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Collaboration entre les services d’aide en VC et d’autres secteurs de pratique

Chapitre 5. Résultats de la recherche : Contribution des pratiques d’intervention à

5.3. Facteurs nuisant à l’autonomisation économique

5.3.2. Collaboration entre les services d’aide en VC et d’autres secteurs de pratique

Dans cette partie, il sera question des facteurs nuisant à l’autonomisation économique des femmes victimes découlant des contraintes liées à la collaboration entre les services d’aide en violence conjugale et d’autres secteurs de pratique.

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Selon quatre intervenantes, les services d’aide en violence conjugale auraient des difficultés dans leur collaboration avec la DPJ. Elles trouvent qu’il y aurait une différence d’approches entre les deux organismes. Les services d’aide en violence n’approuveraient pas la démarche de la DPJ de mener une médiation entre les deux conjoints. Les répondantes pensent que cette médiation de la DPJ ne s’inscrirait pas dans un cadre juridique. Et les droits de la victime pourraient ne pas être pris en compte car la médiation serait menée par une tierce personne, n’étant pas un homme de droit. De même, proposer une médiation entre les conjoints serait une méconnaissance de la violence conjugale parce qu’elle continuerait après la fin de la relation violente par le biais des enfants. Cette difficulté dans la collaboration entre les deux organismes ne faciliterait l’autonomisation économique des femmes victimes de violence conjugale. Une répondante a raconté :

« Par exemple il y a plusieurs femmes qu’on signale, la DPJ va dire oui, on a eu le signalement. Mais on va dire, c’est un conflit de séparation, ce n’est pas nouveau. Prenez-vous un avocat. Tout va bien aller. (…) ils ont proposé dernièrement à certaines femmes d’aller en médiation. Nous, la médiation, on ne veut pas du tout. Tu sais, tu n’es pas capable de collaborer avec monsieur, tu vas pas collaborer en séparant. Si c’est dans un processus qui est fait de façon équitable, oui, mais la personne qui va être là comme médiateur n’est pas ton avocat. Il va juste s’assurer que les choses se passent relativement bien. Tu ne sais pas si tes droits seront respectés. En fait, tu comprends, on les soutient mais on le vit, assistance quand on est donnant » MH1.

De même, les participantes ont mentionné un autre obstacle en lien avec la collaboration entre les organismes. Elles trouvent que les services d’aide en violence auraient de la peine avec le système judiciaire dans l’accompagnement des femmes victimes de violence conjugale. Elles jugent que le système ne serait pas fait pour aider les femmes victimes. Selon les participantes, il y aurait des juges sexistes qui demeuraient avec des idées erronées. Elles estiment que ces juges iraient souvent même à blâmer ou moraliser les victimes au lieu de mettre fin à la relation violente. Toutes ces situations auraient entraîné un manque de foi au système judiciaire. Les victimes et leurs intervenantes n’y croiraient plus. À l’analyse des discours, il ressort que le système serait fait pour décourager les victimes de porter plainte contre leurs agresseurs. En outre, une telle pratique exposerait davantage les victimes à toutes sortes de violence. En plus, les expertises des services d’aide en violence conjugale seraient mal appréciées par les juges. Ces derniers trouvent que ces organismes remontreraient les victimes contre leurs agresseurs. Ainsi, le système judiciaire serait loin de protéger les femmes victimes ou de les encourager à s’autonomiser. Deux interviewées ont affirmé :

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« Donc, moi, je vous dis là, le problème, des juges, des vieux juges qui ont des idées préconçues que c’est quasiment de sa faute qui font la morale. Moi, j’en ai vu des moralisateurs chez les femmes là, puis de dire que quasiment tu n’es pas fâchée là. Le système de justice, moi, je vous dirais que la grande défaillance est le fait que ces femmes ne portent pas plainte et endurent, ce qu’elles ne croient plus au système depuis longtemps. Elles ont toutes les raisons du monde de ne pas lui croire parce que la plupart des intervenantes, nous n’y croyons plus » EMP4.

« La jeune intervenante est venue ici déposer le rapport suite au passage à la cour. Il y avait tous les organismes que monsieur avait consulté, plein de choses. Et nous, il n’y avait pas notre nom là dans parce qu’ils nous ont pas consulté. Et madame était ici avec ses quatre enfants depuis quelques semaines. Ils ne nous ont pas consultés, ils arrivent avec le rapport. Le résultat de la cour. C’est dit que madame est dans une maison d’hébergement qu’elle va se faire gonfler la tête. Dans le rapport de la cour (haute voix) MH1.

Selon la plupart des participantes, les médecins auraient une certaine méconnaissance de la violence conjugale. Ils banaliseraient les souffrances des femmes qui seraient victimes de violence conjugale. Souvent les conséquences de cette banalisation pourraient être lourdes pour les victimes qui verraient leur problème de santé prendre une autre dimension. De même, les médecins ne s’attaqueraient plus aux causes des maladies. Ils ne soigneraient que des symptômes. Or, cette attitude pourrait occasionner d’autres maladies qui pourraient compromettre le bien-être de la victime pendant certain temps, et conséquemment son autonomisation. Une intervenante a évoqué :

« L’hôpital dit, elle n’est pas dangereuse, on va la laisser sortir mais on juge que madame pourra aller bien, doit avoir ses enfants. Elle avait fait carrément une psychose.(…) J’ai dernièrement une femme qui s‘est ramassée en psychiatrie à l’hôpital (…) Je pense que je t’ai donné d’autres exemple. Il y a une responsabilisation de la médecine aussi. Ah! Monsieur a essayé de t’étrangler mais tu n’as rien de grave.(…) comment on la traite au niveau médical . Au niveau médical, on est vraiment dans une logique où on va traiter les symptômes et non les causes. La médication là, moi, quand je commençais, elles prenaient quelques pilules par jour. On avait un casier gros de même pour toute la maison d’hébergement, on a dix femmes et plusieurs enfants. Aujourd’hui, on a deux panneaux d’armoire avec des gros plats en plastique dès fois il y en a qu’un ou deux, une femme sur trois ressorts avec le dépresseur. Un antidépresseur... On donne les pilules mais on ne traite pas les causes » MH1.

Les participantes ont également évoqué la collaboration entre les services d’aide en violence conjugale et les Centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS, anciennement désignés CLSC). Elles trouvent que cette collaboration serait entachée de difficultés dans certaines situations. Les interviewées trouvent que les professionnels du CISSS auraient tendance à minimiser les expertises des services d’aide en violence conjugale ou à se les représenter comme uniquement des aidants naturels, sans reconnaître leur spécialisation. Cette différence de vision serait l’une des sources de la discorde entre ces ressources d’aide en violence conjugale et cette institution. Comme mentionné

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précédemment, la collaboration entre les ressources d’aide serait pourtant nécessaire à l’autonomisation économique des femmes victimes de violence conjugale. Une répondante a affirmé :

« Entre les ressources d’aide en violence et le CLSC: Ou on a par exemple une intervenante du CLSC, qui m’a appelée, bon telle situation, en violence conjugale, j’ai le mandat aujourd’hui de vérifier si je peux lui offrir quelque chose au communautaire avant au moins de lui offrir le service. Ah, pardon, on est sous-traitant, c’est très difficile de reconnaître notre expertise. Et on se fait taxer de féministe. Fait que c’est comme une différence de philosophie. On ne travaille pas tous dans la même optique mais il y a un manque de reconnaissance de notre expertise de ce qui est la violence conjugale » MH1.

Enfin, après avoir mis l’accent sur les difficultés de collaboration entre les organismes d’aide en violence conjugale et d’autres milieux de pratique, nous allons nous pencher sur les contraintes liées aux politiques sociales dans la prochaine sous-section.