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Protéger ses juvéniles contre les pathogènes

II. MEMOIRE

3. La coopération

3.3 La protection collective contre les pathogènes

3.3.3 Protéger ses juvéniles contre les pathogènes

protègent leurs œufs contre les spores de champignons, nous nous sommes demandés si cette protection avait aussi lieu après l’éclosion des œufs. Cette question est importante, car des vertébrés aux

invertébrés, plusieurs facteurs sont souvent avancés pour expliquer l’investissement des juvéniles dans leur propre niveau d’immunité : le risque général d’infection, leur âge et leur accès à une protection extérieure telle que celle proposée par l’immunité sociale (Siva-jothy

et al., 2005). Par exemple, il a été démontré que le niveau basal d’immunité des géospizes

 Vogelweith F, Körner M, Foitzik S & Meunier J (2017). BMC Evolutionary Biology, 17:69.  Kohlmeier P, Dreyer H & Meunier J (2015). J

Insect Physiology.

Figure 21 | Effets de la présence de la mère sur la protection des œufs contre les microorganismes. Ces effets sont estimés au travers (a) de l’effet de cette présence sur le succès d’éclosion des œufs qui ont été exposés ou non à des spores de moisissure. (b) de l’effet de la présence des spores sur le temps passé à nettoyer les œufs et (c) de l’évolution de la quantité totale d’hydrocarbures sur les œufs en fonction de la présence de la mère. Figures adapté de Boos et al. (2014).

fuligineux Geospiza fuliginosa (un oiseau) augmente en même temps que la prévalence de parasite dans leur population (Lindström et al., 2004), que les juvéniles de l’abeille à miel améliorent leur investissement dans l’immunité lors de leur développement (Wilson-Rich et

al., 2009a) ou encore, que les soins parentaux améliorent la réponse immunitaire des

juvéniles chez l’hirondelle rustique Hirundo rustica (Saino et al., 1997). Pour autant, savoir si ces facteurs agissent seuls ou en interaction sur l’immunité des juvéniles restait peu compris au moment de notre étude. Pour élucider cette question, nous avons conduit une expérience visant à tester simultanément l’effet de ces trois facteurs sur l’investissement des juvéniles de forficule dans plusieurs traits de la réponse immunitaire (Vogelweith et al., 2017). Pour ce faire, des familles expérimentales ont été mises en place dans lesquelles nous avons manipulé de façon croisée la présence de la mère (présente/absente) et la présence de spores de M.

brunneum dans l’environnement (présence/absence) pendant les 14 premiers jours de la vie

Tableau 2 | Une multitude de méthodes existe dans la littérature pour estimer le niveau d’activité de la phénoloxidase chez les insectes. Afin de comprendre les avantages et inconvénients de chacune de ces méthodes et ainsi déterminer la plus robuste, nous avons comparé 3 jeux de données en utilisant chacune de ces méthodes (D1 = Le forficule européen F. auricularia, D2 = la fourmi Cataglyphis cursor et D3 = le scarabée

Tribolium molitor). Nos résultats ont montré que les comparaisons pouvaient aller dans des sens différents

suivant les méthodes utilisées (voir ci-dessous), appelant au développement d’une nouvelle méthode robuste d’analyse. C’est ce que nous avons fait en mettant en place la méthode PO-CALC, qui est gratuite et disponible sous la forme d’un script R et d’un logiciel autnome. Tableau tiré de Kohlmeier et al. (2015)

Type Potential limitations

Description Mean PO activity Example of reference D1 D2 D3 Time difference  Sensitive to outliers  Depends on the saturation of the chemical reaction

Abst15 – Abst0 0.094 0.100 0.421 (Cotter et al., 2004) Abst10 – Abst0 0.042 0.063 2.261 (Demuth et al.,

2012) Abst20 – Abst0 0.148 0.131 6.084 (Adamo, 2004) Abst15 – Abst5 0.085 0.080 3.887 (Srygley et al.,

2009)

Abst16‘200 – Abst0 0.487 0.204 12.368 (Mucklow &

Ebert, 2003) Single point  Sensitive to curves

with a delayed increase  Sensitive to noisy graphs Abst30 0.324 0.232 13.750 (Vilcinskas et al., 2013)

Abst20 0.230 0.189 10.400 (Reeson et al.,

1998) Highest value  Sensitive to curves with a delayed increase  Sensitive to noise Maximum rate of reaction within 30 minutes 0.015 0.012 0.871 (Rantala et al., 2002)

Fixed Vmax  Sensitive to curves with high absorbance at beginning and/or a delayed increase Slope between 5 and 15 min 0.001 0.001 0.099 (Siva-Jothy et al., 2008)

de famille – c’est-à-dire juste après l’éclosion des œufs. Nous avons ensuite transféré les familles dans un nouvel environnement standardisé (sans mère et sans pathogène) et suivi le développement de deux paramètres immunitaires chez les juvéniles au deuxième, troisième et quatrième stade de développement (les adultes ont aussi été testés mais les résultats ne sont pas présentés ici). Les paramètres immunitaires mesurés sont la concentration en hémocytes, qui sont des cellules immunitaires circulant dans l’hémolymphe et qui sont impliqués dans la reconnaissance et l’encapsulation des pathogènes, et dans l’activité totale de phénoloxidase (PO+PPO), qui est une cascade enzymatique principalement impliquée dans la mélanisation des corps étrangers (Beckage, 2008). Il est important de noter que pour mesurer l’activité totale de phenoloxidase, nous avons utilisé le script PO-CALC que nous avons précédemment développé afin de standardiser et d’optimiser la comparaison de ces mesures chez les invertébrés (Tableau 2 ; Kohlmeier et al., 2015).

Nos résultats confirment que l’immunité des juvéniles augmente avec l’âge (Figure 22a ; Vogelweith et al., 2017). Par contre, et de façon plus surprenante, nous avons montré que la présence de la mère et/ou des pathogènes dans les premiers jours post-éclosion n’influencent pas l’investissement des juvéniles dans leur concentration en hémocytes et dans leur activité totale de phenoloxidase (Figures 22b et 22c). Il n’y a pas non plus d’interaction entre les trois facteurs testés sur l’immunité des juvéniles.

Dans l’ensemble, ces résultats révèlent le rôle limité de la mère sur l’immunité personnelle des juvéniles, renforçant un peu plus l’idée selon laquelle mère et juvéniles sont très indépendants chez cette espèce. Il est toutefois important de noter que nous ne testons ici que l’effet à long terme de la présence d’une mère sur l’immunité des juvéniles, c’est-à-dire après que la mère ait cessé d’interagir avec ses juvéniles, ce qui n’exclut pas un effet de la mère sur l’immunité des juvéniles pendant la vie de famille. Pour autant, l’aide que la mère apporte à ses œufs (Boos et al., 2014) et qu’elle pourrait potentiellement apporter à ses

Figure 22 | Effets de (a) l’âge, (b) de la présence de pathogènes dans l’environnement et (c) d’une mère sur la concentration en hémocytes des descendants. Adapté de Vogelweith et al. (2017).

jeunes ne se retrouve pas une fois la vie de famille terminée. La protection contre les pathogènes ne semble donc pas être un moteur important dans le maintien des interactions mère-juvéniles chez cette espèce.

3.3.4 Les fécès peuvent-ils être une forme d’immunité sociale ?

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