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PARTIE I ÉTAT DE L’ART

4.1 La situation de médiation culturelle

Selon la définition du dictionnaire (Trésor de la Langue Française83

83 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales. En ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/

), la médiation est le « fait de servir d’intermédiaire entre deux ou plusieurs choses ». Nous dirons que dans la situation de médiation, les « deux choses » peuvent être des personnes ou des institutions, et l’« intermédiaire » sera le médiateur. Selon Jean Davallon, « il y a recours à la médiation lorsqu’il y a mise en défaut ou inadaptation des conceptions habituelles de la communication : la communication comme transfert d’information et la communication comme interaction entre deux sujets sociaux. Avec ce recours, l’origine de l’action se déplace de l’actant

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destinateur ou des interactants vers un actant tiers : il y a communication par l’opération du tiers84

Dans notre cadre qui consiste à communiquer de l’information culturelle, nous qualifierons de médiation culturelle, l’espace du dialogue qui s’installe entre les lieux vecteurs de diffusion des informations culturelles et les publics. Cet espace du dialogue vise à rapprocher les objets de la culture (œuvres d’art, monuments historiques, bâtiments contemporains, …) et la population.

».

Selon la définition consultable sur le site du Ministère de la Culture et de la Communication, la médiation culturelle « s’inscrit dans le champ de ce que l’on appelle l’éducation informelle. À la différence de l’éducation, au sens usuel du terme, l’éducation informelle n’est ni obligatoire, ni contrainte par un programme exhaustif à dispenser, ni par une validation des acquis à organiser. Ces visées sont tout à la fois éducatives (sensibilisation, initiation, approfondissement...), récréatives (loisir) et citoyennes (être acteur de la vie de la cité)85

De plus en plus d’institutions culturelles publiques (musées, écoles, …) ou privées (châteaux privés, l’écomusée d’Alsace, …), intègrent des nouvelles technologies renouvelant ainsi leurs usages de communication et leur statut. La médiation culturelle implique soit la présence physique d’un médiateur, que nous qualifierons selon Anne Fauche (Fauche, 2002), de « médiation directe » ou de « médiation présence », soient des propositions utilisables par les visiteurs en parcours libres, nous parlerons de « médiation indirecte » ou de « médiation support » : ces dernières « s’adressent à des publics potentiels qui utiliseront à leur guise et à leur rythme des supports tels que : fiche d’aide à la visite, jeu sur support papier, vidéo ou autres. Elle doit anticiper au mieux les conceptions des publics, tant sur les contenus que sur les démarches, pour les accompagner de la manière la plus pertinente dans leurs cheminements individuels ou collectifs » (Fauche, 2002).

».

Nous avons déjà évoqué dans les sous-chapitres intitulés « Représentations virtuelles » (en

page 18), et « Les navigations interactives » (en page 25), certaines médiations culturelles

indirectes sur supports numériques tels que les sites Internet, les mobiles, les bornes interactives dans les musées ou dans l’espace muséal d’une église. Ces outils interactifs en réseau constituent des aides à la visite, des extensions de parcours sur supports hypermédias. Ces supports sont donc les médiateurs, c’est-à-dire selon Pierre Rabardel, des instruments qui favorisent la relation entre le sujet et l’objet (Rabardel, 1995). L’instrument ne se réduit pas à l’aspect technologique. L’approche instrumentale de Pierre Rabardel, nous montre comment les instruments sont façonnés par la technologie et ses utilisateurs. Il distingue deux processus mêlés : « instrumentation » et « instrumentalisation ». Le premier met en avant la façon dont l’instrument conditionne les actions de l’usager pour réaliser sa tâche. L’utilisateur applique des « schèmes d’utilisation » à l’instrument. Si ce dernier est nouveau pour l’usager,

84 Sur le site Wikibooks : http://fr.wikibooks.org/wiki/La_médiation_culturelle

85 « Médiation culturelle et politique de la ville » – Un lexique – 2003, à la lettre « M ». Sur le site du Ministère

de la Culture et de la Communication : http://www.culture.gouv.fr/culture/politique-culturelle/ville/mediation- culturelle/index.html#presentation

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celui-ci peut réutiliser un schème existant s’il parvient à l’associer à l’utilisation d’autres instruments de même catégorie ; si cette association n’est pas possible, l’utilisateur va construire un nouveau « schème d’utilisation » au cours de l’usage. En retour, l’« instrumentalisation » implique une « contribution » de l’usager pour la « personnalisation », la « différenciation », le « détournement » de l’instrument.

Joseph Rézeau (Rézeau, 2004) s’appuie sur les arguments de Monique Linard (Linard, 1996) et de Nicole Poteaux (Poteaux, 2000) pour différencier les instruments, qui « se situent au plus près de l’apprenant », et les dispositifs de formation qui « ont pour fonction de fournir le cadre spatio-temporel et les ressources nécessaires à l’apprentissage considéré comme action ». Il cite : « Au niveau local des outils et des interfaces : comment concevoir des logiciels qui, sans harasser ni abandonner à lui-même l’utilisateur-apprenant, l’aident à s’auto-aider en résolvant autant que possible par ses propres moyens, les difficultés cognitives et socioaffectives rencontrées ? », puis, « Au niveau global des dispositifs de formation : comment mettre utilement à la disposition de l’apprenant les diverses ressources disponibles, les siennes, celles de son environnement humain (enseignants et pairs) et celles des TIC et comment les répartir de façon appropriée aux divers moments du parcours d’action et d’apprentissage ? » (Linard, 1996 ; cité par Rézeau, 2004).

Les technologies de l’information et de la communication sont une occasion de repenser l’apprentissage. Lorsque ce dernier est recherché (et non seulement informel), le concept de médiation est une condition essentielle dans les actes d’enseigner et d’apprendre. La médiation pédagogique est une forme particulière de la médiation culturelle, redéfinissant le rôle de l’enseignant dans un contexte devenu interactif.

Deux modèles de pratiques pédagogiques courants sont d’abord distingués en situation de classe (Pouts-Lajus & Riche-Magnier, 1999) : le « modèle classique » qui privilégie la transmission du savoir par l’enseignant, le « modèle moderne » qui privilégie la construction des connaissances par l’élève (apprentissage individuel). Entre ces deux modèles, Serge Pouts-Lajus et Marielle Riche-Magnier observent ensuite le « modèle de la médiation » qui permet de mettre en commun, sur des supports pédagogiques, les concepts enseignés ; ceux-ci étant plus facilement validés et appropriés par l’élève ou l’étudiant.

Catherine Kellner explique L’apport du support CD-Rom en tant que médiateur

pédagogique (Kellner, 2001). Actuellement, les enseignants s’adressent à une classe d’élèves comme à un destinataire unique. Dans une telle situation, le discours prononcé par l’enseignant ne sera pas compris par tous les élèves, ces derniers ayant des capacités cognitives différentes. Le CD-Rom, par la pluralité des parcours qu’il peut offrir, peut s’adresser à plusieurs destinataires à la fois, et de par ce fait, devenir médiateur pour envisager une « pédagogie individualisée dans une structure collective ». « Le principe-même du CD- Rom qui repose sur la navigation, c’est-à-dire la possibilité laissée par les concepteurs aux utilisateurs de se construire leurs parcours propres, met en place une nouvelle configuration, tout à fait particulière. En effet, le JE, c’est-à-dire l’équipe de conception du CD-Rom, n’a pas la volonté de construire un seul et unique discours qu’il adressera à un seul TU, mais son but est bien de permettre à ce TU interprétant de composer lui-même son discours. […] Mais pour

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que l’on puisse parler de discours, pour qu’ils puissent être porteur de sens, il faut que ces parcours soient cohérents » (Kellner, 2001).

Il convient donc aux concepteurs de réfléchir à l’architecture du support pédagogique pour essayer de répondre à autant de profils possibles, c’est l’apprenant qui doit ensuite participer et déclencher les mécanismes proposés : « Le processus de production se déroule, on l’aura compris, de façon différée. Dans un premier temps, l’équipe de conception, en composant des unités informationnelles et des liens virtuels entre elles, constitue une première partie du processus de production. Et dans un second temps, l’utilisateur, en actualisant des liens virtuels, réalise la seconde partie du processus de production. Il devient co-constructeur du discours » (Kellner, 2001).

Selon Marc Prensky, beaucoup d’enseignants résistent à l’usage des nouvelles technologies dans les salles de classe. Il y a trois raisons (Prensky, 2008) :

− D’une part, les nouvelles technologies ne peuvent pas supporter l’ancienne pédagogie « raconter/lire » (« the old pedagogy of telling/ lecturing »). Lorsque les enseignants continuent à l’utiliser en y ajoutant la technologie, le plus souvent ça coince.

− D’autre part, l’enseignant n’est pas un technologue, mais un intellectuel.

− Et enfin, le rôle de la technologie dans les salles de classe serait de soutenir le « nouveau paradigme de l’enseignement » (« The new teaching paradigm ») c’est-à- dire de soutenir des étudiants qui apprennent par eux-mêmes.

Comment alors, mettre les enseignants et les apprenants à l’aise alors qu’ils ont de plus en plus de difficultés à communiquer dans une ère où l’éducation en général a radicalement changée avec les technologies. La nouvelle génération que Marc Prensky appelle les « Digital Native » (Prensky, 2007) embrasse déjà ces changements. Franck Veillon, graphiste et auteur de jeux vidéo, parle de cette nouvelle génération qui grandit tout naturellement dans une culture de l’interactivité (Veillon, 2001) : « Alors que les adultes sont inhibés, les kids n’ont pas peur de se tromper. Notre culture venant du livre, nous sommes des linéaires textuels. Les cyberkids, en revanche, sont nés avec les télécommandes de PC, de TV, de jeux vidéo et sont des globaux, des hypertextuels qui se promènent dans des arbores-cences ».