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Chapitre I - Une question de recherche qui se construit dans le dialogue

Chapitre 1 - Ce qui est en jeu dans le développement de l’activité

I.3. La situation sociale et le développement

Combien même les analyses de l’activité, appuyées sur les situations professionnelles, permettent de saisir la dimension sociale de l’activité (Clot & Simonet, 2015) (Rabardel & Bourmaud, 2005), ce qui est en jeu ici pour analyser l’activité c’est le développement de l’activité professionnelle pris dans l’espace du travail ancré dans des cadres sociaux, ceux-là mêmes qui permettent l’engagement des individus dans l’espace de formation ! Par ailleurs dans l’espace formation se joue la dimension collective du métier, (Clot, 2011), cette forme de « sociabilité » va venir étayer le développement. L’activité des conseillers est chahutée par le changement de modèle social dans lequel l’activité de conseil s’est construite. En conséquence, les transformations du métier seront appréhendées à partir du champ professionnel.

Dans cette configuration, pour reconstruire des ressources pour l’action dans une perspective développementale, je mobilise la situation sociale de développement et l’activité comme analyseur.

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I.3.1. La situation sociale de développement

Je fais mienne la notion de « situation sociale de développement » en empruntant la définition la définition à Vygotski (1998) cité par Mayen & Olry (2012) « La situation sociale de développement représente le point de départ de tous les changements dynamiques qui se produisent dans le développement pendant une période donnée ». Ces auteurs mettent en évidence les caractéristiques des situations sociales, « c’est-à-dire des formes de vie sociale stabilisées qui composent le monde humain » comme une relation porteuse « d’un développement coordonné à un moment donné entre une personne et son environnement ».

Selon, ces auteurs, ces situations se révèlent dans les moments de crise. Je qualifierai de moment crise, l’émergence d’un autre modèle agricole qui se substitue à un autre et qui bouleverse, un système social construit par les rôles, les rapports sociaux, les règles, les valeurs. Si le point de vue instrumental de Rabardel assure la fonction de saisie des outils et de l’orientation collective du travail, dans une situation professionnelle, les connaissances qui circulent professionnelle sont interprétées alors que mobilisées dans une situation sociale le point de vue instrumentale est constitutif de l’analyse de la situation sociale, il s’agit d’identifier les connaissances circulent et comment elle contribuent à l’action et constituent des ressources par lesquelles les professionnels réélaborent l’action. (Mayen 2012). La situation sociale de développement se caractérise par la place qu’occupent les ressources reconstituées dans un champ social pour « savoir quoi faire » du point des vue des règles, des rôles, des outils, des rapports sociaux.

La situation sociale est cette situation de travail singulière qui construit la prescription de de nouvelles façons de se comporter, de nouvelles façons de penser. C’est avec cette situation que les professionnels ont à faire et avec laquelle ils font. Selon Mayen & Olry, (2012) l’identification des conditions externes et la capacité à agir du professionnel ne sert pas seulement « à identifier ce sur quoi portent les processus de transformation », mais aussi à repérer « ce sur quoi les processus de transformation peuvent s’étayer ». En effet, c’est un travail qui suppose de saisir, à partir d’une « unité » de l’action de l’individu qui n’est pas donnée, elle est donc à construire en même temps que la saisie du contexte fait de diverses logiques d’action. C’est un travail qui suppose de gérer et combiner des logiques différentes afin de forger la continuité et la stabilité de son agir ! (Dubet, 2000). Dès lors, pour interpréter les situations en évolution, l’activité des professionnels repose sur « une double activité » i) une activité d’invention des formes d’action ii) une activité de construction même des situations, des tâches. (Mayen, 2012).

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I.3.2. L’activité comme analyseur

Cet usage, emprunté à l’analyse institutionnelle (Lourau, 1971), vise à se donner les moyens de mettre à jour des impensés en vue de comprendre pour agir. La fonction d’analyseur donne les moyens de dépasser les évidences des rapports de l’individu à la situation de travail. L’enjeu est d’interroger les relations entre « le donné et le créé » (Beguin & Clot, 2004), pour produire les conditions du développement.

Mobiliser l’activité comme analyseur de pratiques engagées par des professionnels dans la diversité des situations, c’est considérer l’activité professionnelle comme le lieu de mouvements, de perturbations qui proviennent aussi bien de l’individu et des rapports entre individus, que de l’environnement de travail lui-même fait de contradictions, d’évolutions, et organisé par « des outils culturels historicisés, des situations et de contextes » (Rabardel, 2005).

C’est mettre à jour

- le processus de réélaboration de l’action dans la relation travail/formation avec la recomposition de la base d’orientation par

o l’identification des formes agissantes de la situation en montrant les relations entre les dimensions de la situation et la capacité à agir intervenant comme moyen pour étayer les transformations.

o la construction de la situation comme un environnement qui agit sur l’activité et en retour l’activité agit sur l’environnement

- le processus de genèse dans la relation entre les moyens mis en œuvre pour accéder à l’activité et leurs résultats par

o la saisie des outils proposés par l’environnement professionnel et leur transformation en système d’instruments. Ils orientent les actions et la pensée qui sont requis pour agir.

En résumé, quatre processus font système pour accéder au potentiel de déveolppement : la base d’orientation, les genèses, le processus pragmatique, le genre. La situation sociale de développement permet une réélaboration pragmatique ou dit autrement à partir d’une situation éprouvée, des potentiels de développement sont accessibles. La réélaboration s’effectue dans le champ social pour savoir « quoi faire » du point de vue des règles, des rôles, des outils, des rapports sociaux. La mise à jour proposée par l’activité rend possible de

81 concevoir ce processus d’élaboration pragmatique par lesquels des « savoirs se réélaborent ou se sont réélaborés pour l’action » et se combinant entre eux, avec d’autres participant à la constitution de formes de pensée et d’action pour et dans des situations » (Mayen, op. cité). Convoquer l’activité comme analyseur c’est mettre à jour les débats sur l’exercice du travail et le modèle agricole et sur l’exercice de la formation dans un espace, de fait, saturé de rapports sociaux qui affectent les rapports aux savoirs (Charlot, 1997) et les rapports à la pratique de conseil (Guillot, Cerf, Petit, Olry, & Omon, 2013). En mettant en évidence le statut des connaissances qui circulent comme un des moyens de reconfigurer des ressources et les processus par lesquels les professionnels sont capables de faire face, ces ressources sont partagées. Elles contribuent à constituer des règles du métier en patrimoine commun. Elles soutiennent le genre (Clot & Faïta, 2000)

Toutefois, la situation sociale de développement ainsi décrite dans sa potentialité n’épuise pas « le potentiel d’action pour ces situations qui sont constitués par les instruments fournis par la formation » (Mayen, 2012). Cet auteur pointe la nécessité de concevoir la formation comme un moyen du développement et suggère de concevoir un dispositif qui « s’occupe de construire les conditions pour que se construisent des formes de pensée et d’action suffisamment ajustées aux situations et ajustantes des caractéristiques des situations ».

Le travail de thèse appréhende le dispositif de formation qui définit « une manière de penser les questions en jeu dans les relations de travail et de formation » (Mayen, 2012, p. 62). Il se caractérise par la rupture avec la situation professionnelle de développement. La situation sociale de développement est le pivot de la didactique pour penser les nouvelles façons de faire et de penser dans les moments de crise.

En affirmant que le dispositif est lui-même un outil mis en place pour penser les évolutions d’une activité de conseil, il s’organise avec des protagonistes qui n’occupent pas les mêmes positions sociales, n’ont pas les mêmes enjeux, ni les mêmes relations aux connaissances et aux pratiques du métier. Ils ne partagent pas les mêmes points de vue sur ce que doit être et le travail et l’action de formation.

Dès lors, comment s’y prendre pour s’ajuster dans l’action de formation entre protagonistes afin qu’elle se réalise en adéquation avec l’intention de développement de l’activité professionnelle ? Comment concevoir un dispositif de formation qui privilégie d’apprendre de

82 l’expérience transformatrice du travail dans les interactions formateurs/professionnels et qui tienne compte des rapports entre la reconfiguration possible des situations de conseil et de la mise en débat des dimensions sociales et éthiques d’un travail axé sur le changement de pratiques dans une organisation professionnelle ?

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Chapitre 2 - Concevoir et analyser un dispositif de formation