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Les parties prenantes d’une reprise

d’une reprise externe par une personne physique

2.2 Les parties prenantes d’une reprise

Dans cette partie notre objectif est de mieux définir quelles sont les parties prenantes d’une reprise et d’identifier leurs attentes. Pour cela nous nous appuyons sur les catégorisa-tions de Barnes & Hershon (1976), de Estève & Mahé de Boislandelle (2015) et sur la typo-logie de Mitchell, Agle & Wood (1997). En effet, la combinaison de ces modèles permet de prendre en compte les dimensions spécifiques d’une reprise et de classifier les attentes quels que soient les situations de reprise, les profils et les stratégies des parties prenantes.

a. Les typologies issues du champ du repreunariat

Barnes & Hershon (1976) distinguent les acteurs d’une transmission-reprise d’entreprise en fonction de deux dimensions : l’appartenance ou non à l’entreprise (acteurs externes ou internes) et le milieu dans lequel elles évoluent (milieu familial ou milieu des affaires). Ces dimensions permettent de classifier les différents acteurs en 4 catégories (tableau 9).

Tableau 9 – Les catégories d’acteurs de la reprise

Milieu Appartenance

Interne à l’entreprise Externe à l’entreprise Familial Salariés, dirigeants familiaux Membres de la famille non impliqués. Des affaires Salariés employés, actionnaires non

familiaux Clients, fournisseurs, banques, pouvoirs publics, riverains. D’après Barnes & Hershon (1976).

Estève & Mahé de Boislandelle (2015) définissent une partie prenante d’une reprise comme un « acteur, individuel ou collectif, activement ou passivement concerné par une décision ou un projet ; c’est-à-dire dont les intérêts peuvent être affectés positivement ou négativement à la suite de son exécution ». Elles distinguent cinq catégories : Interne (sala-rié, dirigeants, actionnaires ou actionnaires majoritaires), Proches (autres associés, finan-ceurs, préteurs de long terme, apporteurs de facilités à court terme), Amont (fournisseurs, sous-traitants, co-traitant d’un groupement), Aval (clients, donneurs d’ordres, maîtres d’ou-vrage publics ou privés), Périphériques (institutions consulaires, collectivités territoriales, riverains, l’Administration, associations diverses, groupes de pression, opinion publique). Ces différents acteurs ont des intérêts variés. Estève & Mahé de Boislandelle (2015), dis-tinguant les parties prenantes directes et les parties prenantes indirectes, ont identifié les intérêts dominants de chacune d’entre elles.

Le tableau 10 met en évidence la diversité des intérêts, des attentes et des offres de services ou d’appuis que le dirigeant repreneur devra prendre en compte ou pourra exploiter.

Tableau 10 – Parties prenantes et intérêts dominants

Parties prenantes directes Intérêts dominants

Dirigeants/décisionnaires Risque juridique, risque de réputation, risque de perte de compétence, performance, résultats, stratégies, marché, concurrence…

Actionnaires/associés Profit, information, stratégie.

Clients Qualité des produits, relation de confiance et partenariat…

État Respects des règles, fiscalité, subventions, crédit d’impôts, soutiens, surveillance, maintien de l’emploi.

Collectivités locales Taxes et contributions financières, risque juridique, aides diverses. Salariés Rémunération, sécurité de l’emploi, intérêt du travail, conditions

de travail, hygiène et sécurité au travail.

Syndicats salariés Représentation, négociation d’accords, rémunération, conditions de travail.

Fournisseurs et sous-traitants Prix et volume d’achat, continuité, retombées technologiques, partenariat.

Banques Financement de projet, trésorerie.

Investisseurs Information sur la solvabilité et les performances.

Compagnies d’assurances Information sur la gestion des risques, sur la sécurité informatique. Concurrents directs ou indirects Hostilité, coopération, coopétition.

Parties prenantes indirectes Intérêts dominants CCI, chambres des métiers,

syndicats professionnels Dynamisme de l’entreprise, difficulté, formation. Citoyens des communautés locales Information sur les impacts, environnementaux. Lobbies divers Pressions sur certains projets.

Syndicats et partis politiques Pressions sur certains projets.

D’après Estève & Mahé de Boislandelle (2015).

b. Les typologies issues du champ de la théorie des parties prenantes

Pour mieux comprendre les liens qui unissent les acteurs avec le processus de reprise, nous proposons d’approfondir ce concept de parties prenantes dans la suite du texte. En effet, la (ou les) théorie des parties prenantes s’appuie sur les postulats suivants : l’organisation a des relations avec plusieurs groupes qui affectent et sont affectés par les objectifs de l’en-treprise (Freeman, 1984) et les intérêts des parties prenantes ont une valeur en soi et aucun intérêt n’est censé être supérieurs aux autres (Clarkson, 1995). En outre, elle s’intéresse principalement à la nature des relations organisation-parties prenantes du point de vue des processus et des résultats et à prise de décision managériale (Donaldson & Preston, 1995).

La notion de partie prenante aurait émergé dans les travaux de certains auteurs de la première

moitié du XXe siècle (Barnard, 1938) qui, les premiers, ont souligné l’importance pour la firme

d’équilibrer les intérêts des différents acteurs afin de garantir un minimum de coopération. La théorie des parties prenantes serait née à la fin des années 1960 de deux événements surve-nus aux États-Unis (assemblées générales d’Eastman-Kodak en 1967 celle de General Motors en 1970) impliquant de grandes entreprises et des acteurs jusqu’alors peu pris en compte, les groupes communautaires et les groupes consuméristes (Lépineux, 2003). De nombreux travaux de recherches ont été réalisés ensuite et, dans leur célèbre article de 1995, Donaldson & Pres-ton soulignent l’existence d’une dizaine d’ouvrages et d’une centaine d’articles. Pour Freeman (1984), le terme de parties prenantes (stakeholders) aurait été utilisé une première fois dans une communication du Standford Research Institute et le définissant comme « tout groupe indispen-sable à la survie de l’entreprise. » Depuis la définition des parties prenantes de Freeman en 1984, « Tout individu ou groupe qui peut affecter ou être affecté par la réalisation des objectifs de l’or-ganisation ». D’autres auteurs ont précisé le concept. Donaldson & Preston (1995) distinguent trois courants de la théorie des parties prenantes : normatif, instrumental et descriptif.

Tableau 11 – Les courants de la théorie des Parties Prenantes (PP) Courants

de la TPP Spécificités Auteurs principaux et problématiques abordées Normatif Obligations morales

de l’entreprise : la satisfaction des PP est une fin en soi.

Donaldson & Preston, 1995

Instrumental Gestion pertinente des PP permet d’améliorer la performance de l’entreprise. Prise en compte dans la stratégie des attentes et de la capacité d’action des PP.

• La relation entre la pression des PP et la formulation des stratégies

(Tilt 1994, Gurthie & Parker 1990, Lerner & Fryxel 1994, Weaver, Trevino & Cochran 1999, Luoma & Goodstein 1999).

• La relation entre la performance sociale et la performance financière

(Carroll & Hatfield 1985, Barton, Hill & Sundaram 1989, Cochran & Wood 1984, Cornell & Shapio 1987, Mc Guine, Sundgren & Schneeweis 1988, Preston & Sapienza 1990, Preston, Sapienza & Miller 1991, Odgen & Watson 1999, Shawn, Berman, Wicks, Kotha, Jones 1999, Johnson & Greening 1999, Decock Good 2001, McWilliams & Siegel 2001). Descriptif Descriptions

et explications des caractéristiques des actions de l’entreprise.

• La nature de la firme (Brenner & Cochran 1991).

• La manière de penser des managers (Brenner & Molander 1977). • La manière de gérer les organisations (Clarkson 1991, Halal 1990,

Kreiner & Bhambri 1991).

• Les pratiques organisationnelles en matière de diffusion

d’infor-mations sociétales (Ullmann 1985, Roberts 1992, Bebbington, Gray, Thomson & Walters 1994, Henriques & Sadorsky 1996, Mc Neil & Molster 1995, Pelle Culpin 1998, Moneva & Llena 2001).

• Les PP visées et leur importance pour l’organisation (Tomlinson,

Paulson, Arai & Briggs 1991, Mitchell, Agle & Wood 1997, Jawahar & Mclaughin 2001).

Tableau 12 – Les différentes classifications des Parties Prenantes

Critères de classification Typologie Auteurs

Formalisme de la relation

entre le dirigeant et la PP • Parties prenantes primaires• Parties prenantes secondaires Carroll (1995) Dimensions de la responsabilité sociale • Parties prenantes institutionnelles

• Parties prenantes économiques • Parties prenantes éthiques

Pelle-Culpin (1998) Compatibilité et intérêt des relations

entre le dirigeant et les parties prenantes. Parties prenantes impliquant des :• Relations nécessaires et compatibles : actionnaires, direction, partenaires ;

• Relations nécessaires mais

incompatibles : syndicats, salariés, gouvernement, clients, fournisseurs, prêteurs, organisations ;

• Relations contingentes et compatibles :

public en général, organisations connectées

dans des associations communes ;

• Relations contingentes mais

incompatibles : ONG.

Friedman & Miles (2002)

Proximité et contractualisation de la relation

entre le dirigeant et les parties prenantes • Parties prenantes contractuelles en relation directe et déterminée contractuellement : clients, fournisseurs, personnel et actionnaires.

• Parties prenantes diffuses en relation

indirecte et sans lien contractuel : autorités publiques, les collectivités locales, les associations et ONG et l’opinion publique.

Pesqueux (2002)

Les parties prenantes sont catégorisées en fonction du nombre de critères ou attributs (Pouvoir, Légitimé, urgence) auxquels elles répondent :

Pouvoir (Pfeffer, 1994 ; Dahl, 1957) : « Relation entre acteurs sociaux dans laquelle un acteur social A peut faire exécuter à un autre acteur social B une action que B n’aurait pas faite autrement ».

Légitimité (Suchman, 1995) : « Perception ou présomption généralisée selon laquelle les actions d’une entité sont souhaitables, convenables ou appropriées au sein d’un système socialement construit de normes, valeurs, croyances et définitions ».

Urgence (Mitchell, Agle & Wood, 1997) : « Degré à partir duquel les demandes appellent une attention immédiate. » Deux éléments caractérisent l’urgence :

la sensibilité de la partie prenante aux délais de réponse (Eysestones, 1978) et le caractère critique de leurs demandes (Hill & Jones, 1992).

• Parties prenantes qui « font autorité »

(définitive) possédant les 3 critères.

• Parties prenantes en attente (expectant)

possédant 2 des 3 critères

• Parties prenantes latentes (latent)

possédant 1 des 3 critères.

Mitchell, Agle & Wood (1997)

c. Le choix d’un courant théorique et d’une typologie de parties prenantes

Nous nous inscrivons notre étude dans le troisième courant de recherches (« Courant des-criptif ») pour quatre raisons.