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paradigmatique à la dimension des usages sociaux corporels et réciproquement du corporel dans les usages sociaux, elle suggère une question que nous portons tout au long de notre étude : « la position de "contrepoint" qu’occupe le corps, à la croisée des problématiques

classiques de la sociologie, n’est elle pas plutôt son intérêt principal ? » (p. 24). Pour un

précis épistémologique du corps, nous renvoyons à son ouvrage « La construction sociale du

corps », proposant « une cartographie du paysage sociologique consacré au corps », « une tentative d’articulation et de problématisation des réflexions sur le corps » (p. 20)35. L’objet de cette sous-section n’est pas de reproduire des fragments choisis de ce travail. Il est de préciser un positionnement dans le vaste univers épistémologique du corps.

En premier lieu, une étude intégrant le corps nécessite d’interroger la notion de "nature humaine", incontournable dans le domaine des violences (a). Ensuite, ce corps doit être interrogé dans sa pluralité, le corps étant à la fois sa chair et bien plus (b). Enfin, il est essentiel de rappeler que le corps transpire ses sentiments via des émotions qui sont une substance difficile à saisir mais incontournable dans l’analyse des conflits face-à-face (c).

a. Le corps de l’Homme : de l'usage de l'Ethologie et d'une prétendue "nature humaine"

« En ce qui me concerne, je crois qu'il nous appartient d'étudier la vie sociale des hommes comme des naturalistes, sub specie aeternitatis. Du point de vue des sciences physiques et biologiques, la vie sociale des hommes ne représente qu'une petite excroissance dans la Nature, qui n'est pas vraiment justiciable d'une analyse systématique en profondeur. Et il en est ainsi, mais elle est à nous.

Avec quelques exceptions, ce n'est qu'à notre époque que des chercheurs ont réussi à la considérer comme un objet d'étude détaché de toute subjectivité et à se sentir libres de traiter d'autre chose que des éternels vieux problèmes ».

Goffman, 1988-e [1957], 278-279

Le corps semble être un objet névralgique, adapté à l’« interdisciplinarité » (Morin, 2003). Selon B. Andrieu, l’épistémologie du corps montre des apports de la sociologie, de la psychologie, mais aussi de la philosophie (Andrieu, 2006). Une question se pose cependant avant même ce remembrement des sciences humaines et sociales. Une sociologie de l’action passant par une sociologie du corps ne peut en effet éviter l’épineuse question de la "nature

35 C. Detrez y reconstitue le corps en creux, dressant un moule facette par facette, dans une présentation très structurée, synthétique tout en restant richement illustré d’exemples, références et citations. Le prisme proposé, d’une rare complétude, nous permet de cerner les problématiques gravitant autour des usages sociaux dans leur paradigme et leur construction. Cet ouvrage et notre thèse se répondent en de nombreux points, pour ne pas dire tous, illustrant le fait qu’une sociologie des usages du corps relève davantage d’une dimension paradigmatique que d’un objet à proprement parler.

humaine", qui, nous le verrons, est incontournable sur l’objet des "violences", et notamment

du "passage à l’acte" (Cf. Chap. II, Sect. 1, §. A). Penser le conflit interpersonnel ne peut se faire sans questionner un affrontement entre mammifères. L’approche d’E. Goffman trouve ici un pont permettant de basculer vers une sociologie du corps contemporaine. Nous verrons ainsi les propositions de ce dernier pour une ouverture à l’éthologie et aux études comportementales et le passage qu’il nous offre vers une définition du corps en violence. En 1992, B. Conein propose une mobilisation de l’éthologie pour développer l’analyse des interactions humaines (Conein, 1992). De nombreuses recherches permettent aujourd’hui de questionner la problématique de la frontière homme-animal vers une révocation de la thèse de la singularité de l’homme (Camos et al., 2009). Si les études sur l’animal portant à remise en cause de la frontière sont déjà bien installées, la discipline de l’« éthologie humaine » est, elle, en développement, et reste balbutiante (Boissy, 2009, 188-251). La question se pose, l’"éthologie humaine" ne serait-elle pas une approche paradigmatique spécifique de la sociologie ?

Selon E-T. Hall, le fossé qui sépare l’homme de l’animal est loin d’être si profond (Hall, 1971 [1966], 8). L’homme se distinguerait des autres animaux en ce qu’il a réussi à créer des « prolongements de son organisme » ; « l’homme a porté ces prolongements à un tel

niveau d’élaboration que nous finissons par oublier que son humanité est enracinée dans sa nature animale » (p. 16). L’ouvrage, ouvertement présenté comme un précis d’éthologie

appliquée à l’animal humain, est un point de départ intéressant pour remettre en cause la notion de "nature humaine" (pp. 21-38). Selon E-T. Hall les interactions sont un point de connexion idéal entre analyse de l’homme et de l’animal, sur les dimensions de l’espace, mais aussi du langage corporel (1984 [1959]). Nous préciserons son approche, comme socle vers la « proxémie » (Cf. Chap. III) et la mise en intention du conflit (Cf. Chap. II) (1971 [1966], 13)36. En contemporain de cet auteur atypique de la sociologie, E. Goffman conforte la démarche et ajoute un problème qu’il considère épineux pour l’analyse des interactions : si les interactants agissent bien selon des séquences, ils agissent en simultanée. Selon lui, les processus séquencés par soucis d'explicitation sont en réalité des chevauchements, aucun des protagonistes ne cesse totalement d'agir, d'émettre ou de percevoir, un aspect qui souligne fortement l'animalité humaine et le débordement du corps sur le contrôle de l’action (Goffman, 1991 [1974], 558). Ce problème vient essentiellement du fait que ces analyses se

36 « Le terme de "proxémie" est un néologisme que j’ai créé pour désigner l’ensemble des observations et

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centrent souvent sur la conversation et oublient fréquemment le corps, et plus encore la situation où le corps agissant s’insère.

Selon E. Goffman, l'objet et le cadre analytique des interactions face-à-face étaient encore peu clairs dans les années 1970, où elles étaient d’ailleurs impulsées par l’éthologie et la linguistique (1974, 7 [V.ang : 1]). Elles cherchent alors le « matériel comportemental » (idem). Pour lui, l'objectif en est double, d'une part de décrire, d'une autre de révéler l'ordre normatif dans les activités. Presque toute activité animale serait située socialement, vie sociale et vie publique leur seraient coextensives. Ainsi, dans une telle conception, les éthologues apportent-ils une dimension essentielle dans l'analyse des interactions face-à-face (1973-b, 18 [V.ang : 21-22]).

De ce fait, pour E. Goffman l'approche éthologique du rituel, dont il tire ses concepts fondamentaux, est aussi pertinente que l'approche anthropologique (1988-c [1983], 258). Cet usage provient du postulat qui veut que la "nature humaine" soit une notion construite (1974, 42 [V.ang : 45]). Le conflit interpersonnel, mettant le corps en danger, développe cette attitude de vigilance et de sollicitation de tous les canaux d’expression et de perception à son paroxysme. Cette tension détourne les acteurs de leur jeu social, canalisé sur le conflit, et offre de faire transparaître les cadres primaires de manière visible en de nombreux endroits. Si cette remise en cause de la nature humaine semble en grande partie acquise pour la sociologie et l’anthropologie française, nous verrons que la psychologie clinique, ayant une main mise sur le "passage à l’acte", s’y accroche encore fermement (Cf. Chap. II, Sect. 1).

Ce cadre théorique implique de placer le corps biologique et symbolique aux premières loges. C'est bien le corps qui met en place les traits d'union dans l'interaction face-à face. C'est lorsque le discursif corporel est ajouté, fût-il proxémique, postural, gestuel ou facial, qu'un problème transparaît. E. Goffman suggère de prendre en compte la proxémie dans les analyses de conversations, même s’il n'en formule pas encore le terme, par la «

distance qui sépare les interlocuteurs » (1988-b [1964], 178). E. Goffman considère que la

situation sociale et l'environnement ont été négligés (pp. 179-180). Dans cette notion il tend à renvoyer systématiquement à la territorialité et à l'homme-animal. Nous ajouterons une approche empirique de plus à cette dimension (Cf. Chap. I. Sect. A) abondamment développée par E-T. Hall, dont nous empruntons l’approche proxémique (Hall, 1971 [1966]). Des variables psychobiologiques sont nécessairement impliquées dans le conflit, les similitudes homme-animal ne peuvent être négligées ;

« L'émotion, l'état d'esprit, la cognition, l'orientation du corps et l'effort

musculaire sont intrinsèquement impliqués, introduisant un inévitable élément psychobiologique. L'aise et le malaise, la désinvolture et la circonspection sont des éléments centraux. Notons aussi que l'ordre de l'interaction montre les humains sous cet angle de leur existence qui manifeste un recouvrement considérable avec la vie sociale d'autres espèces. Il est tout aussi mal avisé de négliger les similitudes entre les salutations animales et humaines que de rechercher les causes de la guerre dans des prédispositions génétiques » (1988-c [1983] 232-233).

Ces constats d’E. Goffman et d’E-T. Hall sont à restituer dans leur époque et ont d’autant plus de mérite que les plaies de l’anthropologie biologique, suite aux dégâts infligés par la seconde guerre mondiale et ses répercussions, mais aussi par l’époque coloniale et postcoloniale, sont alors encore très vives. Hormis les rares exceptions de chercheurs faisant office de "francs tireurs", la sociologie et l’anthropologie sont alors en rupture avec toute dimension biologique. Il est nécessaire d’y réinjecter progressivement une dimension biophysique et de questionner la frontière entre le biologique et le social, et surtout ses porosités. G. Boëtsch et D. Chevé proposent de réhabiliter l’anthropologie bio-culturelle en ramenant ce questionnement sur le devant de la scène, même si la démarche doit être prudente (Boëtsch, Chevé, 2006). Une analyse des conflits, mettant en jeu le corps en situation de plaisir, d’angoisse, de douleur, doit intégrer ces questionnements. L’objectif est donc non de prétendre à une démarche éthologique mais de prendre suffisamment en compte le corps biologique pour fournir une étude à laquelle pourrait se greffer d’éventuelles démarches éthologiques et bio-culturelles.

b. La corps et sa chair

Nous avons rappelé qu’il existe de nombreux paradigmes d’appréhension du corps. Le corps est notre miroir social, et notre lieu d’existence (Boltanski, 1971). Cette idée fondatrice de la sociologie du corps, au moins en France, semble elle-même remise en cause (Le Breton, 2011). Un postulat engageant une définition du corps ne peut partir du corps comme d’un concept acquis. Il répond tout d’abord à la question « quel corps ? ». Il est assez évocateur qu’une revue critique radicale célèbre spécialiste du corps ait fait de cette interrogation son intitulé (autodissoute en 1997). Lorsqu’elle aborde l’objet du corps la présente recherche questionne le schéma conceptuel tripartite proposé par L. Wacquant, et lui ajoute une quatrième dimension transversale. L. Wacquant propose d’aborder le corps sous les trois cadres du « corps instrumental », du « corps moral », et du « corps esthétique » (Wacquant,

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2015-a, 27). Nous y ajouterons, en premier lieu, le corps-objet, le corps-mobilier37, qui peut bien devenir instrumental, esthétique ou moral, comme « matière à décrire » (Julien, Rosselin, Warnier, 2006).

Le corps est un élément véhiculant une forte symbolique semblant coller à toutes ses actions et toutes ses coexistences (Saliba, 1999). Une approche situationnelle interactionniste du corps nécessite avant toute chose d’analyser ce corps dans sa masse a-signifiée, et pour ce faire, en golem d’argile, au modelage asexué et grossier, dépecé et sans visage. Le corps est un élément mobilier qui occupe l'espace. Le corps est alors un élément spatial, part prenante de la géographie des lieux. G. Di Méo propose de restituer cette dimension du corps au cœur de la géographie, questionnant les notions d'espace, lieu et territoire en parallèle des notions d'individu de personne et d'acteur (Di Méo, 2010). Nous tentons de suivre cette proposition en la restituant au cœur de la sociologie. Les corps peuvent être réifiés. Ces corps réifiés, ces corps de chair, sont aussi une propriété qui nous attache. La socio-économie des êtres s'exprime matériellement par une socio-économie des corps. Nous partons du postulat que, reprenant la terminologie de B. Latour, le corps-masse, le corps-objet, lorsqu'il est signifié, est un « faitiche » (Latour, 1996)38. Le corps fait agir et est agi. Le corps est un facteur répondant d’une tension d’attachement entre fusion et expulsion, à son propre corps et au corps de l’autre.

Le corps-objet, le corps-masse et volume, avant même son instrumentalité, est une part essentielle du déploiement des interactions conflictuelles. Nous montrerons que la promiscuité des corps propose autant d'objets-corporels à ne pas bousculer ou même ne pas approcher. Cette géographie des corps est une géographie fluctuante, les objets-corporels se voyant accorder une valeur proxémique fonction des instants et des espaces. Il est davantage recommandé d'éviter de frôler les objets-corporels dans les toilettes que sur la piste de danse. En ce sens, les objets-corporels peuvent être signifiés différemment suivant les temps et les espaces.

Ils ne le sont pas nécessairement et nous montrerons qu'ils peuvent présenter une simple barrière physique de masses mouvantes. Lorsqu'un videur se précipite sur un conflit

37 La notion de corps-mobilier est liée à la notion juridique de bien mobilier, où elle s'oppose au bien immobilier. Il s'agit d'un élément physique qui peut être déplacé. Cette définition permet de poser le corps dans sa dimension la moins symbolique qui soit, celle d'entité matérielle mobilière.

38 Nous comprenons le faitiche comme un objet fétiche, c'est-à-dire signifié et personalisé, exerçant une action par son anima, qui en parallèle, "fait" la personne et la situation qui le signifient en retour. Dans un chapitre d’un ouvrage collectif, B. Latour prend l'exemple de la cigarette, est-ce elle qui est fumée ou qui fait fumer le fumeur ? (Latour, 2000) Pour simplifier, un objet faitiche est un objet dont la force de signification identifie en retour les

grave et doit écarter la foule, il la fend et la pousse sans aucune autre considération que comme autant d'objets qui obstruent son chemin. Des objets télécommandés, qui doivent se rétracter sur son "laissez passer ! ", ou "dégagez ! ", sous couvert d’être bousculés plus ou moins violemment sans aucune signification supplémentaire que celle attribuée à un portillon défectueux qui empêcherait un habitant de sortir de sa maison en flammes. A ce niveau les corps ne sont que des masses. Nous montrerons que dans le conflit lui-même les masses des corps peuvent être bousculées sans considérations, ou encore utilisées pour couvrir une fuite.

Ce corps, ce corps-objet, est l’unité « véhiculaire individuelle » pour reprendre E. Goffman. Le corps manifeste un « capital corporel » dans ce que traduisent ses apparences, mais aussi un potentiel d’activité (Bourdieu, 1985). Le corps-objet peut être tout à fait inerte, à l’arrêt, en situation de sommeil ou de coma. Il peut être activé, il est alors un corps « machine », un corps « outil », le « corps instrumental » (Wacquant, 2015-a, 27). Le corps instrumental est le corps performant des « technique du corps » (Mauss, 1967). Il exprime les performances sur une multitude de compétences définissant les interactions conflictuelles. Des compétences pugilistiques telles qu’habileté, dextérité, agilité, vitesse, force, puissance, mais aussi des compétences expressives. Savoir intimider et dissuader par ses expressions faciales, gestuelles et proxémiques est un art qui dépasse de loin l’esthétique pour confiner au théâtre. Le corps prend une dimension esthétique, dans sa chair et dans le geste, par la grâce, par exemple, il est alors le « corps esthétique » incarné (Wacquant, 2015-a, 34). Le corps esthétique peut aussi ne pas être incarné mais être uniquement imaginé, et alors, entre autre, fantasmé. Cette dimension du corps esthétique est celle de ce qui est beau et qui plaît ou ne plaît pas dans les canons socioculturels génériques. Le corps est une expression esthétique de notre existence (Shusterman, 2007). Cette masse corporelle fonctionnelle et esthétisée traduit aussi des valeurs morales et une axiologie du système où il se meut, il est le « corps moral » (Wacquant, 2015-a, 39). Le corps est sain ou malsain dans sa chair, l’être est sain ou malsain par l’esthétique qu’il manifeste. En ce sens le corps esthétique et le corps moral se recoupent étroitement.

c. Le corps et ses émotions

Notre démarche est celle d’une sociologie situationniste des interactions, affinant son paradigme par une sociologie du corps pour analyser les interactions conflictuelles. Elle couple le cadrage des relativités par les différents acteurs face-à-face, et donc par leur corps en action. Le corps, du cerveau à la peau, en passant par toutes ces machineries de

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construction des sens et du vécu. La sociologie ne peut alors se cantonner à elle-même, comme N. Elias l’a bien montré, elle doit parfois s’ouvrir à la psychologie (Elias, 2010 [textes rédigés entre 1950-1990]). C’est le cas ici, lorsque le sociologue traverse le corps, où il doit même parfois flirter avec la philosophie d’un côté et la neurologie de l’autre. Le biologique et le social qui se répondent, la membrane psychique réversible entre l’intérieur et l’extérieur, l’anthropologie flirtant avec la philosophie, constituent des liaisons dangereuses et pourtant difficilement évitables, et encore moins contournables. Des liaisons dangereuses qui ne retirent rien à l’assise disciplinaire. L’objet est bien la dialectique de l’individu et du groupe, ses interactions, l’une des parts constitutives du social, mais elle questionne son interface. Une interface sensible et relative.

Pour restituer la base généalogique de son inspiration théorique pour « Les cadres de

l’expérience », E. Goffman puise dans la « Phénoménologie de la perception » de M.

Merleau-Ponty (Merleau-Ponty, 1945). En 1966, huit ans avant la publication de l’ouvrage d’E. Goffman, P. Berger et T. Luckmann enfoncent cette idée de relativités dans « La

construction sociale de la réalité » (Berger, Luckmann, 2006). La réalité est à la fois

objective et subjective, dans le partage et un alignement réciproque sur sa définition. Selon eux la réalité est un phénomène reconnu par les acteurs comme étant indépendant de leur propre volonté. L’idée, issue de la philosophie, n’est donc pas neuve en sociologie. Depuis c’est tout un univers de la recherche qui s’est développé sur les émotions, les sensations et relativités. A. Qribi propose de réactualiser l'apport de Berger et Luckmann dans l'analyse de la construction identitaire (Qribi, 2010). Dans un autre courant, B. Latour et M. Callon proposent un texte militant pour une sociologie dite « relativiste » (Latour, Callon, 2012). Non qu'elle remette en cause la possibilité de la construction d'un savoir vérifié, mais bien par le fait qu'elle se porte sur les relativités des acteurs. Une démarche renforcée par l'ouvrage de B. Latour, « Enquête sur les ordres d'existence » (Latour, 2014).

En sciences sociales, l'émotion se manifeste de manière sensible lorsqu'on se rapproche des corps sur le terrain, y compris en situation d’entretiens, parfois. L’émotion trouve ainsi sa place par l'anthropologie et les méthodes ethnographiques, où elle transparaît de manière récurrente dans le lien de l'enquêteur à son terrain, comme chez J-F. Laé (Laé, 2002) par exemple, ou d'autres qui seront présentés à la suite dans notre précis méthodologique. L'émotion sensible, insaisissable et objet névralgique transdisciplinaire à dimension débordant l'humain, s'épanouit donc dans l'anthropologie. L. Howes se plonge dans le sensible mais en se centrant sur le « sensorium individuel », le kaléidoscope de la

combinaison des sens, et la traduction des uns et des autres sur le perçu de la réalité (Howes, 1990). F. Laplantine propose une anthropologie ciblée sur un terrain par son essai, « Le social

et le sensible. Introduction à une anthropologie modale », proposant une brève anthropologie

du corps par l’art de la danse au Brésil, une anthropologie du métissage, il se donne pour objectif de rappeler la nécessité de ne pas écarter le sensible en soulignant les modalités d’attitudes à incorporer (Laplantine, 2005). Dans une anthropologie englobante et à