• Aucun résultat trouvé

Signal attendu des coalescences de systèmes binaires compactes

Précédemment, nous avons vu comment deux corps compacts orbitant l’un autour de l’autre produisent une onde gravitationnelle.

1.3.1 Évolution du système binaire

En émettant ces ondes, les objets compacts qui composent la source vont se rapprocher, le système va donc évoluer. Ces objets vont accélérer, pour atteindre des vitesses de plusieurs dizaines de pourcents de celle de la lumière, puis vont fusionner. Ce phénomènes fait partie des plus violents de l’Univers, pouvant libérer en quelques instants une énergie de plusieurs masses solaires (dans le cas de GW150914, environ 3 M).

Le corps final, a priori un trou noir, aura été fortement excité par la rapidité de ce phé-nomène. Il va donc ensuite entrer dans une phase de relaxation, jusqu’à tendre vers un état plus stable [22].

La figure 1.3 illustre chacune de ces phases, et leur contribution à l’onde globale émise par la CBC.

1.3.1.1 Partie spiralante

L’équation 1.25, et ses développements aux ordres PN supérieurs, permettent de bien modéliser la première partie de l’onde : la partie spiralante, ou "inspiral".

Les deux objets orbitent l’un autour de l’autre, d’abord séparés par une distance assez importante et à une vitesse non relativiste, puis se rapprochent et accélèrent. Au fur et à mesure que leur vitesse augmente, les ordres PN deviennent de plus en plus importants.

L’orbite des deux corps n’est pas nécessairement circulaire. Un paramètre d’excentricité peut alors être ajouté au système, mais l’émission d’ondes gravitationnelles tend à le réduire [5].

Le système évolue dans cette phase tant que les deux objets sont assez éloignés l’un de l’autre, la dernière orbite stable du système est appelée ISCO (Innermost Stable Circular Orbit). Dans le cas où l’un des deux objets n’est pas un trou noir, les effets de marée dus aux forces gravitationnelles extrêmes peuvent alors entraîner des déformations importantes, qui peuvent aller jusqu’à la dislocation de l’objet en question. Après avoir passé l’ISCO, les deux objets plongent l’un vers l’autre, et le système fusionne. Dans le cas d’une orbite circulaire, le rayon de l’ISCO peut être estimé à partir de la masse totale de la binaire :

rISCO = 6GM

c2 (1.34)

Figure 1.3 – Évolution d’un système CBC, forme d’onde et techniques de modélisation.

Crédit : Myridis [22]

En appliquant la troisième loi de Kepler, nous pouvons calculer la fréquence maximale de l’onde dans cette phase, jusqu’à laquelle l’équation 1.30 reste valable :

fISCO ≈2.2kHz1M

M (1.35)

Dans le cas d’une BNS de masse totale égale à 2.8 M, cette fréquence est de l’ordre de 800 Hz et est atteinte moins d’une centième de seconde avant la coalescence. Le signal contenu dans la partie spiralente suffit généralement à détecter ce type de source. Dans le cas d’un BBH de masse totale de 50 M, l’ISCO est atteinte à une fréquence de 45 Hz, moins d’une seconde avant la coalescence. Cependant, ce type de signaux entre dans la bande passantes des détecteurs peu de temps avant de passer cette limite, les autres parties du signal peuvent alors représenter une partie non négligeable de l’onde observée.

1.3.1.2 Plongeon et fusion

Une fois que les deux corps sont assez proches l’un de l’autre, ils plongent l’un vers l’autre et entrent dans la phase de fusion, ou "merger".

Les approximations faites précédemment ne sont alors plus valables, le système n’est plus dans un régime adiabatique, ce qui le rend très difficile à modéliser. En pratique, cette partie du signal est approchée en résolvant les équations d’Einstein à l’aide de simulations numériques [22].

1.3.1.3 Désexcitation

Après que les deux corps compacts ont fusionné, l’objet résultant (a priori un trou noir) entre dans une phase de désexcitation, ou "ringdown". Originellement très asymétrique, il va tendre vers une forme sphérique pour finir par ne plus émettre d’onde gravitationnelle.

La source doit être traitée différemment. Afin de modéliser le signal émis dans cette dernière phase, des perturbations sont appliquées à la métrique de Kerr, la forme de l’onde prend alors la forme d’une superposition de sinusoïdes amorties [23, 24].

1.3.1.4 Forme d’onde complète

Finalement, l’onde gravitationnelle émise par une CBC est la somme de toutes ces com-posantes. La figure 1.4 représente l’onde émise par un système BBH de masse m1 = 65 M

et m2 = 30 M, de spins alignés s1 = 0.3 et s2 = 0.7, à une distance de 1 Gpc, et sans inclinaison. Le signal est coupé à une fréquence minimale de 20 Hz.

00s6 00s8 01s

-1 -0.5 0 0.5

1 10-21

h(t)

Temps [s]

Figure 1.4 – Forme d’onde émise par une BBH, de masses individuelles m1 = 65 M et m2 = 30 M, de spins alignés s1 = 0.3 et s2 = 0.7, située à 1 Gpc de l’observateur, sans inclinaison. Le signal représenté commence à une fréquence de 20 Hz.

1.3.2 Paramètres astrophysiques reconstruits à partir du signal d’onde gravitationnelle

La détection de telles ondes permet de remonter aux paramètres des sources qui en sont à l’origine, et ainsi de mieux contraindre les modèles qui décrivent leur formation et leur évolution.

1.3.2.1 Effet du redshift

Pour le moment, nous n’avons considéré que des CBC à des distances suffisamment faibles pour négliger l’impact de l’expansion de l’Univers sur les ondes qu’elles émettent. Cepen-dant, comme nous le verrons dans la suite, les détecteurs actuels ont une portée de quelques gigaparsecs, soit des redshifts proche de l’unité. Dans le futur, certains détecteurs pourront

atteindre desredshifts de l’ordre de la dizaine.

Pour rappel, la métrique FLRW (Friedmann-Lemaître-Robertson-Walker), supposant un Univers isotropique et homogène, introduit un facteur d’échellea, dont la variation au cours du temps traduit l’expansion de l’Univers.

Soit un observateur à une distance donnée d’une source de lumière, on note ∆t le temps que met cette lumière à lui parvenir. L’expansion de l’Univers durant le trajet de l’onde va entrainer un décalage vers le rouge de la longueur d’onde émise par la source. Le redshift z se définit alors de la manière suivante :

1 +z = a(tobs)

a(ts) (1.36)

ts est l’instant d’émission de cette lumière, et tobs est l’instant d’observation tel que tobs =ts+ ∆t.

Ainsi, tout intervalle (spatial ou temporel) entre deux événements, à une distance donnée de l’observateur, sera dilaté de cette quantité 1 +z une fois mesuré. Cela vaut aussi pour la fréquence de l’onde mesurée sur Terre.

fGWobs = fGWs

1 +z (1.37)

L’amplitude A (équation 1.31) peut alors se réécrire dans le temps de l’observateur :

A(tobs) = 4

GM c2

5/3 π(1 +z)fGWobs c

!2/3

= 4

1 +z

GM(1 +z) c2

!5/3

πfGWobs c

!2/3 (1.38)

Ainsi que la phase Φ (équation 1.27) :

Φ(tobs) = Φ0−2

"

1

5M−1(t−tc)obs 1 +z

#5/8

= Φ0−2

1

5(M(1 +z))−1(t−tc)obs

5/8 (1.39)

L’équation 1.25 se réécrit alors en remplaçant la distance comobile χ par la distance de luminositéDL = (1+z)χet la massechirpMpar la massechirpredshiftéeMz = (1+z)M:

h+(tobs) = 1 + cos2(ι)

2DL A(tobs) cos (Φ(tobs)) (1.40a) h×(tobs) =−cos(ι)

DL A(tobs) sin (Φ(tobs)) (1.40b)

1.3.2.2 Mesure des paramètres de la source

À partir d’une observation d’onde gravitationnelle, plusieurs paramètres de la source peuvent être mesurés. Les équations précédentes font intervenir la masse chirp redshiftée et la distance de luminosité. Nous verrons cependant un peu plus tard que cette dernière est plus compliquée à estimer qu’il n’y paraît.

En ajoutant les ordres PN supérieurs, l’expression dehfait aussi intervenir les masses et les spins individuels des objets compacts. Soient J1 etJ2 les moments angulaires de chacun des objets, leur paramètre de spin s se définit comme :

s1,2 = J1,2

m21,2 (1.41)

Dans le cadre de la métrique de Kerr, qui décrit de tels objets,s est compris entre−1 et 1 [3].

Plus précisément, ce sont le rapport entre ces masses, noté q, et le spin effectif χef f qui interviennent dans les équations. Ces deux paramètres sont définis de la manière suivante :

q= m2

m1 ≤1 (1.42)

χef f = s1cost1+qs2cost2

1 +q (1.43)

t1,2 est l’angle de désalignement entre la composante normale au plan du système binaire et le moment angulaire orbital de l’objet compact (plus tôt, nous avons supposé t= 0).

Ces paramètres individuels n’apparaissent cependant qu’aux ordres supérieurs du dé-veloppement PN, et sont, dans la plupart des cas, importants pour décrire correctement l’évolution de la phase. Ainsi, le paramètre dont la mesure est la plus précise est la masse chirp redshiftée, vient ensuite la masse totale redshiftée, puis le rapport des masses, et fina-lement les spins.