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CHAPITRE 3 : LA CONSTRUCTION DE LA DÉMARCHE DE MODÉLISATION :

11. Que signifie construire un modèle ?

La modélisation4 (INRA, 2005) est une méthode de formalisation. Elle peut être conceptuelle, mathématique, graphique ou informatique. Elle permet une représentation simplifiée d’un système, c’est- à-dire d’un certain nombre d’objets et de leurs relations, selon une abstraction de la réalité. Ceci implique, la plupart du temps, de choisir un point de vue particulier sur cette réalité et/ou sur les questionnements qu’elle engendre. Elle conduit à la conceptualisation d’un modèle, représentation spécifique de cette réalité observée, n’intégrant que les éléments de cette réalité utiles aux objectifs du modélisateur (COQUILLARD P. et HILL D., 1997). Ce processus de simplification, parfois mal compris car il nécessite une distanciation de la réalité, est le cœur de la démarche de modélisation : “les modèles sont des

représentations partisanes, au bon sens du terme, c’est-à-dire qu’au sein de multiples possibilités d’expression et de représentation, ils sont le choix d’un parti pris” (BOULEAU N., 2000).

Modéliser implique une définition a priori des objectifs assignés au modèle à réaliser. Souvent multiples et liés entre eux, ces objectifs peuvent présenter deux finalités principales différentes : (i) la connaissance : il s’agit de représenter une partie de la réalité observée, soit pour améliorer sa formalisation et sa vulgarisation (enseignement, communication), soit pour en permettre une meilleure compréhension et une généralisation (analyse d’une grande quantité de données, test d’hypothèses de structuration et/ou de fonctionnement, mise en évidence de propriétés…) ; (ii) l’action : il s’agit de construire des outils représentant le plus fidèlement possible un système réel étudié, permettant des expérimentations de son fonctionnement et pouvant constituer une aide à sa gestion (diagnostic, prédiction, décision…).

Le processus de modélisation consiste à mobiliser la connaissance du système étudié. Cette dernière est le regroupement d’informations de description des objets et de leurs relations, sous la forme de caractéristiques, de séries de données issues de l’observation, de mesures et/ou d’enregistrements temporels, d’informations fonctionnelles issues d’expertises… Fonction du type de modèle, des objectifs fixés et du type d’informations traitées, ce processus n’est généralement pas linéaire, mais plutôt construit par une succession d’aller-retour entre les différentes phases de la démarche modélisatrice décrites au sein de la Figure 3.1.

4 Il s’agit, dans le cadre de ce travail, de s’intéresser plus particulièrement à la modélisation telle qu’elle est perçue et pratiquée

L’étape 1 constitue la phase primordiale de définition des objectifs du modèle à réaliser et le recensement des données disponibles sur le système étudié.

L’étape 2 permet, à partir des objectifs définis, de choisir le niveau de détail du modèle. Elle conduit à la construction du modèle conceptuel. L’analyse systémique est principalement mobilisée, souvent appuyée de méthodes d’analyses statistiques et/ou mathématiques, ainsi que de formalisations graphiques, comme l’Unified Modeling Language (UML).

L’étape 3 est la phase de concrétisation du modèle, c’est-à-dire, généralement, son implémentation informatique. Elle requiert, fonction du type de modèle à réaliser, des compétences en développement informatique plus ou moins approfondies, selon le(s) langage(s) choisi(s), la nature et la structure des données à manipuler et la possibilité de recours à des outils d’aide à l’implémentation5 (MCCOWN R.L. et

al., 1996; BRISSON N. et al., 1998; GUTKNECHT O. et FERBER J., 2000; DE COLIGNY F. et al., 2003; LE

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La notion de plate-forme d’aide à l’implémentation informatique semble présenter différentes significations selon qu’elle est utilisée par des informaticiens et/ou développeurs ou par des thématiciens.

Du point de vue des informaticiens, il s’agit d’une boîte à outils facilitant l’implémentation de simulateurs, privilégiant principalement la rapidité de développement, la normalisation des méthodes utilisées et leur réutilisabilité. MADKIT est, par exemple, une plate-forme développée en langage Java, permettant la conception de programmes multi-agents (GUTKNECHT, O. & FERBER, M., 2000).

Du point de vue des thématiciens, comme par exemple les agronomes, il s’agit de simulateurs développés exclusivement pour les besoins de leur thématique, permettant, au sein de celle-ci, une diversité de simulations, afin de capitaliser les acquis de plusieurs démarches de modélisation, de réutiliser les modules déjà développés et validés et d’obtenir une certaine connectivité de leurs données d’entrées et de sorties. Plusieurs plates-formes destinées aux travaux sur les modèles de culture peuvent ainsi être citées : STICS (BRISSON, N. et al, 1998), CAPSIS (DE COLIGNY, F. et al, 2003) ou encore APSIM (MCCOWN, R.L. et al, 1996). Concernant la modélisation des problématiques environnementales abordées par les agronomes, le projet le plus abouti semble être la plate-forme CORMAS (LE PAGE, C. et al, 2003), même s’il en existe de nombreux autres, dont, par exemple, le projet du Land Use and Land Cover Change (LUCC) program (LAMBIN, E.F. & GEIST, H.J., 2006), dont l’objectif est de construire un outil

PAGE C. et al., 2003; LAMBIN E.F. et GEIST H.J., 2006). Elle soulève aussi des questionnements techniques, tels la vitesse de calcul et/ou les problèmes de discrétisation des données.

L’étape 4 peut être assimilée à une phase de calibration du modèle et de validation qualitative de l’architecture du modèle et de ses règles de fonctionnement. Elle a pour objectif son optimisation. Elle suggère parfois le retour à des collectes de données, de l’expérimentation et/ou des expertises.

L’étape 5 consiste à la validation totale du modèle et à la définition de son domaine de validité pour une utilisation ultérieure. Cette étape, relativement maîtrisée pour des modèles numériques, notamment grâce à l’utilisation de méthodes statistiques, suscite questionnements et débats dans le cadre de modèles intégrant une plus forte complexité. L’analyse du comportement de ces modèles, soit de nature très complexe, tant dans leur architecture que dans la nature et la structure des données qu’ils intègrent, soit principalement construits à partir de données empiriques, reste très difficile et se cantonne souvent à des comparaisons à dire d’experts.

Ces étapes représentent le cheminement idéal pour l’obtention d’un modèle dans les meilleures conditions. Néanmoins, tous les types de travaux et de modèles à réaliser ne se prêtent pas toujours à chacune de ces étapes. De plus, la complexité des problématiques actuelles soulève de nouveaux questionnements – données (acquisition, précision, coût, quantité…), phénomènes spatialisés et dynamiques (voisinage, configuration…), gestion et prévisions des risques (répétitivité, références…)… – qui incitent à un renouvellement et à une adaptation des approches de modélisation.