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SETX / SEN1

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Chapitre III. Les hélicases UPF1-like

III.2. SETX / SEN1

SEN1 et son homologue SETX jouent toutes les deux un rôle important dans la terminaison de la transcription, en particulier la transcription invasive (pervasive

transcription) qui se caractérise par une production massive d’ARN non codants au

niveau de régions non annotées du génome et interfère avec l’expression normale des gènes (Groh et al., 2017).

Rôle cellulaire

SEN1 est l’un des composants du complexe NRD-NAB3-SEN1 (complexe NNS), acteur majeur dans la terminaison de la transcription des ARN non codants (ncRNAs) chez S. cerevisiae, ainsi que certains ARNm courts (Arndt and Reines, 2015; Porrua and Libri, 2015; Steinmetz et al., 2001, 2006). Cette protéine comporte un domaine hélicase essentiel à la viabilité cellulaire, et des régions N et C-terminales intervenant dans les interactions avec les protéines partenaires (Chen et al., 2014). In vitro, SEN1 se déplace dans le sens 5’-3’ et déroule des substrats d’ARN et d’ADN double brins (Han et al., 2017; Martin-Tumasz and Brow, 2015). La mutation de l’acide aminé E1597 du domaine hélicase de SEN1 est suffisante pour changer la distribution de l’ARN polymérase II sur les ARN, et réduit l’efficacité de la terminaison de la transcription sur les ARNm courts (200 à 500 paires de bases) (Chen et al., 2014). Cependant à ce jour, les mécanismes précis expliquant le rôle de SEN1 dans la terminaison de la transcription ne sont pas encore bien élaborés. De récents travaux décrivent le rôle de SEN1 dans la résolution de boucles R (R-loops) (Alzu et al., 2012; Chan et al., 2014; Grzechnik et al., 2015; Mischo et al., 2011). Ces structures sont des hybrides d’ARN/ADN formés pendant la transcription quand l’ARN naissant envahit l’ADN et forme un hybride ARN-ADN avec le brin complémentaire. Un mutant de SEN1 peut conduire à l’accumulation de ces structures au niveau des ARN ribosomaux, des télomères, des rétrotransposons, des snoARNs, des tARNs, et ARNm courts (Chan et al., 2014). Cette accumulation a lieu en aval du complexe terminateur NNS et coïncide avec les régions de pause de la polymérase II [119]. SEN1 contribuerait donc à la terminaison de la transcription associée avec la résolution des R-loops qui apparaissent au niveau des régions de terminaison. SEN1 participe aussi à la préservation de l’intégrité du génome de levure, en participant aux voies de réparation de l’ADN (Alzu et al., 2012; Mischo et al., 2011).

SETX, homologue humain de SEN1, joue un rôle dans la régulation de la transcription de par sa capacité à moduler la liaison de l’ARN polymérase II à la chromatine, et à travers son interaction avec plusieurs protéines liées à la transcription dont SPT5, TAF4 et TRIM28 (Hein et al., 2015; Suraweera et al., 2009; Yüce and West, 2013). Cette protéine est requise pour une transcription efficace de plusieurs gènes constitutifs et de réponse au stress oxydatif tel que SOD1 (Skourti-Stathaki et al., 2011; Suraweera et al., 2009). SETX est aussi requise pour une terminaison efficace de la transcription par Pol II (Padmanabhan et al., 2012; Skourti-Stathaki et al., 2011; Suraweera et al., 2009). Les études autour de SETX ont mené à la découverte chez l’homme de l’existence des R-loops qui se forment aux sites de terminaison de la transcription de gènes humains. SETX serait capable de dérouler les R-loops sur les sites de terminaison afin de libérer l’ARN qui serait dégradé par l’exonucléase XRN2 avant la

terminaison de la transcription (West et al., 2004). Selon certaines études, SETX serait recrutée aux sites de terminaison par son interaction avec des partenaires tels que BRCA1 et SMN (Hatchi et al., 2015; Zhao et al., 2016). Grâce à son action sur les sites de formation de R-loops, SETX contribuerait au maintien de l’intégrité du génome. Ainsi en déclenchant leur élimination, elle permet d’éviter des cassures simple brin au niveau de ces sites.

L’intérêt pour SETX a surtout émergé suite à la découverte de mutations dans le gène SETX liées à deux maladies neurodégénératives : L’ataxie récessive avec apraxie oculomotrice de type 2 (AOA2) et la sclérose amyotrophique latérale de type 4 (ALS4) (Anheim et al., 2009; Chen et al., 2004, 2006; Moreira et al., 2004). A ce jour, environ 120 mutations de SETX sont reportées. Celles responsables de la maladie ALS4 sont exclusivement des mutations faux-sens, qui conduisent probablement à un gain de fonction dominant (Bennett et al., 2013). De façon intéressante, de nombreuses mutations de SETX responsables de maladies touchent son cœur hélicase. Ainsi, une étude de 13 mutations faux-sens du cœur hélicase responsables de la maladie AOA2, testées à des positions homologues de SEN1, montre que 10 d’entre elles sont létales chez la levure ou causent des défauts de croissance et de terminaison de la transcription (Chen et al., 2014).

Propriétés enzymatiques

SETX et SEN1 partagent une homologie élevée au niveau de leur cœur hélicase, suggérant des propriétés communes entre les deux protéines (Chen et al., 2004; Moreira

Figure 17 : modèle du mécanisme de terminaison de la transcription par SEN1.

Après son recrutement au complexe d’élongation par Nrd1 et Nab3, ou par une interaction directe avec l’ARN polymérase II, SEN1 est chargée sur l’ARN naissant à proximité de la polymérase. Les molécules SEN1 se chargeant plus de 40 nucléotides en amont de POLII se dissocient avant de pouvoir arrêter la transcription. Celles qui se chargent à proximité transloquent sur l’ARN et dissocient le complexe d’élongation (EC), grâce à une interaction du domaine hélicase de SEN1 avec POLII. Figure extraite de l’article de Han et ses coll., 2017.

et al., 2004). Des travaux récents des équipes de Domenico Libri et de David Brow ont étudié la capacité de SEN1 de S. cerevisiae à terminer la transcription in vitro et son activité sur des hybrides ARN/ADN et ADN/ADN (Han et al., 2017; Martin-Tumasz and Brow, 2015). Ils ont ainsi confirmé que le domaine hélicase de SEN1 seul est capable de dérouler des duplexes ARN/ADN et ADN/ADN dans la direction 5’-3’ (Kim et al., 1999). SEN1 semblerait être une translocase plus processive sur l’ADN simple brin que sur l’ARN simple brin, et aussi plus efficace dans la séparation d’un duplexe ADN/ADN qu’un duplexe ARN/ADN. Dans ces tests d’ensemble, SEN1 se décroche de son substrat après avoir traversé une courte distance, de l’ordre de 20 à 40 paires de bases, laissant supposer une processivité inférieure de plusieurs ordres à celle d’UPF1. Le domaine N- terminal de SEN1 semble avoir un effet inhibiteur sur cette activité, rappelant l’inhibition de l’hélicase UPF1 par son domaine N-terminal. La présence du domaine C–terminal de SEN1 augmente son efficacité à séparer des duplexes, en particulier des hybrides ARN/ADN. En reconstituant un scénario de terminaison de transcription, les auteurs montrent aussi qu’in vitro, le domaine hélicase de SEN1 seul est suffisant pour arrêter l’ARN POLII et terminer la transcription, et nécessite l’activité ATPase de SEN1. Ces travaux suggèrent que l’interaction de SEN1 avec l’ADN ne serait pas nécessaire pour la terminaison, mais qu’en revanche SEN1 doit s’associer à l’ARN naissant et se déplacer vers la polymérase. La collision de SEN1 avec la polymérase exercerait une action mécanique qui conduirait à la terminaison, mais uniquement quand la polymérase est en pause transcriptionnelle (Figure 17). A notre connaissance, aucun travail n’a encore étudié in vitro les propriétés enzymatiques de SETX, homologue humain de SEN1, malgré l’ensemble des mutations touchant son cœur hélicase et engendrant les maladies neurodégénératives AOA2 et ALS4.

Structure cristallographique du domaine hélicase de SEN1

La structure du cœur hélicase de SEN1 (1095-1904, PDB 5MZN) a récemment été résolue en présence d’ADP, mais en absence d’acides nucléiques (Figure 18) (Leonaitė et al., 2017). Globalement, cette structure présente une organisation similaire à celle d’UPF1 formée des domaines RecA2, RecA1, et des deux domaines auxiliaires 1B (barrel) et 1C (prong) émergeant de RecA1. Le domaine 1B est soutenu par 2 hélices (stalks). Un sous-domaine spécifique mais conservé dans SEN1 est observable dans cette structure, auquel les auteurs attribuent le nom de « brace » (bleu sur la Figure 18). Ce sous- domaine établit de nombreuses interactions intramoléculaires avec RecA1, les hélices

stalks et le barrel 1B. Ces interactions sont nécessaires au repliement correct de la

protéine, car la délétion ou la mutation des résidus clés du brace génèrent une protéine insoluble in vitro et sont fortement délétères in vivo.

Les auteurs relèvent des différences au niveau des protrusions auxiliaires 1B et 1C. La protrusion 1B, notamment la partie supérieure (barrel) présente une topologie mieux définie que celle d’UPF1. Il est lié aux stalks par des linkers plus courts, ce qui restreint probablement son mouvement et la surface qu’il peut explorer. Les interactions entre le

barrel et le brace restreignent encore plus son mouvement. La protrusion 1C (prong)

quant à elle est plus courte que celle d’UPF1 ; une délétion de la partie exposée au solvant de 1C conduit à une perte de la capacité de SEN1 à dérouler des duplexes d’acides nucléiques et à terminer la transcription in vitro. Ceci révèle l’importance de la

protrusion 1C dans l’activité de SEN1.

Dans un deuxième temps, les auteurs utilisent cette structure comme modèle pour étudier les mutations de son homologue SETX qui sont à l’origine des maladies AOA2 et ALS4. Ils ont ainsi localisé 30 mutations sur la structure du domaine hélicase, et prédit que 2/3 de ces mutations perturberaient considérablement le repliement de l’hélicase de par leur position noyée dans la structure. Le 1/3 restant correspond à des mutations à la surface de l’hélicase, affectant des motifs hélicase conservés qui impacteraient l’activité catalytique de SETX, prédiction validée par des tests enzymatiques in vitro.

Figure 18 : alignement des structures des domaines hélicases de SEN1 et d’UPF1.

Dans ces deux structures, les deux protéines recombinantes ont été cristallisées sans acides nucléiques. SEN1 (PDB 5MZN) a été cristallisée avec de l’ADP, alors qu’UPF1 (PDB 2GK6) a été cristallisée avec de l’ADP-PO4-. L’alignement de structures est effectué selon la position du

domaine RecA1. UPF1 est en gris clair. Les domaines RecA1, RecA2, 1B et 1C sont représentés avec le même code couleur qu’UPF1. Le « brace » spécifique de SEN1 et nécessaire à la solubilité de la protéine recombinante est en bleu. Le domaine N-terminal de SEN1 représenté dans le schéma ne fait pas partie de la structure.

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