• Aucun résultat trouvé

4.1.2 Similitude entre l’adaptation et le conditionnement opérant

L’apprentissage d’une réponse adaptée suivant l’exposition à une action extérieure à la personne est très similaire au concept de « conditionnement opérant » décrit dans la littérature béhavioriste. En effet, l’augmentation de la probabilité d’un comportement en relation avec les conséquences de l’action extérieure à la personne est exactement ce que suggère l’obtention d’une adaptation locomotrice en réponse à l’impact fonctionnel de la perturbation. En effet, la marche peut être considérée comme un comportement basal qui, lorsqu’exposée à un stimulus externe prenant la

69

forme d’une perturbation « dangereuse », déclenche et renforce un comportement adapté, soit la modulation de la commande motrice.

L’utilisation de la formulation « plasticité adaptative » est d’ailleurs à la base de la littérature ayant permis le développement du concept de « conditionnement de réflexes spinaux » (Wolpaw 1983, Wolpaw, Braitman et al. 1983, Wolpaw, Kieffer et al. 1983). En effet, un changement dans les réponses réflexes est observé en variant la nature de la directive aux participants : « opposer la force » vs « ne pas résister » (Thompson and Wolpaw 2014). D’autres études ont également montré qu’il était possible de moduler l’intensité de la réponse réflexe en récompensant des animaux lorsque l’amplitude réflexe était supérieure ou encore inférieure au seuil cible (Wolpaw 1983, Wolpaw 1987), tant chez le rat, la souris et le singe (Thompson and Wolpaw 2014). Cela supporte l’idée que les réflexes forment un comportement simple d’origine spinale (Chen, Chen et al. 2010) et peuvent être modulés par le conditionnement opérant. De la même façon, l’adaptation du patron locomoteur répond à une commande extrinsèque au sujet au même titre que le conditionnement opérant et pourrait ainsi moduler la réponse motrice bidirectionnellement au même titre que les études béhavioristes usuelles.

Des résultats similaires furent reproduits chez l’humain lors de l’utilisation d’un feedback visuel que chez différents animaux avec récompense alimentaire (Wolpaw, Braitman et al. 1983, Wolpaw 1987, Chen and Wolpaw 1995, Carp, Tennissen et al. 2006, Thompson, Chen et al. 2009). La similitude de l’effet du conditionnement opérant entre les différents mammifères indique qu’il est plausible que les mécanismes sous-jacents à ce phénomène puissent être transposés entre les différentes espèces (Chen, Chen et al. 2010, Thompson and Wolpaw 2014). Le potentiel bidirectionnel de la réponse fut démontré avec le réflexe de Hoffman (Thompson and Wolpaw 2014) et le réflexe d’étirement (Wolpaw, Braitman et al. 1983), et ce, même chez l’humain (Segal and Wolf 1994, Wolpaw 1997, Wolpaw 2010, Thompson and Wolpaw 2014). Les changements ainsi conditionnés seraient persistant plusieurs jours après le retrait des stimuli, et ce, même après l’abolition de l’activité descendante (Wolpaw and Lee 1989). Cela indique qu’une modification du contrôle descendant provenant des centres supérieurs peut induire une plasticité neuronale tangible au sein même de la moelle épinière (Wolpaw 1982, Wolpaw 1983, Thompson and Wolpaw 2014). L’existence de modification neuronale au sein même de la moelle épinière indique que le conditionnement opérant peut consolider d’autres comportements de façon durable puisque les circuits modifiés sont empruntés lors d’autres comportements (Zehr 2006, Wolpaw 2010, Thompson and Wolpaw 2014). En effet, les changements effectués au niveau spinal par le conditionnement opérant de réflexes influencent non seulement les réponses réflexes, mais également l’activité musculaire de base établie par défaut dans différentes activités motrices utilisant les mêmes circuits (Wolpaw 2007, Wolpaw 2010, Thompson and Wolpaw 2015). C’est

70

d’ailleurs ce que supporte la rectification de l’activité musculaire de base (« background ») lors du conditionnement positif des réflexes de Hoffman chez des rats avec une transsection des colonnes latérales (Chen, Chen et al. 2006).

L’adaptation locomotrice obtenue en réponse aux protocoles d’entrainement dans un champ de force est également accompagnée de changements au niveau des circuits locaux (Fortin, Blanchette et al. 2009, Blanchette, Moffet et al. 2012). La présence d’une modulation de la commande motrice accompagnée d’une plasticité spinale suite à des stimulations périphériques soulève la possibilité que ces deux protocoles (champ de force et conditionnement opérant) impliquent des mécanismes communs. En effet, tous deux impliquent initialement une stimulation périphérique, suivie d’une modification au signal descendant qui persistent transitoirement après le retrait de la stimulation.

Les résultats des études sur le conditionnement opérant coïncident également avec les résultats de l’étude jointe à ce mémoire. En effet, les études utilisant les protocoles de conditionnement opérant du soléaire chez des sujets sains n’ont pas été capable de conditionner négativement la réponse musculaire (Makihara, Segal et al. 2014). Cela suggère que la limitation à la plasticité adaptative concerne d’autres muscles que le TA. Toutefois, certaines conditions permettent de contourner cette limitation et de diminuer l’activité musculaire. En effet, des études récentes montrent qu’il est possible de conditionner une réponse négative en présence d’une lésion du SNC (Chen, Chen et al. 2006) et du SNP (Chen, Wang et al. 2010) chez l’animal, mais également chez l’humain ayant subie une transsection de la moelle épinière (Thompson, Pomerantz et al. 2013). Ces études ont montré qu’il était même possible de rectifier l’activité musculaire pathologique non seulement chez le rat, mais également chez l’humain. Il est ainsi suggéré que les circuits spinaux ne peuvent être modulés négativement qu’en présence d’une lésion du SNC induisant un nouvel état d’équilibre neuronal, favorisant par le fait même la plasticité des circuits locaux/spinaux (Wolpaw 2010, Thompson and Wolpaw 2014, Thompson and Wolpaw 2015). Le soléaire semble toutefois faire exception à cette règle. En effet, il serait possible d’induire des changements bidirectionnels dans l’activité motrice de base et la cinématique (par opposition à la réponse réflexe seule) du soléaire chez le rat sans lésion du système nerveux (Chen, Chen et al. 2005) et chez l’humain en santé (Gordon and Ferris 2007, Gordon, Kinnaird et al. 2013). Les conditionnements positif et négatif ne sont d’ailleurs pas une image miroir l’un de l’autre et répondent à des mécanismes de plasticité neuronale distincts (Chen, Chen et al. 2010). Cela explique pourquoi des conjonctures différentes sont requises pour conditionner positivement et négativement un comportement moteur.

Les résultats de l’étude indique également que la modulation de la réponse motrice est modulée en fonction des conjonctures dans lesquelles le mouvement est produit et de l’objectif fonctionnel

71

du mouvement, sans égard à l’identité du muscle concerné. L’absence d’adaptation en réponse au FF assistif serait ainsi causée par l’absence de bénéfices fonctionnels, voire le danger potentiel de diminuer la dorsiflexion durant la phase d’oscillation de la marche. En d’autres mots, ces résultats suggèrent que la présence d’une adaptation ne dépend pas tant d’un type de perturbations, mais plutôt de la possible interaction existant entre un stimulus et le mouvement. Cela suggère que les mêmes mécanismes sont impliqués en réponse à des perturbations sporadiques et continues. D’ailleurs, l’étude actuelle suggère effectivement que ces deux types de perturbations donnent les mêmes résultats, ce pourquoi il serait possible de généraliser les connaissances portant sur les perturbations sporadiques aux perturbations continues, et inversement.

4.1.3 - L‘adaptation précoce du conditionnement opérant et l’adaptation dans un champ