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Chapitre 3 : Origines et création des deux systèmes

III. Des institutions réservées à l’éducation

4. Les orphelinats

Ce quatrième type d’école n’est jamais mentionné dans les livres sur l’éducation des Indiens. Marylin Irvin Holt étudia ces orphelinats dans le livre Indian

Orphanage (2001). Elle livre d’emblée une constatation qui semble ridicule à

première vue, mais qui fut souvent omise lorsque l’on parle de l’éducation des Indiens : il existait et existe aujourd’hui des orphelins indiens. La définition du terme orphelin signifiait pour les Européens, tout enfant mineur n’ayant plus la mère ou le père vivant. Par extension et au fil des années, la définition s’étendit à tout enfant mineur ayant au moins un parent vivant ou ayant des parents démunis (Holt 21). La raison pour laquelle ce type d’institution est peu mentionné vient du fait que les orphelinats apparurent assez tard dans l’histoire américaine. Par ailleurs, le développement des orphelinats indiens était assez rare puisque la population autochtone depuis la colonisation de l’Amérique n’avait cessé de diminuer. À la fin du XIXe siècle, la population indienne qui, d’après les études historiques, comptait

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entre trois et cinq millions à la découverte de l’Amérique, était inférieure à 300 000 indiens (ARCIA 1871 : 5).

Marylin Irvin Holt explique que le premier orphelinat n’apparut en Amérique qu’en 1740 à Savannah en Géorgie. Jusque dans les années 1830, de telles institutions furent rares. Leur nombre commença à croître dans les années 1840 et 1850, une croissance plus ou moins proportionnelle à celle de la population américaine. En effet, les enfants se trouvaient être les victimes de l’industrialisation, de l’immigration, de l’urbanisation et de l’expansion vers l’ouest. Cette rareté avant les années 1850 s’explique aussi, nous dit-elle, par le fait que l’adoption n’était pas une pratique connue, voire légale en Amérique. Les Églises ou les œuvres caritatives s’occupaient très souvent des enfants orphelins.

Les orphelinats se développèrent donc dans les années 1860 et furent même préférés par le gouvernement aux prisons pour mineurs ou aux hospices, dans lesquels, très souvent, l’atmosphère n’était pas propice au bon développement de l’enfant17

. Ces institutions devinrent donc des lieux capables de « proposer les compétences éducatives de base que sont la lecture et l’écriture » (Holt 42). Les orphelinats pour Indiens commencèrent à s’établir dans les réserves vers le milieu du XIXe siècle et avaient pour particularité de ne s’occuper que d’une tribu spécifique. Les orphelinats étaient des institutions murées, isolées dans lesquelles la culture américaine dominante avait du mal à pénétrer et ainsi casser et remplacer les traditions indiennes. Les liens avec l’identité tribale, que le gouvernement souhaitait voir disparaître, n’étaient pas coupés (Holt 46).

Tout comme les écoles dans les réserves, les orphelinats mettaient l’accent sur l’apprentissage de l’écriture, de la lecture et de la parole et portaient une attention toute particulière à l’apprentissage des travaux manuels. L’auteur Marilyn Irvin Holt prend ensuite des exemples concrets pour l’évoquer. Elle explique que, dans le cas de ces institutions, aucune différence n’était faite dans les programmes avec les orphelinats américains. Il n’y avait pas de programme spécifique pour les Indiens mais plutôt un programme qui suivait les directives nationales. Le cœur de cet enseignement se trouvait justement dans la création et la construction d’une identité

17 Il y eut également beaucoup d’adoptions d’enfants indiens par des familles blanches au cours du XXe siècle. Dans les années 1960 et 1970, le Indian Adoption Project permit de placer des milliers d’enfants indiens dans des familles blanches aux États-Unis. Cette pratique fut abandonnée récemment avec le passage du Indian Child Welfare Act en 1978. Pour de plus amples informations sur ce sujet, lire : Claire Palmiste. L’Adoption d'enfants autochtones par des familles blanches aux

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nationale. Ce principe suivait l’idée du Révérend Samuel Knox qui déclarait : « un système national d’éducation commune serait une influence harmonisante pour la nation » (in Holt 50). À l’époque d’une immigration de masse aux États-Unis, il devenait évident que l’identité nationale ne pourrait pas se développer sous le poids d'une diversité culturelle. Une autre différence majeure avec les écoles indiennes de l’époque résidait dans la gestion de ces orphelinats qui étaient gérés comme des institutions à part.

Le même type d’institutions existait au Canada mais leur nombre n’est pas connu précisément. Cependant, contrairement aux États-Unis, les rapports du Département des Affaires Indiennes mentionnent certains orphelinats, tel que celui de McDougall, situé à Morley dans la province de l’Alberta (ARDIA 1899 : 332), établi en 1875 par la famille McDougall dont le chef de famille George était révérend de l’Église méthodiste.

Mais pourquoi, alors que les deux pays avaient des institutions destinées à l’éducation des Indiens, décidèrent-ils de créer un troisième18

type d’institution, des pensionnats hors réserve ? Certes, les écoles de jour et les pensionnats sur réserve n’obtenaient pas les effets escomptés, mais ils répondaient aux objectifs des deux gouvernements malgré les problèmes majeurs d’absentéisme et de proximité des familles indiennes. À la fin des années 1870, les expériences d’un homme, Pratt, permirent la création d’un nouveau type d’institution : les pensionnats hors réserve, qui répondraient beaucoup mieux aux attentes et aux objectifs des deux pays en matière d’éducation des Indiens.

18 Nous avons mentionné les orphelinats mais nous ne les incluons pas dans les institutions majeures qui prodigaient une éducation aux Indiens.

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Chapitre 4 : Les pensionnats fédéraux hors