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5. Les Maladies du Bois et les dépérissements dus aux Botryosphaeriaceae

5.2. Les Botryosphaeriaceae, une famille d’agents pathogènes complexes C’est en 1974, en Hongrie que Lehoczky décrit pour la première fois des symptômes

5.2.7. Sensibilité des Botryosphaeriaceae aux fongicides

Depuis 2001 avec le retrait de l’arsénite de soude et en 2007 avec le retrait du flusilazole et de carbendazime, aucune lutte de type chimique totale contre ces agents pathogènes hormis l’utilisation d’agents de biocontrole (T. atriviride, T. asperellum et T. gamssi) n’est disponible.

De nombreux fongicides aux modes d’action différents ont été employés afin d’évaluer leur efficacité contre les agents responsables de dépérissement sur la vigne (Tableau 9). Ainsi, Rolshausen et al. (2010) ont-ils démontré une efficacité du thiophanate de méthyle lors de son évaluation comme protection des plaies de taille contre 9 agents pathogènes des dépérissement du bois de la vigne (E. lata, B. dothidea, D. seriata, Do. viticola, L. theobromae, P. chlamydospora, Pleurostomophora richardsiae, Togninia minima et Phaeoacremonium parasiticum). Des tests d’agressivité, couplés à l’évaluation du contrôle de la maladie par des fongicides in vitro et in planta, ont été réalisés avec différentes espèces de Botryosphaeriaceae : B. dothidea, D. seriata, D. mutila, N. parvum et L. theobromae. Des tests de croissance mycélienne en présence de fongicides et la mesure des nécroses et des

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chancres sur boutures traitées par 20 fongicides différents a montré une efficacité de différentes molécules, possédant des modes d’action différents (fludioxonil, carbendazime, fluazinam, tébuconazole, flusilazole, myclobutanil, penconazole, procymidone, iprodione et pyraclostrobine ; Pitt et al., 2012). En vigne, il semble que les inhibiteurs de la biosynthèse des stérols (flusilazole, tébuconazole) et de la tubuline (carbendazim, thiophanate méthyle), et le mancozèbe (un multi-site) soient les fongicides les plus efficaces après une inoculation de N. luteum au vignoble (Amponsah et al., 2012). Des études in vitro révèlent une réduction de la croissance mycélienne et de la germination des spores chez N. australe, N. luteum et D. mutila. Cependant, sur des portes-greffes et des greffons infectés, cette même étude s’est avérée moins concluante pour certains fongicides comme le carbendazime et le tébuconazole (Billones-Baaijens et al, 2015).

La vigne est traitée par de nombreux fongicides pour lutter contre les divers agents pathogènes qui l’attaquent tels que Erysiphe necator, agent responsable de l’oïdium, Botrytis cinerea responsable de la pourriture grise, ou encore Plasmopara viticola agent responsable du mildiou. L’usage parfois intensif et la sélection effectuée par les produits ont conduit à la mise en place de phénomènes de résistance chez ces agents pathogènes (Ishii et al., 2015, Chen et al., 2007 ; Dufour et al., 2011). Parmi ces résistances, celles aux inhibiteurs de la voie de biosynthèse des stérols (DMI) ou aux inhibiteurs de la biosynthèse de la tubuline (benzimidazole) ou encore aux inhibiteurs de la chaine respiratoire (QoI) sont particulièrement répandues du fait de l’usage de ces produits sur de nombreuses cultures végétales (Ishii et al., 2015). Il devient alors intéressant de se pencher sur la sensibilité des espèces de Botryosphaeriaceae présentes dans le vignoble français et de comparer leur sensibilité aux fongicides commercialisés ayant des modes d’action divers dans le but d’identifier si un effet non intentionnel de ces derniers a pu entrainer l’apparition de résistance.

Selon le FRAC (« Fungicides Resistance Action Committee »), les fongicides sont classés selon leur mode d’action et selon leur cible. Au cours de ce travail de thèse, nous avons utilisé des fongicides à différents modes d’action et seuls ceux-ci seront décrits en détail. À noter toutefois, que la plupart des produits et des modes d’action ne sont pas homologués pour traiter les MDB, à l’exception de l’Esquive WP qui est un produit de biocontrôle.

Les inhibiteurs de la respiration

Les molécules de cette classe agissent sur les complexes enzymatiques (au nombre de cinq) constituant la chaîne respiratoire mitochondriale de la cellule fongique, et plus particulièrement sur les complexes II et III de la chaine respiratoire mitochondriale (Figure 5). Les inhibiteurs du cytochrome bc1 du complexe III de la chaîne respiratoire mitochondriale

Le cytochrome bc1 est un homodimère dont chaque monomère est scindé en 9 sous-unités qui sont situées sur la surface interne de la membrane mitochondriale. Les inhibiteurs du complexe III sont répartis en deux sous-groupes en fonction du site d’action où ils agissent (Figure 5), les QoI (Quinone outside Inhibitors) comme l’azoxystrobine et les QiI (Quinone inside Inhibitors) (Sierotzki and Scalliet, 2013 ; Leroux and Walker, 2015).

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L’azoxystrobine, un QoI, appartient à la famille chimique des strobilurines et inhibe la chaîne respiratoire mitochondriale au niveau du complexe III (ubiquinol-cytochrome c réductase) par l’inhibition du QoI (site d'oxydation de l'ubiquinol) du cytochrome bc1. Ces composés ont été commercialisés dans les années 1990 comme fongicides et des résistances généralisées à ce mode d’action se sont rapidement étendues à l’ensemble des agents pathogènes.

Les QiI, dont la cyazofamide, appartiennent à la classe 4 et inhibent le complexe III du cytochrome bc1 de la chaine respiratoire. Ces inhibiteurs agissent en se positionnant sur le site de réduction par fixation sur la membrane interne de la mitochondrie (Figure 5).

Inhibiteur de la Succinate Déshydrogénase (SDHI) du complexe II de la chaîne respiratoire mitochondriale

Le complexe II est composé de quatre sous-unités : une flavoprotéine SDH-A qui catalyse le succinate en fumarate dans le cycle de Krebs, une protéine ion-sulfure (SDH-B) permettant le transfert des électrons de la succinate à l’ubiquinone ; et deux sous-unités SDH-C et D ancrées dans la membrane (Sierotski and Scalliet, 2013). L’une de ces molécules, le Fluopyram (classe C2) est un inhibiteur de la Succinate déshydrogénase qui appartient à la famille des Pyridinyl-ethyl-benzamides et agit sur le complexe II de la chaîne respiratoire. Des cas de résistance à ces molécules récemment mises sur le marché commencent à apparaitre (Avenot et al., 2010 ; Amiri et al., 2014).

Figure 5 : Complexes de la chaîne respiratoire

(selon KEGG, http://www.genome.jp/kegg-bin/show_pathway?map00190)

Les inhibiteurs de la voie de biosynthèse des stérols

Cette classe (classe G selon le FRAC) de fongicides a été développée dans les années 1970. Ils sont connus pour être actifs sur l’oïdium et certaines rouilles et affectent différentes enzymes de la voie de biosynthèse des stérols des champignons. En effet, les champignons synthétisent majoritairement de l’ergostérol, exception faite des rouilles et des oïdiums. Les stérols représentent des composants essentiels de la membrane fongique, avec majoritairement l’ergostérol (Figure 6). Les inhibiteurs des stérols (IBS) sont divisés en quatre sous-groupes. Seuls les sous-groupes de classe GI et de classe GII nous intéressent dans cette étude et ont été utilisés.

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Parmi les IBS de classe I, les inhibiteurs de la 14α-déméthylase (DMI) sont scindés en cinq familles chimiques comprenant les triazoles, les pipérazines, les pyridines, les pyrimidines et les imidazoles. Cette dernière famille recense un grand nombre de molécules actives dont le tébuconazole. La C14 déméthylase, catalyse l’enlèvement d’un méthyle sur la molécule de stérol du champignon sur la face alpha. Ainsi lors de son inhibition un complexe est formé entre l’atome d’azote du fongicide et l’oxygène moléculaire catalysé dans le noyau hème d’un cytochrome P450, bloquant la biosynthèse des stérols dans la cellule. Le tébuconazole est utilisé au vignoble pour lutter contre l’oïdium et le black rot. De nombreux cas de résistance ont été décrits, dont pour E. necator (Délye et al., 1997 ; Dufour et al., 2011).

Figure 6 : Voie de biosynthèse des stérols chez les champignons, (d’après Leroux, Walker, Debieu)

Les inhibiteurs de la Δ8-7 stérol isomérase et de la Δ14 réductase (IBS II)

Parmi ce groupe des IBS de classe II, trois familles de molécules existent dont celle des spirocétalamines, famille à laquelle appartient la spiroxamine. Les spirocétalamines ciblent la Δ14

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champignons. En présence de molécules de spirocétalamine, des souches de Fusarium (M. nivale) accumulent des Δ8,14-stérols et/ou des Δ8-stérols dans leur mycélium, stérols impropres à la biosynthèse de l’ergostérol (Debieu et al., 2000). La spiroxamine est utilisée dans la lutte contre l’oïdium en viticulture.

Inhibiteurs du cytosquelette :

Les inhibiteurs de la β-tubuline et de la division cellulaire

Les inhibiteurs de la β-tubuline (molécules de classe B, classification FRAC) agissent au niveau de la mitose et de la division cellulaire avec pour cible, la β-tubuline, une des protéines constitutives du dimère (formée de deux sous-unités α et β), participant à la formation de filaments de microtubules, et intervenant dans la division nucléaire. Les molécules antifongiques inhibitrices de la tubuline sont scindées en trois groupes : les benzimidazoles, les N-phénylcarbamates et les benzamides. Les benzimidazoles auxquels appartiennent le thiophanate méthyle ont été commercialisés dans les années soixante comme fongicides systémiques actifs contre les ascomycètes, les basidiomycètes mais seraient peu efficaces contre les oomycètes. La molécule se fixe sur la β-tubuline et empêche l’assemblage du microtubule et bloque la division cellulaire (Lacey, 1990). Les phénomènes de résistance à ces molécules sont assez répandus chez les champignons pathogènes de diverses cultures.

La métrafénone, inhibiteur de la coiffe d’actine

La métrafénone appartient à la classe des benzophénones et son mode d’action est mal connu. Homologuée en tant que fongicide anti-oïdium, cette molécule agit sur la croissance du mycélium et la sporulation ainsi que sur la formation des haustoria et inhiberait la biosynthèse de la spectrine (Opalski et al., 2006).

Les inhibiteurs à action multi-sites

Les fongicides multi-sites (de classe M selon le FRAC) sont des produits appliqués à la surface de la plante, capables d’inhiber plusieurs processus biologiques d’un agent pathogène dont la germination des spores. Plusieurs familles chimiques sont regroupées : les substances minérales (dont le cuivre ou le soufre) ou encore les substances organiques (dont les dithiocarbamates comme le mancozèbe ou encore les phtalamides comme le folpel).

Le cuivre répertorié comme efficace contre le mildiou de la vigne (Millardet, 1885) est aussi utilisé contre de nombreux ascomycètes et bactéries. L’hydroxyde de cuivre peut inhiber plusieurs fonctions essentielles du champignon à faible dose et remplace les traitements traditionnels au sulfate de cuivre pour lutter contre P. viticola au vignoble.

Les stimulateurs de défense des plantes, SDP

Les inducteurs des défenses des plantes (molécules de classe P) sont divisés en 6 groupes. Le premier groupe est composé de benzothiadiazole (BTH), les autres groupes recensant des benzisothiazoles ; des thiadiazoles-carbamides ou des extraits polysaccharidiques, des extraits de plantes et des micro-organismes. L’acibenzolar-S-méthyle,

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un analogue de l’acide salicylique, a une action systémique et stimule la production des PR protéines et celles des phytoalexines permettant de protéger la vigne contre E. necator et P. viticola (Dufour et al., 2013), bien que non homologué en viticulture. Parmi cette classe de molécules, nous retrouvons les phosphonates, comme le phosphonate de potassium (dont le LBG-01F34) connu pour avoir une double action type SDP sur la plante mais aussi une action fongicide anti-mildiou chez la vigne.