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Etat de l’art des gravimètres

3.5 Articles gyromètre

4.1.1 Etat de l’art des gravimètres

112 4.1 Introduction Pour mesurer les variations de g, il est possible d’utiliser un ressort tendu sous le poids d’une masse. Les variations de position de la masse rendent compte des variations de l’accélé-ration terrestre g. Un tel système présente cependant une résonance qui complique la mesure. La première méthode de montage permettant d’obtenir une grande sensibilité a été réalisée par La Coste et Romberg : elle consiste à maintenir la masse par des ressorts dits de longueur effective nulle, montés avec un angle de 45°. La période d’oscillation tend alors vers l’infini et ne gêne plus la mesure. Un bon contrôle de la température et l’utilisation de ressorts en silice fondue a permis la construction de gravimètres de très grande sensibilité (3.10−8 g.Hz−1/2) malgré un retour à une géométrie verticale. Ces instruments sont affectés d’une dérive im-portante de quelques 10−8 g par jour, liée au vieillissement des ressorts et à la dérive de leur constante de raideur. Pour connaître la valeur de la gravité terrestre en un point avec ce type d’appareils, il faut au préalable réaliser un étalonnage à l’aide d’un gravimètre absolu ou d’une plateforme d’étalonnage [Riccardi 2002]. Par contre, la simplicité du principe de mesure a permis de rendre ces appareils très compacts et transportables.

Une technologie plus récente de gravimètre relatif s’est développée avec l’apparition des matériaux supra-conducteurs. Une sphère supraconductrice est mise en lévitation dans un champ magnétique généré par des bobines dont on contrôle l’alimentation. Un asservisse-ment est réalisé sur la position de la sphère en réagissant sur le courant des bobines. Le signal d’erreur de l’asservissement donne alors les variations de l’attraction terrestre. Cette méthode offre une sensibilité exceptionnelle de l’ordre de 10−12g.Hz−1/2. De plus la dérive observée est extrêmement faible et vaut typiquement quelques 10−9g par an [Hinderer 2002]. Elle est liée à l’instabilité des courants persistant dans les bobines supraconductrices et des varia-tions de géométrie. La contrepartie à cette sensibilité exceptionnelle est la nécessité d’une enceinte cryogénique. De plus, tout déplacement requiert d’arrêter la lévitation et impose un ré-étalonnage de l’appareil.

Gravimètre commercial FG5

Un gravimètre est qualifié d’absolu lorsqu’il mesure g sans besoin d’étalonnage. Actuelle-ment le gravimètre absolu le plus exact disponible dans le commerce (FG5, Microg Solutions) est fondé sur un interféromètre optique de Michelson [Faller 1967, Marson 1986]. L’un des miroirs est un coin de cube en chute libre, tandis que le miroir immobile joue le rôle de ré-férence spatiale. En sortie de l’interféromètre, le déplacement du coin de cube fait défiler les franges d’interférences (fig. 4.1). La différence de chemin optique entre les deux bras de l’in-terféromètre est donnée par l’équation du mouvement du miroir en chute libre, et le signal

Gravimètre à atomes froids 113 reçu sur la photodiode rapide varie comme :

I(t) = I0 cos 2π λl  1 2gt 2+ v0t  + Φ  (4.1) où la durée t de la chute est mesurée par une horloge atomique au Rubidium. Il suffit alors d’ajuster le signal à la fonction 4.1 pour connaître l’accélération de pesanteur locale.

FIG. 4.1 : Principe du gravimètre absolu à coin de cube en chute libre. La chute du miroir le long des plans équiphases fait varier la différence de chemin optique par rapport au miroir de réfé-rence comme 1

2gt

2. Le défilement des franges est mesuré par une photodiode à avalanche (APD).

Après correction des effets systématiques tels que le désalignement du faisceau laser, les gradients de gravité le long de la chute, les effets de marées terrestres et océaniques, de l’at-mosphère, et du déplacement de l’axe de rotation de la Terre, l’exactitude annoncée est de δg ≈ 2 10−9g, soit aussi 2 µGal (1 Gal =1 cm/s2). Ses performances sont suffisantes pour l’objectif de la balance du watt, et cet instrument a donc été choisi dans les balances améri-caine, anglaise, et suisse. Cependant, d’une part les interféromètres atomiques se révèlent être plus sensibles et d’autre part ils permettent d’effectuer des mesures de g par des méthodes tout à fait différentes de celles des gravimètres à coin de cube, permettant d’identifier d’éventuels effets systématiques.

Interférométrie atomique

La première mesure de l’accélération de pesanteur par un interféromètre atomique a été réalisée en 1992 à Stanford, dans le groupe de Steven Chu [Kasevich 1992]. La manipulation cohérente des atomes de Césium était réalisée par des transitions Raman stimulées, dont le

114 4.1 Introduction principe a été rappelé au chapitre 2.2. Le schéma est similaire à celui de l’interféromètre de Mach-Zehnder en optique : une première transition sépare les paquets d’ondes, une seconde les redirige l’un vers l’autre, et une dernière recombine les paquets d’ondes des deux che-mins pour faire interférer les états d’impulsions identiques (fig. 4.2). La source est un nuage d’atomes froids, dont la dispersion en vitesse étroite assure un bon contraste et un temps d’in-terrogation élevé. Les deux états de sortie de l’interféromètre sont identifiés par leur niveau d’énergie électronique, ce qui permet une détection simple par fluorescence [Bordé 1989].

FIG. 4.2 : Gauche : schéma de l’interféromètre à ondes de matière obtenu avec des transitions Raman. L’accélération g déforme les trajectoires par rapport aux surfaces d’ondes lasers. La me-sure deg est déduite de la probabilité de transition d’un état d’impulsion à l’autre. Droite : fontaine atomique utilisée pour le gravimètre de Stanford. (Images tirées de [Peters 1999])

La sensibilité croissant comme T2justifie l’intérêt des atomes froids pour ces expériences : le flux d’atomes élevé dans une distribution en impulsion étroite permet d’augmenter la durée 2T de l’interféromètre tout en conservant un bon rapport signal à bruit. Une configuration de fontaine atomique a été choisie, dans l’expérience de Stanford, pour augmenter encore la durée de l’interféromètre et la sensibilité. Comme nous le détaillons plus loin, les atomes de notre expérience sont simplement lâchés, ce qui réduit certes la sensibilité pour une mesure, mais permet de réduire l’encombrement de l’enceinte à vide, d’augmenter le taux de répétition et de réduire les effets systématiques liés aux défauts de trajectoires atomiques lors du lancement. Nous verrons également qu’en améliorant le rapport signal à bruit, les sensibilités obtenues sont finalement similaires.

Gravimètre à atomes froids 115 Différents effets systématiques peuvent entâcher les gravimètres atomiques : des erreurs d’origine mécanique (alignements), liées aux défauts de trajectoires atomiques (sensibilité à la rotation et aux aberrations optiques), aux interactions atome-photon (effet Zeeman, déplace-ment lumineux) ou atome-atome. Le bilan d’exactitude du gravimètre de Stanford, achevé en 1999, donne une erreur relative sur g de 3 10−9 [Peters 1999, Peters 2001]. Une comparaison entre la mesure de ce gravimètre atomique et celle d’un FG5 sur le même site avait donné des résultats compatibles, aux incertitudes de mesure et de comparaison près. Néanmoins, l’effet des défauts de fronts d’onde des faisceaux lasers Raman n’a pas été pris en compte et repré-sente, sans doute, une des sources principales de biais. Nous aborderons ce point par la suite. A cette occasion, l’interféromètre atomique avait montré une sensibilité sur une seconde 4 fois meilleure que celle de l’interféromètre optique dans les conditions particulières de vibrations du laboratoire. Ce gain était en grande partie dû au taux de répétition plus élevé du gravimètre atomique. En effet, pour le FG5, il faut attendre une dizaine de secondes entre deux mesures, avant que les vibrations causées par la chute du coin de cube ne s’estompent. En augmentant le temps d’interrogation à 2T = 800 ms, la sensibilité a été un peu améliorée [H-Müller 2008] pour atteindre 8 10−9g sur une seconde . Le gravimètre atomique est ainsi apparu comme un bon candidat pour les expériences de balance du watt.

D’autre type d’interféromètres atomiques ont été proposés pour mesurer l’accélération de la gravité, en utilisant les transitions à deux photons dans le régime de Kapitza-Dirac [Cahn 1997, Weel 2006], ou en utilisant des transitions dans le régime de Bragg ou Ra-man [Impens 2006, Impens 2008, Hughes 2009].

4.1.2 Applications

La mesure absolue de l’accélération locale de la pesanteur est essentielle dans de nom-breux domaines, de la géophysique à la métrologie. C’est ainsi par exemple qu’a été mis en évidence ce qui fut désigné comme "l’anomalie de Bouguer”. Au cours de l’expédition qu’il mena au Pérou avec La Condamine de 1735 à 1743, afin d’y mesurer un degré de méridien à l’équateur, Pierre Bouguer procéda à des relevés de l’accélération de pesanteur g en utilisant un pendule. Bien qu’il prît en compte le gradient de gravité et l’influence des reliefs voisins, ses mesures rapportées à l’ellipsoïde de référence révélèrent des valeurs de g plus faibles au sommet des montagnes que dans les plaines, alors que l’on attendait au contraire que la masse de roche souterraine augmentât l’attraction terrestre. Ces observations ont été ensuite générali-sées, jusqu’à être obtenues aujourd’hui par des satellites. L’anomalie de Bouguer s’interprète, à présent, comme une diminution de l’épaisseur de la croûte terrestre sous les reliefs.

116 4.1 Introduction Depuis, la gravimétrie est notamment mise à profit pour la prospection minière [Marson 1986]. En établissant un réseau de stations de mesures autour d’un site où une valeur absolue de g est connue, la cartographie des anomalies permet de détecter d’éventuels gisements, en tenant compte de multiples corrections : latitude (forme de la Terre et force centripète), gradient de gravité, correction de Bouguer, reliefs voisins...

En géophysique, le calcul du géoïde [Novak 2003] nécessite la connaissance absolue de l’accélération terrestre sur un très grand nombre de stations réparties sur la surface du globe, complétées par des mesures aériennes et plus récemment spatiales. En vulcanologie, les études sismiques permettent d’étudier l’activité d’un site, la composition de la croûte terrestre, sa dé-limitation avec le manteau ou leurs mouvements respectifs [Battaglia 1999, Mantovani 2001]. Notre gravimètre est quant à lui destiné à fournir une mesure absolue de g pour une me-sure dans la balance du watt. L’expérience, décrite dans le paragraphe suivant, permettra de proposer une nouvelle définition du kilogramme. L’exactitude relative visée pour la mesure de masse étant de 10−8, celle de notre gravimètre est de δg

g = 10

−9. Ainsi, après transfert entre les deux positions du gravimètre et de la balance, séparées de typiquement 10 m, l’erreur sur la connaissance de la gravité reste négligeable dans le bilan d’erreur total.