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Comment s’intègrent ces nouvelles données avec celles de la littérature ?

différentes souches de Botryosphaeriaceae

ARB07 LAG27

1.3.3. Comment s’intègrent ces nouvelles données avec celles de la littérature ?

Intérêt de la méthode décrite dans notre étude

Il est difficile de discerner les symptômes qui sont imputés à un seul agent particulier, car dans le cas des maladies de dépérissement, la plante est attaquée par un complexe d’agents pathogènes. Aussi, la mesure de l’agressivité des Botryosphaeriaceae peut être obtenue par diverses méthodes, qui viennent compléter l’observation de décolorations vasculaires (bande brune) et foliaires, et celle des flétrissements des parties herbacées.

L’un des critères pour mesurer cette agressivité pourrait être la production de toxines par cette famille de champignon. Néanmoins, la mesure de pathotoxines, suite à l’inoculation d’un agent pathogène, sur des feuilles détachées ou des cals, donne des résultats mitigés et ne rendent pas compte du système plante (Martos et al., 2008, Ramírez-Suero et al., 2014 ; Bérnard-Gellon et al., 2015). D’autre part, la mesure de la sporulation et la production d’enzymes peut nous renseigner sur l’agressivité en suivant la production de laccases en présence d’alcool vératryl qui mimerait la dégradation de la lignine, mais cela reste très artificiel (Barbosa et al., 1966).

Les inoculations artificielles, aptes à reproduire les chancres et les nécroses dans les parties ligneuses de la plante, sont actuellement la méthode la plus utilisée. Il existe cependant de nombreuses variantes : sur des morceaux de bois non racinés, sur des bois racinés non feuillés ou sur des bois racinés et feuillés (Laveau et al., 2009 ; Úrbez-Torres et al., 2009 ; Yan et al., 2013 ; Qiu et al., 2016 ; Bellée et al., 2017). C’est cette dernière que nous avons choisie, malgré la variabilité intrinsèque aux plants, à la durée de l’expérience en serre et sous tunnel, ainsi qu’aux variations climatiques potentiellement rencontrées sous tunnel. En effet, cette méthode mise au point à Bordeaux (Chapuis et al., 1998) permet de reproduire des symptômes en condition contrôlée et de caractériser l’agressivité de plusieurs souches de Botryosphaeriaceae entre elles.

Dans la plupart des études, la mesure de l’agressivité se réduit à la mesure des nécroses (ANNEXE-3). Selon les choix des auteurs, un organe particulier de la plante ou des ceps entiers, d’âge très fluctuant, ont été ou non inoculés, dans des conditions contrôlées ou in natura. L’inoculation par ces champignons peut provoquer des chancres, des décolorations vasculaires dont la bande brune, et parfois des décolorations foliaires ou encore des flétrissements des parties herbacées, toujours difficiles à reproduire lors d’inoculation artificielle (Larignon and Dubos, 1997; Mugnai et al., 1999 ; Reis et al., 2016).

Dans notre étude, la mesure de la taille des chancres et des nécroses présents sur et dans les boutures de Cabernet-Sauvignon racinées et feuillées après une inoculation avec une souche de Botryosphaeriaceae, a mis en évidence, un gradient d’agressivité selon les espèces sur plus de 60 souches et ainsi avons-nous acquis des données uniques à ce jour, que nous pouvons compléter à l’aide de la collection « CoCo » qui contient 600 souches collectées dans le vignoble français et 160 collectées dans le monde.

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Cohérence de nos résultats avec ceux de la littérature ?

Nos résultats révèlent que ce sont les souches appartenant aux espèces D. sapinea, B. dothidea et Do. viticola , qui présentent les agressivités les plus faibles. Ce point est en accord avec les études réalisées par Phillips (1998) et Úrbez-Torres and Gubler (2009) lesquelles mentionnent que l’espèce B. dothidea est d’une agressivité moyenne. De même, Do. viticola (anciennement Spencermartinsia) a été décrite comme un agent pathogène de la vigne dans le vignoble espagnol avec une agressivité moyenne voire faible (Luque et al., 2005 ; Phillips et al., 2008 ; Pitt et al., 2013) (ANNEXE-3). En ce qui concerne D. sapinea, la souche française n’a pas été isolée sur Vitis vinifera mais sur Pinus pouvant expliquer sa faible agressivité sur bouture. Par ailleurs la souche CBS provient elle aussi d’un Pinus.

Regardant l’espèce D. seriata, très répandue dans le vignoble français (80% des Botryosphaeriacea retrouvés, Bruez et al., 2013 ; Comont et al., 2016), cette espèce présente une agressivité faible à moyenne dans notre étude. Toutefois, un « débat » existe quant à l’agressivité avérée de cette espèce. En effet, celle-ci est considérée comme agent pathogène induisant des symptômes internes dans le bois de plants inoculés dans le vignoble australien et chilien (Castillo-Pando et al., 2001 ; Auger et al., 2004), mais comme moyennement agressive au Portugal, en Espagne ou encore en Californie (Phillips, 1998 ; van Niekerk et al., 2004; Bester et al., 2007 ; Savocchia et al., 2007 ; Úrbez-Torres and Gubler, 2009 ; Pitt et al., 2013 ; Elena et al., 2015a), comme pas agressive en Australie et en Nouvelle-Zélande (Taylor et al., 2005 ; Amponsah et al., 2011) (ANNEXE-3).

Toutefois, notre étude montre sans ambiguïté que si globalement l’espèce D. seriata n’est pas (CBS112555) ou est peu agressive (ex : souches BoF99-8, LAT16, IRA33), les souches françaises se classent aussi comme moyennement agressives (ARB01, BRA16, MOT02, ROM14, etc.), voire comme très agressives (ex : GAR02). Cette analyse plus complète de l’espèce sur un territoire apporte quelques informations quant au débat de la littérature, à savoir que D. seriata possède des agressivités très variables selon les souches. Au laboratoire, G. Comont a identifié plusieurs génotypes au sein de cette espèce et il serait intéressant de comparer agressivité et génotype sur un plus grand nombre de souches.

Les travaux concernant l’agressivité de deux espèces de Diplodia : D. intermedia et D. mutila, en vigne, sont inexistants pour la première espèce et rares pour la seconde. Cependant, cette dernière est considérée comme peu virulente dans le vignoble californien (Úrbez-Torres and Gubler, (2009), ce qui rejoint globalement nos résultats lors de cette étude, à l’exception toutefois de la souche BRA08.

Les espèces appartenant au genre Neofusicoccum sont considérées le plus souvent comme agressives sur vigne. Décrites par Pennycook and Samuels (1985), comme agents pathogènes retrouvés sur le kiwi en Nouvelle Zélande, l’espèce N. luteum (anciennement Fusicoccum luteum) a été isolée et décrite comme pathogène sur la vigne provoquant des lésions nécrotiques dans le bois au Portugal (Phillips, 2002). Cependant, cet agent pathogène présente une virulence et une agressivité variable d’une étude à l’autre, et selon le cépage utilisé (van Niekerk et al., 2004; Luque et al., 2009, Savocchia et al., (2007) (ANNEXE-3).

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Dans notre étude, l’espèce N. luteum provoque des chancres et des nécroses moyens (4,58 ± 6,48 mm et 17,21 ± 9,60 mm). Cependant, il s’agit seulement de deux souches, l’une étant une souche CBS peu agressive (pas de chancre) et l’autre, une souche très agressive (CAP037- chancre 9,17 mm ; nécrose 24 mm). Dans ce cas, il est difficile de pouvoir conclure quant à l’agressivité de cette espèce, hormis qu’il existe une variabilité d’agressivité. En ce qui concerne l’espèce N. ribis, notre étude ne comportait que deux souches CBS de provenance non viticole, et qui provoquent des lésions moyennes importantes (chancre : 21,01 ± 12,44 mm et nécrose : 27,96 ± 12,07 mm) (Tableau 19). Cette espèce est très répandue et elle est souvent confondue avec N. parvum, car très proche génétiquement (Pavlic et al., 2009), et des confusions ont pu être faites dans les études antérieures. À propos de l’espèce N. parvum, nos essais corroborent ceux de la littérature et ceux réalisés antérieurement au laboratoire (Béllée et al., 2017), et cette espèce est classée comme étant très agressive (Savocchia et al., 2007 ; Pitt et al., 2013 ; Qui et al., 2016). Cependant, les agressivités mesurées sur le cépage Cabernet-Sauvignon semblent plus faibles que celles trouvées sur des boutures de Thompson Seedless, d’Ugni Blanc, de Macabeo, de Sauvignon, de Sultana Seedless, de Chenin Blanc, de Redglobe ou encore de Crimson (van Niekerk et al., 2004; Bester et al., 2007 ; Luque et al., 2009 ; Urbez-Torres and Gubler, 2009 ; Baskarathevan et al., 2011 ; Akgül et al., 2015 ; Reis et al., 2016). Comme pour les différentes espèces précédemment citées, ici aussi, nous identifions une grande variabilité, avec des souches moyennement agressives (e.g. BdF00-3, AUD25) et des souches très agressives (BdF00-21, COU02, VIE35) (Tableau 19).

Si l’espèce N. parvum est décrite comme l’une des plus virulentes sur vigne, au même titre que les espèces L. theobromae et N. australe (Úrbez-Torres and Gubler, 2009 ; Pitt et al., 2013); les espèces appartenant au genre Lasiodiplodia (L. pseudotheobromae, L. theobromae) sont généralement les plus agressives (Bester et al., 2007 ; Correira et al., 2016), et les études menées par Úrbez-Torres and Gubler (2009) sur L. theobromae montraient la présence d’importantes lésions nécrotiques au niveau de rameaux (Savocchia et al., 2007 ; Pitt et al., 2013 ; Qui et al., 2016). Concernant l’espèce L. viticola, antérieurement mal identifiée et classée dans les L. theobromae (Philips et al., 2013), des nécroses de grande taille ont été décrites sur des boutures de Merlot, de Cabernet-Sauvignon et d’Ugni Blanc (Bellée et al., 2017). Dans notre étude, cette espèce conduit à des résultats comparables (Tableau 19).

Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer ce gradient d’agressivité au sein des espèces ?

Le premier facteur à prendre en compte inclue la variabilité génétique et phénotypique intra et inter espèces. Cette famille de champignons comprend pas moins de 23 genres et 187 espèces différentes en 2016 (Larignon et al. 2001, Savocchia et al. 2007, Luque et al. 2009, Úrbez-Torres and Gubler, 2009 ; Philips et al., 2013 ; Dissanayake et al., 2016 ; Yang et al., 2017), et de nouvelles familles et espèces ont encore été découvertes récemment (Crous et al., 2017). Toutefois des études récentes de variabilité génétique et d’essai d’association avec la virulence ne montrent aucun lien chez les espèces N. luteum et N. australe avec les marqueurs choisis (Baskarathevan et al., 2017).

 Un deuxième facteur dépend de la génétique et potentiellement du pouvoir adaptatif des Botryosphaeriacea à l’environnement, et concerne la vitesse de croissance des souches en fonction de leur température optimale de croissance. Ce facteur pourrait expliquer les fluctuations d’agressivité

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des différentes espèces selon leur origine géographique et leur évolution génétique (Urbez-Torres et al., 2006 ; Pitt et al., 2013 ; Elena et al., 2015a ; Béllée et al., 2017).

 La vitesse de croissance des souches et /ou espèces en fonction de la température peut aussi être modulée par leurs réponses aux contraintes environnementales et leur production de pathotoxines (e.g. mélléine, lasiojasmonates). En effet, les espèces les plus agressives dont les N. parvum et L. theobromae produisent certaines molécules toxiques ce qui seraient ainsi à l’origine de l’agressivité de ces espèces et/ou souches (Abou-Mansour et al., 2015, Andolfi et al., 2011 ; Bénard-Gellon et al., 2015 ; Bellée et al., 2017 ; Massonnet et al., 2016).

Liés aux facteurs précédents, les conditions climatiques peuvent influencer l’agressivité des souches retrouvées dans une région donnée, en favorisant l’implantation et le développement de certaines espèces ou souches. À titre d’exemple, la détection et l’identification de l’espèce L. viticola (Comont et al., 2016) dans le vignoble bordelais pour la première fois en France pose question. En effet, cette espèce est décrite et retrouvée dans des régions chaudes et humides (subtropicales et tropicales) et se développe à des températures élevées de 33°C (Arkansas, Missouri, et Amérique centrale, pour des espèces comme L. theobromae) (Marques et al., 2013, Phillips et al., 2013).

La présence de mycovirus dans certaines souches et/ou espèces pourrait aussi être un facteur

jouant sur leur agressivité. Ainsi, selon le type de virus et/ou la charge virale, les souches virosées pourraient-elles développer une agressivité plus variable, allant de l’hypovirulence à potentiellement de l’hypervirulence. Des hypothèses de ce type ont été émises récemment pour des souches des espèces de D. sapinea, de B. dothidea et de N. luteum chargées en virus (De Wet et al., 2008, De Wet et al., 2011, Wang et al., 2014 ; Zhai et al., 2015, Marais et al., 2017a et b).

Enfin, le dernier facteur important concerne l’adaptation plus ou moins importante des souches et/ou des espèces à la plante hôte ou à un cultivar et la sensibilité des cépages (Taylor et al., 2005 ; Úrbez-Torres et Gubler, 2009 ; Úrbez-Torres et al., 2009). De plus, selon le modèle végétal utilisé, le type d’organe et l’âge de la plante, les conditions de croissance, l’agressivité des Botryosphaeriaceae pourrait plus ou moins s’exprimer (Spagnolo et al., 2014 a et b). En particulier, la capacité du végétal de se défendre plus ou moins rapidement et plus ou moins efficacement selon l’espèce et la souche. Ainsi, différents travaux montrent que selon le cépage, ou le fond génétique, l’agressivité des souches diffèrent (Bellée et al., 2017; Pouzoulet et al., 2014 ; Travadon et al., 2014 ; Guan et al., 2016 ; Paolinelli-Alfonso et al., 2016). En effet, comme ces champignons peuvent coloniser les vaisseaux (Amponsah et al., 2012), la plante, pour se défendre obstrue les vaisseaux du xylème (thyllose) afin de stopper la colonisation de l’agent pathogène (Gómez et al., 2016). Récemment, une étude implique la taille des vaisseaux du cépage comme facteur favorisant le développement de ces agents pathogènes et l’expression de leur agressivité (Pouzoulet et al., 2014).

La mesure de l’agressivité par inoculation de boutures racinées et feuillées dans des conditions contrôlées permet une comparaison intra et inter-espèces. Un gradient d’agressivité entre les différentes espèces a bien été établi et les variations d’agressivité entre souches et entre espèces sont la conséquence de différents facteurs, évoqués ci-dessus. L’un des points majeurs de cette étude est la mise en évidence d’une large palette d’agressivités variables au sein d’une même espèce, et la démonstration de l’importance de la prise en compte de la taille des chancres et des nécroses dans l’agressivité en tant que traits d’agressivité in planta.

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Rôle de la température sur la croissance