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Caractérisation de nouveaux partenaires d’UPF1 de la voie du NMD

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Malgré toutes les connaissances acquises depuis la découverte du NMD, aucun modèle unifié n’a encore été proposé pour décrire l’ensemble de la voie chez les eucaryotes. Ceci est en partie dû au manque d’une vue globale de la biochimie de ce processus. Les études à large échelle ont démontré l’existence du complexe UPF1-3, mais n’avaient pas réussi à valider le reste des interactions proposées dans les modèles de NMD actuellement décrits (Introduction, II.1.3). Dans ce contexte, le groupe de Cosmin Saveanu, dans l’équipe d’Alain Jacquier (Institut Pasteur, Paris) a mené une nouvelle étude quantitative à large échelle pour étudier les complexes de NMD chez la levure S. cerevisiae. Ce projet combine des purifications par affinité (fast affinity

purification) des complexes de NMD à de la spectrométrie de masse quantitative de

haute résolution (LC-MS-MS). Cette étude à large échelle (plus de 100 purifications et spectrométries de masse) met en évidence l’existence de deux complexes distincts associés à UPF1 : un complexe « détecteur » constitué d’UPF1, UPF2 et UPF3, et un complexe « effecteur » comportant UPF1, NMD4, EBS1, et des facteurs de dégradation. L’étude suggère que ces deux complexes sont mutuellement exclusifs, puisque le seul composant commun est UPF1. De plus, parmi tous les partenaires identifiées suite à l’immunoprécipitation d’UPF1, les deux partenaires les plus enrichis sont NMD4 et EBS1 ; ces deux protéines avaient été précédemment identifiées, mais leur rôle dans le NMD n’a pas été étudié (Ford et al., 2006; He and Jacobson, 1995; Luke et al., 2007). NMD4 et Ebs1 présentent des homologies avec les protéines Smg5-6-7, qui interagissent avec UPF1 et contribuent à la dégradation des substrats du NMD chez les métazoaires (Introduction, II.1.2) ; NMD4 possède un domaine PIN similaire à celui de la protéine

Figure 39 : UPF1 de levure fait partie de deux complexes mutuellement exclusifs.

Graphiques représentant un bilan de l’étude à large échelle des partenaires d’UPF1 réalisée par Dehecq et ses coll.

Smg6, avec une identité de séquence de 25%. Cependant l’un des résidus nécessaires à l’activité endonucléase des domaines PIN est muté chez NMD4 ; cette protéine pourrait donc être un homologue de Smg6 qui a perdu son activité catalytique endonucléase. Ebs1 porte un domaine N-terminal 14-3-3 similaire à celui de Smg5-6-7, et un domaine HHR (helical hairpin region) présent chez Smg5 et Smg7, et absent chez Smg6. Ebs1 pourrait donc être un homologue de Smg5 et Smg7. Les résultats de cette étude sont à l’origine d’un nouveau modèle pour le NMD, dans lequel UPF1 joue le rôle d’un « commutateur » qui permet de faire la transition entre la détection et la dégradation des substrats du NMD.

Nous avons contribué à cette étude en réalisant des tests d’interaction in vitro afin de prouver que l’interaction entre UPF1 et NMD4 est directe.

Les résultats complets de cette étude et le nouveau modèle proposé grâce aux données assemblées font l’objet du manuscrit :

« Detection and Degradation of Nonsense-mediated mRNA Decay Substrates Involve Two Distinct Upf1-bound Complexes”

Marine Dehecq, Laurence Decourty, Abdelkader Namane, Caroline Proux, Joanne Kanaan, Hervé Le Hir, Alain Jacquier, Cosmin Saveanu

disponible en version preprint sur le site bioRxiv (Dehecq et al., 2018) et actuellement en cours de révision pour « The EMBO journal ».

Hormis les expériences intégrées dans cette publication, nous avons effectué des expériences supplémentaires visant à caractériser la spécificité de l’interaction entre UPF1 et NMD4, le domaine d’UPF1 qui est impliqué dans l’interaction, et l’impact de la présence d’ARN ou d’ATP sur l’interaction.

NMD4 interagit avec le domaine hélicase d’UPF1 in vitro

Afin de déterminer le domaine d’UPF1 responsable de l’interaction avec NMD4, nous avons testé l’interaction entre la protéine recombinante NMD4 entière portant une étiquette CBP, et deux formes tronquées de la protéine yUPF1 comportant le domaine hélicase isolé ou précédé du domaine CH N-terminal, en absence ou présence d’ARN et d’ADPNP (Figure 40). Les protéines UPF1 interagissent légèrement de façon aspécifique avec les billes calmoduline utilisées pour retenir les complexes (lignes 2 et 3). Cependant en présence de NMD4, les protéines UPF1 précipitées présentent une bande plus intense (lignes 4 et 5), c’est-à-dire qu’elles interagissent avec NMD4 pendant qu’elle est retenue sur les billes. L’ajout de l’ARN augmente la quantité d’UPF1 HD et CH-HD retenue, suggérant que l’interaction entre NMD4 et UPF1 est stabilisée par la présence de l’ARN. L’ADPNP n’a pas d’impact sur cette interaction (lignes 8 et 9). Enfin, NMD4 interagit aussi efficacement avec UPF1 HD et CH-HD ; ces résultats suggèrent que NMD4 interagit directement avec le domaine hélicase de yUPF1, et que cette interaction est stabilisée en présence de l’ARN.

Figure 40 : NMD4 interagit directement avec le domaine hélicase d’UPF1.

Interactions in vitro entre les protéines UPF1 et NMD4. Les mélanges réactionnels avant («Input») et après purification sur résine de Calmoduline («Elution») sont analysés par coloration au bleu de Coomassie.

L’interaction entre NMD4 et UPF1 est favorisée en présence d’ARN

NMD4 interagit directement avec le cœur hélicase d’UPF1, et peut donc stabiliser ou déstabiliser sa liaison à l’ARN en induisant des changements conformationnels. Nous avons donc testé l’impact de NMD4 sur la liaison d’UPF1 à l’ARN, en mélangeant UPF1 HD et NMD4 avec un ARN simple brin de 30 nt qui porte une biotine à son extrémité. Les complexes formés sont retenus par des billes de streptavidine. Comme le montre la

Figure 41, UPF1 HD interagit avec l’ARN grâce à ses propriétés hélicase (ligne 1). NMD4

interagit légèrement de façon aspécifique avec les billes streptavidine (ligne 2). Cependant en présence d’UPF1, la protéine NMD4 précipitée présente une bande plus intense (lignes 3 et 4), c’est-à-dire qu’elle interagit avec UPF1 retenue sur les billes via l’ARN. L’ajout d’ADPNP n’impacte pas cette interaction. L’interaction entre UPF1 et l’ARN est déstabilisée en conditions plus stringentes (lignes 5 et 6), mais l’ajout de NMD4 rétablit la liaison UPF1-ARN.

Ces résultats confirment que la présence d’ARN stabilise l’interaction entre UPF1 et NMD4, mais suggèrent aussi que l’interaction entre NMD4 et UPF1 stabilise la liaison d’UPF1 à l’ARN (lignes 8 et 9).

Figure 41 : NMD4 stabilise la liaison d’UPF1 à l’ARN.

Interactions in vitro entre les protéines UPF1 et NMD4 en présence d’ARN. Les mélanges réactionnels avant («Input») et après purification sur résine de Calmoduline («Elution») sont analysés par coloration au bleu de Coomassie.

NMD4 est spécifique de yUPF1

Nous avons également cherché à savoir les éléments requis pour l’interaction de NMD4 avec yUPF1 sont conservés chez hUPF1. De manière très claire, j’ai pu montrer que NMD4 interagit avec le domaine hélicase de yUPF1 mais pas celui de hUPF1 (Figure 42). Ce résultat montre que malgré une forte conservation des deux domaines hélicases l’interaction de NMD4 avec yUPF1 est extrêmement spécifique.

Figure 42 : NMD4 distingue entre UPF1 de levure et UPF1 humaine.

Interactions in vitro entre NMD4 et yUPF1 HD ou hUPF1 HD en présence ou non d’ARN. Les mélanges réactionnels avant («Input») et après purification sur résine de Calmoduline («Elution») sont analysés par coloration au bleu de Coomassie.

Résumé général : utilisation d’une approche multidisciplinaire pour caractériser une hélicase aux propriétés complexes

L’homéostasie cellulaire dépend du maintien de l’intégrité de l’information génétique portée par l’ADN, et du métabolisme finement régulé des ARN. Un grand nombre de protéines s’associe aux acides nucléiques pour former des complexes macromoléculaires assurant l’ensemble des fonctions cellulaires. Dans ce projet de thèse, nous nous sommes particulièrement intéressés aux hélicases, enzymes jouant un rôle central dans le remodelage de ces complexes. Plus d’une centaine d’hélicases sont répertoriées dans le génome chez l’homme, et leur dérèglement est responsable de divers cancers et maladies génétiques (Brosh, 2013; Uchiumi et al., 2015). De plus, leur rôle central pour le métabolisme et la fonction des acides nucléiques en fait des cibles potentielles de traitements antibactériens, antiviraux et anti-cancéreux. De ce fait, il est indispensable de comprendre le fonctionnement et la régulation de ces molécules fascinantes qui partagent des éléments structuraux conservés mais agissent dans des cadres spatio-temporels cellulaires spécifiques et finement contrôlés.

Dans ce travail, nous avons cherché à comprendre comment et pourquoi l’hélicase UPF1 est hautement processive, c’est-à-dire capable de se déplacer et dérouler des doubles brins d’acides nucléiques sur de longues distances. UPF1 est principalement connue pour son rôle essentiel dans la voie du NMD et ainsi façonne les transcriptomes eucaryotes en contribuant à l’élimination des ARN codant des protéines aberrantes. Les différentes actions d’UPF1 sur des substrats variés sont orchestrées par ses multiples partenaires qui sont également nécessaires pour moduler ses activités biochimiques et biophysiques. De ce point de vue, UPF1 illustre parfaitement la complexité des propriétés et des fonctions des ARN hélicases.

Grâce à une approche pluridisciplinaire combinant des outils de biochimie, de biophysique et d’analyses structurales, nous avons d’abord caractérisé le cœur hélicase d’UPF1 de S. cerevisiae. Nous avons ainsi démontré que cette hélicase est aussi processive que son homologue humain, malgré la distance évolutive séparant les deux organismes. Au-delà de la processivité, ces deux enzymes partagent aussi des propriétés biophysiques singulières, telle que la haute résistance à des forces répulsives, et la capacité à travailler dans des bulles.

En utilisant les mêmes outils, nous avons aussi à caractériser l’activité de l’hélicase IGHMBP2 ; nos résultats démontrent que le cœur hélicase de cette enzyme est incapable de séparer des double-brins d’acides nucléiques, malgré la ressemblance apparente des structures d’UPF1 et IGHMBP2. Ceci est la première étude du domaine hélicase isolé d’IGHMBP2, les travaux précédents s’étant intéressés à la protéine entière.

Etant donné les différences de processivité entre UPF1 et IGHMBP2, nous avons développé une nouvelle approche pour évaluer leur temps de résidence sur les acides nucléiques à l’échelle de la molécule unique, à l’aide des pinces magnétiques. Grâce à cette approche, nous démontrons que ces deux hélicases ont des temps de résidence qui

diffèrent de plusieurs ordres, suggérant un lien direct entre le temps de résidence et la processivité.

Les comportements opposés d’UPF1 et d’IGHMBP2 nous incitèrent à comparer leurs structures de manière fine, dans l’objectif de trouver des éléments clés pouvant régir ces différences inattendues. Cette analyse nous mena à produire des protéines chimériques pour évaluer l’impact des protrusions 1B et 1C sur le comportement de ces hélicases, ainsi que des mutants ponctuels d’UPF1 dans lesquels nous avons ciblé une boucle jusqu’alors non caractérisée. L’étude de ces protéines révèle l’impact sous-estimé des protrusions 1B et 1C sur le temps de résidence et la processivité d’UPF1 et d’IGHMBP2. Ainsi les protrusions d’UPF1, en apparence peu différentes de celles d’IGHMBP2, sont capables à elles seules de transformer un cœur hélicase peu performant en une hélicase efficace et hautement processive, possédant les mêmes attributs qu’UPF1. Ces mutants révélèrent aussi une autre caractéristique des hélicases jusqu’alors inexploitée : la force de leur prise sur leurs substrats. En effet, grâce à notre approche d’évaluation du temps de résidence, nous avons démontré que les mutants d’UPF1 souffrant d’une réduction de processivité ont aussi une prise plus lâche qui fragilise leur liaison au substrat, et augmente leur probabilité de tomber ; en absence d’ATP, ces mutants glissent le long de la fourche d’ADN qui les pousse au fur et à mesure dans le dos. L’ensemble de nos données confirme l’existence d’un lien direct entre la fermeté de la prise d’une hélicase sur son substrat, son temps de résidence et sa processivité. Afin d’expliquer nos observations, nous avons fait l’hypothèse que les hélicases se comportent comme des pinces dont l’énergie de liaison aux acides nucléiques résultent de deux composantes : l’énergie mécanique due à la raideur de la pince, qui contrôle sa fermeté et son ouverture initiale autour de l’ADN ; et l’énergie d’interaction, créée par les interactions entre les acides aminés et le substrat. Notre large panel de mutants et les mesures de leurs caractéristiques (temps de résidence et vitesse de glissement en absence d’ATP et temps de résidence en présence d’ATP), nous a permis de construire un nouveau modèle mécanistique pour tester notre hypothèse. Cette modélisation démontre que l’énergie d’interaction est le paramètre affecté par nos mutants, impactant leur prise sur le substrat, leur temps de résidence, et en conséquence leur processivité.

Hormis la compréhension mécanistique de la processivité, nos mutants ont aussi servi à évaluer l’intérêt de la processivité d’UPF1 in vivo. En particulier, la triple mutation (AKS 484-486) qui réduit sévèrement la processivité d’UPF1 in vitro impacte l’efficacité du NMD, démontrant pour la première fois l’importance physiologique de cette propriété.

En parallèle à ce projet, nous avons exploré aussi d’autres aspects contribuant à la régulation de l’hélicase UPF1. En collaboration avec l’équipe de Sutapa Chakrabarti, nous avons caractérisé une nouvelle isoforme d’UPF1 humaine produite par épissage alternatif et faiblement exprimée, et montré que cette isoforme est deux fois plus rapide que l’isoforme la plus abondante. Cette étude révèle un niveau supplémentaire de régulation de l’activité d’UPF1 chez les métazoaires. Nous avons évalué aussi le rôle du domaine régulateur CH sur l’activité hélicase d’UPF1 de levure, peu caractérisée à ce jour au

niveau biochimique. Contre toute attente, ce domaine inhibiteur de l’activité hélicase d’UPF1 humaine n’inhibe pas l’activité d’UPF1 de levure, malgré une conservation élevée de séquence entre les deux protéines. Des différences subtiles entre les deux protéines sont probablement responsables de cette diversité de comportements, soulignant une fois de plus la complexité de la régulation de l’hélicase UPF1.

Enfin, en collaboration avec le groupe de Cosmin Saveanu dans l’équipe d’Alain Jacquier, nous nous sommes également intéressés à de nouveaux facteurs de NMD de levure. Suite à une étude exhaustive par spectrométrie de masse des partenaires d’UPF1, ce groupe a identifié les protéines NMD4 et EBS1. Par le biais de tests d’interaction in

vitro, nous avons évalué l’interaction entre les protéines UPF1 et NMD4. Nous avons

ainsi démontré que ces deux protéines interagissent directement, et que cette interaction a probablement lieu par le biais du domaine hélicase d’UPF1. Nos résultats suggèrent une stabilisation du complexe UPF1/NMD4 en présence d’ARN, mais aussi une stabilisation de l’interaction UPF1/ARN en présence de NMD4.

Discussion et perspectives

UPF1 est une hélicase conservée chez tous les eucaryotes, hautement régulée grâce à des éléments structuraux intrinsèques au domaine hélicase, des domaines auxiliaires, et des partenaires cellulaires. Essentielle à la voie du NMD, elle agit aussi dans plusieurs voies encore peu caractérisées telles que le Staufen1-mediated mRNA decay (Kim et al., 2005), la dégradation des ARNm des histones (Marzluff et al., 2008) et la régulation du cycle cellulaire (Azzalin and Lingner, 2006). Au niveau mécanistique, UPF1 est capable d’agir à la fois sur l’ARN et l’ADN, sans spécificité de séquence, et de façon très processive. UPF1 illustre donc parfaitement la complexité mécanistique et physiologique des hélicases, et l’importance de combiner plusieurs approches pour tenter de décortiquer leurs multiples facettes.

La variabilité des hélicases débute au sein même du cœur hélicase

Quand la structure d’IGHMBP2 fut publiée en 2012, les auteurs l’ont comparé à celle d’UPF1 ; au vu des ressemblances fortes entre les deux hélicases, et leur appartenance à une même famille, ils ont proposé que leurs propriétés mécanistiques sont probablement similaires. Aujourd’hui, 6 ans plus tard, nous nous rendons compte que la similitude apparente de deux structures porte peu d’indices sur les propriétés biophysiques de deux moteurs moléculaires. En effet, il suffit de quelques différences dans la séquence des protrusions 1B et 1C pour passer d’une hélicase aussi active, processive et résistante qu’UPF1, à une hélicase presqu’inactive comme IGHMBP2. A une échelle encore plus restreinte, nos mutations ponctuelles au sein même du cœur hélicase d’UPF1 ont été suffisantes pour réduire drastiquement sa processivité. Selon notre modèle, ces modifications conduisent à des répercussions démesurées parce qu’elles engendrent une augmentation exponentielle de la probabilité de détachement d’UPF1, réduisant sévèrement sa processivité. A ce stade, il est difficile de pointer du doigt la raison exacte derrière les différences extrêmes de comportement entre UPF1, ses mutants et IGHMBP2 ; cependant notre modèle mécanistique démontre que les différences sont au niveau de leur énergie d’interaction avec les acides nucléiques. Etant donné que toutes les modifications que nous avons effectuées sont restreintes aux protrusions ou à la jonction entre la protrusion 1C et le domaine RecA2, il est probable que le canal formé entre les protrusions 1B et 1C à la sortie 3’ des acides nucléiques est critique au maintien de la liaison, et au mécanisme de séparation de duplexes utilisés par ces hélicases qui avancent dans le sens 5’-3’. Cette hypothèse suggère qu’au-delà du site de liaison principal formé à la surface des domaines RecA1 et RecA2, les protrusions 1B et 1C contribuent à la stabilisation de la liaison entre UPF1 et les acides nucléiques. Afin de confirmer cette hypothèse, il serait intéressant d’obtenir d’autres structures cristallographiques d’IGHMBP2. A ce jour, nous ne disposons que de la structure du cœur hélicase vide de tout ligand, et de sa structure liée à un substrat d’ARN et un ion phosphate (Lim et al., 2012). Des structures de cette hélicase en présence d’analogues de l’ATP seraient utiles pour observer le mouvement des protrusions durant les différents états de transition conformationnels pendant la translocation de l’hélicase. De même, les structures des chimères que nous avons produites, en particulier celle

d’IGHMBP2/BC devenue très processive grâce au remplacement simultané de ses deux protrusions, permettraient d’éclaircir le mouvement de ces domaines auxiliaires et de leur contribution au comportement spécifique de l’hélicase. L’équipe d’Elena Conti a tenté d’obtenir des cristaux de la protéine IGHMBP2/BC afin d’en résoudre la structure mais malheureusement sans succès.

De manière plus générale, une étude exhaustive des autres membres de la famille

UPF1-like serait très informative pour disséquer les différences mécanistiques entre ces

hélicases, étant donné que nous disposons aujourd’hui des structures de 3 membres supplémentaires de cette famille : SEN1, AQR, et DNA2 (De et al., 2015; Leonaitė et al., 2017; Zhou et al., 2015). Les différences déjà observées au niveau des protrusions 1B et 1C de ces structures laissent supposer une variété encore plus large de comportements au sein de cette famille. Par exemple, la protrusion 1B de SEN1 est attachée au domaine RecA1 par deux hélices (stalks) plus courtes que celles d’UPF1, et interagit avec une chaine supplémentaire (brace) nécessaire à la stabilité du cœur hélicase. Il est possible que la protrusion 1B de SEN1 soit moins mobile que celle d’UPF1 ou d’IGHMBP2, dans lesquelles cette protrusion effectue un mouvement large vers l’arrière ou l’avant selon l’état de transition. Quant à AQR, la protrusion 1C a été remplacée par un domaine spécifique dit « pointer », qui contribuerait à l’inversion de polarité de cette hélicase par rapport aux autres hélicases UPF1-like.

Les protrusions 1B et 1C sont caractéristiques de la famille UPF1-like, chez qui les deux insertions sont dans le même domaine RecA1. Dans le cas des autres familles d’hélicases SF1, les familles Rep/PcrA et PIF1-like possèdent également deux protrusions, attachées chacune sur un domaine RecA (Figure 43). Dans le cas des hélicases Rep, UvrD et PcrA, l’une de ces deux protrusions est responsable de la basse processivité qui leur est attribuée à l’état monomérique (18-50 pb). Leurs structures cristallographiques révèlent que la protrusion 2B attachée au domaine RecA2 pivote d’un angle de 130 à 160ᵒC entre deux conformations dites fermée et ouverte (Figure 44). Afin de déterminer l’impact de cette protrusion sur leur processivité, Arslan et ses coll. ont généré des mutants de Rep bloqués de manière permanente en conformation ouverte ou fermée, grâce à des pontages covalents (Figure 44, en rouge) (Arslan et al., 2015). En testant l’activité de ces mutants sur de longs substrats d’ADN double brins (> 6 kb), les auteurs

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