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SOCIALES POUR ANALYSER LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES PRENANTES

La définition du repreneuriat que nous avons retenue (Deschamps, 2003), met en exergue la création de valeur ou le renouvellement de valeur au bénéfice des parties prenantes et de leur projet comme finalité du processus de reprise. Il y a donc une logique d’échange dans les relations entre le repreneur et les parties prenantes. Mais quelle est la nature de ces échanges ? Que peuvent échanger le repreneur et les différents acteurs de l’organisation ? Pour Cyert & March (1963), l’organisation est une coalition d’acteurs (les actionnaires, les collaborateurs et les clients, les fournisseurs et les pouvoir publics). Le moteur de la coalition est l’échange de contributions et de rétributions. Lorsque le rapport entre contri-bution et rétricontri-bution est équilibré, alors la coalition fonctionne. L’équilibre est obtenu, non pas par une maximisation de la satisfaction d’une des parties prenantes, mais par l’atteinte d’un niveau jugé satisfaisant par chaque partie prenante. Cet équilibre est le fruit d’une négociation et le rôle du manager (dirigeant) est de définir le rapport contribution/ rétribu-tion. Le rôle du repreneur sera donc de poursuivre ou de redéfinir ce rapport contribution/ rétribution. Une transmission-reprise a pour conséquence principale la rupture des relations d’échanges entre les collaborateurs (et les différentes parties prenantes de l’organisation) et le dirigeant prédécesseur et la nécessaire construction de nouvelles relations avec le suc-cesseur. La mise en place d’une nouvelle direction correspond à une nouvelle prise de rôle (Graen, 1976) permettant de reconstruire de nouvelles structures sociales au sens de Weick (1969) au sein de l’organisation.

Les relations entre les parties prenantes de l’organisation seraient donc fondées sur des échanges sociaux permettant à chaque partie prenante d’avoir une réponse satisfaisante (ou non) à ses attentes. Pour approfondir ce constat théorique, il nous semble pertinent de tenter de répondre aux questions suivantes :

• Quels sont les caractéristiques et les déterminants des relations d’échanges entre les

individus ? (Section 1)

• Comment peut-on analyser les relations d’échanges entre le repreneur et les parties

prenantes dans le contexte spécifique d’une reprise ? (Section 2)

L’enjeu principal de ce chapitre est d’identifier un modèle théorique permettant de décrire les relations d’échanges entre les parties prenantes.

Les ressources sociales comme objet d’échange interindividuel

Les travaux de Blau (1964) permettent de proposer une alternative à la vision tradition-nelle des échanges interpersonnels dans le champ de la gestion et de l’économie, celle de « l’homo economicus ». La proposition de Blau est que toute rencontre interpersonnelle peut être considérée comme une transaction mais que les règles qui régissent cette transaction varient considérablement en fonction du type de ressources que les individus souhaitent (et peuvent) échanger. Selon cette théorie les individus engagent une série d’interactions interdépendantes qui génèrent des obligations entre les parties réalisant des échanges (Blau, 1964 ; Emerson, 1976 ; Homans, 1958).

Quand une des parties pourvoit à l’autre une ressource de valeur bénéfique, une obliga-tion est générée auprès du bénéficiaire d’offrir une ressource bénéfique à son tour. Une série d’échanges mutuels renforce la qualité de la relation entre les parties, ce qui produit des com-portements bénéfiques et productifs. Blau (1964) reprend les courbes d’indifférences issues de l’économie et les transpose dans les mécanismes de l’échange social : l’allocation de temps remplace l’allocation de monnaie. La courbe d’indifférence partage le temps entre travail et repos, effort et statut. Pour illustrer sa théorie de l’échange social, Blau (1964), prend l’exemple du conseil de l’expert. L’échange social de conseil ne peut avoir lieu que si le plus expert pense que le statut acquis par la délivrance de son conseil est supérieur à la poursuite d’activités autres ou que le moins expert pense que la perte de statut du fait d’avoir besoin d’un conseil est moins coûteuse que l’effort à fournir pour parvenir seul à son objectif.

Heath (1975) reproche à Blau de ne pas tenir compte d’un contexte dans lequel l’échange n’apporte pas forcément d’amélioration à chacun. Par exemple, lorsqu’on est dans un contexte de coercition et qu’il n’y a pas de « main invisible » de la transaction qui rendrait toutes transactions réalisées acceptables. Pour Heath, l’échange social est parfois contraint. La coercition n’est pas forcément perçue comme une menace ou une situation particulière mais elle peut être la norme sociale : on peut citer par exemple des sociétés « policières » ou des organisations dont le management est orienté vers le contrôle des erreurs et des fautes, ce qui est le cas de beaucoup d’organisations.

La première publication de la Théorie de l’échange de Ressources Sociales (TRS) appa-raît dans la revue Science en 1971, puis cette théorie est affinée dans le livre Societal

Struc-tures of the Mind (Foa & Foa 1974), puis 6 ans plus tard (Foa & Foa 1980). Comme la

théo-rie de Blau (1964), la TRS offre une alternative à la perspective économique qui domine les années soixante et soixante-dix. En effet, il y a une faiblesse conceptuelle à considérer que les échanges interpersonnels ne sont qu’économiques. Ainsi dans le contexte d’une reprise,

ce qui lie le repreneur et ses salariés, par exemple, ne serait que l’échange de « la force de travail » contre un salaire ou une rétribution financière ? La TRS tient aussi compte des contextes d’échanges négatifs de ressources (rétention ou privation). Elle permet de prendre en compte les relations produisant des effets négatifs que les économistes ne considèrent pas comme des transactions. En effet, dans les théories économiques, si les agents risquent de subir des effets négatifs supérieurs aux avantages d’une transaction potentielle, ils la refusent et donc elle n’a pas lieu. Il est donc difficile de prendre en compte la nature transactionnelle d’un échange produisant des désagréments.

La TRS, s’appuyant sur une classification des schémas de ressources matérielles et imma-térielles, donne un cadre pertinent pour expliquer différents comportements des individus au sein des organisations : les conflits au travail (Nelson, 1989) et les comportements destructifs (Colbert, Mount, Harter, Witt & Barrick, 2004), le partage de connaissances (Hansen, 1999), la performance au travail (Harris, Kacmar & Zivnuska, 2007), les comportements citoyens (Masterson, Lewis, Goldman & Taylor, 2000).

Nous avons donc choisi la TRS comme cadre théorique permettant de comprendre les relations entre le repreneur et les parties prenantes pour trois raisons principales : première-ment, la logique transactionnelle de la TRS nous paraît cohérente avec la définition retenue du repreneuriat (« un processus incarné par un ou plusieurs individus s’associant en impul-sant une nouvelle organisation sur la base d’une entité rachetée afin d’apporter une valeur accrue, voire nouvelle, aux parties prenantes à leur projet », Deschamps, 2003). Deuxième-ment, cette théorie prend en considération d’autres ressources que les ressources strictement économiques. Or, nous avons vu dans notre premier chapitre que les enjeux de la reprise sont associés aux relations non conventionnelles (personnelles, émotionnelles ou affectives) que le repreneur peut établir avec les parties prenantes. Troisièmement, la TRS permet d’expli-quer les conflits au travail, les comportements destructifs, le partage de la connaissance et la performance au travail qui sont autant d’enjeux centraux de la réussite d’une reprise.

Plan du Chapitre II

L’ÉCHANGE DE RESSOURCES SOCIALES

POUR ANALYSER LES RELATIONS ENTRE LES PARTIES PRENANTES Section 1 : Les caractéristiques et les déterminants des relations d’échanges

entre les individus

1.1 L’initiation, le développement et la rupture des relations d’échanges 1.2 Les déterminants influençant les relations interindividuelles

1.3 Les ressources échangées, les modes d’allocation et les processus d’échange

Section 2 : Les relations d’échanges dans le contexte d’une reprise

2.1 Les types de relations repreneur-parties prenantes et les conditions de leur transformation

2.2 Les attentes de ressources et les types de ressources échangées 2.3 Les facteurs influençant les échanges dans le contexte d’une reprise

Section 1 – Les caractéristiques et les déterminants