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PARTIE I ÉTAT DE L’ART

2.4 Les cartes interactives comme représentation dynamique

Les technologies numériques ont donné naissance à des cartes dynamiques qui mettent en œuvre des nouvelles formes de représentation de l’information.

2.4.1 Des aides à la navigation

L’analyse faite par la psychologue et professeur argentin Mara Vanina Osés (Osés, 2009) en se basant sur The Internet Mapping Project [37], met en évidence la façon dont les utilisateurs d’Internet ont tendance à se positionner dans cet immense espace de navigation. Deux personnes sur cinq se placent au centre d’un réseau fait d’interconnexions et une personne sur cinq n’arrive pas à se situer dans l’espace, étant partout ou nulle part.

Pour tenter de remédier au problème de désorientation que nous avions déjà souligné dans le sous-chapitre intitulé « Les chemins de la perdition » (en page 52), phénomène connu qui est appelé « perdu dans l’hyperespace » (« lost in hyperspace »), certaines cartes offrent la possibilité au navigateur de consulter graphiquement, soit l’espace d’information dans lequel il navigue, soit le parcours qu’il a effectué.

Le concept d’ET-Map, développé par des chercheurs du Laboratoire d’Intelligence Artificielle45

Figure 64

de l’Université d’Arizona aux États-Unis, permet de naviguer à travers les couches d’informations disposées par thèmes. La carte 3D multi-niveaux est constituée des

pages relatives aux loisirs référencées par Yahoo! ( ). ET-Map utilise deux concepts

spatiaux : tout d’abord, la taille des régions est directement liée au nombre de pages Internet de la même catégorie (par exemple, la région « Music » qui a 11092 pages est plus grande que la région « Live » qui a 4300 pages), ensuite, la proximité des régions est étroitement liée à leur contenu (par exemple, les régions « Film » et « Year’s Oscars » en bas à gauche de la couche, sont situés dans le même espace spatial et sémantique).

Des outils dynamiques de visualisation conservent les traces d’un cheminement individuel permettant la relecture de notre propre parcours. Le navigateur NESTOR Navigator, développé par Romain Zeiliger, chercheur au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) GATE en France, trace des cartes de navigation au fur et à mesure de la consultation sur Internet. Il s’agit d’une interface composée d’un navigateur classique (à droite) et d’une fenêtre d’aide interactive (à gauche) utilisée pour un retour aux sites déjà parcourus. L’historique du parcours peut être entièrement ou partiellement échangé avec d’autres utilisateurs. Les points du parcours peuvent être édités pour créer des tour-guides annotés (Figure 65).

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Figure 64. ET-Map est une carte de l’espace informationnel. Créée par l’équipe de

Hsinchun Chen, National Science Foundation. A map of Yahoo46

[28

présenté par Martin Dodge sur le site Mappa Mundi ].

Figure 65. Extrait de l’interface NESTOR Navigator qui permet de tracer et de

partager le parcours de l’usager pendant sa consultation sur Internet. (Zeiliger & al., 1999).

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L’application VISVIP (Cugini & Scholtz, 1999), développée au sein du NIST (National Institute of Standards and Technology) aux Etats-Unis, permet de visualiser les trajectoires prises par les usagers pendant la visite des sites Internet. La navigation du visiteur est matérialisée par la courbe violette superposée à la structure du site. La hauteur des lignes violettes en pointillées est utilisée pour représenter le temps consacré à chaque visite de page (Figure 66). La mise en page graphique fourni par VISVIP peut être régie soit par la topologie du site Internet, soit par la structure intrinsèque du chemin de l’utilisateur.

Figure 66. VISVIP superpose la trajectoire de l’usager à la structure du site (Cugini

& Scholtz, 1999).

WebPath47

Figure 67

(Frécon & Smith, 1998), développé par Emmanuel Frécon, chercheur du groupe d’Environnement Collaboratif Distribué au SICS, et Gareth Smith du Département d’Informatique de l’Université de Lancaster, procure une visualisation de notre historique de

navigation effectuée sur plusieurs sites ( ). Chaque document consulté est représenté

par un cube étiqueté (titre, image,…) et positionné dans une structure orthogonale en 3D. Les cubes sont reliés par des flèches (pour indiquer le sens de la visite) de couleur (pour indiquer la nature du lien). Les liens de la même couleur indiquent par exemple si les documents proviennent du même site. Les axes « X » ou « Z » indiquent des paramètres tels que la taille de la page ou le nombre d’images contenues dans un document. L’axe vertical « Y » est utilisé pour donner l’heure à laquelle les documents ont été visités. Si un document se trouve être revisité, un nouveau cube va être généré.

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Figure 67. WebPath48

[40

retrace l’historique de navigation effectué sur plusieurs sites Internet. Sur le site Visual Complexity ].

Les exemples que nous avons présentés, ont en commun la volonté d’atténuer le sentiment d’« être perdu dans l’hyperespace » en offrant à l’utilisateur une vue globale de l’espace d’information qui lui est proposé ; visualiser l’espace d’information comme sur une carte qui lui indiquerait les limites et la taille de l’espace ainsi que sa position.

2.4.2 Des métaphores

La métaphore a toujours été envisagée au niveau de la linguistique (métaphore verbale comme figure de rhétorique), mais certains courants l’abordent sous l’angle de la sémiotique (métaphore iconique, geste, …). Selon George Lakoff et Mark Johnson (Lakoff & Johnson, 1985), « l’essence d’une métaphore est qu’elle permet de comprendre quelque chose (et d’en faire l’expérience) en termes de quelque chose d’autre ». La métaphore opère un transfert de sens fondé sur la ressemblance, qui nous aiderait à mieux comprendre certains concepts.

Map.Net est un exemple utilisant la ville comme métaphore : chaque bâtiment (maisons, gratte-ciels, etc.) symbolise un site Internet. Plus le site est populaire, plus le bâtiment est grand (Figure 68). L’interface est une invitation à déambuler dans l’espace d’information en survolant la ville.

Les deux applications WebBook et Web Forager sont des prototypes développés en 1996 au Centre de Recherche de Xerox à Palo Alto (Card & al., 1996). WebBook est un livre 3D interactif de pages Internet ; Web Forager est un espace d’information qui intègre le WebBook et d’autres objets dans un espace de travail 3D hiérarchique (Figure 69). La lecture des pages Internet via les boutons « suivant » et « précédent » est analogue à celle du livre que nous feuilletons. De plus, la plupart des pages Internet ont un caractère hétérogène, le livre à la capacité d’homogénéiser les pages. La métaphore du bureau permet de ranger les livres selon trois niveaux hiérarchiques : la place centrale pour exposer un livre ouvert en consultation, un bureau pour déposer les livres en attente ou déjà vus, les étagères pour classer tous les livres.

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Figure 68. Map.Net utilise la métaphore de la ville où la taille des bâtiments

représente la popularité des sites Internet. Sur le site Recherche en Cyber- Cartographie [34].

Figure 69. Web Forager et WebBook utilisent les métaphores du bureau et du livre

(Card & al., 1996).

Le concepteur multimédia David Cohen met en avant le côté rassurant des métaphores (Cohen, 1995), car face à la peur que nous avons de nous perdre dans les masses d’informations, les métaphores simples, facilement mémorisables, permettent de s’y retrouver. Il appelle « métaphores de lieux de vie » celles qui font référence aux lieux familiers : « si le bureau correspond à l’espace de travail, la maison à l’espace familial, et l’immeuble celui de l’entreprise, le village, la ville représente très souvent l’accès à un réseau ».

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2.4.3 Des formes de narration

Le Cube d’HBOImagine [10] offre une nouvelle expérience narrative. Il s’agit de visionner une série de courts-métrages sous différents angles. Pour ce faire, les divers angles de caméras sont projetés sur les quatre côtés d’un cube ; il est ainsi possible de visionner la même scène du court-métrage avec quatre points de vue simultanés en faisant pivoter le cube (Figure 70). Des documents connexes entremêlés (articles de journaux, appels téléphoniques, webcams, photographies, croquis, notes, …) viennent enrichir l’histoire pour nous aider à découvrir le « tableau d’ensemble ». La navigation est cartographiée par le site, des liens mettent en relation les contenus multimédias à la manière d’un graphe tridimensionnel. La navigation dans l’histoire consiste à suivre les liens, à cliquer sur les documents afin de déverrouiller et de visionner leur contenu qui nous permettra de comprendre les personnages et leurs motivations. La narration est entre les mains de l’utilisateur, sa progression est affichée, et s’il perd le fil de l’histoire, le recours à la carte des informations trouvées est toujours possible.

Figure 70. Le Cube d’HBOImagine [10] offre une nouvelle narration interactive.

Cette expérience narrative est un exemple de récit interactif où l’utilisateur fait progresser l’histoire à son rythme, en recueillant et en combinant des indices qui sont interconnectés. C’est une forme de récit dont l’enjeu est de concilier deux notions à priori contradictoire : l’interactivité et la narration (une forme de récit qui s’apparente aux jeux vidéo et que nous aborderons dans le chapitre suivant en page 73).

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