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Les soins parentaux

II. MEMOIRE

3. La coopération

3.1 Les soins parentaux

Dans le cadre de la vie de famille, une forme claire et bien étudiée de coopération concerne les soins des parents envers les juvéniles. L’expression de ces

soins est un phénomène très commun chez les vertébrés (tels que les oiseaux et les mammifères), mais comparativement beaucoup moins fréquent chez les insectes et les arachnides (Choe & Crespi, 1997). Dans la nature, ces soins peuvent être prodigués par un ou deux parents, durer de quelques jours à plusieurs semaines et prendre des formes variées allant de la protection contre les prédateurs à l’approvisionnement en nourriture (Smiseth et

al., 2012; Klug & Bonsall, 2014). Parce que ces soins peuvent être coûteux pour les parents,

 Wong JWY, Meunier J & Kölliker M (2013).

un problème majeur en biologie évolutive est de comprendre les conditions ayant permis leur émergence et leur maintien au cours du temps. C’est la question principale à laquelle nous nous sommes intéressés dans une review publiée en 2013 et portant sur les soins parentaux chez les insectes (Wong et al., 2013). En particulier, nous avons cherché dans la littérature des études nous permettant de savoir si – comme il est traditionnellement prédit (Wilson, 1975) - les bénéfices associés aux soins parentaux étaient particulièrement importants lorsque (1) les conditions environnementales sont difficiles, (2) les ressources alimentaires sont éphémères, distantes du nid et/ou les individus ont un régime nutritionnel spécialisé, (3) la pression exercée par les ennemis naturels est forte et (4) l’environnement abiotique est prévisible. Nos résultats révèlent que les preuves empiriques démontrant l’importance des deux premiers points sont contrastées et donc que le rôle de ces deux paramètres dans l’évolution des soins parentaux pourrait dépendre principalement de l’espèce concernée. Par contre, les études s’intéressant à l’importance des ennemis naturels et de la stabilité du milieu sur les soins parentaux vont dans le même sens et démontrent l’importance de ces paramètres. Il semblerait donc que ces quatre paramètres n’aient pas le même effet intrinsèque sur les bénéfices des soins parentaux, et ainsi qu’ils ne soient pas nécessairement des facteurs universels favorisant l’apparition et le maintien des soins parentaux chez les insectes. En plus de ces facteurs, nous mettons aussi en avant l’importance de l’environnement social sur l’émergence et le maintien des soins parentaux – un paramètre souvent négligé dans la littérature sur l’évolution des soins parentaux. En effet, cet environnement social (c’est à dire les autres membres de la famille) n’exerce pas uniquement une pression de sélection sur un individu receveur de soins, mais il est lui-même modelé en retour par la pression de sélection exercée par les individus présents qui peuvent être des donneurs et des receveurs. Etudier l’évolution des soins parentaux, c’est donc aussi s’intéresser aux boucles de rétroactions entre donneurs et receveurs et aux pressions de sélection agissant à la fois sur une seule et sur les deux parties simultanément. Comprendre ce système complexe de rétroaction est donc crucial pour élucider le déterminisme des soins parentaux (par exemple les phénomènes de coadaptations ; Smiseth et al., 2008) et étudier son histoire évolutive au travers des espèces.

3.1.1 Investir ou non dans les soins aux œufs ?

Les femelles ont généralement deux façons de maximiser leur production de descendants : elles peuvent investir dans les soins qu’elles prodiguent à leurs œufs

(investissement post-ponte) et dans le nombre et/ou la qualité de leurs œufs (investissement pré-ponte) (Smiseth et al., 2012). Alors que de nombreuses études ont révélé qu’un compromis entre quantité et qualité des œufs existe chez la plupart des vertébrés et des invertébrés (Shine, 1989; Krist, 2011), la présence et la nature du lien entre ces investissements et l’expression de soin maternels étaient peu connues au moment de notre étude (Summers et al., 2006). Etudier ce lien est pourtant primordial si l’on veut mieux comprendre le rôle des soins parentaux dans l’évolution des stratégies de reproduction (Stearns, 1992) et notamment déterminer si investir dans les soins maternels post-éclosion est une stratégie fixe et prédéterminée, ou un processus plastique visant à compenser une

 Koch LK & Meunier J (2014). BMC

capacité d’investissement limité dans la quantité et/ou la qualité des œufs produits (Lock et

al., 2007).

Nous avons testé si la quantité et la qualité des juvéniles produits dépendaient de l’investissement des mères dans la quantité et la qualité des œufs produits, ainsi que dans les soins maternels envers les œufs (Koch & Meunier, 2014). En particulier, nous avons utilisé 80 femelles sur lesquelles nous avons mesuré le nombre d’œufs produits, le poids moyen de ces œufs, la perte de poids des mères entre la production des œufs et leur éclosion (une mesure reflétant l’investissement dans les soins maternels, car les femelles ne se nourrissent pas pendant la période de soins aux œufs (Kölliker, 2007)), le nombre de juvéniles produits et leur poids moyen. Nos résultats montrent dans l’ensemble que la qualité des juvéniles est uniquement déterminée (positivement) par le poids des œufs, alors que les trois types d’investissements maternels interagissent pour déterminer le nombre de juvéniles produits. Ces interactions montrent d’abord que l’association positive entre nombre d’œufs et nombre de juvéniles disparait lorsque les œufs sont de faible poids (Figure 10A) ou lorsque les femelles investissent peu dans les soins aux œufs (Figure 10B). Ces résultats révèlent donc à la fois que la qualité intrinsèque des œufs dépend de leur poids, et que l’investissement des femelles dans les soins aux œufs peut favoriser la capacité des œufs à se développer jusqu’à l’éclosion. Ensuite, nos résultats montrent que le poids des œufs est associé positivement au nombre de juvénile produits lorsque les femelles investissent dans le soin aux œufs, mais que cette association devient négative lorsque cet investissement se réduit (Figures 10C). Ainsi, les œufs les plus gros semblent avoir un besoin plus important de soins maternels que les œufs les plus petits, mais les œufs les plus gros permettent aussi d’avoir les juvéniles de meilleure qualité. Ce résultat révèle donc qu’investir dans les soins maternels après la production des œufs pourrait être une stratégie des femelles visant à compenser un investissement réduit dans la qualité des œufs. Dans leur ensemble, ces résultats démontrent qu’un lien complexe entre les investissements maternels exprimés avant ou après la production des œufs détermine le succès reproducteur des femelles. De manière général, cette étude met aussi en avant l’importance de prendre en compte les compromis entre traits d’histoire de vie si l’on veut comprendre les facteurs responsables de la fitness des individus (Stearns, 1992; Flatt & Heyland, 2011).

Figure 10 | Effets des interactions entre le nombre d’œufs, le poids des œufs et l’investissement dans le soin aux œufs sur le nombre de juvéniles produits. Les droites représentent les corrélations prédites par les modèles statistiques (GLM) pour des valeurs théoriques données et correspondant au 1er quartile, à la médiane et au 3ème quartile de la distribution de ces données. Figures tirée de Koch & Meunier (2014).

3.1.2 Des bénéfices pour les juvéniles sur le court et le long terme ? La présence des parents avec les juvéniles est

souvent associée à l’expression de soins parentaux et donc à des bénéfices pour les descendants (Smiseth et al., 2012; Klug & Bonsall, 2014). De ce

fait, l’absence ou la perte des parents sont souvent vues comme une source de coûts majeurs pour les juvéniles et ces coûts comme un moteur dans le maintien de la vie de famille d’une génération à l’autre. Alors que les coûts liés à l’absence ou la perte des parents sont généralement directs et influencent le développement, la survie ou le succès reproducteur des juvéniles une fois devenus adultes (Harlow & Suomi, 1971; Foster et al., 2012; Andres et

al., 2013), ces coûts peuvent être aussi transgénérationnels et par exemple affecter

l’expression des soins parentaux chez la génération suivante (Gonzalez et al., 2001). Pour autant, l’existence de coûts transgénérationels est uniquement connue chez des espèces altriciales, où la survie des juvéniles dépend fortement de la présence des parents. Démontrer leur existence dans les espèces précociales est pourtant très important, car les coûts transgénérationnels pourraient y favoriser le maintien de la vie de famille lorsque la perte des parents a un coût direct limité (voire absent) pour les juvéniles – un scénario qui reflète les premières étapes de l’évolution de la vie de groupe (West et al., 2015). Nous avons donc testé les effets à court-terme, long-terme et transgénérationnels de la perte de la mère chez le forficule européen (Thesing et al., 2015). Pour ce faire, nous avons élevé des juvéniles avec ou sans leur mère jusqu’à l’âge adulte, fait des accouplements croisés entre les deux catégories de nouveau adultes produits et enfin fait un échange d’œufs entre les mères

 Thesing J, Kramer J, Koch LK & Meunier J (2015).Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 282(1817), 20151617.

Figure 11 | Design expérimental permettant de démêler le rôle de l’origine des mères biologiques (gMother), des mères adoptives (fMother) et des pères biologiques (gFather) sur les soins maternels et divers traits d’histoire de vie à la génération suivante. Adapté de Thesing et al., (2015).

résultantes de ces accouplements (Figure 11). Un tel processus nous a permis d’obtenir des familles expérimentales dans lesquelles nous pouvions tester si l’expression des traits d’histoires de vie (dont les soins maternels) était déterminée par le passé de la mère adoptive (orpheline ou non), le passé de la mère qui a pondu les œufs (orpheline ou non), le passé du père qui a fertilisé les œufs (orphelin ou non) ou par une interaction entre ces trois facteurs.

Nos résultats montrent d’abord que la présence de la mère n’améliore pas le taux de survie des juvéniles jusqu’à l’âge adulte (avant nos croisements expérimentaux, donc) (Thesing et al., 2015). Ce résultat confirme celui d’une étude précédente (Kölliker, 2007) et démontre bien que les soins maternels sont facultatifs chez cette espèce. Par contre, nous montrons ici que la présence de la mère présente un coût pour les descendants car elle induit la production d’adultes plus petits et avec des pinces moins longues - deux propriétés connues pour réduire la fitness des forficules (Tomkins & Simmons, 1998; Rantala et al., 2007). A première vue, ce coût net pour les juvéniles est particulièrement surprenant, car il suggère que la vie de famille ne devrait pas être maintenue dans la nature - alors qu’elle y est bien présente. Une explication à ce résultat surprenant est que ces coûts ont été découverts dans des conditions expérimentales standardisées excluant de facto des pressions de sélection qui pourraient être importantes comme, par exemple, la présence de pathogènes et/ou de prédateurs à proximité du nid. Il est donc fort probable que la présence de la mère apporte bien des bénéfices nets à ses juvéniles en conditions naturelles, mais simplement que nos conditions expérimentales ne permettent pas à ces bénéfices de s’exprimer. Cela étant dit, nos conditions expérimentales ont permis de mettre en lumière la présence de coûts jusqu’ici peu connus pour les juvéniles et qui sont associés à la présence de la mère. Nos résultats suggèrent donc que ces coûts devraient être pris en compte lorsque l’on s’intéresse à la somme des processus capables de favoriser ou d’inhiber l’évolution de la vie de famille à partir d’un état solitaire.

Les résultats de notre deuxième étape expérimentale, c’est-à-dire les croisements, démontrent quant à eux que la perte de la mère réduit l’expression des soins maternels par les nouveaux adultes. Ce coût transgénérationnel n’est pas seulement dicté par le passé des mères adoptives, mais aussi par le passé des parents biologiques des juvéniles (Thesing et al.,

2015). En particulier, nous démontrons que les mères adoptives qui ont été orphelines

procurent moins de soins aux juvéniles que les mères adoptives qui ont été élevées par leur mère (Figure 12a et b). Indépendamment de cet effet, nous montrons aussi que les juvéniles produits par les femelles orphelines sont mieux défendus par les mères adoptantes que les juvéniles produits par les femelles ayant été élevées avec leur mère (Figure 12c). Dans l’ensemble, ces résultats démontrent que les effets transgénérationnels liés à l’absence d’une mère peuvent être présents dans les espèces où les soins parentaux ne sont pas obligatoires pour la survie des juvéniles. Nous en concluons que ces effets pourraient être un moteur important dans le maintien de la vie de famille chez ces espèces et plus généralement dans le maintien de la vie de groupe une fois qu’elle a émergé.

3.1.3 Des bénéfices contre la dépression de consanguinité ? Les soins parentaux sont traditionnellement connus

pour neutraliser les effets négatifs d’un grand nombre de stress sur leurs juvéniles, comme par

exemple la privation de nourriture, la prédation, le parasitisme ou les variations climatiques (Royle et al., 2012). De façon intéressante, ces stress sont souvent connus pour exacerber les effets négatifs de la consanguinité (appelés dépression de consanguinité) induits par l’accouplement de deux individus génétiquement apparentés (Charlesworth & Charlesworth, 1987; Crnokrak & Roff, 1999). En limitant les stress subis par les juvéniles, les soins parentaux pourraient donc aider à limiter les effets de la dépression de consanguinité (Avilés & Bukowski, 2006) – un bénéfice qui n’avait jamais été directement testé au moment de notre étude. Nous avons donc testé cette prédiction chez le forficule européen. Pour ce faire, nous avons accouplé des individus génétiquement apparentés (frères et sœurs) ou non-apparentés, et les avons ensuite maintenus avec leur mère (traitement avec soins maternels) ou sans leur mère (traitement sans soin maternel). Nos prédictions étaient que les effets de la dépression de consanguinité sur le développement et/ou la survie des descendants seraient plus forts en l’absence de la mère. Nos résultats ont montré que la dépression de consanguinité - si elle est présente - n’affectait pas ces deux traits chez F. auricularia et donc

a fortiori, que son expression ne dépendait pas de la présence ou l’absence de soins maternels

(Meunier & Kölliker, 2013). Il est tout de même intéressant de noter que l’absence de dépression de consanguinité révélée par nos résultats suggère qu’il n’y a pas d’évitement de consanguinité dans la population étudiée et donc que celle-ci a été purgée de ses allèles récessifs hautement délétères, c’est-à-dire ceux s’exprimant dans les premières étapes de la

Figure 12 | Effets directs et transgénérationnels de la perte de la mère sur l’expression de trois formes de soins maternels par la génération suivante : (a) la durée d’abandon, (b) l’approvisionnement en nourriture et (c) la défense des juvéniles. MT = élevée avec la mère (maternally tended), MD = élevée sans mère (maternally deprived), fMother = origine de la mère adoptante (foster mother), gMother = origine de la mère génétique des juvéniles adoptés (genetic mother). Les tailles d’échantillons sont au bas de chacune des barres. * P < 0.05. Illustration adaptée de Thesing et al., (2015).

 Meunier J & Kölliker M (2013). Journal of

vie (Glémin, 2003). Il s’agit d’un point important, car plusieurs études suggèrent que la dispersion des adultes est très faible chez cette espèce (Moerkens et al., 2010) et donc que les opportunités d’accouplements entre individus apparentés peuvent être fréquentes dans la nature. A la suite de notre étude, l’hypothèse que nous avions soulevé a été testée chez un autre insecte, le scarabée nécrophore Nicrophorus vespilloides. Comme nous l’avions alors prédit, Pilakouta et al. (2015) ont démontré chez cette espèce que les soins maternels permettent bien de limiter la dépression de consanguinité et ont donc confirmé l’existence d’une source de bénéfices peu connue des soins parentaux.

3.1.4 Les bénéfices pour les juvéniles sont-ils conditions-dépendants ? L’évolution des soins parentaux implique que leur

expression apporte plus de bénéfices que de coûts pour les parents. Alors que beaucoup d’études se sont intéressées à l’importance des conflits génétiques et de la variation d’apparentement entre les membres d’une même famille sur ce ratio

coût/bénéfice (Clutton-Brock, 1991; Mock & Parker, 1997; Ratnieks et al., 2006; Royle et al., 2012), le rôle des conditions environnementales et surtout de l’apport en nourriture sur l’évolution des soins parentaux ont reçu peu d’attention (Wong et al., 2013). Une hypothèse traditionnelle est que les conditions environnementales difficiles favorisent l’émergence des soins parentaux du fait des bénéfices significatifs qu’ils apportent alors pour les juvéniles (Wilson, 1975). Dans de telles conditions, les juvéniles élevés par leurs parents devraient donc être mieux aptes à survivre que ceux n’ayant pas accès aux soins parentaux. Mais les conditions environnementales difficiles peuvent aussi exacerber les coûts de ces soins pour les parents et ainsi réduire (pour les parents) la valeur des juvéniles présents au détriment de ceux potentiellement produits dans le futur (Trivers, 1974; Klug & Bonsall, 2007). Il est donc possible de prédire que les juvéniles élevés dans des conditions environnementales difficiles ne devraient pas mieux survivre en présence qu’en l’absence de leurs parents. Nous avons testé ces deux prédictions chez le forficule européen (Meunier & Kölliker, 2012b). En

Figure 13 | Effets de la présence de la mère lorsque la nourriture est limitée sur (a) la survie, (b) le nombre et (c) la vitesse de développement des juvéniles jusqu’à l’âge adulte. *** P < 0.001. Figure tirée de Meunier & Kölliker (2012b).

 Meunier J & Kölliker M (2012). Biology

Letters, 8(4), 547–550.

 Kramer J, Körner M, Diehl JMC, Scheiner C, Yüksel-Dadak A, Christl T, Kohlmeier P & Meunier J (2017). Functional Ecology, in press.

particulier, nous avons élevé des juvéniles avec ou sans leur mère, tout en leur offrant un accès limité à la nourriture. De façon surprenante, nos résultats ne supportent aucune des deux prédictions et révèlent plutôt que la présence de la mère réduit la survie des juvéniles (Figure 13). Ce résultat est à mettre en perspective avec un résultat précédent, montrant que la présence des mère augmente la survie des juvéniles jusqu’au dernier stade larvaire lorsque ces derniers ont un accès ad libitum à la nourriture (Kölliker, 2007). Nos résultats montrent donc non seulement que la présence de la mère n’est pas forcément associée à des bénéfices pour les juvéniles, mais aussi qu’elle est potentiellement associée à des coûts pour les juvéniles (voir aussi notre étude détaillée plus haut mais dans des conditions optimales ; Thesing et al., 2015). Il semblerait donc que les mauvaises conditions environnementales ne puissent pas être considérées comme une pression de sélection universelle favorisant l’émergence et le maintien de la vie de famille (Wilson, 1975; Wong et al., 2013).

Pourquoi la présence de la mère diminue-t-elle la survie des juvéniles lorsque la quantité de nourriture disponible est limitée ? L’hypothèse la plus probable est que la mère et les juvéniles entrent en compétition pour l’accès à cette nourriture. Nous avons testé cette hypothèse au travers d’une nouvelle expérience (Kramer et al, 2017). Son protocole expérimental fut le même que pour l’expérience précédente (Meunier & Kölliker, 2012b) sauf que nous avons mesuré ici 1) la prise de poids de la mère et des juvéniles pendant la vie de famille, 2) le poids initial de chacune des parties (qui est un indicateur de leur qualité générale) et enfin 3) l’investissement des mères dans leur seconde reproduction. A l’aide de ces mesures, nous avons d’abord voulu comprendre si une compétition avait effectivement lieu entre les deux parties en testant si la consommation de nourriture par la mère se faisait au détriment de la survie des juvéniles. En accord avec cette prédiction, nos résultats ont montré que la prise de poids des mères affecte négativement le taux de survie des juvéniles jusqu’à l’âge adulte (Figure 14a). Il est important de noter que cette association n’était présente que lorsque la mère et les juvéniles étaient ensemble – ce qui permet d’éliminer la possibilité que ce pattern ne reflète qu’un lien intrinsèque (par exemple génétique) dans la capacité des mères et celle de leurs juvéniles à prendre du poids au cours des interactions familiales. De façon intéressante, cette association révèle que certaines femelles prennent plus de poids que d’autres, et donc que le niveau de compétition entre mère et juvéniles peut être variable entre familles.

Qu’est-ce qui détermine le niveau de cette compétition ? Pour répondre à cette question, nous avons cherché à associer la prise de poids des mères (et des juvéniles) à leur poids initial, un paramètre connu pour refléter leur qualité (Meunier et al., 2012; Koch & Meunier, 2014). Nos résultats confirment l’existence de ce lien et révèlent que la prise de poids des mères est négativement corrélée à leur poids initial (Figure 14b). Il semblerait donc

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