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L’effet Pomerantchuk

Dans le document Physique Statistique et Gaz Parfaits (Page 180-183)

5.3 L’hélium 3 à basse température et l’électron

5.3.4 L’effet Pomerantchuk

L’hélium, en raison de sa faible masse atomique, présente la particularité de n’exister à l’état solide que sous forte pression (4He : 25 bars, 3He : 29 bars). En effet, le critère de Lindemann, bien vérifié expérimentalement, estime que la fusion d’un solide a lieu lorsque l’extension spatiale des vibrations atomiques devient su-périeure au dixième de la distance interatomique. Or, l’extension spatiale varie de façon inversement proportionnelle à la racine carrée de mω. L’atome d’hélium étant très léger, cette extension spatiale est, aux pressions habituelles, comparable aux distances interatomiques : même à l’état fondamental, c’est-à-dire au zéro absolu, 4à condition d’éviter les transitions gaz−liquide et liquide−solide. L’état solide ne peut être

obtenu qu’au delà de 29 bars. Pour éviter la transition gaz−liquide, il faut se placer à des pressions

l’extension spatiale des oscillateurs reste très supérieure au dixième de la distance interatomique : la solidification est donc impossible. Lorsqu’on augmente fortement la pression, la distance interatomique ne diminue que très peu. Par compte la pul-sation ω augmente fortement : l’extension spatiale diminue et la solidification peut avoir lieu en dessous d’une certaine température.

(a)

Fig. 5.2 – Diagramme p -T de l’hélium 3

Le diagramme p-T de l’hélium 3 représenté figure 5.2 fait apparaître une autre particularité de ce fluide : une courbe de solidification décroissante de 0 à 0,32 K. C’est un cas unique. Si, porté à 1 K et à 32 bars par exemple, on lui retire de la chaleur, sa température décroît jusqu’à environ 0,7 K où il passe de l’état liquide à l’état solide. Une fois la dernière goutte de liquide solidifiée, sa température décroît à nouveau jusqu’à 0,2 K, où il subit la transformation inverse : il repasse à l’état liquide.

Conclusion : dans la poche notée (a) sur le diagramme, l’entropie du liquide est plus faible que celle du solide. C’est l’effet Pomerantchuk. Ce phénomène qui semble anormal s’explique très simplement, du moins si l’on reste qualitatif.

D’abord, rappelons que :

– l’hélium 3 est un fermion de spin 1/2;

– à l’état liquide, les atomes sont indiscernables : ils sont tous identiques et occupent en commun la même région de l’espace ;

– à l’état solide, ils occupent les sites d’un réseau : ils deviennent discernables. Comparons l’enthalpie libre G= E − T S + pV du système pour ces deux états à une pression p et une température T données.

– L’énergie interne est plus faible à l’état solide qu’à l’état liquide.

– L’entropie ne prenant en compte que l’état orbital tend vers 0 quand T tend vers zéro aussi bien à l’état liquide qu’à l’état solide. On pourra négliger son effet dans notre étude qualitative.

– La différence de volume entre la phase liquide et la phase solide est également négligeable.

C’est l’entropie de configuration des spins qui change radicalement lorsqu’on passe d’une phase à l’autre.

A l’état liquide, les N atomes (fermions) du système ont de plus en plus tendance à occuper les N états de plus basse énergie au fur et à mesure que la température diminue. Pour atteindre cet état fondamental, il est nécessaire que la moitié des fermions soient dans un état de spin donné, et l’autre moitié dans l’autre (de façon à pouvoir occuper chaque état orbital par deux fermions). Mais ces fermions étant indiscernables à l’état liquide, l’entropie de configuration des spins est nulle.

À l’état solide, les atomes sont localisés sur les sites d’un réseau cristallin. Ils deviennent discernables et peuvent donc tous occuper le même état vibratoire, ce qui a pour effet de faire chuter l’énergie interne. Par contre, l’entropie augmente fortement : en l’absence de champ magnétique, ils peuvent posséder de façon équi-probable les deux états de spin disponibles. Il y a pour le système 2N possibilités, et donc une contribution à l’entropie valant N kln 2 qui ne tend pas vers 0 quant T tend vers 0.

Ce fait n’est pas en contradiction avec le troisième principe : à température beaucoup plus basse (estimée à quelques dizaines de nanokelvins pour l’hélium), il faut tenir compte des interactions entre spins causant une mise en ordre de ceux-ci (et donc un champ magnétique induit), ne laissant au système qu’un seul état de spin possible. Il en résulte une entropie nulle au zéro absolu.

On peut se demander pourquoi on n’observe pas ce phénomène avec les autres fermions, en particulier pour les autres gaz rares qui ont une énergie de cohésion à l’état condensé équivalente à celle de l’hélium. L’entropie SL(T ) à l’état liquide varie en T /TF : rien que pour le néon, elle est, à température équivalente, sept fois plus forte que celle de l’hélium. Partant du zéro absolu, SL(T ) devient supérieure à l’entropie SC de l’état solide à température beaucoup plus basse, inférieure à la température de mise en ordre des spins qui annule SC.

L’effet Pomerantchuk est à la base d’une technique permettant d’atteindre le millikelvin. On amène l’hélium 3 à la pression ordinaire à la température de 0,2 K (en pompant la vapeur au dessus du liquide[5]). On comprime à T constant jusqu’à la courbe de solidification (32 bars). On l’isole et on comprime à nouveau. La soli-dification ne peut s’opérer puisque ce faisant le système doit libérer de la chaleur (il est isolé). Son point représentatif sur le diagramme p-T doit donc suivre la courbe de solidification. Toute autre substance au cours de cette étape verrait sa température augmenter. Pour l’hélium 3 c’est l’inverse : sa température diminue. On peut ainsi descendre aux alentours du millikelvin.

5C’est une méthode classique ; au dessus du liquide se forme une vapeur dont la pression à

saturation est fonction croissante de la température ; si on pompe cette vapeur, la pression diminue, et donc la température également ; on peut ainsi ajuster la température de façon continue depuis le point critique (5,2 K pour l’hélium 4 ordinaire, 3,2 K pour l’hélium 3) jusqu’au point triple du fluide ; l’hélium n’ayant pas de point triple, on peut en principe atteindre des températures quasi-nulles, mais la température minimale accessible dépend de la puissance de la pompe qui doit extraire la vapeur plus vite qu’elle ne se reforme ; avec l’hélium ordinaire, il n’est pas possible de descendre en-dessous de 0,7 K (sa pression de vapeur saturante décroît extrêmement rapidement avec la tempéraure) ; avec l’hélium 3, il est possible d’atteindre 0, 2 K (à 0,5 K par exemple, sa pression de vapeur saturante est 10 000 fois plus importante que celle de l’hélium 4).

5.3.5 Le réfrigérateur à dilution d’hélium 3 dans l’hélium 4

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