d un groupe de sujets jeunes et d un groupe de sujets âgés. La première tâche consistait en l apprentissage de deux histoires de l échelle de mémoire de Wechsler, tandis que la seconde évaluait les capacités des participants à se rappeler d événements personnels récents. Les participants étaient contactés par téléphone, et les performances de rappel des sujets étaient comparées après une période de veille ou de sommeil. Les résultats ont montré que le bénéfice du sommeil par rapport à la veille sur la consolidation des apprentissages était similaire chez les deux groupes. De plus, le nombre d heures passées à dormir était positivement corrélé aux performances de rappel. Ainsi, les auteurs proposent que lorsque le matériel utilisé est pertinent ou met en jeu des éléments plus personnels, les différences liées à l âge seraient plus modestes.

Dans le document en fr (Page 59-62)