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2.3 Fonction de sensibilité

Afin d’utiliser les interféromètres atomiques pour des mesures de précision, il faut pouvoir calculer l’impact des différentes sources expérimentales de bruit ou de biais. Pour cela, il faut considérer les trois durées caractéristiques de l’interféromètre : la durée des impulsions Raman τ , la durée entre deux impulsions T et la durée d’un cycle de mesure Tcincluant les phases de préparation des sources atomiques et de détection.

Considérant l’équation 2.16, les effets d’échantillonnage liés à la nature séquentielle de l’expérience, utilisant trois impulsions séparées par des durées de vol libre d’une part et avec des temps morts pendant le chargement et la détection d’autre part, peuvent être calculés assez facilement (T < Tc) [Yver-Leduc 2005].

La prise en compte de la durée finie des impulsions lasers est plus complexe et notamment en présence de forces d’inertie. En utilisant la méthode dite de la fonction de sensibilité, initia-lement développée pour les horloges atomiques [Dick 1987, Santarelli 1998, Quessada 2003], il est possible de prendre en compte à la fois les effets d’échantillonnage et de durée finie des impulsions. Cette méthode consiste à calculer la fonction de sensibilité à un saut de phase prenant en compte la durée finie des impulsions lasers [Cheinet 2008]. Elle permet ensuite d’en déduire l’effet de toute perturbation temporelle ou de calculer la réponse spectrale aux fluctuations de phase. Par la suite, cette méthode a été étendue à l’impact de toute perturba-tion se traduisant par une fluctuaperturba-tion de phase vue par les atomes : accéléraperturba-tions, rotaperturba-tions et fluctuations de la fréquence de transition dues aux champs magnétiques ou aux déplacements lumineux des niveaux atomiques par les faisceaux Raman [Cheinet thèse, Canuel thèse].

Ce formalisme s’est avéré un outil extrêmement pratique pour l’optimisation des deux expériences de gyromètre à atomes froids (voire paragraphe 3.3) et du gravimètre (chapitre 4), pour la caractérisation des erreurs systématiques et surtout pour l’amélioration du rapport signal à bruit des expériences, permettant notamment d’analyser séparément les contributions des différentes sources de bruit.

2.3.1 Sensibilité au bruit de phase

Nous calculons la variation de probabilité de transition, δP , de l’interféromètre pour une variation infinitésimale de phase laser δφ imprimée à l’instant t sur la phase atomique. La fonction de sensibilité de l’interféromètre gφ(t) est définie par :

gφ(t) = 2 lim

δφ→0

δP (δφ, t)

Interférométrie atomique : principe et sensibilité 29 Expérimentalement, les mesures sont réalisées à flanc de frange pour maximiser la sen-sibilité. Pour cela, un déphasage de π

2 est introduit entre deux impulsions Raman tel que (φ1 − 2φ2+ φ3 = π

2) . Dans ce cas la sensibilité à la phase peut être linéarisée : gφ(t) = lim

δφ→0

δΦ(δφ, t)

δφ (2.22)

Dès lors, le déphasage en sortie de l’interféromètre pour une évolution quelconque de la phase des lasers est donné par :

∆Φ = Z +∞ −∞ gφ(t)dφ(t) = Z +∞ −∞ gφ(t)dφ(t) dt dt (2.23)

Pour calculer l’impact d’un saut de phase δφ à l’instant t pendant une impulsion, il suffit de remplacer la matrice d’évolution (eq.2.12) de cette impulsion par un produit de deux matrices, l’une faisant évoluer l’état atomique entre le début de l’impulsion et l’instant t avec la phase φi et l’autre entre l’instant t jusqu’à la fin de l’impulsion avec la phase φi+ δφ. Pour connaître l’effet de ce saut de phase à l’instant t sur l’interféromètre, il suffit de réutiliser la matrice de transfert de l’interféromètre Mtot(t) (eq.2.14) avec ce changement.

FIG. 2.8 : Mesure de la fonction de sensibilité. La probabilité de transition est enregistrée en fonction du moment auquel le saut de phase est appliqué. Les données (croix) sont ensuite normali-sées par l’amplitude du saut de phase et comparées à la courbe théorique (ligne).

30 2.3 Fonction de sensibilité Dans le cas où les l’intensités des faisceaux lasers sont identiques lors des trois impulsions (ΩR constant)1, les durées des trois impulsions Raman valent respectivement τ − 2τ − τ. Ainsi, en prenant l’origine des temps au milieu de l’impulsion π nous obtenons pour gφ(t) une fonction impaire [Cheinet 2008] :

gφ(t) =      sin(2ΩRt) 0 < t < τ 1 τ < t < T + τ sin(ΩR(t − T −τ 2) + π 2) T + τ < t < T + 2 (2.24) où ΩRτ = π 2.

2.3.2 Calcul du facteur d’échelle aux forces d’inertie

Nous nous intéressons maintenant à la modification du facteur d’échelle, à la rotation et à l’accélération liée à la durée finie des impulsions lasers.

Nous avons vu que l’effet d’une accélération pouvait être traité comme un déplacement des équi-phases lasers dans le référentiel des atomes en chute libre ; la phase Raman instantanée imprimée sur la phase atomique φeff(t) :

φeff(t) = keffat

2

2 + keffv0t + φ

0(t) (2.25)

Le déphasage interférométrique est calculé avec l’équation 2.23 : ∆Φacc=

Z +∞

−∞

gφ(t)keff(at + v0)dt (2.26)

La symétrie impaire de la fonction de sensibilité gφ(t) implique que le déphasage ne dé-pend pas de la vitesse initiale v0des atomes. La sensibilité de l’interféromètre est alors donnée en intégrant l’équation 2.26. La durée finie des impulsions lasers modifie légèrement le facteur d’échelle :

∆Φacc= keffa(T + 2τ )(T + 4

πτ ) (2.27)

Pour des paramètres correspondant à l’expérience du gravimètre : τ = 6 µs et T = 50ms, la correction apportée par la durée finie des impulsions est de 4 10−4.

Nous reprenons le même calcul pour obtenir la modification du facteur d’échelle lié à une vitesse de rotation constante. La phase instantanée des lasers s’écrit :

1Notons que dans l’expérience de gyromètre à atomes froids, c’est la durée des impulsions τ qui est constante, les formules données dans [Canuel thèse] sont donc légèrement différentes

Interférométrie atomique : principe et sensibilité 31

φeff(t) = 2keffvΩt

2

2 + keffv0t + φ

0(t) (2.28)

En tenant compte de la modification de la sensibilité de l’interféromètre induit par la durée finie des impulsions Raman (équation 2.23), le déphasage atomique mesuré en présence d’une rotation uniforme et constante Ω est donnée par :

∆Φrot = 2keffvΩ(T + 2τ )(T + 4

πτ ) (2.29)

Pour des paramètres correspondant à l’expérience du gyromètre τ = 15 µs et T = 40 ms la correction apportée par la durée finie des impulsions est de 0,1%. Cette modifica-tion du facteur d’échelle liée à la durée finie des impulsions lasers peut aussi être interpré-tée comme une modification de l’aire interférométrique lors de l’interaction avec les paquets d’ondes [Antoine 2006, Antoine 2007]. De manière générale, pour un interféromètre utilisant des impulsions de durées τ1, τ2et τ3 = τ1, la sensibilité devient :

∆Φrot = 2keffvΩ(T + τ2)(T + 4

πτ1) (2.30)

2.3.3 Impact sur l’interféromètre des différentes sources de bruit

De façon similaire à celle utilisée pour la sensibilité aux forces d’inertie, nous pouvons évaluer le déphasage induit par les différentes sources d’erreur systématique (gradient de champ magnétique, déplacement lumineux à un ou deux photons, interaction entre atomes froids...). Il faut alors calculer la fonction de sensibilité à chaque perturbation puis intégrer l’effet sur la trajectoire atomique. Cela nous permet de quantifier les spécifications sur le contrôle des différents paramètres expérimentaux : du champ magnétiques, du rapport d’in-tensité entre les faisceaux lasers Raman, de l’ind’in-tensité totale ou du désaccord Raman.

Dans le cas de perturbations temporelles aléatoires, il n’est plus possible de calculer exac-tement le déphasage, mais nous pouvons l’estimer à partir de la densité spectrale de bruit dans l’ensemble de la gamme d’intérêts pour l’interféromètre. Il faut pour cela pouvoir mesurer de façon indépendante l’ordre de grandeur des fluctuations du ou des paramètres expérimen-taux impliqués (intensité, fréquence ou phase des faisceaux lasers Raman, champ magnétique, vibrations...). Il est alors possible d’en déduire l’impact sur le rapport signal à bruit en utili-sant la transformée de Fourrier de la fonction de sensibilité [Cheinet 2008], puis d’optimiser l’expérience en réduisant chaque source de bruit, sans pour autant utiliser l’interféromètre directement.

32 2.3 Fonction de sensibilité L’impact sur le déphasage de l’interféromètre d’un bruit de phase des lasers Raman de densité spectrale de puissance Sφ(ω) vaut :

rmsΦ )2 =

Z +∞

0 |H(ω)|2Sφ(ω)dω (2.31)

où H(ω), la fonction de transfert s’écrit :

H(ω) = 4iωΩR ω2− Ω2 R sin(ω(T + 2τR) 2 )(cos( ω(T + 2τR) 2 ) +R ω sin( ωT 2 )) (2.32)

La première partie de ces études a concerné la stabilité relative de phase entre les deux faisceaux lasers Raman, de longueur d’onde autour de 852 (resp. 780 nm) pour le césium (resp. le rubidium), et dont l’écart en fréquence est de 9,2 GHz (resp. 6,8 GHz). L’un des deux faisceaux lasers Raman est asservi en phase par rapport à l’autre via un battement optique et une référence de fréquence micro-onde. Les références de fréquences micro-ondes et les asservissements de phase des faisceaux lasers Raman ont été spécifiquement optimisés pour l’interférométrie atomique [Cheinet 2008, Nyman 2006, Le Gouët 2008]. La contribution to-tale de ces deux termes au déphasage des interféromètres a été ramenée en dessous de 1 mrad pour des paramètres typiques (temps d’interrogation 2T de l’ordre de 100 ms et durée des impulsions de l’ordre de 10 µs).

Nous avons également mis en évidence et caractérisé l’effet d’un délai de propagation différent entre les deux faisceaux lasers Raman qui transforme le bruit de fréquence du laser de référence en bruit de phase sur l’interféromètre et qui avait toujours été considéré comme non critique [Le Gouët 2007].

Une troisième partie a porté sur l’étude et la réduction des déplacements de fréquences, qui sont dus aux champs magnétiques et aux fluctuations des puissances des faisceaux lasers Raman, et pour lesquels l’utilisation de blindages magnétiques et du contrôle de la puissance des faisceaux Raman se sont avérés nécessaires [Canuel thèse].

L’ensemble de ces études a permis d’améliorer le rapport signal à bruit pour ne plus être limité que par les accélérations parasites pour l’accélération et le bruit de détection pour les mesures de rotation. Dans le cas du gyromètre, un rapport signal à bruit coup à coup de 200 (5 mrad de bruit de phase) a été obtenu pour la mesure de la rotation (c.f. chap.3.3). Pour l’accélération, le rapport signal à bruit obtenu sur le gravimètre est de 70, permettant d’obtenir une sensibilité au niveau de l’état de l’art tout en utilisant un temps de mesure relativement réduit (100 ms) [Le Gouët 2008].

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