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4.3 Sensibilité

Nous avons vu au chapitre 2 que l’interféromètre est sensible aux accélérations relatives entre les référentiels liés au centre de masse des atomes et celui aux équi-phases des lasers Ra-man. Dans le gravimètre, les lasers étant en configuration rétro-réfléchie, les équi-phases lasers sont donc étroitement liées à la position du miroir de rétro-réflexion (au terme près de délai de rétro-réflexion, voir article reproduit au paragraphe 2.4). D’un point de vue pratique, les deux sources principales de bruit correspondent, d’une part aux fluctuations temporelles de la différence de phase des faisceaux Raman et d’autre part aux vibrations parasites du miroir de rétro-réflexion. Un bilan de ces différentes sources de bruit est détaillé dans [Le Gouët thèse] et [Le Gouët 2008], qui est reproduit en fin du chapitre 4.

4.3.1 Bruits de phase des lasers Raman

Le même banc laser sert successivement au refroidissement, à l’interféromètre, puis à la détection et est décrit dans [Cheinet 2006] (reproduit en fin de chapitre, paragraphe 4.6 ). Les faisceaux lasers Raman sont réalisés à l’aide de deux lasers à cavité étendue, qui on été réali-sés au laboratoire [Baillard 2006]. Le premier est asservi en fréquence proche de la transition D2du Rubidium (F = 2 vers F

= 1, 2, 3) via des techniques d’absorption saturée et de batte-ment de fréquence. Le second est asservi en phase par rapport au premier via une rétroaction sur le courant de la diode laser avec une bande passante de plus de 4 MHz. Le bruit total de phase résulte des contributions dues aux résidus de phase de l’asservissement (principalement bruit aux fréquence supérieures à la bande d’asservissement), du bruit de la référence de fré-quence micro-onde, aux bruits de propagation dans la fibre optique Raman (propagation dans la même même fibre mais suivant les deux axes propres de polarisation orthogonaux) et au délai de propagation couplé au bruit de fréquence du laser maître [Le Gouët 2007]. L’impact de ces différentes sources de bruit peut être étudié séparément grâce à la fonction de sensi-bilité (paragraphe 2.3). L’impact total est estimé à 3.5 mrad par coup, donnant une limite à la sensibilité de 4.10−9 g en une seconde, bien en dessous de la contribution liée aux vibra-tions parasites. De plus, les deux termes principaux peuvent être notablement réduits : le bruit de phase hors de la bande de l’asservissement, par exemple en augmentant la bande grâce à un modulateur électro-optique intra-cavité [Le Gouët 2009], et le bruit dû au délai de rétro-réflexion en améliorant l’asservissement de fréquence du laser maître. Il est donc possible de réduire l’ensemble des contributions pour atteindre un niveau de bruit permettant d’atteindre une sensibilité au niveau de 10−9g en une seconde tout en gardant un interféromètre de temps d’interrogation réduit (2T = 100 ms).

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4.3.2 Vibrations parasites

La deuxième source de bruit est liée aux vibrations parasites qui ont deux origines : les vibrations du sol et l’acoustique. Seules les sources de bruit à hautes fréquences (comparables à la fréquence de cycle ou supérieures) ont un réel impact, puisque les variations à basses fréquences peuvent être mesurées et moyennées : elles constituent le signal. Par ailleurs, l’in-terféromètre étant sensible aux positions des équi-phases au moment des trois impulsions, la sensibilité aux accélérations hautes fréquences f (au dessus de la fréquence de mesure 1/(2T) = 10 Hz) décroît donc comme f−2. La gamme de fréquence pertinente des vibrations parasites, qui ont ont une influence, se situe donc typiquement entre 1 et 100Hz. Il est possible de cal-culer facilement la fonction de transfert de sensibilité aux vibrations à partir celle à la phase (voir eq. 2.32) en considérant d’une part qu’un saut de position et de phase sont équivalent, à un facteur kef f près, et que l’accélération est la dérivée seconde de la position. A basse fréquenceω << ΩR, la fonction de transfert de puissance d’accélération s’écrit :

|Ha(ω)2| = 16k

2

ω4sin2(ωT

2 ) (4.2)

La sensibilité est constante en basse fréquence, puis décroît enω4 à haute fréquence avec des zéros aux harmoniques de1/T . Il est possible d’en déduire la limite de la sensibilité à un coup due aux vibrations parasites de densité spectrale de bruitSa(ω) et pour un temps de cycle Tc

comme étant la somme des harmoniques de fréquence de cyclefc = 1/Tc :

σ2Φ = k 2 ef f Tc X n=1 |Ha(2πnfc)|2Sa(2πnfc) (4.3)

Les vibrations acoustiques sont efficacement filtrées par l’utilisation d’une boîte tapis-sée à l’intérieur de mousse acoustique. Les vibrations du sol sont liées d’une part au fond sismique et d’autre part aux activités humaines à l’intérieur du laboratoire (climatisation, mezzanine, déplacement dans le laboratoire...) et à l’extérieur (passage du RER B sous le boulevard Denfert-Rochereau). L’impact de ces sources de bruit est notablement réduit par l’utilisation d’une plateforme anti-vibration passive (Minus-K) qui filtre efficacement le bruit au dessus de 1 Hz. En utilisant uniquement cette plateforme, les performances à court terme dépendent notablement de l’environnement extérieur, variant de 7.10−8 g.Hz−1/2 en pleine journée à 1.4.10−8 g.Hz−1/2 la nuit avec la climatisation éteinte.

4.3.3 Corrélation avec un sismomètre

Pour filtrer efficacement de façon active les vibrations à haute fréquence, il faut pouvoir les mesurer indépendamment au même niveau de sensibilité et de manière corrélée avec

l’ac-124 4.3 Sensibilité quisition de l’interféromètre. Pour cela, nous utilisons un sismomètre (GURALP T40) dont la bande passante (0,03 à 50 Hz) est adaptée à notre expérience. Le signal peut être utilisé pour réaliser un asservissement actif de la plateforme anti-vibration [Hensley 1999] ou plus simplement pour corriger des déphasages parasites. C’est cette dernière voie que nous avons testée de deux façons différentes.

La première méthode consiste en une acquisition simultanée avec l’interféromètre (figure 4.8), utilisée à postériori pour corriger le résultat issu du déphasage atomique. La seconde mé-thode consiste à modifier l’asservissement de phase en lui ajoutant un bruit de phase opposé à celui correspondant aux vibrations. Ces deux méthodes ont donné des résultats équivalents. Nous utilisons principalement la première méthode qui a l’avantage de la simplicité d’utili-sation. Ces deux méthodes permettent d’obtenir une sensibilité de 2,5 à 3.10−8 g.Hz−1/2 de façon très reproductible (de jour comme de nuit).

FIG. 4.8 : Interférogramme en bloquant la plateforme anti-vibration. L’abscisse est déterminée en cal-culant le déphasage atomique attendu à partir du signal issu du sismomètre.

La limite à cette méthode de corrélation de signaux est liée à la non linéarité du sismomètre et principalement à son filtre passe-bas qui déphase son signal aux fréquences supérieures à quelques Hz. Nous avons pu améliorer la corrélation à l’aide d’une méthode de filtrage numé-rique du signal issu du sismomètre, permettant d’obtenir une sensibilité de 2.10−8g.Hz−1/2, le bruit résiduel étant principalement dû aux couplages avec les axes horizontaux du sismomètre.

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4.3.4 Mesures sans isolation des vibrations

Un des intérêts de la méthode de corrélation est de permettre de s’affranchir complète-ment de la plateforme d’isolation des vibrations, relativecomplète-ment encombrante en utilisant le gra-vimètre directement posé au sol. Sans cette méthode, le temps d’interrogation doit être limité à T = 10 ms afin que le déphasage reste inférieur àπ/2 et d’éviter le problème d’ambiguïté de phase [Merlet 2009] (article reproduit à la fin du chapitre, paragraphe 4.6). Grâce à l’utili-sation des signaux corrélés du sismomètre et de l’interféromètre, il est possible d’obtenir des sensibilités de 1,8.10−7g.Hz−1/2le jour et de 5,5.10−8g.Hz−1/2la nuit lorsque les sources de bruit dans la gamme 1 à 10 Hz sont nettement réduites. Enfin, en modifiant l’algorithme d’as-servissement sur la frange centrale il est également possible de mesurer des variations très rapides des signaux comme, par exemple, ceux issus de tremblement de Terre (figure 4.9), démontrant la possibilité de travailler dans des environnements très bruités.

FIG. 4.9 : Fluctuation du signal de gravité lors du tremblement de terre survenu en Chine le 20 mars 2008 et de magnitude 7,7. Les mesures ont été effectuées avec le gravimètre directement posé au sol. Les déphasages dépassent alors2π, mais l’utilisation simultanée du sismomètre permet de lever l’ambiguïté de phase.