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Chapitre 3 : Origines et création des deux systèmes

III. Des institutions réservées à l’éducation

3. La situation au Canada

Les deux mêmes types d’institutions existaient aussi à cette époque au Canada et étaient également gérés par les Églises. Ces institutions, appelées écoles de jour et écoles industrielles (industrial schools), étaient avant tout gérées par les missionnaires et avaient le but identique d’éduquer et de civiliser les Indiens. Les rapports du Canada mettent eux aussi en évidence les avantages de posséder un système de pensionnats sur réserve :

The boarding school dissociates the Indian child from the deleterious home influences to which he would be otherwise subjected. It reclaims him from the uncivilized state in which he has been brought up. It brings him into contact from day to day with all that tends to effect a change in his views and habits of life. (ARDIA 1889 : xi)

À la fin des années 1870, le gouvernement canadien fut tenté par l’idée américaine de contrôler l’éducation des Indiens. Cependant, avant d’établir un système similaire, les Canadiens voulaient être sûrs que le système était valable et qu’il répondrait à ses attentes en matière d’éducation et de civilisation. En plus d’implanter un nouveau système, il fallait s’assurer qu’il respecterait et surtout, continuerait le travail déjà effectué par les missionnaires. Il semblerait en fait, que le Canada se soit inspiré de ce que son voisin avait mis en place pour en faire de même. L’hypothèse que nous avions émise quant à l’influence des États-Unis sur le Canada s’est confirmée lorsque nous avons découvert l’existence du rapport Davin, publié fin 1879, qui établit un lien entre le système américain et canadien. Ce rapport n’est jamais mentionné dans les livres sur les pensionnats ou alors à de très rares occasions et mérite que l’on s’y attarde. Ainsi, en 1879, Nicholas Flood Davin, fut

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envoyé aux États-Unis pour enquêter sur « le bien-fondé d’établir des institutions similaires15 dans les territoires du Nord-Ouest16 » (Davin 1).

Il s’agissait d’instaurer un système similaire à celui des États-Unis où gouvernement et Églises travaillaient ensemble à l’éducation des Indiens et d’étendre ce système à la plus grande partie du territoire du Canada et non dans une région limitée. Ce qui apporte la preuve que le gouvernement canadien s’inspira du système américain pour développer son propre système. Nicolas Davin fit son rapport au Ministre de l’intérieur, qui l’avait envoyé à Washington. Sur place, il fut reçu par Carl Schurtz, Ministre de l’Intérieur et E. A. Hayt, Commissaire aux Affaires Indiennes, qui firent tout pour que sa visite réponde à ses attentes et soit menée à bien : « [ils] ont mis en œuvre tous les moyens pour que je me familiarise avec l’établissement, le coût et la valeur pratique des pensionnats au sein des populations des États-Unis » (Davin 2).

L’objectif sous-jacent de cette enquête était avant tout, de voir si un système géré par le gouvernement et les groupes religieux fonctionnait. On y voit la volonté du gouvernement canadien de prendre en charge l’éducation des Indiens, et ce depuis l’Act of Union de 1867, date à laquelle le Canada devint un pays indépendant et prit le contrôle des Affaires Indiennes.

Le fait que l’enquête de Nicolas Davin n’ait été effectuée que pour établir des pensionnats dans les territoires du Nord-Ouest suggère que le Canada avait déjà des pensionnats dans les autres provinces. La confirmation de ce constat se trouve dans les rapports officiels du Commissaire aux Affaires Indiennes. Ainsi, nous avons noté qu’en 1879, il existait déjà trois pensionnats, situés dans la province de l’Ontario, là où la majeure partie de la population canadienne se trouvait, Mohawk, Mount Elgin et Shingwauk, créés respectivement en 1831, 1848 et en 1873. Ce qui intéressait avant tout le gouvernement canadien était l’organisation jointe de l’état et des groupes religieux, telle qu’elle fonctionnait aux États-Unis depuis 1869 sous la politique de Paix du Président Grant.

Son rapport, qui est en fait assez court (dix-sept pages), pourrait se diviser en quatre parties. La première dans laquelle il explique brièvement son objectif et son accueil aux États-Unis par les responsables des Affaires Indiennes, la deuxième qui fait l’éloge du système d’éducation parmi les tribus des cinq nations civilisées, la

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Par institutions similaires Davin évoquait aussi la possibilité d’utiliser la même gestion, partagée entre le gouvernement et les Églises.

16 Ainsi en 1879, lorsque Nicolas Davin fut envoyé aux États-Unis, les territoires du Nord-Ouest représentaient, contrairement à aujourd’hui, la quasi-totalité du territoire canadien à l’ouest.

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troisième qui explique comment fonctionnait le système américain avec les différents types de contrôle et enfin la quatrième qui se compose de recommandations – dix au total – que Nicolas Davin fit pour établir un tel système au Canada. Ses recommandations concernaient surtout ses conseils sur les endroits où pouvaient s’établir ces pensionnats à vocation manuelle. Il conclut en déclarant que le système américain de pensionnats était un système efficace qui obtenait des résultats positifs : « Les résultats positifs des écoles hors réserve sont frappants en ce qui concerne les cinq nations civilisées […] qui font toutes, des progrès évidents en agriculture et en éducation» (Davin 5). Lorsque Nicolas Davin revint avec des résultats probants, les quelques institutions qui avaient été construites avant les années 1870 changèrent leur système pour adopter les dispositions du système américain et passèrent sous le contrôle du gouvernement et des Églises.

Par conséquent, dans les années 1870, les deux pays gérèrent le système d’éducation des Indiens de la même manière : une collaboration entre gouvernements et Églises dans des écoles de jour et des pensionnats tous deux situés sur réserve. Notons également, qu’en plus de ces écoles, il existait un autre type d’institution dans laquelle les Indiens pouvaient être éduqués : les orphelinats.