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Chapitre IV. Les voies de signalisation des Mitogen Activated Protein

1. Caractérisation et rôle d’ATF2

1.1 Sites de phosphorylation d’ATF2

La littérature rapporte que l’activation d’ATF2 est régulée au niveau de la double phosphorylation de ses résidus thr69 et thr71, en particulier par les MAPKs. La mutation de l’un de ces sites abolit l’activité transactivatrice de ce facteur de transcription (Livingstone et al, 1995). Egalement, la sérine 90 est un autre site d’ATF2 décrit comme pouvant être phosphorylé par les MAPKs. En revanche, la fonction de cette phosphorylation reste à identifier (Morton et al, 2004). Nos résultats ont montré qu’ATF2 est phosphorylé sur ces deux premiers sites par l’intermédiaire de la voie G12/ATF2, en réponse à une carence en leucine. Si nos résultats sont clairs à propos de la phosphorylation de la thréonine 71 au cours d’une carence en leucine, plusieurs points restent à éclaircir, notamment en ce qui concerne la phosphorylation du résidu thréonine 69. Egalement, l’étude de la phosphorylation de la sérine 90 par JNK2 pourrait être envisagée.

a) Phosphorylation des thréonines 69/71 d’ATF2 par JNK2

Phosphorylation de la thréonine 69 par JNK2 : Les expériences menées avec les inhibiteurs spécifiques de JNK et les siRNA dirigés contre JNK2 montrent une inhibition de la phosphorylation d’ATF2 en réponse à la carence en leucine. Ces résultats ont été obtenus par western blot avec des anticorps reconnaissant soit phospho-thr71, soit la forme doublement phosphorylée d’ATF2 : phospho-thr69/71. Comme l’inhibition de JNK2 abolit la phosphorylation d’ATF2 sur le site thr71, les deux anticorps ne peuvent s’hybrider et nous ne pouvons donc pas conclure sur la régulation de la phosphorylation du site thr69. Nous n’avons pas trouvé de bons anticorps ne reconnaissant que la forme phosphorylée d’ATF2 sur le résidu 69. Un protocole expérimental consistant à transfecter des cellules ATF2-/- par un plasmide codant pour une forme mutée d’ATF2 sur le site thr71 peut être envisagé. Par la suite, ces cellules seront prétraitées avec l’inhibiteur de JNK (JI8) puis carencées en leucine et analysée par western blot avec un anticorps anti phospho-thréonines totales.

Séquence de phosphorylation d’ATF2 : Egalement, il serait intéressant de déterminer si l’induction de cette phosphorylation est séquentielle. En effet, le laboratoire de Van Dam H. (université de Leiden, Pays-Bas) a montré, dans un autre modèle que le notre, que la phosphorylation d’ATF2 était réalisée en deux étapes non simultanées et par deux kinases différentes. Ainsi, en réponse à l’insuline, la thréonine 71 est phosphorylée par ERK alors que

la thréonine 69 l’est par JNK ou p38 (Ouwens et al, 2002). Nous pourrions alors envisager que la phosphorylation d’ATF2 soit régulée de la même manière en réponse à la carence en leucine. Cependant, deux arguments appuient l’hypothèse, qu’en réponse à la carence en acides amines, cet événement est uniquement régulé par JNK2 : i) entre 30 minutes et 4 heures de carence en leucine, en utilisant les mêmes anticorps et inhibiteurs que l’équipe de Van Dam H., nous n’observons pas de régulation séquentielle de cet événement. ii) le laboratoire de Van Dam H. a décrit ERK comme étant la kinase responsable de la phosphorylation du résidu thr71 en réponse à l’insuline. Nos résultats montrent que JNK2 est responsable de cette phosphorylation dans le cadre d’une carence en leucine.

Cinétique de phosphorylation d’ATF2 : Malgré cela, ces mêmes travaux montrent que la phosphorylation séquentielle d’ATF2 en réponse à l’insuline intervient très rapidement, dans une fenêtre d’activation entre 5 et 15 minutes de traitement. Nous ne pouvons donc pas exclure qu’il en soit de même dans le modèle de carence en leucine. Nous n’avons pu mesurer la phosphorylation d’ATF2 par western blot, uniquement dans des temps de carence en acides aminés supérieurs ou égaux à 30 minutes. L’analyse de cet événement dans des temps inférieurs est très difficile pour des raisons techniques. En effet, la privation en leucine nécessite un changement du milieu d’entretien pour un milieu carencé. Ceci provoque une augmentation du niveau basal de la phosphorylation d’ATF2 total, observable dans les temps précoces de limitation en leucine (30 minutes-1 heure) (Figure 65). Ce phénomène peut s’expliquer par l’afflux de facteurs de croissances engendré par le changement de milieu et pouvant activer les MAPKs et par la même, la phosphorylation d’ATF2. Il est donc difficile de discriminer la part d’induction de la phosphorylation d’ATF2 propre à la carence en leucine de celle provoquée par le changement de milieu. Il faut cependant nuancer l’impact de cet événement, qui ne semble pas affecter la forme d’ATF2 liée à l’AARE. En effet, si le changement de milieu provoque bien une induction de la phosphorylation d’ATF2 totale visible par western blot, celle-ci n’est pas observée lors d’expériences de ChIP dirigées seulement contre phospho-thr71 d’ATF2 au niveau de l’AARE de CHOP ou ATF3. C’est pourquoi, afin de préciser la séquence de phosphorylation d’ATF2 en réponse à la carence en leucine et pour des temps inferieur à 30 minutes, la technique de ChIP avec les deux anticorps : anti phospho-thr71 et phospho-thr69+71 peut être une bonne alternative au western blot.

Figure 65: Le changement de milieu au cours d’une carence en leucine induit la phosphorylation d’ATF2 total mais n’affecte pas la partie d’ATF2 liée à l’AARE. A) Expériences de western blot : le changement de milieu nécessaire pour réaliser les carences en leucine induit une double phosphorylation d’ATF2 total, particulièrement dans les temps précoce de limitation (30 minutes-1 heure). B) Expériences de ChIP : Cette induction ne se traduit pas par une augmentation de la phosphorylation d’ATF2 lié à l’AARE de CHOP (extraits de Chaveroux C. et al., 2009 et Bruhat A. et al., 2007).

B) A)

Leucine + - + - + - +

-4h

2h

1h

0.5h

P-thr69+71 ATF2

P-thr71 ATF2

total ATF2

Leucine + - + - + - +

-4h

2h

1h

0.5h

Leucine + - + - + - +

-4h

2h

1h

0.5h 1h 2h 4h

0.5h

P-thr69+71 ATF2

P-thr69+71 ATF2

P-thr71 ATF2

P-thr71 ATF2

total ATF2

total ATF2

b) Phosphorylation de la sérine 90 d’ATF2 en réponse à la carence en acides aminés

Un troisième site d’ATF2, la sérine 90, est connu pour pouvoir être phosphorylé en réponse à l’anisomycine ou le TNF. La littérature ne rapporte pas de fonction régulatrice connue pour cette modification d’ATF2, et elle n’est pas associée à la hausse de l’activité transcriptionnelle de ce facteur. En revanche, les travaux de Morton et al. démontrent que la phosphorylation de ce résidu est spécifique de la kinase JNK (Morton et al, 2004). Comme nos résultats indiquent que JNK2 est la kinase d’ATF2 sur les thréonines 69 et 71 en réponse à la carence en acides aminés, on ne peut donc pas exclure que ce site soit également phosphorylé dans le même contexte et joue un rôle annexe dans la réponse cellulaire à ce stimulus. Une analyse par western blot de cette modification spécifique d’ATF2 permettait de vérifier cette hypothèse.

1.2. Rôle de la phosphorylation d’ATF2 sur la transcription

AARE-dépendante

Si la caractérisation de la phosphorylation est un point important pour préciser le rôle d’ATF2 dans la réponse à la carence en acides aminés, il apparaît aussi nécessaire de déterminer la fonction propre de cette phosphorylation dans l’activation de la transcription dépendante de l’AARE.

Pour rappel, ATF2 est un facteur de transcription constitutivement fixé à l’AARE de CHOP ou ATF3, et indispensable pour l’induction de certains gènes en réponse à la carence en acides aminés (Bruhat et al, 2007). Au cours de cette stimulation, il est phosphorylé sur ses deux résidus transactivateurs (thréonines 69/71) (Chaveroux et al, 2009). Cette phosphorylation est un phénomène extrêmement rapide, puisqu’elle intervient dès 15 minutes au niveau de l’AARE (en tout cas pour le residu thr71), contre 1 heure pour la fixation d’ATF4 (Bruhat et al, 2007; Cherasse et al, 2007). Egalement, ATF2 contrôle l’état chromatinien par le recrutement d’activités HATs ainsi que la libération de cofacteurs (HDAC, JDP2) au niveau de l’AARE au cours d’une carence en leucine (Bruhat et al, 2007) (Cherasse et al, 2008). Il faut préciser que tous ces travaux ont été obtenus dans un contexte cellulaire invalidé totalement pour l’expression de la protéine ATF2 et sont d’ailleurs à la base de la classification des gènes cibles de la limitation en acides aminés en fonction de leurs dépendances à ATF2. Dans ce modèle, on peut donc supposer que la phosphorylation d’ATF2 peut avoir deux fonctions : i) celle d’activatrice de l’activité transcriptionnelle d’ATF2 et

90 donc de l’expression des gènes cibles, ii) celle d’intermédiaire pour le recrutement de cofacteurs (HATs) impliqués dans la conformation chromatinienne de l’AARE (Figure 66). Activité transactivatrice de la phosphorylation d’ATF2 : La littérature rapporte que l’activité transcriptionnelle de ce facteur est uniquement régulée par phosphorylation des résidus thr69 et 71. Les expériences effectuées dans un contexte cellulaire invalidé pour ATF2 ont montré que les gènes CHOP et ATF3 n’étaient plus induits en réponse à la carence en acides aminés. Egalement, des expériences ont été réalisées au laboratoire par transfections de cellules HeLa avec un dominant négatif d’ATF2 (non phosphorylable sur les thr69/71 et ser90) suivies de carence en leucine. Ces expériences montrent que les cellules transfectées avec ce mutant perdent l’inductibilité d’un gène rapporteur (luciférase) sous la régulation de deux AARE de

CHOP. Cependant, il est toujours difficile de conclure sur ce type d’expériences car des effets

de titrage des facteurs de transcription par la surexpression d’ATF2 sauvage ou muté peuvent avoir lieu.

Les résultats présentés dans la publication montrent que le knock-down de JNK2, abolissant la phosphorylation d’ATF2, n’inhibe que de 30% l’expression d’ATF3 en réponse à une carence en leucine. Ce résultat suggère donc que soit la phosphorylation d’ATF2 n’est pas totalement éteinte dans les cellules transfectées avec le siRNA contre JNK2, soit la phosphorylation d’ATF2 n’est donc pas essentielle pour l’induction des gènes cibles au cours d’une carence en leucine.

Rôle de la phosphorylation d’ATF2 dans le recrutement de l’activité HAT: Nos résultats ne permettent pas de déterminer si la phosphorylation d’ATF2 joue également un rôle dans le recrutement de l’activité HAT au niveau de l’AARE de CHOP ou d’ATF3 en réponse à une carence en leucine. Des expériences de ChIP dirigées contre la forme acétylée de l’histone H4, dans des cellules transfectées avec le siRNA spécifique de JNK2, permettraient de déterminer si cette phosphorylation est impliquée dans la mobilisation des cofacteurs au cours d’une carence en leucine.

En l’état actuel, nous ne pouvons pas discriminer entre le rôle de la phosphorylation d’ATF2 dans l’activation directe de la transcription et/ou le recrutement des cofacteurs. Afin de conclure définitivement sur cette question, le laboratoire a entamé la démarche pour se procurer les cellules ATF2 A/A. Cette lignée, développée dans le laboratoire de Nic Jones à Manchester, est issue de souris ˝knock-in˝ sur les résidus thr51 et thr53 (équivalents à thr69 et thr71 chez l’homme). Ces sites ont été remplacés par deux alanines, empêchant la phosphorylation activatrice d’ATF2. Il faut préciser que ces souris présentent exactement les mêmes phénotypes que les souris invalidées pour ATF2, indiquant que ces sites sont bien

Figure 66: Fonctions potentielles de la phosphorylation d’ATF2 dans la phase précoce de la réponse à la carence en acides aminés. La phosphorylation d’ATF2 intervient dès 15 à 30 minutes en réponse à la carence en acides aminés. Elle peut potentiellement réguler l’expression des gènes ATF2-dépendants à deux niveaux : i) directement sur le gène cible par l’intermédiaire de son activité transactivatrice (flèche noire). ii) En régulant le recrutement de cofacteurs comme les HATs ou le relargage de HDAC3/JDP2 (flèches bleues)



 







?

? ?



-

= 30 minutes

91 indispensables pour la fonction biologique de ce facteur. Les cellules dérivées de ces souris sont donc un choix judicieux pour vérifier la dépendance des gènes cibles de la carence en leucine vis-à-vis d’ATF2 et pouvoir comparer ces résultats avec ceux déjà obtenus dans les cellules ATF2-/-. Ce modèle cellulaire pourrait faire également l’objet d’études trancriptomiques permettant d’isoler de nouveaux gènes modèles dépendants de la phosphorylation d’ATF2 afin de bien dissocier le rôle de ce facteur et de sa voie signalisation par rapport à celui de la voie mGCN2/ATF4 dans la réponse à une limitation en acides aminés.