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Solubilité et spéciation de l'azote dans les silicates fondus à

Chapitre 1 - Introduction

1.5 Comportement de l'azote dans les verres et silicates fondus

1.5.2 Solubilité et spéciation de l'azote dans les silicates fondus à

1.5.2.1 Dans les silicates fondus industriels

Le comportement de l'azote dans les silicates fondus a pour la première fois été étudié dans le domaine de la synthèse de verre, par pur intérêt industriel. En effet, l'azote représente pour les verriers un élément indésirable à l'origine des bulles et des défauts dans les verres

(Washburn et al., 1920; Todd, 1956; Neerman et Bryan, 1959; Schier et al., 1964). L'origine de l'azote dans les verres était alors fortement débattue. Au départ, il était pensé que l'azote provenait de l'air piégé dans le matériel de départ (e.g., poudre de silice) ou des constituants réfractaires du four. Des études sur l'incorporation de l'hélium et de l'azote sous la forme N2

(étant la forme la plus stable dans l'air) démontrent qu'un effet de la température et de la composition du gaz environnant influençait la solubilité de l'azote dans les verres (Mulfinger, 1966). Basé sur une étude de la solubilité de l'azote dans les verres fondus (i.e., SiO2–Na2O; SiO2–CaO-Na2O; B2O3 et B2O3–Na2O) à ~1 atm, Mulfinger (1966) a proposé pour la première fois que l'azote pouvait être incorporé dans les silicates fondus physiquement ou chimiquement en fonction de la fugacité en oxygène (fO2). Pour les conditions les plus oxydantes, sous flux de N2, l'azote serait incorporé de manière moléculaire sous la forme N2. Cette molécule aurait le même comportement que les gaz rares qui sont chimiquement inertes, et remplirait les espaces vacants du réseau silicaté sans établir de liaisons chimiques avec les ions environnants. Pour les conditions les plus réductrices, la solubilité de l'azote est 105 fois plus importante comparée à celle en conditions plus oxydantes. Cette grande différence est expliquée par le changement de spéciation de l'azote en conditions réductrices avec la présence de nitrures et de groupements N–H (Mulfinger, 1966).

1.5.2.2 Dans les silicates fondus d'intérêt géologique

Des études portées principalement sur la solubilité de l'azote dans les liquides basaltiques à 1 atm ont été réalisées dans le but d'étudier le comportement de l'azote durant les processus magmatiques (Libourel et al., 2003; Javoy et Pineau, 1991; Marty, 1995). Pour les expériences à basse pression (i.e., 1 bar), le partitionnement de l'azote entre verre-silicate fondu et silicate fondu-vapeur suit la loi de Henry (Kesson et Holloway 1974, Miyazaki et al., 1995). Les différentes expériences aboutissent à des coefficients de Henry KN2 du même

ordre de grandeur avec KN2 = 3.6 x 10–9 mole.g–1.bar–1 pour les travaux de Javoy et Pineau (1991) et KN2 = 3.7.10–9 mole.g–1.bar–1 pour ceux de Marty et al. (1995). L'azote sous la forme N2 présente une forte liaison covalente, le comportement de cette espèce chimique devrait être comparable à celui des gaz rares (e.g., Marty, 1995; Miyazaki et al., 1995; 2004).

La solubilité de l'azote dans les silicates fondus serait principalement liée à la fugacité en oxygène (fO2) d'après les résultats présentés par Libourel et al. (2003). Ces travaux expérimentaux à 1 atm, réalisés dans des fours verticaux à atmosphère contrôlée, ont montré que la solubilité de l'azote dans les silicates fondus dépendait fortement de la fO2 (Fig. 1.14). La solubilité de l'azote dans ces liquides basaltiques augmente fortement pour des fO2

inférieures à IW (fO2 donné selon le tampon Fe-wüstite). Deux principaux mécanismes d'incorporation de l'azote dans les liquides silicatés sont proposés: (i) l'azote serait incorporé physiquement sous la forme N2 en conditions oxydantes (fO2 > IW –1.3) et (ii) chimiquement sous la forme principale N3– en conditions réductrices (fO2 < IW –1.3) (Fig. 1.14).

Figure 1.14:Synthèse de données de solubilité de l'azote en fonction de la fugacité en oxygène pour des expériences à pression atmosphérique. L'azote est solubilisé dans les liquides silicatés principalement sous la forme N2 pour les conditions de fO2 ≥ IW –1.3 (zone rouge) et sous la forme N3– pour des fO2 < IW –1.3 (zone bleu).

Pour ce qui est de la solubilité dite physique, la molécule N2 occuperait comme les gaz rares, les espaces disponibles dans le liquide sans proposer de liaisons covalentes ou ioniques avec le réseau silicaté, avec comme principale réaction (Eq. 1.5):

N2 (gas) = N2 (melt) (Equation 1.5)

La solubilité de l'azote dans les silicates fondus basaltiques sous la forme N2 est identique à celle de l'Ar lorsqu'on tient compte des barres d'erreurs (Figure 1.15) (Miyazaki et al., 1995; Libourel et al., 2003). Cette observation suggère que l'azote sous la forme N2 devrait avoir le même comportement que l'argon lors des différents processus magmatiques en conditions relativement oxydantes (fO2 > IW –1.3) (Libourel et al., 2003).

Figure 1.15: Solubilité des gaz rares et de l'azote sous la forme N2 dans les silicates fondus de type MORB en fonction du diamètre atomique ou moléculaire (d'après Libourel et al., 2003).

En revanche, en conditions réductrices (fO2 < IW –1.3), l'azote serait chimiquement lié au réseau silicaté (Mulfinger et al., 1966; Libourel et al., 2003). La formation de nitrure dans le bain silicaté serait régit principalement par l'équation suivante (Eq. 1.6):

Certaines des compositions basaltiques utilisées par Libourel et al. (2003) présentent du titane en faibles proportions (de 1.27 à 2%pds). En conditions réductrices, les ions Ti4+ changent de valence et passe en Ti3+ selon l'équation suivante (Eq. 1.7):

2 TiO2(liquide) = Ti2O3(liquide) +1/2 O2(gas) (Equation 1.7).

Ainsi, l'association des nitrures avec le titane sous la forme Ti3+ propose aussi des liaisons avec l'azote en conditions réductrices selon la réaction suivante (Eq. 1.8):

1/2 N2(gaz) + 2O2–(liquide) + Ti4+(liquide) = TiN (osbornite) + O2(gaz) (Equation 1.8).

Enfin, en présence de graphite et de monoxide de carbone (CO), Libourel et al. (2003)

évoque la possibilité de former des complexes CN à partir de l'équation suivante (Eq. 1.9): C (graphite) + 1/2 N2(gaz) + 1/2 O2–(liquide) = CN(liquide) + 1/4 O2–(gaz) (Equation 1.9). En revanche, Libourel et al. (2003) concluent que pour les silicates fondus basaltiques, la spéciation et l'incorporation de l'azote sous la forme de nitrures (N3–) est favorisée par rapport au CN. Cette conclusion est soutenue par des études métalurgiques de solubilité de carbone et d'azote dans le système CaO-SiO2-Al2O3, démontrant que la proportion de N3– est 1 ordre de grandeur supérieur à la proportion de CN(Schwerdtgefer et al., 1978).

Beaucoup de questions restent cependant en suspens en ce qui concerne le comportement de l'azote dans les silicates fondus à basse pression, comme par exemple, l'effet de la composition du silicate fondu sur la solubilité de l'azote, l'effet de la composition du gaz sur la spéciation et la solubilité de l'azote.

1.5.3 Solubilité et spéciation de l'azote dans les silicates fondus à haute