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Diffusion de l'azote dans les silicates fondus et

Chapitre 1 - Introduction

1.5 Comportement de l'azote dans les verres et silicates fondus

1.5.5 La diffusion

1.5.5.2 Diffusion de l'azote dans les silicates fondus et

La diffusion des éléments volatils présente des applications importantes dans la compréhension des échanges entre les différents réservoirs terrestres et processus géologiques. Une des applications des plus répandue concerne le dégazage des liquides/verres silicatés (e.g., Zhang et Stolper, 1991; Zhang et Cherniak, 2010). En effet, le dégazage magmatique de volatils (H2O, CO2, N2, gaz rares) vers l'atmosphère terrestre joue un rôle majeur dans l'évolution de la composition de l'atmosphère (Gaillard et Scaillet, 2014). Le dégazage des magmas est principalement contrôlé par la diffusion (e.g., Verhoogen, 1951; Gardner et al., 1996; Zhang et Stolper, 1991). La diffusivité d'une grande partie des éléments volatils (e.g., H2O, CO2, gaz rares) est relativement bien contrainte aujourd'hui pour différents types de silicates fondus naturels (e.g., basalte, andésite, rhyolite) (Zhang et Stolper, 1991; Baker et al., 2005; Zhang et Ni, 2010; Lux, 1987; Roselieb et al., 1995; Amalberti et al., 2018), alors que l'azote ne présente dans la littérature aucune donnée adaptée à un contexte naturel. En effet, il existe dans la littérature uniquement des données de diffusion de l'azote dans des silicates fondus d'intérêt industriels (Frischat et al., 1978) mais qui restent cependant très limitées.

Le comportement de l'azote sous la forme N2 durant les processus magmatiques est souvent comparé à celui de l'argon (Marty, 1995; Miyazaki et al., 1995, 2004) de par leurs tailles comparables (Hirschfelder et al., 1954) et leurs solubilités similaires dans les silicates

fondus de type MORB (cf. Fig. 15; partie 1.5.2.2). Cependant, une différence du rapport N/Ar est observée au niveau du manteau (N2/36Ar > 106; déterminé à partir des verres de type MORB) et de l'atmosphère terrestre (N2/36Ar ~104) (Marty, 1995; Marty et al., 1995; Marty et Humbert, 1997). Cette différence de rapport N2/36Ar peut être due à un déséquilibre cinétique durant la formation et l'évolution de l'atmosphère terrestre lors du dégazage mantellique

(Marty et al., 1995), ou indique des histoires distinctes pour ces deux réservoirs (Marty et Humbert, 1997). La détermination du coefficient de diffusion de l'azote dans les verres et les silicates fondus pourrait alors apporter des réponses plus précises quant à ce fractionnement.

De plus, comme décrit dans les parties 1.5.2 et 1.5.3, l'azote présente une spéciation plus complexe en fonction des conditions redox et de la composition du milieu d'interaction (gas-liquide-solide). Etant donné que la spéciation des éléments sensibles aux différentes conditions redox présentent des variations de coefficient de diffusion (Friscchat et al., 1978; Zhang et Ni, 2010), la diffusion de l'azote devrait par conséquent être aussi affectée et présenter des différences par rapport à la diffusion de l'argon. L'étude de Frischat et al. (1978)

portait sur la diffusion moléculaire N2 et chimique N3– de l'azote dans des liquides silico-sodocalcique (SiO2-Na2O-CaO) dans le but d'étudier l'apparition des bulles dans les liquides et verres silicatés industriels (cf. partie 1.5.2.1). Le but de cette étude était de comparer la diffusion de l'azote sous la forme N2 et de nitrures (N3–) dans les liquides sodocalcique de 1000 à 1400°C. La diffusion de N2 a été étudiée par expériences de dégazage d'un verre qui a été pré-saturé en azote sous la forme N2 durant 24h. Ces verres ont ensuite été fondus dans des creusets Au-Pt puis placé dans un four sous atmosphère oxygénée. L'échantillon est chauffé à différentes températures par induction et les teneurs en azote extraites par dégazage sont déterminées par chromatographie gazeuse. En ce qui concerne la diffusion de N3–, de la poudre de nitrure de silicium est directement mélangé avec la poudre de verre sodocalcique puis fondue dans un creuset Pt-Au. Le verre obtenu est ensuite recuit de 965 à 1325°C dans son creuset d'origine sous une atmosphère Ar-H2. Le cylindre de verre est ensuite découpé à la scie et les teneurs en azote présentes dans les différentes sections de verre sont analysées chimiquement (par procédé Kjeldahl). Les résultats obtenus montrent que la diffusion de l'azote sous la forme N2 semble être légèrement plus rapide que la diffusion de l'azote sous la forme N3– (Fig. 1.20). Ce résultat prouve ainsi que l'effet de la spéciation de l'azote joue un rôle sur la vitesse de diffusion dans les silicates fondus. Cependant, ces résultats sont valables pour des silicates fondus industriels qui ne sont pas représentatif de ce que l'on retrouve dans la nature. Etant donné que l'effet de la composition du silicate fondu joue un rôle majeur sur la vitesse de diffusion des autres éléments (e.g., les gaz rares ou H2O; Behrens, 2010; Zhang

et Ni, 2010), des données supplémentaires doivent être obtenues pour des systèmes naturels dans le but de contraindre les échanges azotés entre l'atmosphère et la Terre silicatée. Par exemple, le paramètre log D de l'argon augmente pour une même température avec le NBO/T

(Behrens, 2010; Spickenbom et al., 2010). Pour une température de 1400°C (1000/T = 0.6; avec T la température en K) le paramètre log D varie de ~ –11 (pour un NBO/T = 0) à ~ –10 (pour un NBO/T = 0.2) (Behrens, 2010; Spickenbom et al., 2010).

Figure 1.20: Comparaison de la diffusion du Ne, de O2, N2 et N3– dans les liquides sodo-calciques modifiée d'après Frischat et al. (1978) et Behrens, (2010).

En ce qui concerne la diffusion de l'azote dans les verres silicatés naturels, aucune donnée n'est présentée dans la littérature. Cependant, une étude récente a proposé des coefficients de diffusion de l'azote dans des minéraux (orthoclase, quartz, olivine et clinopyroxène) (Fig. 1.21) (Watson et al., 2019). Pour cette étude, Watson et al. (2019) ont réalisé deux types d'expériences de diffusion ("in-diffusion") de l'azote dans les 4 minéraux d'intérêts, de 1 bar à 1 GPa, i) par fusion de NH4Cl dans des ampoules de silice; ii) par implantation ionique de N+. Même si aucune analyse de spéciation de l'azote n'a été menée, le mécanisme d'incorporation privilégié dans cette étude se trouve être la substitution de K+ par NH4+, comme décrit par Mookherjee et al. (2005) ou Busigny et Bebout (2013), même si les molécules N2 et NH3 sont aussi été estimées stables dans les fluides profonds (de 1 à 5 GPa)

Enfin, les analyses des teneurs en azote d'échantillons extraterrestres consistent à chauffer l'échantillon d'intérêt par palier de température (Becker et al., 1976; Des Marais, 1983; Matthew et Marti, 2001a; Füri et al., 2015). Le but du chauffage par pallier est d'extraire les différents composants de l'azote avec: l'azote piégé à la surface de l'échantillon (e.g., contamination atmosphérique et contribution du vent solaire), l'azote dit indigène (spécifique à l'échantillon), et l'azote cosmogénique (produit dans l'échantillon par rayonnements cosmiques). Par exemple, pour des échantillons lunaire, l'azote indigène serait extrait pour des températures comprises entre 700 et 1100°C et pour les météorites martiennes à des températures ≥400°C (Mathew et Marti, 2001a-b). Cette méthode d'extraction implique un besoin de contrainte de la diffusion de l'azote dans le but de pouvoir définir et interpréter les signatures azotées caractérisant les différents paliers de température.

Figure 1.21: Evolution du coefficient de diffusion de l'azote en fonction du rapport 104/T pour les quatre phases minérales olivine, clinopyroxène, quartz et feldspath potassique (Watson et

1.6 Positionnement du sujet de thèse