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5. Les Maladies du Bois et les dépérissements dus aux Botryosphaeriaceae

5.1. Les méthodes de lutte

Les méthodes disponibles pour lutter contre les dépérissements dus à des agents pathogènes sont très limitées et la lutte la plus efficace à ce jour reste la mise en place des méthodes prophylactiques.

Les méthodes prophylactiques

Les méthodes de lutte prophylactiques pour ces maladies sont restreintes. Comme cité précédemment, le choix du matériel et la prise en compte de la vigueur de la plante sont

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importants. L’élimination des bras et des ceps morts sur la parcelle avant la taille peut limiter les sources d’inoculum primaires. De même, la pratique d’une taille non destructive (taille en guyot) au moment des pleurs printaniers, permet également de limiter l’invasion d’E. lata. Mais cette technique ne semble pas avoir d’effet sur les deux autres maladies. Enfin le regreffage, le curetage et le ré-encépagement (complantation) peuvent contribuer à réduire ces sources d'inoculum.

La lutte avec différents produits chimiques ou avec des microorganismes

Lutte chimique

Depuis 2001, suite au retrait de l’arsénite de sodium du marché, puis en 2007 de celui de l’Escudo (composé de fluzilazole et de carbendazime), les méthodes de lutte sont rares et onéreuses. Pour l’esca, aucune méthode de lutte chimique « curative » n’est connue (Bertsch et al., 2013 ; Casieri et al., 2009 ; Herlemont et al., 2005). Pour éviter la contamination de ces agents pathogènes par les plaies de taille, l’utilisation de goudrons de pin par badigeonnage reste, à l’heure actuelle, la meilleure technique de protection contre l’agent pathogène de l’Eutypiose (comm. Pers. P. Larignon). Peu de produits spécifiques sont homologués. Le Phytopast V (Société Protecta) est un mastic fongicide à base de cyproconazole (2 g/l) et de méthyl-thiophanate (1,9 g/l), qui peut être utilisé sur les plaies de taille, mais peu pratique d’emploi. Plus récemment, un mélange contenant deux fongicides (tébuconazole et fluopyram, Luna experience) a été homologué.

Comme évoqué par la suite dans la partie sur les fongicides contre les MDB (§ 5.2.), de nombreux essais fongicides, de mode d’action différent, ont été effectués pour évaluer leur efficacité de protection (par protection des plaies de taille ou pour limiter la colonisation du bois) contre les différents agents pathogènes des MDB (Rolshausen et al., 2010 ; Amponsah et al., 2012 ; Pitt et al., 2012 ; Billones-Baaijens et al, 2015).

Lutte biologique

Plus récemment, des produits de lutte biocontrôle ont été homologués pour lutter contre les MDB, contenant des microorganismes, par exemple, le produit Esquive® à base de Trichoderma atroviride, que l’on peut badigeonner ou pulvériser. De nombreuses études montrent une efficacité contre Phaeoacremonium spp. ou encore Eutypa lata mais aussi contre des espèces de Botryosphaeriaceae (Mortuza and Ilag, 1999 ; Fourie et al., 2001 et John et al., 2005 et Kotze et al., 2011). Toutefois, son efficacité reste partielle et ce produit doit être accompagné par d’autres mesures de lutte. Très récemment, un produit contenant un mélange de deux espèces de Trichoderma (T. asperellum et T. gamssi) a été homologué (Remedier®).

De nombreuses recherches se focalisent sur l’usage de microorganismes, avec par exemple l’oomycète Pythium oligandrum décrit pour ses activités antagonistes contre plusieurs agents pathogènes fongiques (Gerbore et al., 2014, Yacoub et al., 2016). Il est connu pour produire une protéine élicitrice, l’oligandrine, entraînant une réduction significative des nécroses dues à P. chlamydospora, par application racinaire. Ces deux agents de biocontrôle ne sont pas les seuls à être utilisés en lutte biologique. Nous pouvons

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également citer des bactéries, telles que Bacillus subtilis et Erwinia herbicola qui sont utilisées contre E. lata et présentent un effet antagoniste in vitro (Schmidt et al., 2001).

Ces dernières années, suite à la présence d’éléments viraux identifiés chez de nombreux champignons, et à leur rôle potentiel dans l’hypovirulence d’agents pathogènes, cette voie a été étudiée sur l’agent du chancre du châtaignier (Cryphonectria parasitica (Robin et al., 2000). De nombreux virus ont été identifiés, lesquels induiraient une hypovirulence, entrainant une réduction de l’agressivité chez l’agent pathogène, voire peut- être même la perte totale de son agressivité (Nuss, 2005). Ainsi, certains symptômes observés sont associés à de l’hypovirulence: (i) réduction de la sporulation asexuée, (ii) morphologie de la colonie altérée, (iii) variation de la pigmentation de la souche ou du milieu, (iv) accumulation de métabolites dont de l’acide oxalique (trouvé chez C. parastica, Nuss, 2005), (v) réduction de propagation d’une souche après inoculation avec un hypovirus (Chen and Nuss, 1999). Ces mycovirus possèdent des génomes ARNds ou ARNss, parmi lesquels sont retrouvés des Totiviridae, des Chrysoviridae, deux familles de Reoviridae ou encore des Hypoviridae, (Linder-Basso et al., 2005; Nuss, 2005). En Europe, une espèce d’hypovirus, le CHV-1, a été reportée comme induisant une diminution de la virulence du champignon du châtaigner, (Heiniger and Rigling, 1994, Robin et al., 2000; Robin and Heiniger, 2001).

À l’avenir, le développement et la mise en place d’une lutte biologique par l’utilisation de souches virosées hypovirulentes pourrait être un moyen de contrôle complémentaire aux autres méthodes de lutte contre ces agents de dépérissement.

De la protection jusque dans les pépinières

La sélection de cultivars résistants aux maladies du bois peut être un moyen de lutte contre ces agents pathogènes. Le Merlot est connu pour être plus tolérant aux MDB (Pouzoulet and Rolshausen, 2014; Travadon et al., 2014; Guan et al., 2016; Bellée et al., 2017). Mais le choix du porte-greffe peut être important. Par exemple le Vitis riparia 039-16 connu contre la maladie du pied noir, le porte-greffe issu du croisement entre V. riparia et V. berlandieri tolérant à la maladie de Petri, ou le porte-greffe Richter 110 qui exprime un gène détoxiquant l’eutypine, le Vigna radiata eutypine detoxyfing gene (Vr-ERE), permettent à la plante de résister à E. lata (Gubler et al., 2004; Gramaje et al., 2010; Gray et al., 2014).

Le renforcement des stratégies de lutte passe aussi par le choix du matériel dès la pépinière. En effet, la présence de champignons impliqués dans les MDB, notamment les Botryosphaeriaceae, a été reportée en pépinière, dans le bois de plants, sans symptôme apparent (Fourrier and Halleen, 2002; Halleen et al., 2003). Des méthodes de traitement à l’eau chaude (« Hot Water Treatment », HWT), ont montré une efficacité sur les maladies de Pétri et du pied noir en pépinière mais restent peu concluantes pour certains agents pathogènes des maladies de dépérissement. Ainsi pour Phaeoacremonium spp. et P. chlamydospora une inhibition totale de la germination et de la croissance mycélienne, a-t-elle été observée après un traitement d’une heure à plus de 54°C. En revanche, si pour les espèces Diplodia seriata, N. luteum, N. parvum et Do. viticola une sensibilité à 54°C est observée, ce traitement n’a que peu d’effet sur la croissance mycélienne de L. theobromae et N. vitifusiforme au bout de 45 min à 54°C (Gramaje et al., 2008, 2009a, Gramaje et al., 2010, Elena et al., 2015b).

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5.2. Les Botryosphaeriaceae, une famille d’agents pathogènes complexes