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Chapitre IV. Les voies de signalisation des Mitogen Activated Protein

1. Les MAPKs : deux groupes de kinases distincts

1.1. Les MAPKs « conventionnelles »

Ce groupe de kinase est certainement le plus étudié parmi l’ensemble des MAPKs. Il regroupe les kinases ERK1/2, ERK5 et les SAPKs (Stress-Activated Protein Kinases : p38 et JNK). Ces kinases ont pour caractéristique commune d’être activées obligatoirement par double phosphorylations concomitantes, sur les motifs conservés du sous-domaine kinase VIII : Thr-Xxx-Tyr par les MAP2K en amont (Coulombe & Meloche, 2007; Raman & Cobb, 2003).

a) Les Extracellular signal-Regulated Kinases 1 et 2 (ERK1/2)

Chez les mammifères, ERK1 fut la première MAPK clonée. C’est une sérine/thréonine kinase possédant une grande identité de séquence avec KSS1 (51%) et FUS3 (52%). Elle fut identifiée pour sa capacité à phosphoryler MAP2 en réponse à l’insuline. Par la suite, ce type de signalisation a souvent été corrélé à la prolifération cellulaire en réponse aux facteurs de croissance. Une activation constitutive de cette voie est d’ailleurs associée à une immortalisation cellulaire (Meloche & Pouyssegur, 2007).

La voie classique ERK est composée de 2 MAPKs : ERK1 (43KDa) et ERK2 (41KDa) possédant 84% de similarité entre elles, et notamment le même site de phosphorylation : TEY (Thr-Glut-Tyr) (Lloyd, 2006). Si ces 2 kinases sont ubiquistes, leurs niveaux d’expression peuvent varier selon les tissus. Ainsi dans les cellules issues du neuroderme, les deux formes

Figure 38: Représentation des MAPKs humaines. Les MAPKs sont composées d’un domaine kinase (en bleu) dans lequel le nombre indiqué correspond au pourcentage d’homologie avec le domaine kinase de ERK1. Ces kinases sont réparties en deux groupes: les MAPKs conventionnelles et les MAPKs atypiques. Le motif d’activation de chacune est indiqué. TAD : transactivation domain, NLS : Nuclear localization domain, C34 : domaine conservé entre ERK3

MAPK conventionnelles MAPK atypiques MAPKs conventionnelles MAPKs atypiques

53 de ERK sont exprimées de manière équivalente, en revanche ERK2 est majoritaire dans les cellules immunitaires (Pearson et al, 2001).

Les souris invalidées pour ERK1 sont viables et fertiles. Ces souris présentent des défauts de développement des thymocytes mais également de la plasticité neuronale et d’apprentissage (Pages et al, 1999) (Mazzucchelli et al, 2002) (Selcher et al, 2001). De plus, l’invalidation d’ERK1 prévient la survenue de l’obésité par défaut de différentiation des adipocytes (Bost et al, 2005). Le knock-out de ERK2 provoque une létalité embryonnaire à jE=6.5 due à un défaut de formation du mésoderme, de l’ectoderme et du cône ectoplacentaire. Ce phénotype est ˝réversé˝ par expression transgénique de ERK2, montrant bien qu’il s’agit d’un phénotype spécifique de cette kinase (Saba-El-Leil et al, 2003; Yao et al, 2003). Egalement, l’utilisation d’un KO conditionnel a montré que ERK2 est essentielle au développement des cellules T (Fischer et al, 2005).

b) ERK5

ERK5, aussi appelée Big MAPK 1 (BMK1) est une kinase de 816 acides aminés (98 kDa). Son surnom provient du fait qu’elle ait une masse moléculaire deux fois supérieure aux MAPKs classiques (Wang & Tournier, 2006). ERK5 est stimulée par la double phosphorylation sur son motif TEY (Thr-Glut-Tyr) en réponse à un stress oxydatif, aux facteurs de croissance, ou à un choc osmotique (Mody et al, 2003) (Kondoh et al, 2006). Il existe 3 isoformes d’ERK5 issues d’épissages alternatifs : ,  et . Cependant, ERK5 et  ne possèdent pas de domaine kinase, les rendant incapables de phosphoryler leurs substrats. Elles agissent alors comme des dominants négatifs de ERK5 auprès de la MAP2K : MEK5 (Yan et al, 2001). Egalement une quatrième isoforme d’ERK5 a été décrite : ERK5-T. Celle-ci possède une forme tronquée du côté C-terminal. Il en résulte une séquence où le NLS (Nuclear Localization Signal) est absent. De ce fait, ERK5-T ne peut pas transloquer au niveau nucléaire après stimulation (McCaw et al, 2005).

MEK5 est la seule MAP2K de ERK5 identifiée (Figure 39). Les fonctions de MEK5 ont surtout été caractérisées par l’étude des souris MEK5-/-. Ainsi, comme les animaux ERK5-/-, elles présentent des défauts de développement cardiaque et meurent à jE=10,5 (Wang et al, 2005) (Regan et al, 2002). Les MAP3K : MEKK2 et MEKK3 sont connues pour pouvoir activer MEK5 lors de stimuli comme le traitement à l’EGF ou à l’H2O2 (English et al, 1995) (Chao et al, 1999) (Sun et al, 2001).

Les substrats connus de ERK5 sont c-Myc, Sap1 et MEF2A, B, C et D. Notamment la phosphorylation de MEF2C par ERK5 régule positivement l’expression du gène c-jun (Kato

Agents mitogènes (ex : EGF)

MEF2, Sap1, c-Myc

,… Stress (ex : H202, sorbitol)

MEKK2/3

MAP3K

MEK5

MAP2K

ERK5

MAPK

Figure 39: Régulation de ERK5 par les agents mitogènes et les stress extracellulaires. ERK5 est activée par double phosphorylation sur des résidus thr et tyr par la MAP2K : MEK5. Cette

54 et al, 1997) (Kato et al, 2000) (Yang et al, 1998a) (English et al, 1998) (Kamakura et al, 1999).

c) Les Stress Activated Protein Kinases (SAPKs)

Les SAPKs sont une sous-famille des MAPKs activées par les multiples phénomènes de stress cellulaires. Elles regroupent les isoformes de p38 et JNK.

p38

p38 fut identifiée comme étant une kinase de 38 kDa, répondant aux traitements par les endotoxines et chocs osmotiques (Han et al, 1994). Le clonage de l’ADNc de p38 a révélé qu’elle est l’homologue de Hog1, une MAPK jouant un rôle de senseur osmotique chez la levure (Brewster et al, 1993). Si p38 fut identifiée comme la kinase répondant aux stress (choc osmotique, arsenic, choc de température) et aux traitements par le facteur de croissance CSF-1 et par l’interleukine 1, par la suite, trois autres gènes codant pour des isoformes de p38 ont été identifiés. Ceci porte à quatre le nombre d’isoformes de p38 : p38, p38, p38 (ou ERK6) et p38. Ces 4 isoformes de p38 possèdent un même site d’activation TGY (Thr-Gly-Tyr)(Rouse et al, 1994) (Freshney et al, 1994; Jiang et al, 1996) (Mertens et al, 1996) (Goedert et al, 1997a) (Li et al, 1996). De plus, il a été montré que p38 pouvait subir des épissages alternatifs (Enslen et al, 1998) (Kumar et al, 1997)

Ces isoformes ont été subdivisées en 2 groupes selon leurs analogies de séquences, leurs susceptibilités aux inhibiteurs SB203580 et SB202190 et leurs substrats:

-/= 75% d’homologie entre elles alors que /= 62 et 61% par rapport à p38. -uniquement  et  sont sensibles aux inhibiteurs cités (Kuma et al, 2005) (Cuenda et al, 1997).

- / phosphorylent plus facilement la protéine Tau que les isoformes /, en réponse au choc osmotique (Feijoo et al, 2005) (Goedert et al, 1997b). Ceci est également vrai pour les protéines 1-syntrophin, SAP90/PSD95 et SAP97/hDlg (Hasegawa et al, 1999) (Sabio et al, 2005). A l’inverse, MAPKAPK2/3 (MAPK Activated Protein Kinase 2/3) et la glycogène synthase sont préférentiellement phosphorylées par  et  (Goedert et al, 1997a) (Cuenda et al, 1997) (Kuma et al, 2004).

Si la localisation de p38 peut être à la fois au niveau nucléaire et cytoplasmique à l’état basal, une fois activée, la majorité transloque vers le noyau. Une faible partie peut rester au niveau cytoplasmique, notamment pour phosphoryler et activer de nombreuses kinases. Le premier substrat cytosolique de p38 à avoir été déterminé fut MAPKAPK2. Par la suite, de

Tableau 7: Phénotypes des souris knock-out pour p38. (extrait de Wagner EF. et Nebreda AR., 2009)

55 nombreuses kinases cibles de p38 ont été identifiées : MAPKAPK3, MNK1 et 2, PRAK et MSK1 (Ben-Levy et al, 1998; Raingeaud et al, 1995; Rouse et al, 1994) (Freshney et al, 1994; McLaughlin et al, 1996; New et al, 1998; Waskiewicz et al, 1997) (Deak et al, 1998). Au niveau nucléaire, les facteurs de transcription phosphorylés par p38 sont ATF1/2/6, Sap1, CHOP, p53 Elk-1, MEF2A/C ou NFAT (Raingeaud et al, 1995) (Hazzalin et al, 1996) (Raingeaud et al, 1996) (Tan et al, 1996) (Janknecht & Hunter, 1997; Thuerauf et al, 1998) (Huang et al, 1999; Price et al, 1996; Wang & Ron, 1996).

Le KO de p38 est létal à jE=10,5-12,5 du fait d’un défaut de développement du placenta et de l’angiogenèse (Tableau 7) (Mudgett et al, 2000). Concernant les KO des autres isoformes //, et le double KO /, aucun phénotype n’a pu être décrit. Egalement le KO d’une isoforme ne semble pas affecter l’activité kinase des autres p38. En conclusion, seule p38 semble jouer un rôle critique au cours du développement et peut compenser l’absence d’une autre isoforme (Beardmore et al, 2005) (Sabio et al, 2005).

Les c-Jun NH2-terminal kinases (JNK)

La classe des JNKs fait également partie des MAPKs activées par le stress cellulaire (ou SAPK) comme p38. Après avoir identifié les kinases ERK, rapidement l’idée qu’il existe une autre voie de signalisation dans les MAPKs émergea. En effet, l’administration de cycloheximide (inhibiteur de la synthèse protéique) chez des rats, induit une phosphorylation du facteur ribosomial S6. Cette phosphorylation est due à l’activation de p70S6K par phosphorylation sur ses résidus sérine/thréonine. L’hypothèse était alors que p70S6K était un substrat de ERK. Or ERK est incapable de phosphoryler p70S6K in vitro suggérant qu’une nouvelle sérine/thréonine kinase est impliquée dans ce mécanisme. La kinase purifiée à partir de foies perfusés au cycloheximide possédait un poids moléculaire de 54 kDa et montra une capacité à phosphoryler la protéine MAP2 in vitro. Elle fut alors dénommée pp54MAP2 kinase (Kyriakis & Avruch, 1990).

Par la suite les 2 isoformes de cette protéine : p46 et p54, furent purifiées par chromatographie d’affinité sur une protéine de fusion GST-c-jun (Hibi et al, 1993).

JNK1 fut isolée par 2 groupes différents en 1994 : Kyriakis et al. et Derijard et al. (Kyriakis et al, 1994) (Derijard et al, 1994). Puis, la même année, Sluss et al. (Sluss et al, 1994) identifia une seconde isoforme de JNK : JNK2. Enfin, les analyses de biologie moléculaire ont pu démontrer qu’il existait une troisième isoforme : JNK3. Trois gènes différents sont à l’origine de l’expression de ces trois isoformes de JNK. Si JNK1 et 2 sont ubiquistes, en revanche l’expression de l’isoforme JNK3 est restreinte au niveau du cerveau, du cœur et du testicule

(Derijard et al, 1994; Kyriakis & Avruch, 2001) (Davis, 2000; Gupta et al, 1996). Ces 3 kinases possèdent plus de 85% d’identité et toutes comportent un motif de phosphorylation TPY (Thr-Pro-Tyr) dans leur boucle d’activation. De plus de nombreux épissages alternatifs peuvent donner jusqu'à dix messagers matures et donc protéines différentes (Tournier et al, 1999). Il a été démontré que ces épissages avaient lieu entre les sous domaines IX et X ainsi qu’au niveau des extrémités C-term de JNK1/2/3. Ainsi 12 polypeptides ont pu être identifiés. Il apparaît que ces isoformes diffèrent par leurs affinités de substrats (Gupta et al, 1996) (Kallunki et al, 1994; Kyriakis & Avruch, 2001).

Le modèle animal KO pour JNK1 est viable, mais comporte des anomalies au niveau des processus d’apoptose et de la réponse immunitaire du fait d’un défaut de cellules T. Il présente également une moindre résistance à l’insuline en réponse à un régime ˝High Fat˝, due à l’absence de phosphorylation répressive de IRS1 (Tableau 8) (Constant et al, 2000) (Sabio et al, 2008). Il existe 2 modèles de souris KO pour JNK2. Ces animaux sont viables, mais présentent des défauts d’activation des cellules T dus à une sous production d’IFN (Sabapathy et al, 1999) (Yang et al, 1998b). Le KO de JNK2 aurait également un rôle protecteur contre le diabète de type 1 (Jaeschke et al, 2005) (Wagner & Nebreda, 2009). Ceci démontre qu’au delà de leurs similarités de séquence et de leurs voies d’activation communes, ces 2 kinases régulent des mécanismes moléculaires et des fonctions physiologiques différents.

Le modèle animal KO pour JNK3 est également viable mais présente des défauts dans les mécanismes d’apoptose. En effet, l’invalidation de ce gène protège les cellules neuronales de l’hippocampe contre la toxicité et l’apoptose cellulaire induite par le glutamate. La phosphorylation de c-jun et l’activité AP-1 dépendante s’en retrouvent alors réduites. Ces données ont permis de conclure que JNK3 jouerait un rôle important dans l’apoptose neuronale au niveau cérébral (Bogoyevitch et al, 2004; Yang et al, 1997). Alors que les souris JNK1/3-/- et JNK2/3-/- restent viables, les souris doubles KO JNK1/2 meurent à jE=11,5 du fait d’un défaut d’apoptose au niveau du tube neural (Kuan et al, 1999) (Sabapathy et al, 1999). Ceci a permis de démontrer que les JNK1/2 jouent un rôle essentiel au niveau développement du cerveau alors que JNK3 semble être impliquée dans l’apoptose induite dans ce tissu (Yang et al, 1997) (pour revue :(Aouadi et al, 2006)).