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PARTIE II SPASM : SYSTÈME DE PARCOURS D’APPRENTISSAGE, DE SCÉNARISATION ET DE

6.1 Sémantique narrative

Le récit combine un nombre plus ou moins important de séquences narratives. Chaque séquence enclenche un événement (ou une action). Tous les récits ont un point commun dans la mesure où la succession des événements dans le temps et l’espace raconte une histoire en utilisant un mode de narration particulier (cf. annexes « Le récit traditionnel » en page 247). La combinaison des différentes séquences narratives forment l’intrigue ; elles s’enchainent ou se répètent, se déroulent en parallèle ou se croisent, s’enchâssent ou se succèdent en cascade (cf. 3.3.3) ; dans le récit textuel, tous les événements s’emboitent selon un ordre établi par l’auteur, dans le récit interactif, l’ordre des événements est défini par le personnage principal de l’histoire.

Pour définir la structure du récit, Greimas propose un schéma narratif basé sur deux modèles (Greimas, 1966) :

− Le « modèle fonctionnel » structure le récit en trois phases : la situation initiale nous donne en général des renseignements sur les personnages, le temps et le lieu. Le point de perturbation (complication) vient rompre l’équilibre de la situation initiale et marque le début d’une série d’événements (les péripéties). Le dénouement est l’élément rééquilibrant qui annonce la situation finale.

− Le « modèle actanciel » définit le récit comme une quête destinée à combler un manque, dans lequel les actants (personnages, …) ont plusieurs rôles (« destinateur », « destinataire », « héros », « objet », « adjuvant », « opposant »).

Nos parcours topographique et cognitif se rapprochent des modèles fonctionnel et actanciel de Greimas. Le parcours topographique propose une structure fonctionnelle et le parcours cognitif confie un rôle et des actions à l’apprenant. Nos parcours mettent en forme une série d’événements, le récit les insère dans un cadre intelligible : il met les événements et les séquences en relation dans un contexte narratif procurant un motif (l’énoncé narratif au début de la quête) et un objectif (l’énoncé narratif à la fin de la quête) (Figure 106). La production de sens dans l’articulation des différentes séquences narratives coordonne l’ensemble des actes du processus d’apprentissage, à travers un parcours fonctionnel et un parcours actanciel. Les séquences narratives apparaissent comme des micro-récits. Une séquence narrative est un processus de trois « fonctions » (Bremond, 1966) :

− La première est sous forme d’« événement à prévoir » − La seconde est sous forme d’« événement en acte » − La troisième est sous forme de « résultat atteint »

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Figure 106. Le récit intègre les séquences d’apprentissage dans une structure de

signification en superposant un parcours fonctionnel et un parcours actanciel.

Le narrateur est libre de conduire le processus à son terme ou non, ce qui laisse ouvert le réseau des « possibles narratifs ». Dans le récit interactif, le narrateur est l’« actant », les « fonctions » de chaque séquence narrative lui sont attribuées, et il a le choix d’actualiser ou non les événements de son parcours.

Dans un récit, la séparation entre chaque séquence est marquée par un « énoncé descriptif », ce dernier va orienter le processus de différentes manières :

− Il présente le lieu de connaissance comme une portion d’espace du décor

− Il annonce l’« événement à prévoir » et crée un manque à l’origine d’un conflit cognitif (c’est sa fonction de dramatisation)

Les « événements en actes » vont suivre dans les lieux d’informations qui, favorisant une multitude de comportements, permettent à l’apprenant/actant de tenir son rôle (de « héros »). Le « résultat atteint » nécessite un retour au lieu de connaissance qui précise le succès ou l’échec de la conduite (Figure 107).

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Figure 107. Superposition des lieux d’apprentissage aux trois « fonctions » du

processus dans une séquence narrative.

Marie-Laure Ryan (Ryan, 2006) établie une corrélation entre les « mondes possibles » et la structure sémantique de la narration. Au centre de cette structure réside un « monde actuel » défini par l’auteur, autour duquel gravitent les « mondes privés » qui prennent place dans l’imagination du personnage/lecteur :

− « le monde des croyances », − « le monde des désirs », − « le monde des obligations », − « les buts et plans actifs », − « les rêves et les fantaisies ».

La volonté du personnage à vouloir rendre compatible ses « mondes privés » avec le « monde actuel » constitue le moteur de l’intrigue, et engendre des conflits nécessaires aux univers narratifs. L’intrigue prend fin quand « les conflits cessent d’être productifs », c’est-à- dire lorsque le personnage renonce à l’action.

Ce qui est important pour nous est la proximité des mondes « actuels » et « privés » avec nos lieux de connaissance et d’information, visible à la fois dans leur disposition et dans les possibilités qu’ils offrent. Les lieux d’information qui gravitent autour du lieu de connaissance sont des mondes inachevés qui restent à subjectiviser, ils sont l’occasion pour l’apprenant de donner une forme à son imagination, de matérialiser son état d’esprit.

La notion de subjectivisation remet alors en cause la cohérence du récit : comment les concepteurs d’un espace de navigation hypermédia peuvent tenir compte des informations subjectives et les insérer dans un parcours narratif qui doit faire sens ?

Le récit interactif que nous proposons est complexe car il introduit de la nouveauté et de l’incertitude à deux niveaux :

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− Si le type de cheminement est réticulaire, l’apprenant choisit l’ordre d’assemblage des séquences narratives : la structure du récit est mise en pièces, les fragments narratifs sont assemblés par l’apprenant.

− Les lieux d’information contiennent des « objets actés » qui ne demandent qu’à être achevés : les informations extraites des lieux d’information sont personnalisées par l’apprenant (il a la possibilité d’importer des images choisies sur Internet, d’enregistrer sa voix, de prendre des notes sur l’écran à l’aide d’un stylet, etc.).

Le récit offre à la fois un cadre intelligible (les règles ou le « game ») qui se donne à comprendre, et un cadre sensible (les libertés ou le « play ») qui favorise l’expression créative (cf. 3.1.1). Pendant la phase de conception, il va donc falloir élaborer un système capable d’interpréter cette sensibilité.