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Si les particules quantiques étaient discernables

Dans le document Physique Statistique et Gaz Parfaits (Page 66-73)

2.2 Particules identiques et indépendantes

2.2.1 Si les particules quantiques étaient discernables

com-portent comme si chacune d’elle occupait un site de réseau.

À température et volume constants, on peut utiliser la fonction de partition cano-nique. On a vu au paragraphe 2.1.3 que, pour un réseau de M sites de même volume v fixe et tous occupés par n particules, on pouvait écrire Q(M, β, V, N) = (q(β, v, n))M. Ici, il faut remplacer M par N (il y a autant de boîtes que de particules), v par V et n par 1. On écrit donc, avec la notation q(β, V ) = q(β, V, 1) :

Q(β, V, N) =q(β, V )N ⇒ βF (β, V, N) = N ln q(β, V ) = N βf(β, V )

Soient{. . . εi. . .} les niveaux d’énergie accessibles à une particules et {. . . ωi. . .}

les dégénérescences correspondantes. La fonction de partition individuelle s’écrit :

q(β, V ) = i

Soit ij le niveau d’énergie occupé par la particule j (j = 1 à N) et calculons la probabilité d’observer le système à l’énergie :

Ei1...iN = εi1 + . . . + εiN = N

j=1

εij

Ce niveau est Ωi1...iN = ωi1 × . . . × ωiN = N

j=1ωij fois dégénéré. Avec e−βEi1...iN = N

j=1

e−βεij, la probabilité recherchée vaut (voir éq. 1.29) :

Pi1...iN = Ωi1...iNe−βEi1...iN

Q(β, V, N) = 1  q(β, V )N N  j=1 ωije−βεij = N  j=1 ωije−βεij q(β, V )

On en déduit intuitivement (et c’est confirmé par le calcul) la probabilité qu’une particule donnée soit à l’énergie εi et le nombre moyen de particules à l’énergie εi :

η(εi) = ωie−βεi

q(β, V ) et ¯n(εi) = N η(εi) = N

ωie−βεi

q(β, V )

Pour calculer les probabilités par état, on divise simplement le résultat trouvé par ωi. La probabilité qu’une particule donnée soit dans l’un des ωi états d’énergie

εi, et le nombre moyen correspondant s’écrivent :

ηi = e−βεi

q(β, V ) et ¯ni = N ηi = N

e−βεi

q(β, V ) (2.6)

Ces probabilités permettent de calculer l’énergie moyenne d’une particule et l’énergie moyenne du système :

¯ε = niveauxi εiη(εi) = étatsj εjηj et E¯ = niveauxi εi¯n(εi) = étatsj εj¯nj À un facteur d’échelle N près, une particule et le système entier semblent avoir le même comportement. C’est au niveau des fluctuations autour des valeurs moyennes que se trouve la différence. On a calculé au paragraphe 1.5.1 la variance de E pour

N particules :

ΔE2 = kT2C

V = NkT2c

V (cV : capacité thermique d’une particule) Avec N = 1, on obtient : Δε2 = kT2cV = kT2CV

N

Ce qui donne, avec E ∼ NkT , CV ∼ Nk, ¯ε ∼ kT : ΔE E 1

N et

Δε ¯ε ∼ 1. Conclusion :

Quelques résultats intéressants tirés de l’expression de ¯nj :

1. Lors d’une élévation de température, les niveaux d’énergie

supé-rieure à ¯ε se peuplent au détriment de ceux d’énergie inférieure. Ce résultat s’obtient en dérivant ¯nj (equation 2.6) par rapport à T .

En remarquant que dq = −q ¯ε, on trouve : ∂¯nj ∂T  V,N = ¯njj − ¯ε) kT2 = N kT2ηjj − ¯ε)  <0 si εj < ¯ε >0 si εj > ¯ε CQFD (2.7) 2. Un apport de chaleur modifie les populations des niveaux d’énergie,

et non les niveaux eux-mêmes : les valeurs des ¯nj sont modifiées, mais pas celles des εj.

L’apport de chaleur est obtenu par une élévation de température dT à V , N constants. C’est CV dT . Partant de l’expression de Δε2, on trouve :

CV = NΔε2 kT2 = N kT2  ε2− ¯ε2 = N kT2  j ε2jηj− ¯ε j εjηj  = j ¯njj − ¯ε)εj kT2

Ce qui donne, en utilisant le résultat 2.7 : CV = j εj ¯nj

∂T

 V,N

. Ce sont bien les populations qui sont modifiées.

Attention : lorsqu’on fournit un travail, on modifie les valeurs εj des niveaux d’énergie, et donc en même temps les populations. Il y a donc en même temps apport de chaleur : la proposition tentante « un apport de travail modifie les niveaux mais pas les populations » est fausse.

3. La capacité thermique tend vers 0 quand T tend vers 0.

Au zéro absolu, le système est dans son état fondamental : toutes les particules sont à l’énergie la plus basse ε1. À température légèrement supérieure, on peut considérer que le plupart sont à l’énergie ε1, et que quelques unes sont à l’énergie ε2 (premier niveau excité). Les autres niveaux seront considérés inaccessibles : CV = i ¯nii− ¯ε)εi kT2 = N kT2  η11− ¯ε)ε1+ η22− ¯ε)ε2 avec η1 = e−βε1 e−βε1 + e−βε2 η2 = e−βε2 e−βε1 + e−βε2 ¯ε = η1ε1+ η2ε2 On trouve, avec la notation Y = ε22 kT− ε1 :

2.2.2 . . . mais les particules quantiques sont indiscernables

Dans ce paragraphe, la condition ”particules indépendantes” n’est pas requise. Les propriétés qui y sont décrites sont des propriétés générales des particules quan-tiques.

L’indiscernabilité

Pour expliquer cette propriété, considérons un récipient constitué de deux com-partiments séparés par une cloison. On place une particule dans chaque comparti-ment. Les deux particules sont numérotées (1) et (2) en fonction du compartiment qu’elles occupent. Elles sont alors discernables, c’est-à-dire qu’on sait les recon-naître à chaque instant. Lorsqu’on supprime la cloison qui sépare les deux comparti-ments, les deux particules mettent en commun l’ensemble du récipient. Si on replace la cloison en faisant en sorte de les séparer à nouveau, il est impossible de savoir laquelle avait reçu le numéro 1, laquelle le numéro 2. Sans la cloison, les particules sont dites indiscernables.

La situation est différente en mécanique classique : si à l’instant initial les particules sont numérotées, on peut suivre chacune d’elles le long de sa trajectoire qui lui est propre. On sait à chaque instant reconnaître une particule en fonction de sa position et de sa vitesse : que les particules soient identiques ou non, elles sont, en mécanique classique, discernables.

L’indiscernabilité est une propriété fondamentale des particules quan-tiques. Le fait qu’on les considère dans certains cas comme discernables vient du

fait que chacune évolue dans une région de l’espace qui lui est propre. Ce n’est pas par nature mais uniquement pour des raisons géométriques (particules en réseaux par exemple[4]). Autrement dit :

Deux particules sont indiscernables si elles ont en commun un certain nombre d’états possibles, autrement dit si elles sont identiques et si leurs probabilités de présence sont simultanément non nulles dans un même domaine de l’espace.

Postulat de symétrisation

Pour les particules identiques, il existe un postulat spécifique appelé postulat

de symétrisation. Considérons un système constitué de N particules indiscernables.

Après permutation de deux particules, l’état du système reste inchangé : les deux vecteurs d’état0 et |ϕ1 représentant l’état du système avant et après permutation

sont donc identiques à un facteur multiplicatif près. Les fonctions d’ondes étant normalisées, ce facteur est un complexe de norme 1 noté e : 1 = e0. Si on

permute à nouveau les deux particules, on multiplie 1 par e : 2 = e1 =

e2iθ0. Puisqu’on a retrouvé la situation de départ, |ϕ2 = |ϕ0 et donc :

e2iθ = 1 ⇒ e = ±1

4si chaque particule est confinée sur un site, avec interdiction de le quitter ; dès qu’on introduit

un site vide permettant aux particules de migrer, celles-ci deviennent alors indiscernables : chacune a une probabilité non nulle d’occuper chacun des sites du réseau et il devient alors impossible d’identifier telle ou telle particule.

On distingue ainsi deux grandes classes de particules quantiques :

– les bosons dont le vecteur d’état est symétrique vis-à-vis de la permutation de deux particules (e = +1) ;

– Les fermions dont le vecteur d’état est antisymétrique vis-à-vis de la per-mutation de deux particules (e = −1).

Mais ce raisonnement n’est pas rigoureux : rien n’oblige le deuxième e à être identique au premier. C’est pourquoi on l’énonce en temps que postulat, dit

postu-lat de symétrisation :

Lorsqu’un système comprend plusieurs particules identiques, son état ne peut être décrit que par certains vecteurs d’état : suivant la nature de ces particules (bosons ou fermions), les vecteurs d’états sont, soit symétriques, soit

antisymétriques par rapport à la permutation de deux particules identiques.

Conséquence immédiate pour les fermions : si deux fermions sont dans le même état, leur permutation laisse inchangée l’état du système (ils sont indiscernables) et par conséquent son vecteur d’état. Celui-ci ne peut donc pas changer de signe.

C’est le principe d’exclusion de Pauli :

Deux fermions ne peuvent être dans le même état.

Le spin

Le spin est une propriété purement quantique des constituants de la matière. C’est un moment cinétique intrinsèque de la particule qui, suivant la particule, peut être entier ou demi entier (en unité h). Le microétat d’une particule est caractérisé par un état orbital (spatial) et un état de spin : ces deux sous-états seront supposés indépendants (pas d’interaction spin-orbite). Une particule de spin s (en unité h) possède 2s + 1 états de spin possibles ; il faudra en tenir compte dans le calcul des probabilités.

Deux cas sont à envisager :

– en l’absence de champ magnétique, tous les états de spin sont équiprobables : dans les calculs statistiques, il faudra simplement multiplier les fonctions de partition par2s + 1 ;

– sous champ magnétique, l’énergie du système dépendra de l’état de spin des particules qui le constituent (qui dit moment cinétique dit forcément moment magnétique associé).

L’expérience montre que les particules de spin entier sont des bosons, et que les particules de spin demi-entier sont des fermions. Électrons, protons et neutrons sont des fermions (s = 1/2) ; les photons sont des bosons (s = 1). Un corps formé de plusieurs particules est un boson ou un fermion suivant le nombre de fermions qui le constituent. L’hélium 3 par exemple est un fermion, alors que l’hélium 4 est un boson. Ces deux isotopes ont des comportements fondamentalement différents à basse température.

Conséquences sur le nombre de complexion

Pour bien montrer la différence entre bosons, fermions et particules discernables, considérons un système constitué de N particules identiques et indépendantes, cha-cune ayant accès à ω microétats. Répartir N particules sur ω états disponibles revient à distribuer N objets dans ω boîtes. Pour les fermions, on a nécessairement

ω≥ N.

Étudions les différents cas possibles.

– Si les particules étaient discernables, chacune choisirait l’un des ω états in-dépendamment du choix des autres particules.

Il y a doncΩD = ωN possibilités.

– Pour les fermions, les seules distributions possibles sont celles où il n’y a qu’un seul objet par boîte : parmi les ω boîtes, N sont occupées et(ω−N) sont vides. Ce qui donneΩF = ω!

N! (ω − N)! possibilités.

– Pour les bosons, c’est plus compliqué. Si on veut employer la même méthode que pour les fermions, il faut définir le nombre ω0 de boîtes vides, le nombre

ω1 de boîtes occupées par une particule, le nombre ω2 de boîtes occupées par 2 particules, etc. Les distributionsn] = {ω0. . . ωn. . . ωN} doivent vérifier :

(1) N n=0 ωn= ω (2) N n=0 n ωn= N ΩB =(1,2) [ωn] ω!

ω0! . . . ωn! . . . ωN! est incalculable à cause de la condition (2). Mais il existe une autre méthode qui consiste à remplacer les ω boîtes par une seule découpée en ω compartiments séparés par (ω − 1) cloisons. On passe d’une configuration à une autre en permutant un des N bosons et une des (ω − 1) cloisons.

On a doncΩB = (N + ω − 1)!

N! (ω − 1)! possibilités.

Résultat important au sujet des nombres d’états possibles : ΩF = 1 N! ω! (ω − N)! = ωN N!  1 − 1 ω  1 − 2 ω  · · · ·1 −N − 1 ω  ΩB = 1 N! (ω + N − 1)! (ω − 1)! = ωN N!  1 + 1 ω  1 + 2 ω  · · · ·1 + N − 1 ω 

Avec ΩD = ωN, on constate qu’on a toujours : ΩF ΩD

À très haute température, le nombre ω d’états individuels possibles devient

extrêmement grand : ω−→ ∞ quand T −→ ∞. On en déduit :

ΩF −→ ΩD

N! ←− ΩB quand T −→ ∞

Bosons et fermions ont donc le même comportement à haute température, ce-lui des particules classiques (i.e. décrites par la mécanique classique). Un calcul simple montre que la fonction de partition canonique du système suit un comporte-ment analogue aux nombres de complexions. Quand T −→ ∞, on a :

QF(β, V, N) −→ Q(β, V, N) = QD(β, V, N)

N! =

q(β, V, N)N

N! ←− QB(β, V, N) Remarque : si le système est multiconstituant, on dit simplement que les diffé-rents sous-systèmes sont discernables. Ce qui donne à haute température :

Q(β, V, N1. . . Np) = q1(β, V, N1. . . Np)N1

N1! × · · · ×

qp(β, V, N1. . . Np)Np

Np!

De même, si il existe un autre couple de variables(X, P ), on a avec les notations du paragraphe 1.4.8 :

− à X constant : Q(β, V, X, N) = q(β, V, X, N)N N!

− à P constant : ΔX(β, V, φ, N) = δX(β, V, φ, N)N

N!

Si les particules sont des bosons, bien qu’il soit possible d’en trouver plusieurs simultanément dans le même état, ω est tellement grand que cette éventualité est hautement improbable. Il est donc normal que ΩB tende vers ΩD/N! : toutes les situations (il y en a N!) se déduisant l’une l’autre par permutation des N particules représentent le même état.

On peut se demander pourquoi les fermions n’ont pas ce comportement clas-sique à toute température, puisque deux fermions ne peuvent se trouver dans le même état. Réponse : même si les fermions sont ”classiquement” indépendants, il existe entre eux des interactions quantiques : le fait qu’un fermion soit dans un état donné affecte le comportement des autres dans le sens que l’état qu’il occupe n’est plus disponible aux autres. Cet effet devient négligeable à haute température, à cause du nombre extrêmement grand d’états disponibles.

À très basse température, bosons et fermions ont un comportement

radica-lement différent. Si on range les états par ordre d’énergie croissante, les probabilités d’occupation convergent vers zéro d’autant plus rapidement que la température est basse. Dans la limite T = 0 K, si les particules sont des bosons, seul le niveau fondamental est occupé par tous les bosons (ω = 1) : c’est ce qu’on appelle la

condensation de Bose. Les fermions par contre occupent les N états de plus basse

énergie, à raison de un par état (ω = N). Le niveau occupé de plus haute énergie est appelé niveau de Fermi. Dans les deux cas, ΩF et ΩB tendent vers 1 quand T tend vers 0.

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