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Quelles solutions pour réduire le nombre de paludisme d’importation chez l’enfant en France ?

Dans le document UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6) (Page 96-101)

Ces résultats illustrent certaines limites de notre système de santé. Ce dernier met-il en oeuvre

tous les moyens pour empêcher une maladie qui peut être évitable par l’application de

mesures appropriées ? Quel est l’impact en terme de coûts et de santé publique ? Quelles

solutions pouvons-nous proposer ?

1) Diffuser plus largement les messages de prévention

L’information du voyageur doit prévaloir. La sensibilisation du voyageur au risque de

paludisme peut être réalisée à travers l’usage de nombreuses sources d’information (médias,

voyagistes, pharmaciens d’officine…) et par l’intermédiaire des consultations préalables au

voyage auprès d’un médecin ; qui doit être à même, en plus des conseils de prévention,

d’informer sur les signes d’alerte pendant le séjour et dans les mois qui suivent le retour qui

doivent amener le patient à consulter [31].

2) Adapter la médication au risque réel du voyage

L’adaptation de la chimioprophylaxie au voyage est difficile pour plusieurs raisons : défaut

d’information des médecins prescripteurs, coûts importants de la plupart des médications qui

conduisent au remplacement d’une prophylaxie adaptée à une prophylaxie inadaptée mais

moins coûteuse, quid des séjours prolongés et des jeunes enfants… Le choix du médicament

antipaludéen doit être une décision réfléchie du prescripteur qui tient compte du profil du

voyageur, du risque de paludisme, et surtout du budget de la famille.

Concernant les séjours prolongés, la proposition de certains médecins de ne pas donner de

traitement prophylactique chez ces enfants qui partent longtemps (car « on sait déjà que le

traitement sera arrêté ») mais de les laisser partir avec seulement un traitement curatif de

réserve, est dangereuse [77]. La prophylaxie antipaludéenne pour des séjours prolongés (>2

mois) est d’autant plus importante à prescrire car le risque de contracter un paludisme

augmente avec la durée du séjour. Chez ces patients, l’administration quotidienne pendant de

longues durées est considérée comme un facteur de risque de mauvaise observance. Il peut

leur être recommandé la prescription de méfloquine puisque son administration hebdomadaire

permettrait une meilleure adhésion. Ces voyageurs nécessitent des conseils spécialisés de

médecine du voyage.

La consultation avant le séjour est longue mais nécessaire, avec comme principales

finalités l’identification des facteurs de risque de non-observance et la délivrance d’une

prescription adéquate, en s’assurant d’une bonne compréhension par la famille.

3) Développer la formation et l’information des médecins de première ligne à la

consultation précédant le voyage : rôle central du médecin généraliste

Les modalités de prévention sont mal connues par les médecins. Des erreurs sont commises

fréquemment à type de prescription de chimioprophylaxie seule sans mesures physiques ou de

manière fréquente de chimioprophylaxie inadaptée à la zone d’endémie (46.5% dans notre

étude). On peut également se poser la question des conseils d’hygiène et de prévention pour

les autres maladies infectieuses.

Une formation en médecine du voyage ainsi que l’accès à des sources d’information

adéquates doivent être privilégiés. Une amélioration de la prévention repose également sur

une collaboration étroite avec les pharmaciens permettant d’éviter des prescriptions de

chimioprophylaxie inappropriées. La constitution de réseaux avec les centres de référence de

prévention (consultations voyageurs) et de soins (services hospitaliers infectieux ou

pédiatriques) serait intéressante [31]. Les centres de protection maternelle et infantile ont

également un rôle important du fait de leur proximité avec ces populations défavorisées qui

consultent peu en médecine libérale. La formation en médecine du voyage des acteurs de

santé de ces centres doit être renforcée.

L’enseignement des mesures de prévention du paludisme doit être un objectif prioritaire

de la formation médicale continue [31]. Il faut savoir s’appuyer sur les

recommandations publiées chaque année dans le BEH de l’InVS [31], par le Haut

Conseil de Santé publique, sur celles émises par des sociétés savantes telles que la

Société de médecine des voyages ou le Groupe de Pédiatrie Tropicale.

Les médecins généralistes sont et doivent être les principaux acteurs de la prévention du

paludisme. Les conseils doivent être adaptés, personnalisés et prodigués dans le cadre d’une

consultation médicale. Ils doivent être à même de réunir tous les éléments qui permettent

d’évaluer le risque réel d’exposition au paludisme au cours du voyage. D’après la révision de

la 12e conférence de consensus sur la prise en charge et la prévention du paludisme

d'importation à P. falciparum, ils représentent le premier recours du voyageur pour des

conseils médicaux pour un voyage en pays tropical [31].

Dans l'étude de Genty et al., le médecin était la première source d'informations sur les risques

sanitaires pour 60 % des 20 000 voyageurs interrogés. Les autres sources d’information, mais

toujours en seconde intention, étaient les guides touristiques (42%), les sites Internet (33%),

l’entourage (27%), le pharmacien (13%), les médias audiovisuels (13%) et la presse écrite

(11%) [78].

Dans l’étude européenne de Van Herck et al. portant sur 609 voyageurs se rendant en zone

d’endémie palustre, 72 % de ceux qui ont recherché une information de santé l'ont fait auprès

d'un médecin généraliste [79]. Cependant, l’étude de Piccoli de 1999 a montré certaines

lacunes des médecins généralistes en matière de prévention. Un tiers d’entre eux

reconnaissaient de pas connaître le nom des produits à recommander [80] . Encore une fois, la

prévention du paludisme en médecine générale doit donc être améliorée.

4) Améliorer la compliance

L’importance de la chimioprophylaxie confirmée dans cette étude renforce la nécessité de

développer les messages de prévention et de sensibiliser les populations qui voyagent vers les

zones d’endémie. Il est nécessaire d’intensifier les recommandations avant le voyage et de

bien expliquer aux familles les modalités du traitement et les risques encourus en cas

d’absence de prophylaxie, notamment pour les populations à risque que représentent les

migrants originaires d’Afrique.

5) Améliorer la galénique des produits

Le jeune âge <5 ans était identifié dans l’étude de Ladhani comme un facteur prédictif

indépendant lié à la gravité [5] mais elle n’a pas été retrouvée dans notre étude : la proportion

d’accès graves chez les enfants <5 ans (23%) était similaire à la proportion d’accès graves de

l’ensemble de notre population (20.5%) (p=NS).

Les moyens pour améliorer la compliance passent par l’adaptation de la galénique aux

nourrissons. Cela représente un enjeu futur des laboratoires pharmaceutiques.

La forme pédiatrique de la Malarone® est utile et efficace. Sa principale contrainte est son

coût en cas de séjour prolongé. Il n’existe cependant pas de suspension buvable.

Il est nécessaire qu’il soit réalisé en France des études complémentaires pharmacologiques et

cliniques selon la galénique et le poids avec les différentes molécules utilisées hors AMM,

notamment pour la méfloquine utilisée pour un poids <15 kg dans d’autres pays.

6) Favoriser un meilleur remboursement des mesures prophylactiques

Le paludisme d’importation demeure un problème de santé publique. L’impact sur la santé

des enfants, les coûts financiers et la question d’un remboursement des mesures préventives

anti-palustres n’ont pas été encore bien étudiés en France.

En 1997, le coût médian global a minima d’un accès palustre simple en France a pu être

chiffré à environ 5 000 € en hospitalisation et à 1 500 € en ambulatoire [15]. Aux Etats-Unis,

d’après l’étude de Hickey et al., l’incidence du paludisme était de 1.2 pour 10 000

admissions. Le coût moyen de la prise en charge a été estimé à 17 519 dollars [18].

Par conséquent, le remboursement même partiel de la chimioprophylaxie devrait être

considéré en France, afin d’améliorer l’accessibilité de ces traitement aux personnes

défavorisées [31].

L’étude suisse coût-bénéfice de Schlagenhauf suggère que le remboursement à 80% du coût

de la chimioprophylaxie la moins onéreuse (méfloquine) serait rentable en terme d’économie

de système de santé [81]. Avec cette stratégie de remboursement à 80%, elle permettrait

l’utilisation plus fréquente d’une chimioprophylaxie antipaludéenne et ainsi une probabilité

significativement plus faible de contracter le paludisme : estimation à 86.5% d’utilisateurs vs

68,7% dans les cas actuels de non remboursement. Les principaux bénéficiaires seraient les

voyageurs retournant dans leur pays d’origine.

Des études de coût-bénéfice visant à évaluer le coût de telles mesures à celui des

hospitalisations pour accès palustre mériteraient d’être menées dans notre pays où 3000 à

4000 cas de paludisme d’importation sont constatés chaque année.

7) Consultation enfant-voyageur

La prévention et la préparation d’un séjour en zone d’endémie sont assurées par les médecins

généralistes, les pédiatres libéraux ou hospitaliers ou exerçant en PMI et les Centres de

conseils aux voyageurs.

La consultation enfant-voyageur a deux objectifs : évaluer la probabilité des risques sanitaires

liés à l’état de santé de l’enfant et à l’environnement ainsi que de fournir aux parents et si

possible aux enfants les moyens préventifs et/ou curatifs de réduire ces risques [67]. Elle

repose sur un examen et un interrogatoire détaillés des antécédents personnels et des lieux de

séjour. Une connaissance actualisée de l’épidémiologie des régions du voyage, des mesures et

nécessaire. Les recommandations comprendront quatre mesures complémentaires : une

sensibilisation au risque, une protection anti-vectorielle, une chimioprophylaxie adaptée à la

région visitée et à l’enfant ; une vigilance à la fièvre, même après le retour de zone d’endémie

afin d’aboutir à une consultation médicale rapide [67].

Les services de santé destinés à la délivrance de conseils aux voyages sont des structures de

références mais sont rarement consultés par les familles se rendant dans leur pays d’origine.

Ces enfants représentent un défi de santé publique puisque environ 90% des patients qui

présentent un paludisme d’importation sont originaires d’un pays d’endémie et sont une

population plus à risque de faire des paludismes graves. Ils méritent donc une attention

particulière car ils ne respectent pas souvent la prophylaxie antipaludéenne et les autres

mesures préventives associées ; ils sont moins demandeurs de conseils avant le voyage [32] et

ils sont plus susceptibles de se présenter tardivement à la consultation pré-voyage [81]. Une

consultation pour enfant voyageur en centre spécialisé est vivement recommandée pour ces

familles, consultation au cours de laquelle les moyens prophylactiques seront expliqués aux

parents ; les vaccinations obligatoires ou conseillées seront réalisées en même temps que

seront prodigués des conseils pour éviter des pathologies exotiques ou infectieuses autre que

le paludisme [32].

Dans le document UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6) (Page 96-101)