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Accrétion de matériaux riches en éléments volatils

Chapitre 1 - Introduction

1.3 Origine des éléments volatils sur Terre

1.3.3 Accrétion de matériaux riches en éléments volatils

1.3.3.1 Apport de chondrites carbonées

En revanche, différents modèles supposent que la Terre aurait accrété la majorité de ses éléments volatils soit au début de son accrétion (avant l'impact géant lié à la formation de la lune) (Sarafian et al., 2014; Sarafian et al., 2017) soit sous forme d'un "vernis tardif" ou "accrétion tardive", correspondant à un épisode de bombardement météoritique sur Terre, après différentiation manteau-noyau, lorsque celle-ci aurait quasiment atteint sa masse (M) finale (i.e. MEarth > 98%) (e.g., Albarède, 2009; Albarède et al., 2013; Morbidelli et Wood, 2015). Pour ces deux hypothèses d'accrétion, la contribution de chondrites carbonées au budget des volatils sur Terre est au cœur des débats. En effet, plusieurs études ont démontré

que les éléments volatils sur Terre ont une signature isotopique qui pourrait s'apparenter aux chondrites carbonées de type CI/CM si on s'intéresse aux deux rapports isotopique (15N/14N) et (D/H) (Alexander, 2017) suggérant ainsi un apport de volatils (principalement pour H et N) sur Terre provenant principalement des chondrites carbonées couplé à un rapport mineur de matériaux cométaires (Javoy, 1998; Marty, 2012; Fisher-Gödde et al., 2020). Les éléments volatils terrestres seraient alors issus d'un mélange entre des chondrites à enstatite (matériaux relativement appauvri en volatils par rapport aux chondrites carbonées CI) et des chondrites carbonées (matériaux relativement hydratés) (e.g., Vacher et al., 2020). Cette hypothèse est aussi soutenue part des modèles d'accrétion planétaire supposant que la croissance et/ou la migration des planètes géantes, permettrait des échanges entre les corps enrichis en éléments volatils du système solaire externe et ceux appauvris du système solaire interne (Walsh et al., 2011; Raymond et Izidoro, 2017).

En revanche, des études récentes présentent des signatures isotopiques en Ru (ruthénium) similaires entre les chondrites à enstatite et la BSE ("Bulk Silicate Earth" regroupant la croûte et le manteau terrestre) suggérant que le vernis tardif serait principalement composé de chondrites à enstatite (Fisher-Gödde et Kleine, 2017; Dauphas, 2017). Cette hypothèse est aussi soutenue par les récentes modélisations présentées par

Gillmann et al. (2020) portant sur l'accrétion tardive sur Vénus. Ces modélisations supposent que l'apport de chondrites carbonées durant cet événement ne devait pas dépasser 2.5% des objets accrétés tardivement, et ainsi, que la Terre aurait accrété la majeure partie de ses éléments volatils avant le vernis tardif. L'accrétion tardive de matériaux ne serait alors certainement pas la principale source des volatils sur Terre. Cette dernière hypothèse nécessite de trouver d'autres sources ou modèles pouvant expliquer les signatures et les teneurs en éléments volatils sur Terre. L'importance de l'accrétion tardive sur le budget en éléments volatils sur Terre est aujourd'hui débattue.

1.3.3.2 Apport de planétésimaux riches en volatils

Une attention particulière est portée aujourd'hui au rapport C/N de la BSE (Rosksoz et al., 2013; Tucker et Mukhopadhyay, 2014; Chi et al., 2014; Bergin et al., 2015; Hirschmann, 2016; Dasgupta et Grewal, 2019; Grewal et al., 2019b; Marty et al., 2020) dû à son rapport plus important que celui retrouvé dans les chondrites carbonées de type CI (Fig. 1.6) étant souvent associées aux matériaux accrétés par la Terre de part leurs compositions et signatures isotopiques en éléments volatils (Marty et al., 2012; Halliday, 2013).

Figure 1.6: Comparaison du rapport C/N entre les

différents réservoirs chondritique et terrestre (Dasgupta et

Grewal, 2020). Avec CI (Ivuna-type), CM (Mighei-type),

CV (Vigarano-type et CO (Ornans-type) représentant le réservoirs des chondrites carbonés; LL (low total iron, low metal), L (low total iron) et H (highest total iron) représentnat le réservoir des chondrites ordinaires; EL (low enstatite) et EH (high enstatite) représentant le réservoirs des chondrites à enstatite.

Le rapport C/N de la BSE varie selon les études, avec (i) Marty (2012) et Marty et al. (2020) qui proposent un rapport C/N ≥ 160 (basé sur le rapport N/40Ar de la BSE obtenu à partir des proportions en 40Ar calculées à partir de la teneur en potassium (K) dans la BSE), alors que (ii) Bergin et al., (2015) ont estimé un rapport C/N de la BSE de 40 ± 8 en calculant la teneur de C dans le manteau à partir des rapports CO2/Nb et CO2/Ba dans des OIB (Ocean Island Basalts). Cette dernière estimation est en accord avec les travaux de Halliday (2013) et sera la valeur de référence pour la BSE utilisée dans la figure 1.6.

Les différentes estimations de rapport C/N de la BSE proposent un déficit de N par rapport à C (Marty, 2012; Halliday, 2013; Bergin et al., 2015; Marty et al., 2020). Lorsque l'on compare le rapport C/N avec celui des chondrites carbonées, à enstatite et ordinaires (Fig. 1.6) on peut noter que la BSE aurait un rapport superchondritique (Bergin et al., 2015; Hirschmann, 2016; Dasgupta et Grewal, 2019) excluant l'hypothèse de l'apport de volatils d'origine chondritique lors de l'accrétion tardive (Grewal et al., 2019b). Basé sur le fait que C et N sont volatils/sidérophiles, la phase silicatée de la proto-Terre se serait appauvrie en ces éléments durant les processus de recyclage de l'océan magmatique (Dasgupta et al., 2013; Chi et al., 2014). En revanche, le rapport C/N de la BSE est relativement élevé ce qui impliquerait

un fractionnement C/N lié aux planétésimaux et autres corps accrétés par la Terre (Bergin et al., 2015). Un modèle basé sur le comportement des éléments volatils (C-N-S) entre une phase silicaté et une phase métallique à hautes pressions et hautes températures a permis de contraindre leurs comportement durant la ségrégation noyau-manteau (Grewal et al., 2019b). Ce modèle supporte que l'impact géant d'un embryon planétaire riche en éléments volatils pourrait être à l'origine de la formation de la Lune et surtout à l'origine de la principale proportion des éléments volatils sur Terre (Fig. 1.7; Grewal et al., 2019b).

Figure 1.7: modèle de Grewal et al. (2019b) présentant le scénario d'un embryon planétaire riche en éléments volatils qui impacte une proto-Terre relativement pauvre en éléments volatils. Cet impact serait lié à la formation de la lune et surtout à l'apport de la principale proportion d'éléments clés à l'émergence de la vie sur terre (H, N, C, S).