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Un effet de la réserve cognitive ?

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DISCUSSION GÉNÉRALE

II. Réserve cognitive et réflexions sur la période critique

1. Un effet de la réserve cognitive ?

Dans notre première étude, outre l effet de l environnement virtuel sur les performances de mémoire prospective, les résultats que nous avons obtenus soulèvent la question de l effet de la réserve cognitive sur le sommeil et la mémoire. Comme nous l avons décrit dans la deuxième partie de cette thèse, la réserve cognitive est un concept selon lequel l ensemble des connaissances et acquis cognitifs développés par les activités menées tout au long de la vie (scolarité, activité professionnelle, loisirs, interactions sociales) permettrait de compenser les effets négatifs du vieillissement ou la détérioration des facultés mentales, provoquées par le développement d une maladie neurodégénérative telle que la maladie d Alzheimer (Tucker & Stern, 2011 ; Stern, 2012 ; Arenaza-Urquijo et al., 2015, pour revues). La réserve cognitive correspondrait à la capacité d un individu à optimiser ses performances cognitives en recrutant de façon accrue les réseaux normalement impliqués pour réaliser une tâche spécifique, des réseaux différents ou encore en utilisant des stratégies cognitives alternatives. Elle est généralement estimée par le niveau d éducation (Valenzuela & Sachdev, 2006 ; Kalpouzos et al., 2008 ; Meng & D Arcy, , pour revues).

Les sujets âgés ayant participé à notre protocole avaient, pour la majorité d entre eux, un niveau d étude supérieur à la moyenne sur sujets âgés, d entre eux avaient le BAC ou un diplôme d études supérieures , et avaient un style de vie enrichi et cognitivement stimulant certains travaillaient toujours, d autres pratiquaient ou une plusieurs activités et avaient de nombreuses interactions sociales). Ainsi, en lien avec les résultats rapportés par de précédents travaux, nous pouvons supposer que l absence d effet délétère de l âge sur la mémoire prospective pourrait s expliquer, au moins en partie, par une réserve

cognitive élevée protégeant les sujets des atteintes cérébrales liées au vieillissement et favorisant le maintien d un sommeil de bonne qualité et de la mémoire.

Les données de la seconde étude nous ont permis d approfondir la question de l impact du style de vie et de la réserve cognitive sur la relation entre sommeil et cognition.

L effet de la pratique d une activité physique sur la qualité de sommeil a fait l objet de nombreux travaux, et il est largement admis que l équilibre entre sommeil et activité physique est essentiel en raison de leur influence réciproque (Youngstedt & Kline, 2006 ; Chennaoui et al., 2015, pour revues). Étant donnés les liens entre l activité physique et le sommeil d une part, et la relation entre le sommeil et le fonctionnement cognitif d autre part, il apparaît probable que l activité physique puisse améliorer la cognition à travers une amélioration de la qualité de sommeil. Cependant, et contrairement à notre hypothèse, nos résultats n ont pas mis en évidence d effet modérateur du degré d activité physique actuel sur l association entre sommeil et cognition à un âge avancé. Bien que nos résultats s opposent à ceux rapportés par Wilckens et collaborateurs (Wilckens et al., 2018), qui mettaient en évidence un effet médiateur de l efficacité de sommeil sur la relation entre l activité physique et le fonctionnement exécutif, une récente étude suggère que l activité physique ne serait pas associée au fonctionnement cognitif chez le sujet âgé (Falck et al., 2018). Compte tenu du peu de travaux ayant cherché à déterminer le rôle potentiel de l exercice physique sur l association entre sommeil et cognition, de plus amples investigations sont requises. En effet, l activité physique peut se décompenser en différentes catégories, et plusieurs auteurs ont cherché à déterminer si son impact sur le sommeil et la cognition pouvait dépendre de la nature et de l intensité des exercices pratiqués.

Par ailleurs, les données que nous avons obtenues dans notre seconde étude soulignent l importance de l engagement cognitif au cours de la vie comme moyen de se construire une solide réserve cognitive et ainsi préserver un fonctionnement cognitif optimal à un âge avancé. Nos résultats ont en effet révélé que l engagement dans des activités cognitives tout au long de la vie modulait la relation entre le sommeil, et plus particulièrement le sommeil lent profond, et les performances lors de tâches évaluant les fonctions exécutives et la mémoire épisodique chez des individus âgés. De façon plus précise, pour les participants ayant été fortement engagés cognitivement au cours de la

vie, nous n avons pas montré d association entre la proportion de sommeil lent profond et les performances cognitives. A l inverse, nos résultats ont révélé une relation positive entre la quantité de sommeil lent profond et la cognition pour les participants ayant été peu stimulés cognitivement par le passé. Ainsi, tandis que les individus fortement stimulés cognitivement au cours de la vie pourront être en mesure de maintenir un fonctionnement cognitif efficace, même en cas de troubles du sommeil affectant la quantité de sommeil à ondes lentes, les individus moins stimulés sur le plan cognitif apparaîtraient plus vulnérables aux effets négatifs d une réduction de sommeil lent profond. Comme l ont auparavant montré d autres auteurs (Wilson et al., 2013 ; Vemuri et al., 2014 ; Dekhtyar et al., 2016 ; Ko et al., 2018), nos résultats suggèrent que l engagement cognitif au cours de la vie conditionnerait le fonctionnement cognitif à un âge avancé.

L effet bénéfique de la réserve cognitive sur la cognition au cours du vieillissement a fait l objet de nombreux travaux par le passé (Yaffe et al., 2011 ; Wilson et al., 2012, 2013 ; Zahodne et al., 2015 ; Pool et al., 2016). Concernant les liens avec le sommeil, des études épidémiologiques rapportent que les individus ayant un faible niveau d étude seraient plus enclins à rapporter une plainte de sommeil (Hale, 2005 ; Friedman et al., 2007 ; Grandner et al., 2010). De plus, Zimmerman et collaborateurs (2012) ont montré qu un faible niveau d étude pouvait exacerber l impact négatif d un sommeil de mauvaise qualité sur certaines performances cognitives. Enfin, une étude a également rapporté un effet protecteur de la réserve cognitive contre l impact des apnées du sommeil, une pathologie fréquente chez les personnes âgées, sur la cognition (Alchanatis et al., 2005). Cependant, ces études se sont essentiellement focalisées sur des populations de sujets présentant des troubles du sommeil.

Ainsi, les résultats de ces deux études soulignent l importance de la réserve cognitive sur la relation entre sommeil et cognition au cours du vieillissement, et apportent de nouveaux arguments chez des individus âgés sains.

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