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Les différents types de transmission-reprise de PME

parmi les différents types de transmission-reprise

1.1 Les différents types de transmission-reprise de PME

Qu’est qu’une PME ? La Commission Européenne1 propose de définir les PME comme

des entreprises dont l’effectif est inférieur à 250 personnes et dont le chiffre d’affaires n’ex-cède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’exn’ex-cède pas 43 millions d’eu-ros. Une des plus grandes difficultés pour répondre à cette question tient à l’extrême hétéro-généité des PME.

Dans la littérature (Julien, 1994 ; Van Caillie, 2003), une PME est caractérisée par deux éléments, la taille de l’organisation et l’impact du profil du dirigeant entrepreneur. La taille de l’organisation implique un portefeuille de ressources rares, générant un faible volume d’emplois directs, un système de gestion simple et peu formel, une dépendance à l’égard de son environnement (technologie, marché du travail, marché des capitaux…). Cette taille est aussi souvent perçue comme une ressource lorsqu’elle se traduit par une plus grande flexi-bilité ou agilité.

L’autre élément essentiel, le profil du dirigeant entrepreneur (sa personnalité, sa forma-tion, son expérience, ses aspirations personnelles et familiales, ses compétences managé-riales et techniques, son attitude à l’égard du risque et de l’innovation) impacte la stratégie et les modalités de gestion, les relations avec les parties prenantes (salariés, clients, four-nisseurs, pouvoir publics, etc.). À l’extrême, en particulier dans les entreprises artisanales, il peut y avoir une confusion identitaire entre le dirigeant et l’entreprise (Picard & Théve-nard-Puthod, 2004).

Pour Cadieux (2008) la transmission de PME est caractérisée par trois éléments : la pour-suite de l’activité de l’entreprise dans une logique de continuité, la mise en place effective d’un successeur (dans les cas de transmission familiale) ou du repreneur (dans les autres cas de transmission), et le retrait du prédécesseur (dans les cas de transmission familiale) ou du cédant (dans les autres cas de transmission) de la gouvernance et de la propriété de l’entre-prise. En outre, elle comporte deux aspects : la transmission de gestion et la transmission patrimoniale (Bayad & Barbot, 2002). La reprise, toujours selon Cadieux (2008), correspond à la perspective du repreneur.

La reprise interne ou la reprise externe

Depuis les années 2000, la recherche en transmission-reprise s’est attachée à mieux com-prendre le phénomène en bâtissant une typologie dont le critère de différenciation principal est 1. Recommandation 2003/361/CE de la commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des PME. JO L124 du 20 mai 2003, p. 36.

le lien entre le successeur-repreneur et l’organisation et, plus précisément, la proximité rela-tionnelle entre cédant et repreneur. Cette typologie a permis de proposer des cadres d’analyse différenciés concernant les processus, les parties prenantes impliquées, les risques associés, etc. Les auteurs se sont « spécialisés » sur les différents champs de la littérature, la succession, le rachat par les salariés ou la reprise par les personnes physiques ou encore sur les reprises par des personnes morales dans une logique de croissance externe.

Tableau 2 - Représentation des modalités de transmission d’une PME

Choix 1 Choix 2

Modes Succession Cession

Transmission Interne à la famille Externe à la famille

Interne à l’entreprise Interne à l’entreprise Externe à l’entreprise Bénéficiaire de

la transmission Héritier Un ou plusieurs salariés À un tiers, personne physique À un tiers, personne morale Courant

de la littérature Succession RES RPP Croissance Externe D’après Deschamps & Durst (2014) et Cadieux (2010).

Les reprises externes représentent 75 % des opérations (dont 12,2 % pour les personnes morales) contre seulement 25 % pour les reprises familiales et par les salariés selon le baro-mètre CNCFA Epsilon 2017. Cette faiblesse de la reprise interne semble être spécifique de la France. « Ce taux est au moins deux fois plus faible que dans les principaux pays de la zone euro » (CNCFA Epsilon 2017). Ce type de reprise représente 51 % des reprises en Allemagne et 80 % en Italie.

Pour Borges (2012), « la succession d’une entreprise familiale est un phénomène impor-tant dans le cycle de la vie des entreprises familiales dès lors qu’elle exerce une influence significative sur la survie même de celles-ci. » Elle permet selon différents auteurs « d’im-pulser la croissance de l’organisation, à partir de l’insertion de nouvelles pratiques de ges-tion et de direcges-tion stratégiques » (Kellermanns, Eddleston, Sarathy & Murphy, 2012). Mal gérée, elle peut conduire à la faillite de l’entreprise familiale suite à l’apparition de conflits inhérents à la dynamique entre famille et entreprise (Borges, 2012, citant Massis, Chua & Chrisman, 2008).

Même si le départ en retraite du dirigeant est la première circonstance de transmission, les motifs hors retraite représentent en fonction des secteurs de 40 à 52 % des opérations (Stéphan, 2012). Toute entreprise à partir d’une certaine taille (plus de 10 salariés et plus

1,5 million d’euros de CA) est potentiellement à vendre ou à acheter (Oséo-BDPME, 2005). Ainsi, il conviendrait de considérer que la transmission d’entreprise n’est plus synonyme du départ en retraite du propriétaire dirigeant et que cela devient un acte de gestion ordinaire (Stéphan, 2012). « Il y aura aussi un nombre croissant d’entrepreneurs qui resteront dans la même entreprise pendant une période plus courte, et non pas seulement toute leur vie comme par le passé » (DG Entreprises, 2002-2 : 51 cité par Stéphan, 2012).

Les modalités de transmission ne relèvent pas toujours d’un choix. Si, spontanément, les entrepreneurs souhaitent transmettre leur entreprise à un repreneur membre de la famille (Bughin, Colot & Finet, 2010), pour la plupart des transmissions externes, la principale raison de la cession de l’entreprise par son dirigeant demeure l’absence de successeur familial (Had-dadj & d’Andria, 2001). La faiblesse et la baisse continue des transmissions familiales s’ex-pliquent par plusieurs raisons : un manque d’intérêt (souvent lié au niveau d’étude croissant des héritiers familiaux, Stavrou, 1999), une inaptitude de la part des successeurs et le refus réel ou inconscient des dirigeants de transmettre l’entreprise. L’époque où les enfants suivaient les traces de leurs parents est révolue (Bughin & al., 2010).

Le Breton-Miller (2011) propose pour remédier à ces difficultés « de solliciter la can-didature de membres de la famille élargie ou de chercher des candidats à l’extérieur de la famille ». Pourtant, même si les reprises externes sont les plus nombreuses, elles ont aussi un taux d’échec deux fois supérieur à celui de la transmission aux salariés et plus de trois fois à celles des transmissions familiales (Picard & Thévenard-Puthod, 2006).

La reprise par les salariés ou plus largement par un insider (Bastié & al., 2010), facilite le transfert. Selon Oséo-BDPME (2005), le degré de proximité du repreneur avec l’entreprise protégerait de l’échec de la reprise. « Plus le repreneur est proche du cédant (membre de la famille, salarié), plus il a acquis des connaissances sur le secteur, sur l’entreprise et son fonc-tionnement et moins les incertitudes de l’environnement sur sa capacité à gérer l’entreprise sont importantes », précisent (Bastié & al., 2010). La position d’insider réduirait les asymétries d’information sur la santé de l’entreprise et son potentiel économique et favoriserait un com-portement collaboratif du cédant lors de la phase de transition. En outre, elle améliorerait la qualité des relations avec les parties prenantes, en particulier avec les clients (Bastié & Cieply, 2007). La présence du cédant à la direction de l’entreprise au côté du repreneur après la cession est un facteur de succès lorsque l’entreprise à au moins 10 salariés. (Oséo-BDPME, 2005).

Les successeurs internes représentent deux types d’atouts pour l’organisation : une meil-leure connaissance de l’entreprise (produits, marchés, concurrents et clients, collaborateurs, technologie, organisation - Parrino, 1997) et l’existence de réseaux sociaux à partir desquels

ils acquièrent l’information spécifique. Picard & Thévenard-Puthod (2004) évoquent aussi la reconnaissance par les collaborateurs et la légitimité préalable dont ils bénéficient.

Pour Bughin & al. (2010), le repreneur externe apporte pour sa part une connaissance et un savoir-faire nouveau, et il est naturellement plus susceptible de mettre en place des stra-tégies innovantes remettant en question les strastra-tégies existantes et la volonté de continuité.

Ces auteurs soulignent également le lien entre la performance de l’entreprise et le choix du profil du repreneur. Dherment (1998) et Smith & Amoako-Adu (1999), travaillant sur les successions d’entreprises familiales, montrent aussi que la bonne performance d’une entre-prise avant reentre-prise est souvent associée à une reentre-prise interne tandis, qu’à l’inverse, une faible performance conduit à « l’engagement d'un manager externe ». Dans le premier cas, il s’agira de poursuivre la stratégie du prédécesseur. Dans le second, c’est un changement radical qui est attendu. On peut noter dans ce contexte que la succession est présentée comme un rem-placement et semble assez analogue à un recrutement.

La reprise interne familiale ou la succession

Parmi les reprises internes, les reprises familiales (ou successions familiales) sont consi-dérées comme spécifiques. Elles comportent un niveau de complexité supplémentaire car des questions relationnelles particulières, des « histoires de familles » (de Freyman & Richomme-Huet, 2010) s’ajoutent aux enjeux économiques et sociaux. Même si cette forme d’organisations est très ancienne, les entreprises familiales ne sont un objet d’études en management que depuis les années quatre-vingt. Allouche & Amann (2000) ont répertorié différentes définitions d’une très grande hétérogénéité (voir tableau 3 page suivante).

Tableau 3 – Les définitions d’une entreprise familiale

Auteurs Contenu

Définitions monocritère Critère de la propriété

Critère du contrôle Barnes L. B. & Hershon S. S. (1976) ; Alcon P. B. (1982) ; Lansberg I., Perrow S. & Rogolsky S. (1988)

L’entreprise est la propriété d’un individu, ou des membres de la famille.

Définitions pluri-critères

Propriété et contrôle Davis J.A. & Taguiri, R. (1982) ; Davis J. & Pratt, J. Eds (1985) ; Rosenblatt, P.C. de Milk, L. Anderson R. M. et Johnson (1985) ; Dyer, W. G. J.-R. (1986) ; Handler, W. C. (1989) ; Cromie S., Stephenson B. & Monteith D. (1995)

L’entreprise est à la fois la propriété d’un individu et d’une famille.

Elle est contrôlée par une famille plus ou moins élargie (avec plus ou moins d’intensité dans le contrôle).

Propriété, transmission et contrôle

Churchill N. Hatten K. J. (1987) ;

Ward J. L. (1987) La transmission de l’entreprise à une autre génération a été (ou sera) effectuée. La nouvelle génération doit conserver le contrôle.

Propriété et domination de la famille, nom de l’entreprise

Christensen R. (1953) La domination par la famille se traduit par le fait que cette dernière donne son nom, l’imprègne de ses traditions et est (ou a été) propriétaire d’une partie des actions.

Génération d’entrepreneur et influence mutuelle.

Donneley (1964) Il y a au moins deux générations de membres de la famille dans l’entreprise et une influence mutuelle famille/entreprise.

Existence de

sous-système Beckard, R & Dyer W. G. Jr (1983) Un système composé de sous-systèmes (l’entreprise, la famille, le fondateur)

Sources Allouche J. & Amman B. (2000) p. 12, cité par Ben Hamouda & Smida, 2008.

Cadieux (1999) propose la définition suivante : « Une entreprise sous contrôle individuel ou familial dont la majorité des dirigeants - il peut n’y en avoir qu’un - sont les membres de la même famille, qu’elle soit nucléaire ou élargie, que ces derniers y contrôlent la gestion effective et que ceux-ci ont une volonté ferme de transmettre l’entreprise à la génération suivante ». Cette définition souligne clairement l’intention de transmission.

La succession se définit comme étant le processus par lequel le leader de l’entreprise fami-liale est remplacé par un autre membre de la famille (Van der Merwe, Venter & Ellis, 2009).

Le rachat d’entreprise par les salariés (RES) (traduction du LMBO anglo-saxon :

Leve-rage Management Buy Out) correspond à la transmission faite au bénéfice de salariés,

sou-vent membres de l’encadrement. Il peut s’agir d’un employé, d’un groupe d’employés, d’un actionnaire minoritaire ou d’un partenaire d’affaires (Ouardi, 2012). Cette forme de trans-mission s’appuie sur la constitution d’une société holding contrôlée par les salariés, laquelle rachète les titres de la société à reprendre (Boussaguet, 2007).

Tableau 4 – Les options de transmissions internes

Types de repreneur interne Spécificités relationnelles et avantages de l’option. Un salarié ou un groupe de salarié • Connaît le cédant et l’entreprise pour y avoir travaillé.

• Permet une meilleure préparation du repreneur.

• Permet de garder l’expertise managériale de l’entreprise

tout en protégeant les méthodes et procédés de l’entreprise. Un actionnaire ou des actionnaires

minoritaires • Connaît le cédant et l’entreprise pour y avoir été impliqué financièrement.

• Peut connaître l’entreprise pour y avoir travaillé.

• Permet de garder l’expertise managériale de l’entreprise.

Un ou des partenaires d’affaires • Connaît le cédant et l’entreprise pour y avoir été impliqué

financièrement.

• Peut connaître l’entreprise pour y avoir travaillé.

• Permet de garder l’expertise managériale de l’entreprise

un ou des partenaires d’affaires.

• Connaît le cédant et l’entreprise pour y avoir collaboré

en tant que partenaire d’affaires, mais pas nécessairement au niveau du management.

D’après Ouardi (2012), source : Cadieux & Brouard (2007).

Pour Barbot & Richome-Huet (2007) ces différentes options se distinguent par le degré de connaissance qu’a le repreneur de l’entreprise avant d’en assumer l’entière responsabilité.

Pour Lambert, Laudic & Lheure (2003), la RES permet de conserver l’expertise mana-gériale au sein de l’entreprise et de protéger la confidentialité de son savoir-faire, de ses méthodes et de ses procédés. Elle permet aussi de maintenir l’esprit d’entrepreneuriat au sein de l’entreprise et de diminuer le risque lié aux coûts de transaction (Ouradi, 2012 citant Oséo, 2005). En revanche, la difficulté de ce type de reprise est que l’entreprise doit disposer en son sein d’employés à la fois intéressés à reprendre l’entreprise et possédant des compé-tences requises de dirigeant (Medef, 2007).

La reprise externe par une personne physique (le repreneuriat)

Pour Bornard & Thévenard-Puthod, (2009) quand un cédant décide de transmettre son entreprise, il désire plutôt la transmettre à quelqu’un de proche, en priorité à sa famille (81 % des propriétaires souhaitent que leur entreprise reste dans la famille, selon Marshall & al., 2006). La transmission familiale est devenue largement minoritaire en France (Oséo BDPME, 2005) et l’on observe une part croissante de cessions à un tiers externe contrai-gnant le cédant à trouver un « fils spirituel » capable de pérenniser l’œuvre d’une vie (Kets de Vries, 1985). Deschamps (2003) définit la RPP de nature entrepreneuriale comme un pro-cessus « incarné par un ou plusieurs individus s’associant en impulsant une nouvelle

organi-sation sur la base d’une entité rachetée afin d’apporter une valeur accrue, voire nouvelle, aux parties prenantes à leur projet ». L’auteure entend par repreneur « un nouveau propriétaire-di-rigeant, seul ou abrité derrière une structure limitant ses risques personnels, qui achète, de manière onéreuse, une cible en fonctionnement » (p. 61).

Pour Brancaleoni & Masquelier (2005) « la cession ou la transmission d’une entreprise (sous forme individuelle ou de société) conduit à un changement de pouvoir sans que les élé-ments primordiaux de cette entreprise ne disparaissent (objet, dénomination sociale, enseigne, clientèle, salariés) ». Quelles que soient les modalités financières de l’acte, la finalité de la transmission réside bien dans la continuité organisationnelle, commerciale ou patrimoniale.

Du point de vue juridique, la transmission à titre onéreux se définit comme la cession des pouvoirs à un tiers – personne physique ou morale – en contrepartie d’un prix et traduit la continuité de l’existence et de l’activité de l’entreprise (Oséo-BDPME, 2005). Pour Stéphan (2012), si les repreneurs sont considérés comme de nouveaux acteurs dans l’organisation, leur mission principale en tant que propriétaire-dirigeant est bien la poursuite de l’activité de l’en-treprise. Ils sont les nouveaux porteurs de la continuité organisationnelle. Le repreneur entre dans une entité dont les collaborateurs n’ont pas été recrutés par lui et qui ont leurs pratiques, leur culture, leurs attentes, et avec lesquels il va devoir reconstituer des relations d’échanges. La reprise a des particularités liées à la réalité intangible de l’entreprise. Il doit faire avec une entreprise qui existe déjà en termes de localisation, d’affaires, de positionnement sur un mar-ché, etc. Le repreneur acquiert le « statut » d’entrepreneur lorsqu’il achète une entreprise pour la transformer. En d’autres termes, il ne deviendra véritablement « entrepreneur » que lorsqu’il aura provoqué des changements dans le fonctionnement ou la stratégie de l’organisation.

Synthèse : Les différents types de transmission-reprise de PME

Les recherches en transmission-reprise ont permis de bâtir une typologie dont le cri-tère de différenciation principal est le lien entre le successeur-repreneur et l’organisa-tion ainsi que la proximité relal’organisa-tionnelle entre cédant et repreneur. Cette typologie a conduit à proposer des cadres d’analyse différenciés concernant les processus, les parties prenantes impliquées, les risques associés, etc. Nous retenons la définition de Deschamps (2003) de la reprise externe par une personne physique : un processus « incarné par un ou plusieurs individus s’associant en impulsant une nouvelle organi-sation sur la base d’une entité rachetée afin d’apporter une valeur accrue, voire nou-velle, aux parties prenantes et à leur projet ».