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CHAPITRE 5 : EXPÉRIMENTATION PAR SIMULATIONS DU MODÈLE PAYSAGR

11. La représentation du temps et de l’espace

Les choix de représentation du temps et de l’espace sont des facteurs cruciaux à définir au sein d’une démarche de modélisation, ayant ensuite des conséquences sur les méthodes et techniques de simulation utilisables. Ils conditionnent (i) la finesse des données nécessaires à la réalisation des simulations, c’est-à-

dire qu’ils impliquent une réflexion quant à l’adéquation des données avec leur possession et/ou leur collecte, (ii) la multiplicité et la fréquence des opérations que devra réaliser le simulateur, soit la puissance et le temps de calcul nécessaires.

111. La représentation du temps

Le modèle PAYSAGRI intègre (i) les processus décisionnels des agriculteurs, qui interviennent au début de chacune des quatre périodes définies au sein de la campagne agricole, soit quatre fois au cours d’une année, (ii) les processus d’évolution physionomique des parcelles agricoles, c’est-à-dire les règles de modification des EFP, résultantes de la succession des pratiques agricoles sur l’ensemble de la campagne agricole et uniquement modifiées à la fin de celle-ci, soit une seule fois par année. Il ne représente pas de processus continus, mais une succession d’évènements, répartis dans le temps selon deux fréquences, la plus petite étant la période, l’équivalent d’un trimestre, et la plus grande étant la campagne agricole, l’année. D’un point de vue informatique, il s’agit d’une discrétisation du temps, c’est-à-dire que les évènements de la simulation se déroulent selon un pas de temps défini, soit par une horloge, c’est-à-dire selon un intervalle chronologique régulier, soit par un échéancier où les évènements sont inscrits chronologiquement (COQUILLARD P. et HILL D., 1997).

Certains évènements intégrés au modèle PAYSAGRI ne se déroulent pas systématiquement, comme par exemple l’ajustement physionomique des parcelles agricoles par entretien mécanique qui n’est mis en œuvre que si l’agriculteur considère qu’il n’a pas atteint ses objectifs ; chaque période ne présente donc pas toujours le même nombre d’évènements et ne nécessite pas forcément le même temps de calcul. Finalement, l’existence de deux pas de temps de simulation différents, ainsi que la dissymétrie du nombre d’évènements à réaliser à chacune des périodes, conduit à choisir une discrétisation du temps dirigée par les évènements.

112. L’horizon temporel de simulation

Outre le choix du pas de temps de simulation, il est nécessaire de définir une durée de la simulation. Elle dépend, en premier lieu, des résultats de simulation attendus et de leur utilisation escomptée, mais aussi des possibilités matérielles à disposition.

Le modèle PAYSAGRI est conçu pour tester l’hypothèse que la sensibilité au paysage des agriculteurs est un facteur des évolutions de la physionomie des parcellaires. Les données de simulation produites doivent permettre la lecture de deux phénomènes importants relatifs à cette hypothèse : (i) l’effet physionomique à long terme sur les parcellaires, c’est-à-dire les effets cumulés, à la suite de plusieurs campagnes agricoles, de la succession des pratiques agricoles et de leur ajustement ; (ii) l’apparition d’états

physionomiques stables des parcelles agricoles, s’ils existent, synonymes de la mise en évidence de modes d’utilisation des parcellaires jugés satisfaisants par les agriculteurs, indiquant l’atteinte d’un équilibre entre les objectifs de production herbagère obligatoires et leurs souhaits en terme de physionomie de leurs parcellaires. Le temps de simulation total doit permettre à la fois la visualisation des changements majeurs de la physionomie des parcelles agricoles, comme le passage d’une couverture végétale herbacée rase à une couverture végétale présentant une lignification avancée, et l’adaptation progressive des systèmes de production agricole, résultat de la recherche d’une situation d’équilibre pour chacun des agriculteurs.

Du point de vue de la physionomie de la végétation, le laps de temps considéré comme nécessaire à l’évolution d’une série écologique classique de la moyenne montagne tempérée d’un stade de végétation rase à un stade de végétation lignifiée très visible dans le paysage est de l’ordre d’une quinzaine d’années (FISCHESSER B. et DUPUIS-TATE M.F., 1996).

Du point de vue de la conduite des systèmes de production agricole, il s’agit de considérer une conduite pluriannuelle des surfaces herbagères, permettant l’observation de ses régulations. Si peu de références existent en ce domaine, il semble que l’on puisse borner cette durée en considérant (i) la multiplicité des facteurs sur lesquels doit intervenir progressivement l’agriculteur pour adapter son système de production agricole (conditions pédoclimatiques, environnement socio-économique, matériels et techniques à disposition, financement, main d’œuvre…), impliquant une réflexion et un pilotage à moyen et long terme, souvent associé à une période de rodage (DURU M. et al., 1989), soit plusieurs campagnes agricoles successives, (ii) l’instabilité permanente des conditions socio-économiques et l’éphémérité des contrats avec subventions publiques auxquels sont aujourd’hui liés les agriculteurs, sources de modifications majeures du fonctionnement des systèmes de production agricole, qui rendent peu réaliste le fait de considérer comme figées les règles de gestion et de décision du système de production agricole sur plus qu’une dizaine d’années. Tenant compte de ces éléments, il semble cohérent, dans le cadre du modèle PAYSAGRI, de s’intéresser à l’effet d’une succession d’une dizaine de campagnes agricoles sur la physionomie des parcelles agricoles du territoire.

Du point informatique, il est important de prendre en considération d’éventuels effets liés aux conditions initiales de la simulation, appelés “warm-up”, qui peuvent fortement influencer les premiers résultats. Il est généralement conseillé d’augmenter sensiblement le temps de simulation nécessaire, afin de pouvoir mettre de côté ces premiers résultats (COQUILLARD P. et HILL D., 1997).

Finalement, au regard de l’ensemble de ces considérations, la durée de simulation jugée optimale pour les questionnements liés au modèle PAYSAGRI est de vingt années.

113. Les représentations spatiales

L’intégration des phénomènes spatiaux est généralement la bête noire des modélisateurs s’intéressant à la représentation des systèmes naturels. Confrontés à la continuité des processus biologiques observés, ils doivent gérer un espace continu, souvent à l’origine d’une forte augmentation de la complexité liée à l’imbrication des échelles spatio-temporelles et au recueil et à l’intégration de la multiplicité des données nécessaire à chacune de ces échelles (SANDERS L., 2001).

Malgré cette complexité, il apparaît généralement comme une évidence qu’une modélisation des évolutions du paysage s’attache à l’intégration de cette continuité spatiale. Du point de vue d’une modélisation écologique, il serait en effet primordial de prendre en compte la dynamique spatiale des éléments végétaux composant le paysage (avancée de fronts pionniers, dissémination de semences, compétition entre espèces…). Or, comme ceci a été explicité auparavant, le modèle PAYSAGRI présente une simplification majeure de cette dynamique végétale : les EFP sont des états statiques, considérés comme homogènes au sein d’une même parcelle agricole et indépendants des EFP des parcelles agricoles voisines.

Ce choix de représentation affranchit de l’implémentation d’un espace continu et du choix de la meilleure méthode de discrétisation de l’espace sous la forme de mailles élémentaires, phase généralement nécessaire à la représentation des processus biologiques sur un espace continu. En effet, dans la plupart des travaux de modélisation de systèmes naturels étudiés, l’espace, généralement considéré uniquement comme le support continu des processus modélisés, est représenté sous la forme d’une grille de mailles élémentaires ; selon les modèles, ces pavages peuvent présenter des formes (triangle, carrée, hexagonale) et des tailles variables (LAURINI R., 1989). Elles changent d’état, soit sous l’effet d’actions qui leur sont appliquées (exemple : prélèvement d’une partie de la ressource forestière représentée par une maille (BONNEFOY J.L. et al., 2001)), soit sous l’effet de phénomènes liés à des règles de voisinage généralement définies à l’aide de la technique de simulation par automates cellulaires (WEIMAR J.R., 1997) (exemple : diffusion d’espèces végétales de façon naturelle selon la dissémination des semences (ETIENNE M., 2003)).

Au sein du modèle PAYSAGRI, l’espace est uniquement représenté, comme décrit lors de la présentation du modèle du territoire, par une collection d’objets parcelles, géographiquement référencés par les coordonnées de leurs centroïdes et organisés les uns par rapport aux autres selon les informations de voisinage contenues au sein d’une topologie. La Figure 5.1 illustre cette simplification montrant un territoire rural réel et sa représentation symbolique gérée par le simulateur.

Ce choix implique la manipulation des données initiales avec un SIG, ce qui nécessite de posséder la compétence et/ou l’intervention de personnes ressources dans ce domaine. En outre, il présente certains avantages comme l’utilisation de données parcellaires réelles, la possibilité d’une visualisation des données cartographiques à chaque étape de la simulation et l’utilisation de la puissance du SIG pour l’analyse des résultats de simulation. Selon la typologie des couplages de modèles avec des SIG de MANDL, cette association peut être caractérisée de couplage lâche, c’est-à-dire que les deux systèmes restent complètement indépendants, avec néanmoins la possibilité d’échanges de données, même si elle reste parfois quelque peu fastidieuse et peu dynamique (MAILLÉ E. et ESPINASSE B., 2005).