V- CHIMIOPROPHYLAXIE ANTIPALUDEENNE
V.4 Recommandations actuelles
Pour une durée de séjour supérieure ou égale à sept jours, une chimioprophylaxie est toujours
nécessaire. Pour une durée de séjour inférieure à sept jours, une chimioprophylaxie est
toujours nécessaire dans les zones où le risque de transmission est élevé. Dans les zones où le
risque est faible, elle peut être discutée selon les conditions de séjour et les possibilités
d’accès aux soins lors du séjour [7] .
Une liste des pays pour lesquels une chimioprophylaxie n’est jamais utile est établie chaque
année par le Conseil supérieur d’hygiène publique de France.
Trois zones sont définies fonction du niveau de chloroquinorésistance de P. falciparum.
- groupe 1 : sensibilité conservée à la chloroquine. Les pays du groupe 1 sont devenus
rares et concernent : le Mexique, les Caraïbes, l’Amérique Centrale, l’Argentine, certaines
zones du Moyen-Orient et de la Chine.
- groupe 2 : chloroquinorésistance présente mais modérée
- groupe 3 : chloroquinorésistance fréquente ou multirésistance
En 2008, l’ensemble des pays continentaux africain est passé en zone 3 de prévention du
paludisme.
Pour un pays du groupe 1, la chloroquine (Nivaquine®) peut être prescrite seule à
une dose de 1.5 mg/kg par jour à débuter le jour du départ et à poursuivre quotidiennement
jusqu’à quatre semaines après le retour. En dessous de 6 ans, il faut privilégier le sirop (25
mg/5 ml) plutôt que des comprimés à 100 mg que le petit enfant ne peut avaler. La tolérance
est bonne mais la prise orale peut être difficile chez le jeune enfant en raison du goût amer.
Elle doit être idéalement absorbée avec un repas (comme toute chimioprophylaxie) pour
améliorer la tolérance digestive. Pour les séjours prolongés, d’après la conférence de
consensus française [31], cette chimioprophylaxie peut être maintenue « aussi longtemps que
possible ». L’effet toxique cumulatif sur la rétine ne se produit qu’après au moins cinq ans
d’usage continu. Le risque principal est en fait un surdosage accidentel.
Pour un pays du groupe 2, il est recommandé l’association chloroquine + proguanil
ou l’association atovaquone + proguanil.
L’association chloroquine + proguanil (Savarine®) contient 100 mg de chloroquine et 200 mg
de proguanil. La Savarine® ne peut être utilisée chez les enfants de moins de 50 kg.
Au-dessous, elle doit être remplacée par une prise conjointe de Nivaquine® (1.5 mg/kg/j) et une
autre de proguanil (Paludrine®) à la dose de 3 mg/kg/j qui doit être débutée la veille du départ
et poursuivie jusqu’à 4 semaines après le retour. En raison de la demi-vie courte de 12 à 21
heures du cycloguanil (métabolite du proguanil après transformation hépatique), la
compliance doit être parfaite pour une protection efficace. Le proguanil entraîne quelques
effets secondaires, gastro-intestinaux notamment.
L’association atovaquone + proguanil (Malarone®) est recommandée si le séjour dure moins
de 3 mois et que l’enfant pèse plus de 11 kg (ou plus de 5 kg hors AMM). Elle présente les
avantages de ne devoir être continuée qu’une semaine après le retour, d’être très efficace et
d’avoir bien souvent une meilleure tolérance que l’association chloroquine + proguanil [58].
En traitement prophylactique, l’atovaquone-proguanil a une efficacité protectrice contre P.
falciparum variant de 93 à 100%, comparable à celle de la méfloquine et supérieure à celle de
l’association chloroquine-proguanil (70% vis-à-vis de P. falciparum) [59][60]. Il existe sous
forme de comprimés dosés à 62.5 mg ou de 250 mg d’atovaquone chez les enfants de plus de
40 kg ; à prendre de préférence avec un yaourt en raison du goût désagréable et pour une
meilleure absorption. Les comprimés doivent être écrasés chez les enfants qui ne peuvent les
avaler (<6 ans). Les inconvénients de ce traitement sont son coût élevé et son applicabilité
chez des voyageurs à long terme.
Pour un pays du groupe 3, plusieurs choix sont possibles : l’atovaquone-proguanil si
les indications sont respectées (précédemment citées), la méfloquine s’il n’existe pas de
contre-indications, et la doxycycline.
La méfloquine (Lariam®) a une efficacité protectrice supérieure à 90% contre les stades
sanguins de toutes les espèces de paludisme [60]. Elle doit être utilisée à la posologie de 5
mg/kg par semaine chez l’enfant de plus de 15 kg et poursuivie 3 semaines après le retour.
Elle présente l’avantage d’être donnée une fois par semaine et sa tolérance est souvent bonne.
Néanmoins, il est souhaitable de tester la tolérance du produit une semaine à 10 jours avant
l’arrivée en zone d’endémie. Le médicament est amer ; raison pour laquelle il est recommandé
de l’administrer après le repas, avec du chocolat, du coca ou du yaourt.
Les contre-indications de la méfloquine en pédiatrie sont les antécédents psychiatriques, les
anomalies du rythme cardiaque à cause de l’allongement du QT, les traitements
anti-convulsivants ou les antécédents de convulsions répétées [55]. Il est indispensable pour les
prescripteurs de relever les antécédents médicaux et d’informer les familles des événements
indésirables potentiels. La méfloquine reste une chimioprophylaxie de choix pour les familles
se rendant dans leur pays d’origine pendant de longues périodes en raison de son plus faible
coût, de son administration hebdomadaire et de son efficacité [55][60]. Chez les jeunes
enfants, elle peut être intéressante : elle est souvent bien tolérée et son observance peut être
facilitée par le fait qu’une seule prise hebdomadaire est nécessaire et que les comprimés
peuvent être facilement coupées ou brisées [55].
La doxycycline a une efficacité protectrice équivalente à la méfloquine (supérieure à 90%)
[60]. Elle est réservée à certaines situations à risque chez l’enfant de plus de 8 ans mais est
rarement utilisée en raison du risque d’altération de l’émail dentaire. Elle est discutée dans les
cas de voyage en zone d’endémie où la multirésistance est élevée (Asie de Sud-Est
notamment). Des troubles digestifs, des candidoses et des réactions allergiques et cutanées de
photosensibilisation peuvent survenir. Il est donc préférable de l’absorber au cours du repas
du soir et d’user d’une protection cutanée solaire efficace.
Pour des séjours de durée inférieure à trois mois, le traitement est à poursuivre pendant 7
jours après le retour pour la Malarone® et respectivement jusqu’à 3 et 4 semaines après le
retour pour le Lariam® et la Doxycycline®. En cas de séjours prolongés (> 3 mois), la
prophylaxie doit être maintenue aussi longtemps que possible. Pour des séjours excédant 6
mois en zone d’endémie, il est recommandé aux parents de prendre contact localement avec
un médecin ou un organisme qualifié pour évaluer la pertinence d’une prophylaxie prolongée
[31].
Tableau 2. Chimioprophylaxie antipaludique chez l’enfant selon les groupes de
chimiorésistance. BEH 2013 [7]
Dans le document
UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE (PARIS 6)
(Page 49-53)