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4.1. Des méthodes de luttes prophylactiques

Les mesures prophylactiques sont les premières méthodes de lutte à être instaurées au vignoble afin de supprimer les foyers infectieux. Celles-ci, se doivent d’être les plus adaptées en prenant en considération de nombreux aspects tels que le choix des cépages (matériel utilisé, porte-greffe et greffon, etc.) et les conditions environnementales présentes (orientation de la plantation, drainage des sols humides, orientation des vents, etc.), l’environnement parcellaire (taille, élimination des feuilles et des bois morts, enherbement, etc.) et l’optimisation de la vigueur de la vigne (épamprage, effeuillage, aération de grappes, etc.). À titre d’exemple, dans le cas de la pourriture grise, maîtriser le développement de la vigne en limitant les apports azotés, éliminer l’entassement des feuilles, ou encore aérer les grappes sur les ceps, permet de diminuer les risques de source d’inoculum. Dans le cas des maladies du

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bois de la vigne (eutypiose et esca/BDA), le retrait et la destruction des ceps morts, est conseillé (Vigues et Massol, Chambre d’agriculture du Tarn, Prophylaxie et techniques alternatives en viticulture).

4.2. La lutte chimique (Produits de Protection des Plantes)

Cependant, les méthodes de prophylaxie ne suffisent pas à garantir une lutte totale et efficace contre tous les agents pathogènes de la vigne. Une lutte complémentaire à base de produits phytosanitaires est souvent associée à la première méthode.

Ces produits contiennent généralement une ou plusieurs substances actives, naturelles ou chimiques, utilisées dans la protection des cultures. Ils sont destinés tant à la prévention qu’à la protection des végétaux (appliqués soit en préventif soit en curatif) contre tous les nuisibles et ravageurs et sont regroupés sous l’appellation produits de protection des plantes, qu’ils soient d’origine chimique ou biologique : fongicides, insecticides et herbicides. Ils sont soumis à une homologation nationale par l’ANSES (Agence Nationale de la Sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) avant leur commercialisation sur le marché phytosanitaire.

La protection contre les maladies de plantes remonte à l’apparition de l’agriculture où l’Homme tentait déjà de protéger ses cultures contre les mauvaises herbes et les ravageurs en plus des maladies. L’utilisation des pesticides en viticulture date de l’Antiquité avec l’usage du soufre utilisé contre la pyrale de la vigne (Guide des intrants utilisables en Agriculture Biologique en France). En 1885, Millardet met au point la bouillie Bordelaise contre le mildiou de la vigne (Plasmopara viticola), considérée alors comme le début de la lutte chimique contre les maladies des plantes. Au XIXème siècle, des traitements à partir de sulfate de cuivre sont répertoriés comme fongicides ou à partir d’arséniate de plomb comme insecticides. Dans les années 1940, les premiers pesticides de synthèse issus de recherches en chimie sur les gaz de combat des deux guerres mondiales, sont commercialisés.

De nos jours, le nombre de produits fongicides commercialisé a considérablement augmenté (plus de 1239 produits disponibles sur la liste ephy). Deux grandes catégories de fongicides sont considérées, selon leur mode d’action :

- Les fongicides dit de « contact » (soufre, cuivre, et fongicides multi-sites, des produits biologiques) qui vont s’attaquer aux agents pathogènes (anti-germinatifs) avant leur pénétration dans la plante. Ils sont non pénétrants et sont généralement plus ou moins lessivables,

- Les fongicides systémiques (pénétrants) qui eux vont avoir un effet local (systémie translaminaire) et ou dans toute la plante (systémie ascendante) en inhibant dans la plupart des cas, des activités enzymatiques du bioagresseur visé.

Les matières actives des fongicides sont classées selon leur cible (FRAC « Fungicides Resistance Action Committee »). Ainsi, ces molécules peuvent-elles agir sur de nombreux processus au sein de la cellule fongique : i) sur le système énergétique de la cellule fongique telle que la respiration, ii) sur des voies de synthèse de constituants fongiques tels que les stérols, le cytosquelette, la paroi ou encore la mélanine.

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En France, 20% des pesticides commercialisés sont dédiés à la viticulture et parmi ceux-ci, 80% sont des fongicides utilisés dans la lutte contre les 3 maladies majeures (oïdium, mildiou et pourriture grise). De nombreux modes d’action sont disponibles pour lutter contre ces maladies (inhibiteur du cytochrome b, (outside, QoI) ; ou inside QiI), inhibiteurs de la voie de biosynthèse des stérols (inhibiteur de la C14-déméthylase (DMI) et IBS de classe II), inhibiteurs de la succinate déshydrogénase (SDHI), inhibiteur de la β-tubuline, phosphonate, multi-sites, microorganismes antagonistes, etc.).

L’application des ces fongicides est toutefois limitée selon les doses et les fenêtres d’application autorisées. Si les pesticides ont été perçus comme un progrès dans la maitrise de la production des ressources alimentaires (augmentation des productions agricoles), de nombreuses questions sont soulevées actuellement quant à leur utilisation et leur impact tant sur la santé humaine que sur l’environnement. Citons à titre d’exemple, le cas de l’arsénite de sodium en vigne (Harmandon, 2004) ou encore le cas des néonicotinoïdes et la mortalité des abeilles en France (Goulson et al., 2015). De plus, au cours des dernières décennies, des problèmes d’apparition de phénomènes de résistance ont été constatés au sein des populations d’agents pathogènes (Ishii and Hollomon, 2015 ; Corio-Costet, 2015). C’est notamment le cas pour les fongicides systémiques à action uni-site, comme les QoIs ou les DMIs (Chen et al., 2007 et Dufour et al., 2011). En revanche, aucun ou peu de cas de résistance contre des fongicides multi-sites n’ont été répertoriés. Cependant, la plupart de ces derniers comptent, parmi les substances non ré-homologués, suite à leur toxicité sur la santé et l’environnement.

Des directives européennes, visant à limiter l’utilisation abusive des produits phytosanitaires ont été mises en place. Elles favorisent une utilisation raisonnée et durable des pesticides ayant pour objectif la « réduction sensible des risques et de l’utilisation des pesticides dans une mesure compatible avec la protection nécessaire des cultures ». De nombreuses réglementations régissent aujourd’hui la mise sur le marché et l’utilisation des pesticides (directive 91/414/CEE abrogée par le règlement (CE) n°1107/2009).

En 2008, en France le total des produits phytosanitaires vendus atteint les 80 000 tonnes (intégrant les produits biologiques). Suite au Grenelle de l’environnement, le plan Ecophyto a été mis en place et vise à réduire l’utilisation des produits phytosanitaires de 25% d’ici 2020 en travaillant sur l’optimisation des systèmes de production. En 2013, la France était le second consommateur de produits avec 66 659 tonnes de substances actives vendues (Figure 3). Le plan Ecophyto II actuel a pour objectif de diminuer de 50%, l’utilisation des pesticides d’ici 2025 (Plan Ecophyto II, 2015).

4.3. Des produits de lutte dit de « biocontrôle »

Aujourd’hui, suite aux différents plans nationaux et à la demande sociétale, les produits de biocontrôle sont de plus en plus recherchés, même si leur efficacité n’est pas toujours aussi bonne que les produits dit « conventionnels ». Le biocontrôle est défini comme l’utilisation de produits de protection des plantes contenant des micro-organismes, l’utilisation de macro-organismes, l’utilisation de médiateurs chimiques, ou encore l’utilisation de substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Depuis 2015, la liste des produits NODU vert biocontrôle comprend une trentaine de produits homologués en

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en France (Tableau 2). Parmi les microorganismes utilisés en biocontrôle, T. atroviride (produit Esquive WP ®) est connu comme traitement contre l’eutypiose et l’esca/BDA.

Figure 3.1 : Évolution des quantités de produits phytosanitaires vendues en France de 1996 à 2013

avec en vert : fongicides, jaunes : herbicides, rouge : insecticides, orange : autres produits, bleu : total produits vendus. Source UIPP, France métropolitaine

Tableau 2 : Exemple de produits de la liste NODU vert biocontrôle autorisés en France en 2015 contre les

bioagresseurs de la vigne,

Nom commercial Nature Substances actives Cible

Armicarb Substance naturelle Bicarbonate de potassium Oïdium Erysiphe

necator

Stifénia Substance naturelle Extrait de fénugrec

Beaucoup de spécialités Substance naturelle Soufre micronisé mouillable et Soufre pour

poudrage

Armicarb Substance naturelle Bicarbonate de potassium Pourriture grise B.

cinerea

Botector Micro-organisme Aureobasidium pullulans

Sérénade max Micro-organisme Bacillus subtilis

Xentari, Dipel, Delfin,

Biobit, etc. Micro-organisme Bacillus thuringiensis

Tordeuses de la grappe

RAK Phéromones Phéromones

Isonet Phéromones Phéromones

Esquive WP Micro-organisme Trichoderma atroviride Eutypiose E. lata

PEL 101 GV Substance naturelle Oligosaccharide extrait de pomme Esca/BDA

(complexe)

Oviphyt Substance naturelle Huile de vaseline

Ravageurs secondaires (cochenilles, acariens...)

Naturen eradibug Substance naturelle Huile de Colza

Sluxx Substance naturelle Phosphonate de fer Escargots

* d’après le document de synthèse du plan d’action phytosanitaire, Chambre d’agriculture Gironde.

-20 000 40 000 60 000 80 000 100 000 120 000 140 000 -5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 35 000 40 000 45 000 50 000 55 000 60 000 65 000 70 000 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013

Total des pesticides vendus en tonnes Pesticides vendus par

famille en tonnes

Fongicides Herbicides Autres produits Insecticides Total produits phytosanitaires vendus Champ : France métropolitaine.

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4.4. Les produits stimulateurs des défenses des plantes (SDP ou SDN).

L’utilisation de SDP peut être envisagée en tant que complément aux traitements fongicides conventionnels. Selon le RMT Elicitra (2013), « Toute substance ou microorganisme vivant non pathogène capable d’induire (ou de préparer à l’induction) des réponses de défense chez une plante peut conduire à une meilleure résistance de la plante face à des stress biotiques ». Les SDP sont donc des composés éliciteurs non spécifiques (généraux) qui « pré-stimulent » (priming) ou stimulent les défenses de la plante, permettant l’activation des réponses de défense sans toutefois agir directement sur les bio-agresseurs afin que la plante résiste au mieux lors d’une infection. Certains SDP peuvent présenter une activité systémique, induisant une réponse à distance du site d’application tandis que d’autres n’entraînent qu’une réponse localisée au site d’application (Walters et al., 2014).

Il existe de nombreux éliciteurs non spécifiques provenant soit de micro-organismes, soit de plantes. Parmi les SDP de la première catégorie, nous pouvons citer brièvement les oligosaccharides induisant des réponses de défense chez Vitis vinifera dont l’introduction de chitinases et de β-1-3, glucanases, ou encore la laminarine (Iodus 40®, Goëmar) extraite de l’algue brune Laminaria digitata, des lipopolysaccharides (LPS) et lipooligosaccharides (LOS), des protéines, des peptides, des sphingolipides ou encore des composés volatiles (Aziz et al., 2003 ; Aziz et al., 2004 ; Aziz et al., 2006 ; Umemura et al., 2004 ; Silipo and Molinaro, 2010 ; Gerbore et al., 2014 ; Yacoub et al., 2016). En ce qui concerne les SDP de la seconde catégorie, ils sont tout aussi nombreux et nous pouvons retrouver des brassinolides, l’acide jasmonique et ses dérivés, des oligogalacturonides (OGAs) dérivant de la membrane cellulaire de la plante ou encore de l’acide salicylique et ses analogues (Nakashita et al., 2003 ; Belhadj et al., 2006 ; Walter et al, 2007 ; Bai et al., 2011 ; Dufour et al., 2013).

Plusieurs analogues du SA présentent aussi un effet éliciteur sur la plante dont le benzothiadiazole (BTH), ou acibenzolar-S-méthyl. Le BTH (acide benzo(1,2,3)thiadiazole-7-carbothioique S-méthyle ester), commercialisé est connu pour induire une réaction de défense chez de nombreuses plantes (chou-fleur, cacao, caféier, framboisier, vigne etc.) (Godard et al., 1999 ; Verica et al., 2004 ; De Nardi et al., 2006 ; Hukkannen et al., 2008, Dufour et al ., 2013). Après son application sur les plantes, la modulation de l’expression de gènes impliqués dans la défense, dans la synthèse de protéines reliées à la photosynthèse, au transport, à l'organisation et à la communication cellulaire a été observée, et tant au niveau foliaire que racinaire.

Les stimulateurs de défense sont aussi employés en vigne et ont montré des efficacités variables contre B. cinierea, E. necator et P. viticola (Aziz et al., 2003 ; 2004 ; 2006 ; Belhadj et al., 2006 ; Caillot et al., 2012 ; Poinssot et al., 2003 ; Delaunois et al., 2014)

4.5. Amélioration variétale

En vigne, l’amélioration variétale a pour but de combiner des traits de résistance quantitative (QTL) au sein de cultivars sensibles, à partir d’espèces de Vitacées (Vitis américaines ou asiatiques) plus résistantes en les introgressant. Il existe deux méthodes de sélection variétale : i) la sélection clonale (apparition de mutations naturelles dans la vigne) peut être conservée par bouturage et greffage et ; ii) les croisements par reproduction sexuée

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entre plante sensible et résistante. La sélection de variétés résistantes par le processus de sélection est une méthode longue à mettre en place. Celle-ci consiste en une succession ou une alternance d’étapes de croisement (ou d’hybridation) et d’étapes de sélection. Cependant, depuis 150 ans, plusieurs espèces de Vitis américaines ont servi à l’amélioration génétique de la vigne par la sélection de résistance à de multiples maladies et ravageurs (e.g. Muscadinia rotundifolia) (Pouget 1990; This et al. 2011).

Aujourd’hui, des variétés combinant qualité du vin et résistance à E. necator et P. viticola, sont commercialisées en Europe, telles que les variétés Regent, Solaris ou Seyval Blanc. Chez M. rotundifolia, différents loci ont pu être introgressés, dont le locus dominant Run1 (« Resistance to Uncinula necator 1 ») a été trouvé sur le chromosome 12 de la vigne et qui confère une résistance partielle à l'oïdium. Il en est de même pour les gènes de résistance Ren1 (présent sur le chromosome 13 de Vitis vinifera) et Ren4 (provenant de Vitis romanetti) (Bouquet, 1986, Agurto et al., 2017, Mahanil et al., 2012). En ce qui concerne le mildiou de la vigne (Plasmapora viticola), une résistance totale au mildiou a été trouvée (Rpv1) (Delmotte et al, 2014).

Aujourd’hui des programmes d’amélioration, par pyramidage (ResDur, INRA), sont à la recherche d’association de gènes de résistance et de marqueurs moléculaires afin de créer des variétés résistanteset de limiter les risques de contournement de résistance par ces agents pathogènes (Gray et al., 2014 ; Union Girondine des vins de Bordeaux, 2014).