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Potentiel et limite de la plasticité adaptative de la marche chez l'homme

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Potentiel et limite de la plasticité adaptative de la

marche chez l’homme

Mémoire

Joël Filion

M

AITRISE EN

S

CIENCES

C

LINIQUES ET

B

IOMÉDICALES

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

(2)

Potentiel et limite de la plasticité adaptative de la

marche chez l’homme

Mémoire

Joël Filion

Sous la direction de :

(3)

iii

Résumé

INTRODUCTION: Des études sur le contrôle moteur ont montré que l’erreur de mouvement produite par une perturbation externe entraine une modification de la commande motrice afin de rétablir la trajectoire normale. Se basant sur cette capacité adaptative, il est estimé que l’application de forces standardisées à l’aide d’un système robotisé pourrait induire des modifications prévisibles du patron locomoteur. L'objectif du mémoire est de préciser quels changements moteurs peuvent induire diverses perturbations mécaniques.

MÉTHODOLOGIE: Seize participants ont marché sur un tapis roulant en portant une orthèse robotisée à la cheville droite. Les deux premiers furent exposés à des perturbations sporadiques pour valider le protocole expérimental. Les 14 autres furent exposés à 4 conditions expérimentales (C1-C4) comprenant ~30 perturbations/bloc. Chaque perturbation est survenue selon une fréquence pseudo-aléatoire de 1/5 cycle de marche. Chaque perturbation a été appliquée durant 150ms pendant la phase d’oscillation (72% du cycle de marche). C1 consistait en un étirement en plantiflexion de 6° à 120°/s. C2 et C3 appliquaient une force de ±5Nm, résistant et assistant la dorsiflexion. C4 bloquait temporairement le mouvement angulaire à la cheville. Les participants devaient marcher sans appuis et à une vitesse confortable (3,6-4,0km/h). La cinématique de la cheville et l'EMG de surface des Tibialis Anterior (TA) et Soleus (SOL) ont été enregistrés.

RÉSULTATS: Une adaptation motrice a été obtenue chez au moins 12 sujets dans les conditions C1-2-4, contrairement à l’absence d’adaptation dans C3, et ce, malgré l’importance de l’erreur de mouvement. L'analyse EMG a montré la présence de réflexes dans toutes les conditions, sauf dans C3. Les études de régression ont montré que l’adaptation corrélait davantage avec la réponse réflexe à courte latence (M1).

CONCLUSION: Ainsi, l’adaptation survient uniquement en résistant le mouvement. Elle ne relève pas directement de la grandeur de l’erreur de mouvement, mais davantage de son impact fonctionnel.

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iv

Abstract

INTRODUCTION: Reaching studies have shown that subjects exposed to a movement error caused by a force field adapt their muscle activation pattern to return to original movement trajectory. Custom forces using robotic devices to teach specific movement patterns to patients may offer a way to readapt without using invasive procedure. How effective could it be? The aim of this research was to evaluate the adaptive capacity of walking during the process.

METHODS: Sixteen subjects wore a robotized ankle-foot orthosis on their right ankle and walked on a treadmill. The first two were exposed to sporadic perturbation to validate the viability of our experiment. The others were exposed in a randomized sequence to 4 types of perturbations. Each condition (C1-C4) consisted in applying ~30 perturbations, each one occurring approximately each 5 strides, according to an unpredictable pseudorandom sequence. All perturbations lasted 150ms, and were applied during swing (72% of gait cycle). C1 consisted in a 6° plantarflexion stretch at 120°/s. C2 and C3 consisted in adding ±5Nm force resisting or assisting dorsiflexion, respectively. C4 simply stopped the ankle movement temporarily. Participants were asked to walk normally, hands free, at their comfortable walking speed (3.6-4.0km/h). Ankle kinematics and surface EMG of Tibialis Anterior (TA) and Soleus (SOL) were recorded.

RESULTS: At least 12 subjects showed an adaptive pattern, increasing their ankle dorsiflexion in C1-2-4 conditions. C3 did not induce any clear adaptation despite the presence of large ankle movement errors, however. EMG analysis show the presence of reflex responses in all conditions except C3. Regression curves shows that short latency response (M1) best correlate with adaptation.

CONCLUSION: These results suggest that a "movement error approach" for locomotor rehabilitation induces adaptation only when resisting ongoing movement. The functional consequence of the error rather than its size could therefore be the trigger for adaptation.

(5)

v

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Avant-propos ... x

1 - Introduction ... 1

1.1 - Problématique ... 1

1.2 - Objectif général ... 2

1.3 - Connaissances actuelles ... 3

1.3.1 - Production du patron locomoteur de base: le CPG ... 3

1.3.2 - Contrôle supraspinal de la marche : ... 7

1.3.2.1 - Cortex moteur ... 8

1.3.2.2 - Noyaux gris centraux (NGC) ... 11

1.3.2.3 - Centres locomoteurs intermédiaires ... 12

1.3.3 - Modulation supraspinale de la marche ... 17

1.3.3.1 - Cortex pariétal postérieur ... 17

1.3.3.2 - Cervelet et ses voies descendantes ... 18

1.3.4 - Contribution sensorielle à la modulation locomotrice ... 20

1.3.4.1 - Afférences cutanées ... 20

1.3.4.2 - Afférences proprioceptives ... 21

1.3.4.3 - Erreur de mouvement ... 23

1.3.5 – Utilisation d’un champ de force (FF) pour évoquer une adaptation locomotrice.... 24

1.4 - Objectif(s) spécifique(s) ... 28

2 - Méthodologie de la recherche ... 30

2.1 – Formule d’expérimentation ... 30

2.2 – Critère d’inclusion et d’exclusion ... 30

2.3 – Puissance attendue de l’étude ... 30

2.4 – Devis expérimental ... 30

2.5 – Instrumentation ... 32

3 – Article: Movement error is not the best predictor of adaptive plasticity during human walking ... 33

Résumé ... 33

(6)

vi

3.1 - Introduction ... 35

3.2 - Materials and methods: ... 37

3.2.1 - Subjects ... 37

3.2.2 - General instrumental setup ... 37

3.2.3 - Experimental protocol ... 37

3.2.3.1 - Experiment #1 ... 37

3.2.3.2 - Experiment #2 ... 38

3.2.4 - Data analysis ... 40

3.3 - RESULTS ... 43

3.3.1 - Adaptive changes in gait ... 43

3.3.1.1 - Effects of perturbation’s frequency on adaptation time course (experiment 1) 43 3.3.1.2 - Effects of perturbation’s characteristics on adaptation time course (experiment 2) ... 43

3.3.1.2.1 - Kinematics adaptation (single, group, analysis and comparisons)... 46

3.3.1.2.2 - Electromyography adaptation (single, group, analysis and comparisons) . 49 3.3.2 - Reflex processing ... 50

3.3.2.1 - Reflexes responses according to perturbations type ... 50

3.3.2.2 - Reflexes responses according to effect’s latencies during STRETCH experimental condition (Analysis of reflex window/CNS equivalent) ... 53

3.3.2.3 - Correlation between reflexes and adaptation ... 55

3.4 - Discussion ... 56

3.4.1 - Sporadic perturbations can trigger motor adaptation ... 56

3.4.2 - Limits and potential of adaptive plasticity (experiment’s part 2) ... 57

3.4.2.1 - Adaptive changes in each experimental condition ... 57

3.4.2.2 – Perturbations characteristics triggering adaptation ... 57

3.4.3 - EMG pattern and reflex response changes during adaptation ... 59

3.4.3.1 - EMG pattern changes ... 59

3.4.3.2 - Reflex responses ... 59

3.4.3.3 - Reflex response as tool to define which sensitive information may trigger adaptation ... 60

3.4.2.5 – Aftereffect duration ... 61

3.4.4 - Adaptive plasticity and operant conditioning ... 62

3.4.4.2 - Motor adaptation: a form of conditioning? ... 63

3.4.4.3 - Early and late adaptation in operant conditioning... 64

3.4.4.4 - Operant conditioning and potential rehabilitation benefits ... 65

(7)

vii

Conclusion... 66

3.5 - Acknowledgements ... 66

4 - Discussion du mémoire : ... 67

4.1 - Théories neurophysiologiques sous-jacentes à l’adaptation ... 67

4.1.1 - Réponse motrice réflexe vs adaptation motrice. ... 67

4.1.2 - Similitude entre l’adaptation et le conditionnement opérant ... 68

4.1.3 - L‘adaptation précoce du conditionnement opérant et l’adaptation dans un champ de force ... 71

4.1.4 - L’adaptation tardive revêt un intérêt pour la réadaptation fonctionnelle. ... 72

4.1.5 - Mécanismes sous-jacents à l’adaptation (précoce et tardive) du conditionnement opérant et du champ de force ... 72

4.1.6 - Opportunités thérapeutiques nouvelles en réadaptation : clientèles, opportunités, limites et techniques complémentaires ... 76

4.1.6.1 - Clientèles et techniques complémentaires applicables au conditionnement opérant ... 76

4.1.6.2 - Puissance d’effet du conditionnement opérant : ... 78

4.1.6.3 - Généralisation d’un comportement ... 79

4.1.6.4 - Autres théories béhavioristes ... 80

4.1 - Limites de l’étude ... 81

5 - Conclusion ... 84

Bibliographie : ... 86

Annexe 1 : Orthèse robotisée ... 102

Annexe 2 : Schéma voies réflexes ... 105

(8)

viii

Liste des tableaux

Table 1: Exact effective parameters of stretch perturbations for both subject in the first part of the experiment. ... 43 Table 2 : Comparative graph of the parameters’ size for each experimental condition. ... 45 Table 3: Correlation coefficients between strength of Aftereffect (AE) (expressed as percentage of strides outside confidence interval) and reflex parts during each condition. ... 55 Table 4: Correlation coefficients between individual reflex parts and used perturbations’

parameters for the whole three conditions opposing the movement (Stretch, Resist and Hold) taken together in the same group. ... 56

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ix

Liste des figures

Figure 1 (1.1) : Représentation schématique montrant les principaux aspects du SNC impliqués dans la géneration et la modulation de la marche. ... 4 Figure 2 (1.2) : Schéma illustrant la contribution respective des structures corticales et sous-corticales pour la planification et l’exécution des modulations du patron locomoteur. ... 10 Figure 3 (1.3) : Schémas anatomiques de trois coupes axiales traversant le tronc cérébral et indiquant la position du noyau en relation avec les structures adjacentes. ... 14 Figure 4 (1.4) : Schéma illustrant les principales voies afférentes et efférentes formant les circuits nerveux reliant le noyau pédonculopontique aux NGCs et autres structures motrices. . 17 Figure 5 (2.1) : Photo représentant l’orthèse robotisé et le système de contrôle utilisés dans cette expérience. ... 32 Figure 6 (3.1): Curves from ankle angulation during unperturbed and perturbed strides from a single subject. ... 40 Figure 7 (3.3): Time course of maximal angulation at the ankle during dorsiflexion when

exposed to sporadic perturbations for subject #2. ... 44 Figure 8 (3.2): Time course of maximal angulation at the ankle during dorsiflexion when

exposed to sporadic perturbations for subject #1. ... 44 Figure 9 (3.4): Bar graph of kinematic parameters from each perturbations’ type for the whole group. ... 45 Figure 10 (3.5): Time course of maximal dorsiflexion angles at the ankle before, during and after exposition to each perturbations’ types for subject #5. ... 46 Figure 11 (3.6): Bar graphs of the average percentage of strides with dorsiflexion angle going higher than confidence interval during perturbed walking (PW) in subfigure A and during aftereffect (AE) in subfigure B epochs for each experimental condition for the whole group. .. 47 Figure 12 (3.7): Time course of the size of the EMG signal from the tibialis anterior before, during and after exposition to each perturbations’ types for subject #4. ... 49 Figure 13 (3.9): Average EMG responses in tibialis anterior and soleus muscle during PW epoch for subject #1. ... 50 Figure 14 (3.10): Average isolated reflex responses in tibialis anterior muscle during PW epoch for the whole group during each condition. ... 52 Figure 15 (3.11): Area under the averaged reflex curve for whole group in each condition. ... 52 Figure 16 (3.12): Averaged reflex curves from two subjects during each condition. ... 54 Figure 17 (4.1): Illustration schématique des sites spinaux et supra-spinaux touchés par

(10)

x

Avant-propos

Ce mémoire inclus un article scientifique comme partie centrale du mémoire. Les résultats obtenus via l’expérience qui y est décrite serve de base à la discussion et hypothèses qui suivent. Au moment du dépôt initial de ce mémoire, cet article est en instance de publication (en voie de soumission). Toute modification entre la version intégrée de l’article et sa version publiée sera précisée dans cette section lors d’une mise à jour ultérieure du document, le cas échéant.

Je détiens le statut d’auteur principal de cet article, à titre de rédacteur principal de son contenu scientifique et de l’auteur principal des expérimentations effectuées pour en obtenir les résultats qui y sont décrits. Le Dr. Laurent Bouyer PhD détient le statut de co-auteur de cette publication à venir, sa participation ayant assuré une aide logistique, scientifique (incluant aide à la rédaction) et administrative pour la réalisation des expériences qui y sont répertoriées, une vérification de son contenu et un ajustement de la structure des phrases pour une publication scientifique en anglais.

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1

1 - Introduction

1.1 - Problématique

Le système nerveux central (SNC) est reconnu comme l’un des plus complexes du corps humain. Cette merveille de bio-ingénierie permet non seulement de contrôler les autres systèmes, mais aussi d’interagir avec l’environnement extérieur. Une grande variété de mécanismes lésionnels peut toutefois interférer avec le contrôle minutieux de ces systèmes : les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les maladies démyélinisantes ou axonales, les traumas médullaires ou périphériques, les maladies neurodégénératives, les infections du système nerveux central, etc.

À titre d’exemple, l’AVC est reconnu comme l’une des principales causes d’incapacités chez l’adulte au Canada (Eskes and Lanctot 2014). En effet, les AVC et les ischémies cérébrales transitoires (ICT) affectent 62 000 nouvelles personnes par année au Canada, soit une personne toutes les neufs minutes (ICIS 2012-2013). La prévalence canadienne est d’ailleurs en augmentation, étant de 2,6% en 2012-2013 alors qu’elle était de 2,3% en 2002-2003 (Canada 2016). Cette augmentation reflète principalement le vieillissement de la population et est ainsi appelée à s’accélérer dans les prochaines années, la prévalence augmentant jusqu’à près de 20% chez les personnes >85 ans (Canada 2016). Aux États-Unis, l’incidence des AVC s’élève à plus de 795 000 personnes annuellement (CDC 2015). L’impact fiscal annuel des AVC monte à 3,6 milliards de dollars au Canada (ASPC, ICIS et al. 2009) et à 34 milliards aux États-Unis (Mozaffarian, Benjamin et al. 2015), incluant les services médicaux, les coûts d’hospitalisation, les pertes de salaires et la perte de productivité. Malgré l’enjeu significatif que représente l’impact sociétal des AVC, seulement « 37% des patients souffrant d’incapacités moyennes à sévères

[recevaient] les soins de réadaptation appropriés au cours des semaines suivant leur AVC » au

Canada en 2011 (RCAC 2011). D’ailleurs un rapport de l’INESSS en 2012 mentionnait que « Parmi les Canadiens ayant subi un AVC, 60 % ont besoin d’aide pour accomplir leurs activités

de la vie quotidienne, et 84 % se disent limités dans leur capacité d’effectuer des activités de loisir » (Tessier 2012). Les statistiques épidémiologique en France indique également une

prévalence similaire pour l’AVC et ses déficits fonctionnels et souligne que « 51% [des

personnes avec une séquelle à la suite d’un AVC] ont déclaré avoir beaucoup de difficultés ou ne pas pouvoir marcher 500 mètres » (De Peretti, Grimaud et al. 2012).

L’enjeu de la marche est directement relié à l’autonomie future des patients et représente par conséquent l’objectif principal de la réadaptation pour plusieurs patients (Desrosiers, Noreau et al. 2002). Cette réadaptation est longue et nécessite régulièrement plusieurs mois, voire des années. Elle est exigeante physiquement et mentalement, sans compter que plusieurs des patients doivent faire face d’autres séquelles ou comorbidités simultanément. Malheureusement, les ressources matérielles, financières et humaines sont insuffisantes pour répondre à la demande

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2

croissante (RCAC 2011) et des déficits persistent malgré tous les efforts prodigués dans les meilleures conditions.

La complexité des interactions entre les centres intégrateurs du système nerveux et la diversité des circuits impliqués offrent des défis de taille aux chercheurs en réadaptation. En effet, la récupération suite à une lésion du SNC est difficile à prévoir puisque le pronostic diffère selon le site touché.

De même, il est plausible que l’efficacité d’une modalité de réadaptation soit dépendante du siège de la lésion et des caractéristiques propres à chacun des sites touchés. Par conséquent, les mécanismes de récupération ne seraient être universels. L’optimisation de la réadaptation et de la plasticité neuronale pourrait être obtenue par la création d’approches spécifiques à la lésion ciblant les circuits du SNC ayant un véritable potentiel de récupération. Le développement de connaissances sur les mécanismes et le potentiel de récupération des circuits impliqués dans la marche constitue la base du développement de telles thérapies spécifiques à la lésion.

La prise en charge grâce à une approche spécifique à la lésion est toutefois complexe. En effet, la locomotion normale est le résultat des actions conjointes de multiples circuits et centres intégratifs du SNC (Patla 1996, Raine, Meadows et al. 2009). Les interactions entre ceux-ci sont nombreuses et compliquent d’autant plus la réadaptation que le potentiel de récupération peut différer d’un circuit à l’autre. De plus, la récupération peut dépendre de circuits nerveux distincts et si ceux-ci sont lésés, beaucoup d’efforts pourraient être investi en vain dans la récupération d’une fonction, alors qu’une approche de compensation du déficit aurait été plus optimale. Ainsi, ce nouveau modèle « bio-médical » spécifique à la lésion vise à s’intégrer au modèle biopsychosocial actuel afin d’offrir de nouveaux horizons en réadaptation, et non à le remplacer.

1.2 - Objectif général

L’objectif général de ce projet de recherche est de développer les connaissances entourant les mécanismes d’adaptation de la marche, ce qui constitue une priorité pour optimiser la récupération locomotrice. Cela permettra de développer et optimiser des protocoles de réadaptation en se basant sur le potentiel de récupération des circuits du SNC et les mécanismes sous-jacents impliqués dans l’apprentissage locomoteur.

(13)

3

1.3 - Connaissances actuelles

Avant de comprendre comment récupèrent les circuits nerveux contrôlant la marche après une lésion, il faut d’abord comprendre comment s’articulent les mécanismes permettant la marche en l’absence de lésion. En effet, la compréhension des zones impliquées dans la marche est primordiale afin de comprendre l’impact d’une lésion touchant l’une d’elle, car le pronostic fonctionnel dépend entre autres de la fonction du circuit touché (Menezes, Ay et al. 2007, Payabvash, Souza et al. 2012). Par exemple, le déficit locomoteur diffère si la lésion touche un circuit modulant la marche, par opposition à un circuit central pour son initiation. C’est pour cette raison que des études de cartographie cérébrale tentent actuellement de prédire le potentiel de récupération selon l’emplacement de la lésion (Munsch 2016, Munsch, Sagnier et al. 2016). Plus spécifiquement, le pronostic moteur dépend étroitement des interactions résiduelles possibles entre les différents circuits reliés à la marche, ce pourquoi la présente section tentera d’en présenter brièvement les composantes individuelles.

Les connaissances que nous avons sur les mécanismes permettant la marche proviennent de plus d’une centaine d’années de littérature scientifique incluant principalement des études chez l’animal. Un schéma de référence illustré à la Figure 1 a été proposé par Patla (Patla 1996) il y a une vingtaine d’année et demeure encore de nos jours une excellente référence pour comprendre comment les interactions entre les différents circuits du SNC peuvent induire la marche. Plusieurs de ces connaissances ont été transposées à la locomotion humaine, mais seule une partie a été validée par des études chez l’homme. Ce schéma met en évidence les principaux acteurs dans la génération du patron locomoteur : un circuit spinal induisant la marche, des circuits supra-spinaux générateurs de la locomotion ainsi que des voies neurosensorielles induisant une modulation du patron locomoteur via des circuits locaux ou supra-spinaux.

1.3.1 - Production du patron locomoteur de base: le CPG

Le premier avancement majeur dans le domaine de la locomotion fut publié en 1897, alors qu’on venait de faire la démonstration qu’une activité musculaire rythmique similaire à la marche pouvait toujours être produite chez des chats décérébrés (Bickel and Ewald 1897, Hering 1897). En 1911, Graham Brown a reproduit ce résultat chez des chats ayant subi d’une transsection complète de la moelle épinière (Stuart and Hultborn 2008). De nombreuses études ont alors suivi, précisant ce qui allait être appelé en 1975 le « Central pattern generator », ou CPG (Grillner 1975, Grillner and Zangger 1975). Ce circuit localisé dans la moelle épinière aurait la particularité de produire un signal complexe pouvant être modulé par des stimuli simples (Delcomyn 1980, Grillner 1985). Plus précisément, il permettrait d’activer de façon séquentielle plusieurs muscles, et ce avec un patron d’activation distinct pour chacun des muscles (Patla 1996, Gollhofer, Taube et al. 2013).

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4

Figure 1 (1.1) : Représentation schématique montrant les principaux aspects du SNC impliqués dans la géneration et la modulation de la marche.

Pour des raisons de clarté de la figure, plusieurs structures (telle que le thalamus et le cortex somatosensoriel) ont été omises.

SLR, région locomotrice sous-thalamique; MLR, région locomotrice mésencéphalique; PLR, région locomotrice pontique; VTF, Aire Tegmentale Ventrale; DTF, Aire Tegmentale Dorsale; SC, Collicule Supérieur; RF, Formation Réticulée; RN, Noyau Rouge; VN, Noyau Vestibulaire; CST, Voie Corticospinale; TeST, Voie Tectospinale; ReSt. Voie Réticulospinale; VeST, Voie Vestibulospinale, VSct, Voie Spinocérébelleuse Ventrale; DSct, Voie Spinocérébelleuse Dorsale; SRct, Voie Spinoréticulaire Cérébelleuse. (Patla 1996).

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5

Alors que plusieurs études ont aussi montré la présence d’un circuit similaire chez d’autres animaux de bas ordre (Rossignol, Chau et al. 1996), aucune n’a démontré sa présence chez l’homme. De même, l’évolution vers une locomotion bipède a été accompagnée de nombreux changement au niveau du SNC, dont une « corticalisation » de plusieurs fonctions motrices (Herculano-Houzel, Kaas et al. 2016). Il est donc logique de croire que certaines des fonctions assumées par le CPG chez l’animal soient partiellement gérées par l’encéphale chez l’homme. Toutefois, certaines études supportent l’existence de circuits automatiques au niveau de la moelle épinière et possédant des caractéristiques similaires au CPG chez l’homme, encourageant l’utilisation d’un modèle similaire pour comprendre la locomotion chez l’homme. Un premier argument en faveur d’un CPG chez l’humain provient de l’existence d’un « réflexe primitif » nommé la « marche automatique » chez le bébé. Il s’agit d’une activation séquentielle des muscles des membres inférieurs en réponse à une stimulation cutanée et/ou de mise en charge alors que le poids du bébé est soutenu par un intervenant. Cette activation musculaire est très similaire au patron de marche chez l’adulte et est présente dès la naissance (Peiper 1925). Cette succession de mouvements coordonnés serait obtenue grâce à des circuits nerveux localisés principalement au niveau spinal et/ou du tronc cérébral puisqu’il est possible d’obtenir une réponse similaire chez les bébés anencéphales (Peiper 1961). Il est donc improbable que ces mouvements soient volontaires et confirme qu’il s’agit bien d’un automatique, d’autant plus que les mouvements volontaires n’apparaissent que plus tard chez le nouveau-né. En effet, la prise manuelle d’un objet n’apparait que vers l’âge de 8 semaines, mais le bébé n’est toujours pas capable de lâcher volontairement l’objet. Il faut attendre 22 semaines pour qu’un enfant considéré précoce au niveau du développement moteur puisse volontairement échanger des objets d’une main à l’autre, témoignant de l’apparition d’un contrôle volontaire de ses membres (Weber 2008). La myélinisation normales des nerfs moteurs des membres inférieurs prend, quant à elle, jusqu’à deux ans avant de se produire, ce qui corrèle étroitement avec les principales étapes développementales (Dietrich, Bradley et al. 1988).

Malgré l’absence de contrôle volontaire entourant la génération de la marche automatique, celle-ci possède tout de même des capacités d’ajustement de sa réponse. En effet, une accélération de la vitesse du tapis roulant provoque un cycle de marche de plus courte durée chez le bébé (Yang, Lam et al. 2004) pour compenser la plus grande vitesse de marche requise. La marche automatique possède donc la capacité de s’ajuster automatiquement aux demandes environnementales extérieures. Cet ajustement aux stimuli extérieurs permet même au bébé de « marcher » dans des directions autres que droit devant lui (Lamb and Yang 2000). Ces ajustements de la « marche automatique » seraient également limités aux stimuli sensoriels ayant un impact fonctionnel engendrent une modification de la réponse motrice. En effet, la stimulation de la surface latérale du pied ne pourrait engendrer une réponse que dans le membre placé en

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avant et lors d’une marche de côté (Yang, Lam et al. 2004). Ces résultats expérimentaux laissent entrevoir la présence d’une modulation de la réponse automatique selon la tâche, voire à l’intérieur d’une même tâche, chez le bébé. Ces différentes caractéristiques suggèrent qu’un équivalent du CPG existerait bel et bien chez l’humain, similairement au CPG décrit dans les études chez l’animal.

La régulation des réponses réflexes selon la tâche a notamment fait l’objet de plusieurs recherches chez l’adulte, suggérant que le CPG a toujours une fonction à l’âge adulte. Ces études portaient majoritairement sur le réflexe de Hoffman. Ce réflexe est connu pour engendrer des réponses réflexes dont l’intensité est modulée proportionnellement à l’intensité de la contraction musculaire sous-jacente (Stein and Capaday 1988). Cette modulation varie toutefois selon la tâche qui est effectuée. En effet, la corrélation linéaire associant l’intensité de la réponse réflexe et celle de la contraction musculaire sous-jacente est tributaire d’un gain réflexe qui est plus ou moins important selon l’instabilité motrice associée à la tâche motrice. Plus précisément, l’intensité du gain réflexe est décroissante entre la station debout, la marche et la course respectivement (Stein and Capaday 1988).

La régulation des signaux sensitifs à l’intérieur d’une même tâche, par exemple selon les diverses phases de la marche, a aussi été observée dans plusieurs études chez l’adulte. En effet, la production de réflexes de Hoffman engendre des réponses électromyographiques différentes dans le soléaire selon la phase du cycle de marche où ils sont appliqués (Capaday and Stein 1986). Cette inhibition spécifique selon la phase du cycle de la marche du réflexe de Hoffmann a également été reproduite dans plusieurs autres muscles du membre inférieur (Yang and Stein 1990), mais ne s’effectue toutefois pas à la même phase de la marche (Duysens, Trippel et al. 1990). En effet, la réponse réflexe serait présente uniquement lorsque la perturbation serait potentiellement nuisible pour l’intégrité du mouvement. La présence ou l’absence d’une réponse réflexe serait ainsi fonctionnellement adaptée à l’objectif moteur à chaque étape du cycle, et ce pour chaque muscle. Plus encore, la réponse réflexe à l’EMG obtenue suite aux réflexes cutanés subit une modulation si importante qu’elle donne même lieu à une inversion complète de la réponse, passant d’une excitation à une inhibition selon la phase de la marche. Cette inversion des réponses réflexes selon les différentes phases du cycle de la marche s’obtient aussi avec d’autres types de réflexes (De Serres, Yang et al. 1995, Bagna and Bouyer 2011, Suzuki, Nakajima et al. 2016).

En rétrospective, le réflexe de la marche automatique retrouvé chez le bébé et la marche chez l’adulte possèdent des caractéristiques similaires, soient la modulation des réponses réflexes selon la tâche, ainsi qu’à l’intérieur des différentes phases de la marche. Cette similitude suggère que les mêmes circuits sont impliqués dans la réponse locomotrice de l’adulte et du bébé n’ayant

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pas la capacité d’initier volontairement un mouvement. Ces données supposent la présence anatomique d’un circuit nerveux permettant une modulation plus complexe que celle obtenue par une simple modulation pré-synaptique. Un centre intégratif composé de circuits d’interneurones permettant l’ouverture et la fermeture chronométrée de voies réflexes est vraisemblablement impliqué et permettrait le traitement des afférences sensorielles de façon similaire entre les différents muscles et influx nerveux (Duysens, Tax et al. 1992). L’ensemble de ces caractéristiques correspond à la description du CPG tel que décrit chez l’animal (« timing, shaping and synthesis network » - (Patla 1996)) et supporte davantage l’existence d’un CPG chez l’humain.

La présence d’une modulation aussi complexe des réflexes à courte latence décrits précédemment indique que les circuits permettant l’intégration sensitive et la modulation de l’activité motrice durant la marche sont localisés au sein de la moelle épinière. L’équivalent humain du CPG animal serait ainsi composé, pour le moins partiellement, de circuits spinaux. Cela suggère qu’une portion du contrôle locomoteur serait possiblement préservée suite à une lésion médullaire. C’est du moins ce que supportent certaines études. En effet, la présence d’une activité rythmique modulable serait même retrouvée chez des patients avec une lésion complète de la moelle épinière, et ce d’une façon similaire à la modulation réflexe retrouvée chez les chats avec une transsection spinale aiguë (Bussel, Roby-Brami et al. 1989, Nicol, Granat et al. 1995, Bussel, Roby-Brami et al. 1996, Kojima, Nakazawa et al. 1998, Nadeau, Jacquemin et al. 2010, Minassian, Hofstoetter et al. 2016). Cette activité rythmique demeure toutefois rare en présence d’une lésion complète de la moelle épinière, comparé aux lésions incomplète (Duysens and Van de Crommert 1998). Cela contraste avec les résultats chez les rats qui peuvent effectuer plus de 1000 enjambées sans erreur malgré une transsection complète de la moelle épinière (Wenger, Moraud et al. 2014). Ces résultats indiquent malgré tout que l’activation d’une séquence musculaire structurée peut être obtenue en l’absence d’efférences nerveuses provenant des centres supérieurs et encourage la poursuite de la recherche en ce sens.

1.3.2 - Contrôle supraspinal de la marche :

En se basant sur les études mentionnées précédemment, il est raisonnable d’intégrer le CPG au centre des modèles théoriques expliquant le contrôle de la marche. Toutefois, le contrôle volontaire de la marche et l’intégration neurosensorielle de la marche ne saurait être expliqués par le CPG seul. En effet, plusieurs études indiquent que l’activation et l’inhibition volontaire du CPG proviennent de centres supraspinaux (Armstrong 1988, Rossignol, Chau et al. 1996). Parmi ces structures nerveuses, on retrouve le cortex moteur, les noyaux gris centraux (NGC) et les centres locomoteurs intermédiaires. Le thalamus a, quant à lui, un rôle de relais neuronal dans la locomotion (Purves, Augustine et al. 2005), mais ne sera pas élaboré spécifiquement ici.

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8 1.3.2.1 - Cortex moteur

La production d’un mouvement volontaire a été largement étudiée et la contribution du cortex moteur y est centrale. La plupart des connaissances sur le cortex moteur proviennent d’études sur des mouvements volontaires simples. L’initiation volontaire de la marche implique également ces circuits nerveux (Petersen, Butler et al. 2001, Nielsen 2003, Petersen, Willerslev-Olsen et al. 2012), mais diffère des mouvements volontaires simples en ce sens qu’au moins une partie de la commande doit passer par le CPG (Drew 1991, Rho, Lavoie et al. 1999, Krouchev and Drew 2013). Certaines des efférences corticales parviennent au CPG via des centres intermédiaires alors que d’autres empruntent la voie corticospinale (Barthelemy, Alain et al. 2012, Choi, Bouyer et al. 2015). La partie des efférences empruntant les centres intermédiaires semblent davantage impliqués dans l’initiation de la marche et implique également les NGC. La section portant sur les centres locomoteurs intermédiaires abordera cette interaction plus spécifiquement. La partie des efférences empruntant la voie corticospinale a une action plus directe sur le CPG (Patla 1996) et permettrait de moduler consciemment le patron de marche de base. Cette dernière portion des efférences motrices serait gérée de façon similaire aux mouvements volontaires simples bien décrits dans la littérature. La sévérité d’une atteinte touchant la voie corticospinale est d’ailleurs un prédicteur de la récupération motrice envisageable après une lésion du SNC (Bigourdan, Munsch et al. 2016). La présente section décrira donc les trois principales divisions fonctionnelles étudiées dans les mouvements volontaires, soient le cortex moteur primaire, le cortex pré-moteur latéral et le cortex pré-moteur médian. Elle abordera également brièvement certaines des interactions principales entre le cortex moteur et les centres connexes.

Le cortex moteur primaire est une des zones du cerveau les mieux décrites et dont la fonction est bien comprise. Il est localisé immédiatement en antérieur de la scissure de Rolando (aire 4 de Brodmann). Les neurones qui le constituent permettent l’activation des différents muscles squelettiques du corps et se distribuent au niveau du cortex moteur primaire, suivant une organisation somatotopique correspondant à l’homonculus moteur (Purves, Augustine et al. 2005, Esopenko, Borowsky et al. 2008, Kocak, Ulmer et al. 2009). Ces neurones projettent leur axone via le faisceau pyramidal, suivant par la suite la voie corticospinale et assurant des connexions au niveau spinal avec les motoneurones alpha et les neurones de circuits locaux. L’implication du cortex moteur et de la voie corticospinale fut également validée lors de la marche chez l’animal et chez l’humain (Drew and Marigold 2015). Les signaux efférents y transitant seraient associés à la modulation de la magnitude et de la phase du signal nerveux lors de la marche adaptée (Amos, Armstrong et al. 1990, Beloozerova and Sirota 1993, Drew 1993, Drew, Jiang et al. 1996, Drew, Andujar et al. 2008).

L’activation volontaire du cortex moteur primaire est, quant à elle, gérée par le cortex pré-moteur situé plus rostralement (aire 6 de Brodmann). Le cortex pré-moteur permettrait la

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planification motrice et l’intégration du mouvement en fonction du contexte de l’action. Plus précisément, le cortex pré-moteur est divisé en deux sections fonctionnelles, soit une portion latérale et une médiane. Chacune de ces sections présenterait également une distribution somatotopique (Esopenko, Borowsky et al. 2008). Le cortex pré-moteur latéral permettrait de contrôler le moment où s’effectuera le mouvement ainsi que de gérer l’aspect conditionnel qui peut être associé à un mouvement, tel lors de l’exécution d’un mouvement suite à un stimulus visuel (Mitz, Godschalk et al. 1991). Les études sur cette zone mentionne également qu’elle coderait l’intention d’effectuer un mouvement, et non pas spécifiquement son exécution (Purves, Augustine et al. 2005). Des études lésionnelles chez le singe supportent également l’importance du cortex pré-moteur latéral pour les tâches conditionnelles. En effet, une lésion atteignant cette aire motrice rendrait le singe incapable d’effectuer le mouvement lors de la présentation du stimulus usuel, alors que le mouvement en lui-même est toujours possible (Purves, Augustine et al. 2005). Le cortex pré-moteur médian, aussi appelé aire motrice supplémentaire, est également impliqué dans la planification de mouvements complexes. Toutefois, l’action motrice relevant de cette zone serait tributaire de commandes ou stimuli internes, par opposition aux stimuli externes du cortex pré-moteur latéral (Purves, Augustine et al. 2005). Ces connaissances furent elles aussi obtenues principalement à partir d’études sur des mouvements volontaires simples. Alors que la marche relève d’une activité motrice partiellement inconsciente, elle recèle également une composante volontaire qui s’exprime lorsque le patron de base doit être adapté. C’est d’ailleurs ce que corroborent des études récentes (Drew and Marigold 2015), soit que l’ajustement de la marche pour interagir avec un environnement fluctuant requiert l’implication du cortex cérébral pour être réalisées avec précision. En effet, des déficits de la marche sont présents suite à des lésions simulées par l’inactivation temporaire du cortex moteur. Ces déficits prennent la forme de modification à la trajectoire et au placement du membre inférieur lors de la marche adaptée (Drew, Jiang et al. 1996, Drew, Jiang et al. 2002, Friel, Drew et al. 2007). Ainsi, dans le cadre de la locomotion, le cortex cérébral (dont le cortex pariétal postérieur) joue un rôle important pour la

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modulation de l’activité locomotrice (voir section ultérieure « Cortex pariétal postérieur »). La Figure 1.2 tirée de la publication de Drew et Marigold (Drew and Marigold 2015) suggère d’ailleurs une représentation schématique des interactions survenant entre les diverses structures.

La planification locomotrice de l’ensemble du cortex moteur est ainsi le résultat combiné des interactions continues entre le cortex pariétal postérieur, les diverses aires corticales sensorielles et les circuits moteurs plus profonds du cerveau (soient les NGC, les centres locomoteurs intermédiaires et le cervelet). Ces diverses connexions formeraient des boucles de rétroaction précises entre plusieurs aires corticales, les NGC et le cervelet (Middleton and Strick 2000). La portion médiane du cortex pré-moteur interagirait particulièrement avec les NGC, par l’intermédiaire du thalamus (Purves, Augustine et al. 2005). Ces boucles permettraient des opérations cognitives distinctes selon les zones reliées. Par exemple, les boucles interagissant avec le cortex pré-moteur seraient associées aux aspects cognitifs du mouvement, alors que celles

Figure 2 (1.2) : Schéma illustrant la contribution respective des structures corticales et sous-corticales pour la planification et l’exécution des modulations du patron locomoteur. Le circuit est séparé en trois parties principales. La section bleue ombragée regroupe les régions impliquée dans la planification motrice, alors que la verte ombragée indique le signal moteur efférent produit par le cortex et se dirigeant vers la moelle épinière. La zone jaune ombragée regroupe les régions impliquées dans les fonctions de navigation. La figure souligne également en rouge l’apport des stimuli périphériques et des aires extra-striées en vert foncé. Le manque d’information sur la contribution respective des NGC et du cortex pré-moteur pour la locomotion est exprimé par des lignes pointillées. (Drew and Marigold 2015)

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interagissant avec le cortex moteur primaire correspondraient à la correction des paramètres du mouvement (Middleton and Strick 2000). On associe d’ailleurs certains déficits à des lésions touchant l’une ou l’autre de ces boucles de rétroaction. Par exemple, les déficits de la marche et de l’équilibre sont davantage associés à des lésions intéressant les circuits reliant le cortex moteur primaire aux centres locomoteurs profonds, alors que la rigidité et l’hypokinésie intéresseraient plutôt les circuits reliant les cortex frontaux aux NGC (Demain, Westby et al. 2014).

En somme, la planification du patron locomoteur repose étroitement sur le cortex cérébral. Une différence significative persiste toutefois entre la marche et les autres mouvements volontaires simples, c’est-à-dire que les commandes motrices de la marche sont potentiellement soumises à des niveaux de modulation qui n’interfèrent pas avec les autres mouvements simples empruntant la voix corticospinale. La planification motrice repose également sur les interactions avec d’autres centres nerveux comme les NGC, les centres intermédiaires et d’autres aires corticales. Ces dernières sont elles-mêmes tributaires des stimuli sensitifs visuels, auditifs, tactiles et proprioceptifs. L’ensemble de ces structures renseignent les centres moteurs sur une multitude d’informations requises afin de moduler le mouvement de base. Les NGC et les centres intermédiaires sont abordés dans les sections suivantes et l’apport sensitif à la marche est détaillé dans la section portant sur la modulation supraspinale de la marche.

1.3.2.2 - Noyaux gris centraux (NGC)

Globalement, les NGC (constitués du striatum [le putamen, le globus pallidus et le noyau caudé], du noyau sous-thalamique et la substance noire) permettent de contrôler l’exécution motrice par une série de circuits inhibiteurs et excitateurs. Le contrôle que possèdent les NGC sur les mouvements relève des interactions qu’ils ont avec d’autres circuits nerveux. En effet, ils « n’ont pas de projections directes sur les motoneurones alpha ni sur les neurones de circuits locaux » (Purves, Augustine et al. 2005) et ne peuvent donc pas moduler directement le CPG ni les motoneurones alpha. Leur rôle exact dans la marche demeure mal détaillé (Fukuyama, Ouchi et al. 1997, Grillner, Wallen et al. 2008, Iseki, Hanakawa et al. 2008). De nombreuses études confirment toutefois l’importance de ces noyaux dans la marche, malgré la composante « automatique » du comportement locomoteur (Martin and Hurwitz 1962, Hausdorff, Cudkowicz et al. 1998, Shi, Luo et al. 2004, Chang, Shi et al. 2006, Shi, Luo et al. 2006, Takakusaki, Tomita et al. 2008, Shine, Ward et al. 2011, Shine, Matar et al. 2013, Pieruccini-Faria, Ehgoetz Martens et al. 2015). Leur action motrice s’effectuerait par la création de plusieurs boucles sous-corticales où les NGC permettent de relier la plupart des aires corticale aux neurones moteurs du cortex moteur (primaire, pré-moteur et supplémentaire) ainsi qu’au tronc cérébral. L’activité au sein de ses boucles serait présente avant et pendant le mouvement (Purves, Augustine et al. 2005), témoignant de leur utilité pour l’exécution normale des mouvements volontaires. De même, les lésions touchant les NGC supportent également leur contribution centrale aux mouvements,

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comme le montre les déficits moteurs observés dans la maladie de Parkinson (Dauer and Przedborski 2003, Purves, Augustine et al. 2005, Guatteo, Cucchiaroni et al. 2009, Shine, Naismith et al. 2011).

Sommairement, les NGC reçoivent, via le striatum, des afférences de pratiquement l’ensemble du néocortex. Ils peuvent ainsi former différentes boucles de rétroaction : une boucle motrice, une boucle oculomotrice, une boucle préfrontale et une boucle limbique (Purves, Augustine et al. 2005). Ils reçoivent même certaines afférences du thalamus et du tronc cérébral. Le putamen est la zone de réception s’occupant de la boucle de rétroaction motrice formée avec le cortex moteur primaire et le cortex pré-moteur. Il reçoit également des informations en provenance des aires somesthésiques primaires et secondaires, tout comme certaines afférences des aires visuelles secondaires. Les efférences motrices quittent quant à elle les NGC via le segment interne du globus pallidus latéral avant de retourner au cortex moteur, après un court passage dans le thalamus.

La plupart des autres boucles de rétroaction des NGC entrent via le noyau caudé pour ressortir via la substance noire par reticulata ou par le pallidum ventral. Une de ces efférences concerne justement la marche et relie la substance noire chez le rat (Sherman, Fuller et al. 2015) et le noyau sous-thalamique chez l’homme (Jahn, Deutschlander et al. 2008, la Fougere, Zwergal et al. 2010) à une structure nommée la région locomotrice mésencéphalique (MLR). Cette dernière structure interagirait étroitement avec les NGC et le thalamus et serviraient d’intermédiaire entre le cortex moteur et les motoneurones alpha et les centres spinaux dans la marche. La section suivante porte sur les centres locomoteurs intermédiaires et développe davantage ce point.

1.3.2.3 - Centres locomoteurs intermédiaires

La notion de centres locomoteurs intermédiaires entre le cortex et le CPG fut développée suite à la démonstration qu’une activation du CPG était possible en stimulant une structure supra-spinale chez le chat, même après que celui-ci eu subi une transsection inter-colliculaire (décérébré) (Shik, Severin et al. 1966). Ce circuit localisé aux alentours du tronc cérébral et de l’hypothalamus latéral est nommé la « région locomotrice mésencéphalique » (MLR) et sa découverte donna le coup d’envoi de nombreuses études pour mieux comprendre la mécanique neurophysiologique qui sous-tend la marche.

La présence d’une MLR a été confirmée par des études électrophysiologiques (Eidelberg, Walden et al. 1981, Coles, Iles et al. 1989, Jenkinson, Nandi et al. 2009) et anatomique (Edley and Graybiel 1983) chez la lamproie, la salamandre, la raie, le rat, le cochon d’Inde, le lapin, le chat et le singe. Elle serait localisée au niveau des noyaux pédonculopontique et cunéiforme (Ryczko and Dubuc 2013). Le noyau cunéiforme est aussi désignée par certains auteurs sous le

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nom de formation réticulée mésopontique pour la différencier d’une structure nerveuse homonyme (Skinner, Kinjo et al. 1990). Des études subséquentes ont identifié que la stimulation d’autres régions cérébrales pouvait initier la marche chez le chat. Ces régions nommées « région locomotrique subthalamique » (SLR) et « région locomotrice pontique » (PLR) (Shik and Orlovsky 1976, Armstrong 1988, Patla 1996, Mori, Matsuyama et al. 2001, Grillner 2006) réfèrent à l’aire hypothalamique latérale et au tegmentum pontique latéral, respectivement (Jahn and Zwergal 2010). Une quatrième région nommée « région locomotrice cérébelleuse » est également évoquée dans la littérature mais ne sera pas abordée ici. Toutefois, la démarcation fonctionnelle, voire anatomique, entre ces différentes structures n’est pas bien définie. En conséquence, les études plus récentes délaissent les notions de PLR et de SLR, au profit d’une description de la MLR et des circuits connexes.

Plusieurs études ont également identifié la MLR chez l’humain. L’IRM fonctionnelle a confirmé sa présence dans des régions du cerveau similaires à celles de l’animal durant une tâche de visualisation mentale de la marche, soit au niveau du tegmentum pontomesencéphalique et de la formation réticulée paramédiane (Jahn, Deutschlander et al. 2008, la Fougere, Zwergal et al. 2010). L’utilisation d’électrode cérébrale profonde a permis ensuite de localiser plus précisément cette activité au niveau du noyau pédonculopontique (PPN) (Tattersall, Stratton et al. 2014), noyau qui est justement localisé au niveau du tegmentum pontomésencéphalique caudal (Jenkinson, Nandi et al. 2009). La Figure 1.3 tirée d’une publication de Jenkison en 2009 (Jenkinson, Nandi et al. 2009) illustre l’emplacement anatomique du PPN, en lien avec ses structures adjacentes.

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La caractérisation des fonctions du PPN fit l’objet de plusieurs études et revues de littérature (Winn 2006, Jahn and Zwergal 2010, Alam, Schwabe et al. 2011, Le Ray, Juvin et al. 2011, Ryczko and Dubuc 2013, Takakusaki, Chiba et al. 2016). Celles-ci ont démontré l’importance fonctionnelle du PPN et que la fonction dépasse celle d’un simple relais entre le cortex et les neurones de circuits locaux de la moelle épinière. La MLR jouerait servirait d’intermédiaire pour coordonner les interactions entre la substance noire des NGC, les lobes frontaux et les circuits de la moelle épinière (Patla 1996, Jahn, Deutschlander et al. 2008, la Fougere, Zwergal et al. 2010, Sherman, Fuller et al. 2015). Il permet d’adapter la puissance du mouvement selon les besoins de la marche (Drew, Prentice et al. 2004) en filtrant les afférences sensorielles durant la marche (Le Ray, Juvin et al. 2011) et en modulant le CPG (Lau, Welter et al. 2015). À titre d’exemple, une modulation du signal alpha au sein du PPN serait associée avec une variation de la tâche locomotrice (Androulidakis, Mazzone et al. 2008, Lau, Welter et al. 2015). Cette modulation du signal alpha serait observable plus précisément lors de la marche sur Figure 3 (1.3) : Schémas anatomiques de trois coupes axiales traversant le tronc cérébral et indiquant la position du noyau en relation avec les structures adjacentes.

La hauteur des trois coupes est indiquée par les lignes pointillées sur une vue para-sagittale du tronc cérébral et du mésencéphale. RN, Noyau Rouge; PPN, Noyau Pédonculopontique; SN, Substance Noire. Tirée d’Olszewski and Baxter (1954), tel qu’illustré dans la publication de Jenkinson de 2009 (Jenkinson, Nandi et al. 2009).

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place (Fraix, Bastin et al. 2013) ou lors d’un changement de la vitesse de marche (Thevathasan, Pogosyan et al. 2012).

Une modification de l’activité électrique locale du PPN a également été identifiée chez les patients atteints de troubles du mouvement comme la maladie de Parkinson (Weinberger, Hamani et al. 2008, Piallat, Chabardes et al. 2009). L’étroite relation entre le PPN et la substance noire par reticulata (Sherman, Fuller et al. 2015) pourrait expliquer ces changements puisque la maladie de parkinson est connue pour atteindre préférentiellement la substance noire (par compacta) (Dauer and Przedborski 2003, Purves, Augustine et al. 2005, Guatteo, Cucchiaroni et al. 2009, Shine, Naismith et al. 2011). Une relation de causalité entre une dysfonction du PPN et les déficits moteurs est également supportée par des études de cas d’AVC touchant le PPN (Masdeu, Alampur et al. 1994, Hathout and Bhidayasiri 2005, Kuo, Kenney et al. 2008). Ces mêmes études rapportent aussi une incapacité à se tenir debout, de l’hypokinésie ou encore de l’ataxie. Le PPN est ainsi associé à d’autres fonctions que la marche, comme la posture debout (Sherman, Fuller et al. 2015), le sommeil, la cognition, l’humeur, l’attention et la vigilance (Morita, Hass et al. 2014). Des résultats récents suggèrent même que le PPN serait impliqué dans les mécanismes de renforcement positif de la locomotion (Xiao, Cho et al. 2016). Finalement, il est également suggéré que le tegmentum mésopontique aurait un rôle de système porte, voire d’initiateur du CPG (Jahn and Zwergal 2010), pour l’exécution de la marche en fonction du contexte comportemental, de l’état émotionnel et des schèmes cognitifs du moment (Takakusaki 2008).

Ainsi, les circuits composant la MLR possèdent plusieurs caractéristiques qui suggèrent qu’elle pourrait être une zone clé pour la réadaptation locomotrice après une lésion du SNC, soit : la capacité de moduler le signal locomoteur, le potentiel de renforcement positif de la locomotion et le lien possible avec les pathologies touchant la marche. Pour cette raison, plusieurs études s’intéressent au potentiel thérapeutique du PPN via la stimulation cérébrale profonde (Alam, Schwabe et al. 2011, Morita, Hass et al. 2014, Garcia-Rill, Hyde et al. 2015, Lau, Welter et al. 2015). L’augmentation de l’activité du PPN chez les patients parkinsoniens lors de la prise de Lévo-Dopa (Androulidakis, Mazzone et al. 2008) démontre bien le potentiel d’une stimulation du PPN dans le Parkinson. La stimulation cérébrale profonde serait efficace même chez les patients réfractaires aux traitements médicamenteux (Karachi, Grabli et al. 2010, Thevathasan, Cole et al. 2012). D’autres études proposent également que d’autres troubles hypokinétiques pourraient bénéficier de ce type de traitement, comme par exemple la paralysie supranucléaire progressive (Stefani, Lozano et al. 2007, Alam, Schwabe et al. 2011) ou l’atrophie multisystème (Benarroch 2013). La modulation bilatérale de la réponse des neurones cholinergiques provenant de la substance noire et se projetant vers le PPN suggère également une avenue thérapeutique pour les troubles du mouvement hyperkinétiques (Xiao, Cho et al. 2016). Une autre étude suggère que la

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stimulation de la MLR pourrait même être thérapeutique pour les lésions incomplètes de la moelle épinière (Bachmann, Matis et al. 2013).

Malheureusement, les implications médicales, logistiques et techniques de la neurochirurgie ne peuvent pas permettre l’accès d’une telle technologie à l’ensemble des patients nécessitant une réadaptation locomotrice. L’utilisation de circuits interagissant avec le PPN en vue d’activer la MLR pourraient possiblement offrir une alternative plus abordable et accessible, compte tenu de la multitude d’interactions que possèdent ces noyaux avec les autres centres intégratifs du SNC.

Plusieurs études chez l’animal ont tâché d’établir les connexions axonales existant avec le PPN. On sait notamment qu’il reçoit une afférence disynaptique en provenance de la substance noire par reticulata (Sherman, Fuller et al. 2015), structure dont les neurones GABAergiques sont connues pour leur inhibition tonique des circuits plus en aval (Purves, Augustine et al. 2005). Le PPN aurait également plusieurs interactions directes avec le cortex moteur, des interactions réciproques avec les NGC, ainsi que des efférences vers le thalamus et les aires motrices du pont et de la moelle épinière (Benarroch 2013). Le noyau pédonculopontique reçoit également des afférences en provenance du noyau sous-thalamique des NGC, de la région hypothalamique, du cortex sensorimoteur et du système limbique (Takakusaki 2008, Jahn and Zwergal 2010). Les projections descendantes du noyau pédonculopontique se dirige quant à elles vers la moelle épinière principalement via la formation réticulée pontomédullaire (PLR). La plupart de ces connexions ont été confirmées chez l’humain à l’IRM de diffusion (Aravamuthan, Muthusamy et al. 2007, Muthusamy, Aravamuthan et al. 2007). Les différentes connections impliquant la MLR ne seront toutefois pas développées davantage dans ce texte puisque dépasse les besoins de la présente revue des connaissances, mais sont illustrées par la Figure 1.4 tirée d’une publication de Jenkinson (Jenkinson, Nandi et al. 2009) à des fins de références. Plusieurs revues de littérature récentes font d’ailleurs une description plus exhaustive des connaissances animales et cliniques autour des mécanismes impliqués par les structures constituant la MLR et sont indiquées à des fins de références (Jahn and Zwergal 2010, Alam, Schwabe et al. 2011, Le Ray, Juvin et al. 2011, Ryczko and Dubuc 2013, Takakusaki, Chiba et al. 2016).

En somme, l’existence de circuits intermédiaires pouvant moduler et engendrer la marche est montrée par plusieurs études chez l’animal et l’humain. L’utilisation de ces circuits (PPN/MLR) pourrait offrir d’importantes opportunités en réadaptation, surtout s’il était possible d’y intervenir plus aisément. La stimulation du PPN via l’utilisation de circuits connexes à la MLR offre une alternative intéressante à la stimulation cérébrale profonde. La modulation de la

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17 marche normale requiert l’activation de ces circuits adjacents et elle est hautement dépendante des afférences sensorielles. En conséquence, l’utilisation des afférences sensorielles pour moduler la marche est étudiée par plusieurs groupes de recherche et est décrite dans les prochaines sections.

1.3.3 - Modulation supraspinale de la

marche

La modulation du patron locomoteur est régulièrement séparée en deux mécanismes, soit les modifications anticipées (« feedfoward ») (Bastian 2008) et les modifications réactives (« feedback ») (Hubbuch, Bennett et al. 2015). La modification anticipée du patron locomoteur relève en bonne partie de mécanismes corticaux agissant par l’intermédiaire de la voie corticospinale (Patla 1996). Cette voie est vraisemblablement médiée par les mécanismes décrits dans la section portant sur le cortex moteur et les NGC et ne sera, par conséquent,

pas développée davantage dans cette section. Une autre structure centrale pour les modifications volontaires (et donc anticipée) de la marche est le cortex pariétal postérieur (Drew and Marigold 2015). Le cervelet est une autre structure centrale dans l’adaptation locomotrice. Son rôle semble mixte entre l’adaptation anticipée et réactive puisqu’il utilise les informations sensorielles immédiates pour modifier les mouvements actuels et ultérieurs. Finalement, certaines boucles de rétroaction sensorielles n’ont pas besoin de traitement volontaire pour induire une réponse motrice et offre un bon exemple d’adaptation réactive.

1.3.3.1 - Cortex pariétal postérieur

Le cortex pariétal postérieur (PPC) est connu pour être une aire associative permettant l’intégration de plusieurs informations sensorielles. Son rôle spécifique dans la marche a également été étudié. Il permettrait caractérisation et l’analyse dynamique des éléments spatio-temporels composant l’environnement de façon à permettre une planification motrice mieux adaptée aux obstacles et inégalités potentiels du terrain (Drew and Marigold 2015).

Des études neurophysiologiques ont notamment montré que l’activité enregistrée au sein du PPC persiste malgré le retrait d’un stimulus visuel et n’apparait que quelques secondes avant le

Figure 4 (1.4) : Schéma illustrant les principales voies afférentes et efférentes formant les circuits nerveux reliant le noyau pédonculopontique aux NGCs et autres structures motrices.

Le PPN est la structure non identifiée d’où origine les multiples flèches. Thal, Thalamus; Pt, Putamen; Cd, non

défini; GPl, Globus Pallidus externe; GPm, Globus Pallidus

interne; STN, Noyau Sous-Thalamique; SNc, Substance Noire par-Compacta; SNr, Substance Noire pas-Reticulata. (Jenkinson, Nandi et al. 2009)

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mouvement, même si le stimulus visuel est déjà visible (Lajoie, Andujar et al. 2010, Marigold and Drew 2011). Cela indique que le rôle du PPC ne se limite pas à une réponse neurosensorielle. De même, il ne se limite pas non plus à la simple réalisation du mouvement puisque l’activation neuronale débute quelques secondes avant l’initiation du mouvement et que cette activité cérébrale n’est pas latéralisée en fonction de la jambe qui se retrouve à enjamber un obstacle (Andujar, Lajoie et al. 2010, Marigold and Drew 2011). L’absence de latéralisation de l’activité cérébral est également noté lorsqu’un changement de dernière minute de la vitesse du tapis roulant modifie la jambe qui doit effectuer l’enjambée (Lajoie and Drew 2007, Lajoie, Andujar et al. 2010).

Il est estimé que le PPC évalue initialement la position spatiale des membres du corps par rapport aux obstacles (Mulliken, Musallam et al. 2008, Shadmehr and Krakauer 2008). L’activité des neurones du cortex pariétal postérieur peut d’ailleurs prédire le parcours et la destination motrice d’une trajectoire donnée (Torres, Quian Quiroga et al. 2013). À la suite de cette analyse, le PPC contribuerait à la modulation de la durée, de l’intensité et du moment de l’activation de certains groupes musculaire durant la marche (Drew, Andujar et al. 2008) via ses efférences vers le cortex moteur (Drew and Marigold 2015). L’importance du PPC dans le contrôle moteur durant la marche est également supporté par les déficits moteurs suite aux lésions touchant le PPC (Drew, Andujar et al. 2008). Ces déficits suggèrent une erreur dans la planification motrice et non seulement une mauvaise perception et exécution du mouvement (Lajoie and Drew 2007). Afin de permettre la planification des modifications de la marche, le PPC reçoit des afférences en provenance de l’aire corticale visuelle, de l’aire vestibulaire, de la voie spinocérébelleuse dorsale et de l’hippocampe (Patla 1996). Après l’analyse et l’intégration de ces informations sensorielles et contextuelles (limbique), les signaux efférents quittent le PPC en direction du cortex moteur (Marigold, Andujar et al. 2011) et des NGC. Il est alors possible d’observer une augmentation significative du niveau d’activité du cortex moteur chez le chat lorsque l’évitement d’un obstacle est requis à la marche (Drew, Jiang et al. 1996, McVea and Pearson 2009).

En somme, le rôle du PPC est donc crucial pour planifier l’adaptation du patron locomoteur en réponse aux modifications requises par l’environnement. Son rôle s’intègre étroitement aux fonctions motrices d’autres aires corticales et sous-corticales et permet l’intégration de plusieurs sens, dont principalement la vue et l’équilibre.

1.3.3.2 - Cervelet et ses voies descendantes

Le rôle du cervelet dans l’ajustement des mouvements volontaires est bien établi depuis de nombreuses années. Plusieurs données indiquent que le rôle du cervelet est aussi prépondérant dans la marche et dans l’adaptation de la marche, malgré son caractère partiellement involontaire (Yanagihara and Kondo 1996, Morton and Bastian 2006). À titre d’exemple, l’ataxie à la marche

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et les troubles d’équilibre représentent des indices diagnostiques d’une lésion cérébelleuse médiane pour les cliniciens (Jahn and Zwergal 2010). L’adaptation locomotrice provenant du cervelet peut être divisée selon deux modes d’action, soit l’adaptation anticipée et l’adaptation réactive. Ces deux modes d’adaptation sont hautement tributaires des afférences sensorielles en provenance des voies spinocérébelleuses dorsale et ventrale (Bosco and Poppele 2001).

L’adaptation anticipée de la marche par le cervelet serait possible grâce à ses connexions avec l’aire pré-motrice, suite à la comparaison entre le mouvement effectif et la commande motrice. Une autre portion de l’action locomotrice du cervelet proviendrait d’une zone nommée la région cérébelleuse locomotrice (CLR). Cette zone serait légèrement rostral au noyau fastigial, lui-même localisé au niveau de la portion médiane de la substance blanche du cervelet (Mori, Matsui et al. 1999). Cette zone toutefois serait davantage liée à la préparation et la modulation du mouvement, plutôt qu’à l’initiation de celui-ci (Armstrong and Marple-Horvat 1996). La CLR aurait ainsi un rôle dans l’adaptation réactive, tel qu’indiqué également par son sur le contrôle de la vitesse de la marche (Jahn and Zwergal 2010). Pour ce faire, il recevrait des afférences rythmiques en provenance du vermis et du cortex cérébelleux paravermal (Armstrong 1988). Pour ce faire, la CLR reçoit des signaux en provenance du vermis, signaux qui sont associés à l’intégration des signaux proprioceptifs, vestibulaires et visuels au sein de la planification motrice (Mori, Matsuyama et al. 2001). La CLR aurait ensuite des efférences qui rejoindrait les fibres descendantes de la MLR en direction du CPG (Jahn and Zwergal 2010). Ces efférences cérébelleuses sont identifiées en différents faisceaux anatomiques efférents qui participent à l’adaptation réactive de la marche. On retrouve ainsi la voie réticulospinale, la voie rubrospinale et la voie vestibulospinale.

La voie réticulospinale permet la modulation du tonus de la musculature antigravitaire via une action sur les boucles réflexes ostéotendineuses (Cabaj, Stecina et al. 2006). Elle aurait également une action sur l’automatisme de la locomotion. En effet, alors que la voie réticulospinale fut étudiée principalement lors de mouvements volontaires simples, des résultats récents ont également montré son activation en lien avec la marche (Dyson, Miron et al. 2014). Cette activité serait toutefois supprimée par les commandes motrices discrètes volontaires (Dyson, Miron et al. 2014).

La voie rubrospinale joue un rôle dans le contrôle de la force de poussée à la marche (Webb and Muir 2003) et jouerait un rôle dans l’expression des réponses motrices adaptées (Voneida 1999). La voie vestibulospinale relève du système vestibulaire et permet le maintien de l’équilibre postural par ses voies excitatrices fortes auprès des muscles extenseurs (Orlovsky 1972). Une quatrième voie est également identifiée parmi les faisceaux extra-pyramidaux, soit la voie tectospinale. Cette voie descendante n’origine toutefois pas du cervelet et provient de la plaque tectale. Cette structure

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gère les réponses posturales en réponse aux stimuli visuels et auditifs, mais n’est que peu développée chez les mammifères (Nudo and Masterton 1989). Dernièrement, la voie corticospinale intervient également dans la modulation de la marche et son rôle relève de l’action du cortex moteur, tel que décrit précédemment.

En somme, la modulation de l’activité locomotrice dépend de l’intégrité de plusieurs structures. Les rôles respectifs de ces structures sont complémentaires et relèvent initialement du système sensitif, tant pour l’aspect adaptation anticipée que réactive. La prochaine section développe l’implication du système sensitif dans l’obtention d’un patron locomoteur adapté aux conjonctures environnementales.

1.3.4 - Contribution sensorielle à la modulation locomotrice

La production d’un patron locomoteur adapté nécessite d’identifier correctement les perturbations possibles du mouvement aux différentes articulations, tant celles prévisibles (inégalités au sol, obstacles, etc.) que les imprévues (butées, pertes d’équilibre en raison d’une surface glissante, etc.). Les différents récepteurs sensitifs renseignent le SNC sur ces diverses perturbations potentielles de la marche. Ces afférences sensorielles permettent au cortex moteur et au cervelet d’adapter le patron locomoteur pour les mouvements en cours (« réactif ») et à venir (« anticipatoire »), tel que décrit précédemment. Les afférences visuelles, auditives et vestibulaires permettent d’adapter la marche après une analyse corticale et trouvent effet via les modifications motrices produites via le cortex moteur, tel que décrit précédemment. La présente section abordera plutôt l’effet des afférences cutanées et proprioceptives. Elle abordera ensuite le concept d’erreur de mouvement.

1.3.4.1 - Afférences cutanées

Les récepteurs cutanés renseignent le SNC de diverses informations sur son environnement immédiat et peuvent également induire des réponses motrices. Une partie de ces réponses motrices relève de boucles réflexes. Une seconde partie relève toutefois d’une analyse plus poussée des informations fournies par les différents récepteurs cutanés (Duysens and Pearson 1976). Ces récepteurs renseignent le SNC sur la nature des contacts avec la peau, incluant la pression, la forme, le mouvement, la vibration et la température au niveau de la peau (Johnson 2001). Divers types de récepteurs permettent d’induire un influx nerveux en réponse à ces caractéristiques. On retrouve les récepteurs de Meckel pour la pression, Ruffini pour l’étirement, Meissner pour le toucher léger, Pacini pour la vibration et les terminaisons nerveuses libres pour la température et la nociception (Munger and Ide 1988). Grâce à ces différents types de récepteurs sensitifs, il est possible d’identifier la nature des contraintes environnementales et de modifier les réponses motrices en conséquence. C’est ainsi que la perception de la pression permet de moduler la force à appliquer dans plusieurs tâches motrices complexes (Gandevia and McCloskey 1977, Jones and Hunter 1983, Carson, Riek et al. 2002, Choi, Lundbye-Jensen et al. 2013).

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