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Plainte de sommeil et vieillissement cognitif

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II. Sommeil et vieillissement cognitif

1. Plainte de sommeil et vieillissement cognitif

Comme nous l avons vu précédemment, la plainte de sommeil est fréquente chez les personnes âgées, et reflèterait entre autres un sommeil fragmenté et non réparateur (Ohayon, 2002 ; Ancoli-Israel, 2009 ; Cooke & Ancoli-Israel, 2011 ; voir partie I. 5. 1.).

Plusieurs auteurs ont mis en évidence qu une mauvaise qualité de sommeil, évaluée au moyen de l Index de Qualité de Sommeil de Pittsburgh PSQI, Buysse et al., 1989), était associée à un fonctionnement cognitif moins efficace (Schmutte et al., 2007 ; Chang-Quan

et al., 2012 ; Amer et al., 2013 ; Lo et al., 2014), ainsi qu à une augmentation du risque de déclin cognitif (Potvin et al., 2012 ; Lee et al., 2019). De façon plus précise, un sommeil de mauvaise qualité serait associée à une diminution des performances dans différents domaines cognitifs, notamment lors de tâches de mémoire (Schmutte et al., 2007 ; Nebes et al., 2009 ; Miller et al., 2014 ; Tsapanou et al., 2017) et exécutives (Nebes et al., 2009 ; Miller et al., 2014 ; Waller et al., 2016). Dans une étude de Nebes et collaborateurs (2009) menée chez des sujets âgés de 65 à 80 ans, les auteurs ont montré que les participants qui rapportaient une mauvaise qualité de sommeil présentaient de moins bonnes performances aux tests évaluant la mémoire de travail, les processus attentionnels et la résolution de problèmes par rapport aux sujets estimant avoir une bonne qualité de sommeil. De la même manière, les travaux de Miyata et al (2013) ont mis en évidence que la qualité et la durée de sommeil étaient toutes deux associées au fonctionnement cognitif, un sommeil de courte durée (< 5 heures) et de mauvaise qualité conduisant à de moins bonnes performances.

Les associations entre la durée de sommeil et la cognition au cours du vieillissement ont également fait l objet de nombreuses études (Yaffe et al., 2014 ; Scullin & Bliwise, 2015a ; Devore et al., 2016). Une courte durée de sommeil ( 5 heures) rapportée par les participants serait associée à une plainte cognitive plus importante (Ohayon & Vecchierini, 2005 ; Schmutte et al., 2007), ainsi qu à de moins bonnes performances cognitives (Tworoger et al., 2006) et un déclin cognitif plus important (Keage et al., 2012 ; Lo et al., 2014 ; Niu et al., 2016). Par ailleurs, dans une étude incluant des mesures en neuroimagerie, Spira et collaborateurs (2013) ont étudié la relation entre la durée de sommeil rapportée par les sujets et la charge amyloïde chez une population de sujets âgés. Leurs résultats ont montré que les participants qui rapportaient dormir moins de 6 heures par nuit présentaient des dépôts amyloïdes plus nombreux, notamment dans le précuneus, région précocement touchée dans la maladie d Alzheimer. De la même manière, ces mêmes auteurs ont montré qu une durée de sommeil de moins de heures était associée à une réduction plus importante du volume cérébral au niveau des régions fronto-temporales (Spira et al., . D autres auteurs ont également montré l impact de la privation de sommeil sur l intégrité des structures cérébrales au cours du vieillissement (Kaufmann et al., 2016 ; voir Scullin, 2017 pour revue). Par exemple, une étude en imagerie fonctionnelle a montré que la privation totale de sommeil entraînait une

réduction de la connectivité entre les régions frontales, régions cérébrales impliquées dans le fonctionnement exécutif (Shao et al., 2014).

Différents mécanismes ont été proposés pour expliquer en quoi une durée de sommeil insuffisante serait associée à un dysfonctionnement cognitif. Plusieurs travaux ont ainsi suggéré qu un sommeil de courte durée entraînerait des dommages neuronaux qui, au fil du temps, conduiraient à une atrophie corticale et à un déclin des fonctions cognitives (Sexton et al., 2014). Par ailleurs, comme cela a été décrit précédemment (voir partie I. 4. sur les fonctions du sommeil), le sommeil jouerait un rôle crucial dans l élimination de certains métabolites toxiques, tels que le peptide amyloïde (Ooms et al., 2014). Ainsi, un sommeil de courte durée altérerait ce processus de clairance, et conduirait par conséquent à des dommages cérébraux eux-mêmes à l origine de troubles cognitifs. De façon intéressante, d autres chercheurs ont également rapporté une association entre de moins bonnes performances cognitives et une durée de sommeil anormalement longue (c est-à-dire supérieure à 9 ou 10 heures ; Miller et al., 2014 ; Tsapanou et al., 2017 ; van Oostrom et al., 2018). Dormir longtemps serait un facteur augmentant le risque de déclin cognitif et de développer une démence (Benito-León et al., 2009 ; Westwood et al., 2017 ; Ohara et al., 2018 ; van Oostrom et al., 2018). Bien que plusieurs mécanismes aient été proposés pour expliquer en quoi une durée de sommeil insuffisante serait associée à des troubles cognitifs, la question de l impact d une longue durée de sommeil sur la cognition demeure en suspens. Toutefois, des durées de sommeil anormalement longues pourraient être le reflet d une typologie particulière « longs dormeurs ») ou bien refléter certaines pathologies telles qu un syndrome d apnées du sommeil Benito-León et al., 2013) ou une hypersomnie.

La durée de sommeil jouerait un rôle sur la cognition et le risque de démence, et un sommeil trop court ou au contraire trop long impacterait négativement le fonctionnement cognitif (Chen et al., 2016 ; Ramos et al., 2016 ; Bokenberger et al., 2017). Ces résultats suggèrent donc un lien de cause à effet entre mauvaise qualité de sommeil et déclin cognitif. Toutefois, ces résultats ne sont pas systématiquement retrouvés (Cavuoto et al., 2016 ; Lysen et al., 2018). Dans une récente étude menée sur une importante cohorte de sujets âgés, Lysen et collaborateurs (2018) ont cherché à déterminer si la qualité de sommeil permettait de prédire le développement d une démence. Contrairement aux

résultats rapportés jusqu ici, les auteurs n ont montré aucune association entre une mauvaise qualité de sommeil et le risque de démence. Compte tenu de l étroite relation entre plainte cognitive et plainte de sommeil, une des explications possibles serait qu un déficit cognitif pourrait interférer avec la perception de la qualité de sommeil (Kronholm et al., 2009). De plus, certaines études ont montré que la relation entre qualité subjective de sommeil et cognition pouvait être modérée par la présence de symptômes dépressifs (Sutter et al., 2012 ; Hahn et al., 2014), mais aussi par la présence de pathologies du sommeil comme le syndrome d apnées du sommeil Gosselin et al., , pour revue). Ainsi, malgré les avantages des méthodes d évaluation subjective du sommeil coût minime, rapidité de la passation, questionnaires faciles à remplir par les sujets), l utilisation de méthodes objectives est indispensable afin d explorer plus finement les liens entre sommeil et cognition au cours du vieillissement.

2. Qualité objective de sommeil et vieillissement

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