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Chapitre 5. Résultats de la recherche : Contribution des pratiques d’intervention à

5.1. Nature des services d’aide

5.1.2. Services d’aide en employabilité des femmes victimes de violence conjugale

Dans cette sous-section, nous abordons les éléments suivants : la présentation des services d’aide en employabilité, les stratégies de réussite pour les victimes, les conditions de réussite, les situations d’échec.

Les quatre intervenantes de notre échantillon ont expliqué comment les services des organismes d’aide en employabilité, offerts aux femmes d’une façon générale et en particulier aux femmes victimes de violence conjugale, contribuent à l’employabilité. Ces organismes ont des programmes préparatoires à emploi qui sont destinés aux femmes. Les répondantes estiment que la plupart des femmes participantes aux programmes sont victimes ou ont connu de la violence conjugale. Selon elles, au début des programmes d’aide en emploi, plusieurs femmes vivent avec d’énormes conséquences de la violence conjugale. Les programmes leur permettent de retrouver leur estime et leur confiance en soi car ils sont centrés sur la réappropriation du pouvoir des femmes. Ainsi, ces programmes ont des dimensions socioprofessionnelles. D’une part, ils travaillent sur l’employabilité et d’autre part sur la dévictimisation des femmes victimes de violence conjugale. Ils sont ainsi très aidants dans l’autonomisation économique des victimes. Deux participantes ont évoqué :

« Nous ici, c’est un programme préparatoire à l’emploi pour les femmes qui sont loin du marché du travail. Donc les femmes qui ont peu d’expérience ou victimes de violence, d’agression sexuelle » EMP4.

« Nous autres, c’est à partir de nos services, de nos programmes. Si je prends nos programmes préparatoires à l’emploi qui sont dédiés aux femmes. On reçoit cent femmes par année pour ce service. Je dirai que c’est d’environ soixante-dix pour cent, si ce n’est pas plus de femmes qui sont victimes de violence ou qui l’ont été. Souvent quand elles arrivent ici, la confiance et l’estime…Quand elles sortent aussi, il y en a que la confiance et l’estime sont redevenues au-dessus de leurs pattes. (….) Donc elles se réapproprient leurs réalisations, leurs capacités. Leur confiance remonte. Ça, c’est drôlement important pour la suite » EMP3.

Les quatre participantes ont mis une mention spéciale, tout au long de leur discours, sur l’approche qui est utilisée dans les programmes d’aide en employabilité visant les femmes victimes de violence conjugale. Elles affirment toutes que les interventions de ces programmes sont basées sur l’approche féministe. À cela, d’autres organismes y ajoutent l’approche cognitivo-comportementale selon une intervenante pour défaire les idées préconçues et les mythes. En effet, l’utilisation de l’approche féministe permettrait aux

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organismes d’aide en employabilité de mettre au centre de toutes leurs activités la réappropriation du pouvoir des femmes. Une participante a évoqué :

« On pense qu’il n’y a aucune femme victime de violence, tout d’un coup, il y en a. Donc, on en parle à tous les jours parce que nous, notre approche, elle est féministe avec l’approche cognitivo- comportementale, donc les croyances erronées, on les travaille énormément. Nous, tout au long, c’est l’appropriation, on ne parle pas nécessairement de violence à tous les jours mais on parle de réappropriation du pouvoir » EMP4.

De même, quatre répondantes se sont penchées sur les stratégies que les ressources d’aide en employabilité mettent en œuvre en faveur de la réinsertion socioprofessionnelles des femmes victimes de violence conjugale. Les programmes seraient constitués d’ateliers qui permettent aux femmes victimes de violence conjugale de prendre conscience de leur situation. Il faudrait ajouter à ce point de vue les rencontres individuelles qu’offrent les intervenantes à ces femmes. Une fois que les victimes sont conscientes de leur vécu, elles sont référées à d’autres ressources. Et elles peuvent travailler sur d’autres dimensions de leur vie. La visée de toutes ces actions est de permettre aux femmes victimes de sortir du cercle de la violence et en même temps de les mettre en action. Ainsi, l’employabilité s’en suit pour qu’elles soient solides à relever les défis du marché de l’emploi. Les stratégies évoquées, par les participantes, montrent que les services d’aide à l’emploi s’inscrivent dans un processus avec d’autres organismes en vue de l’autonomisation économique des victimes de violence conjugale. Et dans ce processus, ils s’adaptent au rythme des femmes victimes et changent leurs stratégies en fonction des différentes embûches rencontrées pour mieux aider les femmes. Des participantes ont affirmé :

« Les stratégies sont en effet par le biais de nos ateliers et par le biais de nos rencontres individuelles avec ces personnes-là pour leur faire prendre conscience de leur situation de violence entre autres. Voir avec elles, les référer pour pouvoir se sortir de cette situation-là. De mettre la personne au centre d’elle-même, c’est-à-dire lui permettre de pouvoir s’exprimer, de donner du temps à la personne pour s’imprégner de tout ce qu’on lui fait réfléchir ici entre autres. De développer sa connaissance de soi pour qu’elle soit plus solide aussi pour faire face après au marché du travail, aux actions qu’elle veut entreprendre, la mettre en action pour qu’elle réalise des actions qui puissent amener vers des résultats concrets » EMP2.

« Ça se peut que dans les étapes, un moment ça avance mais oups! On a pris une petite jambette. On recule, on va reculer avec elle pour après ça, mieux avancer avec elle. On va la suivre là-dedans. Il faut être dans l’ouverture face aux personnes. Il faut être dans nos propres préjugés, nos propres valeurs et puis tout ça. Ce n’est pas toujours facile. (…) Elle a besoin d’être écoutée, d’être entendue parce que du jugement, elle en a vécu à gauche et à droite » EMP3.

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Selon les quatre intervenantes des organismes d’aide en employabilité, le couronnement de leurs efforts est d’insérer les femmes victimes en emploi ou de les aider à retourner aux études pour qu’elles retrouvent leur indépendance financière. Concernant l’emploi, le plus grand succès des intervenantes est qu’une femme arrive à intégrer un travail après son stage dans un milieu de travail. Ces réussites motivent davantage les intervenantes dans leur travail et augmentent la confiance de la femme. De même, elles témoignent de la persévérance des femmes victimes de violence conjugale dans leur processus d’autonomisation économique. En outre, les intervenantes ont évoqué que les programmes d’aide en emploi constituent une stratégie à long terme pour les victimes de pouvoir quitter leur conjoint violent. Cette stratégie leur permettrait de minimiser les conséquences économiques. Dans une telle situation, les intervenantes s’en félicitent si elles arrivaient à aider les victimes à mettre fin à la relation violente. Deux répondantes expliquent que :

« Ben, les réussites dans le fond, pour nous autres, pour moi comme conseillère d’orientation, c’est de les aider à avoir un emploi. C’est arriver à un résultat à ce qu’elles réussissent à trouver un emploi ou retourner aux études entre autres pour qu’elles puissent devenir plus autonomes dans leur vie. C’est une réussite. On a des stages par exemple, quand elles réussissent à faire le stage et d’être embauchées par le milieu de stage, c’est des beaux résultats pour moi et pour la cliente. Elle pourra revenir à son projet de partir de cette situation-là » EMP2.

[Est-ce que vous pouvez me parler d’une situation que vous percevez comme une réussite dans vos efforts pour favoriser l’autonomisation économique des femmes victimes de violence conjugale?] « Plusieurs, vraiment plusieurs et puis il y a différents points de vue. Je vais parler d’une que le conjoint est avec la personne, elle vient ici, elle n’a pas l’intention de quitter à court terme. Pour elle, elle vient ici parce que c’est le plan qu’elle fait pour pouvoir mettre des étapes dans sa vie et éventuellement quitter le conjoint. On parle d’une personne qui a des enfants, qui est dans une maison. Il y a beaucoup de choses en commun avec le partenaire. C’est sûr que le coût est énorme de quitter tout ça et repartir à zéro. Elle aurait des avantages économiques relationnels énormes en plus de repartir avec les conditions de vie moins évidentes. Parce que souvent elle va devoir retourner aux études ou quoique ce soit » EMP1.

Pour la réalisation de ces succès, elles estiment nécessaire que la femme participe activement au programme préparatoire à l’emploi, c’est-à-dire qu’elle soit présente aux ateliers et ce tout au long du programme. De plus, le fait de visiter des milieux de travail, de participer à la rencontre des employeurs, de développer de leur technique de recherche d’emploi, de retourner aux études, de développer de leur confiance en soi, leur estime de soi et leur capacité décisionnelle constituent d’autres conditions de succès favorisant l’autonomisation économique des femmes victimes de violence conjugale. Une répondante a mentionné :

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« Les conditions de succès, c’est de participer au programme préparatoire à l’emploi, c’est d’être présentes aux ateliers, c’est de s’impliquer de donner un bon rendement durant le programme, de faire des visites de milieu, d’aller rencontrer des employeurs, de développer leur technique de recherche d’emploi pour en arriver à pouvoir se trouver un emploi ou retourner aux études, développer leur confiance en soi, développer leur estime de soi, leur affirmation de soi, améliorer leur gestion par exemple leur prise de décision. C’est un peu tout ça » EMP2.

Par ailleurs, les quatre participantes trouvent qu’il est difficile pour elles d’arriver à l’autonomisation économique des victimes dans certaines situations. Parmi celles-ci, elles ont mentionné le cas des femmes qui ont vécu beaucoup de conséquences de la violence conjugale et qui sont retournées avec leur conjoint violent. Selon les participantes, à cause de la violence conjugale, les agresseurs arrivent à défaire tous les acquis que ces femmes font pendant le programme. Cette pratique des agresseurs ne laisserait pas les femmes avancer dans leur cheminement. D’un côté, certaines seraient perturbées au cours du programme, elles auraient des discours négatifs tandis que d’autres préféreraient l’abandonner pour des raisons de sécurité. Toutes ces situations témoignent de la puissance du contrôle que les agresseurs exercent sur les victimes. À travers toutes ces violences, le but des agresseurs serait de briser le lien de confiance existant entre les victimes et les intervenantes. Une répondante a affirmé :

« Si on parle vraiment d’échec. C’est là où j’essaye de voir, échec…, échec… Ben, ça sera quelqu’un qu’on a voulu l’aider et puis le conjoint violent a été plus fort que nous, plus d’impacts que nous et puis il a brisé le lien de confiance à quelque part qu’on avait avec la personne puis retourner. Ça serait ça parce qu’en général ils viennent tout le temps chercher quelque chose ». (…) « Souvent ces femmes, elles vont ramener des choses à la maison. Elles vont parler de ce qui a été discuté et tout ça. Là, le conjoint, il défait tout ce qu’on a fait. Ça, admettons que je fais faire comment la personne…, mais lui-là, en espace de quelques paroles, ils vont nous reculer de dix pas. Et on le sent le lendemain. Ah! C’est drôle dans ton discours » (…) « Son discours, son influence a été plus pesante dans la balance. C’est peut-être que c’est juste une question de sécurité. Il peut y avoir différentes raisons. Dès fois on les sait mais dès fois on ne les sait pas toutes » EMP3.

Enfin, l’analyse des discours ont permis de comprendre le rôle et les différentes stratégies des services d’aide en employabilité. La prochaine section se penchera sur les facteurs favorisant l’autonomisation économique des femmes victimes de violence conjugale.