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SEE et égalité des chances entre les hommes et les femmes ou l’intégration par le chiffre

FEMMES ET LES HOMMES

Paragraphe 2 SEE et égalité des chances entre les hommes et les femmes ou l’intégration par le chiffre

Nous l’avons indiqué le Conseil européen d’Essen a fait de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes une priorité de l’Union européenne. Mais cette dimension n’est véritablement intégrée dans la Stratégie européenne pour l’emploi qu’à l’issue du Conseil européen extraordinaire de Luxembourg en novembre 1997. Ceci est lié au fait que la mise en uvre anticipée du Titre VIII a créé une « fenêtre d’opportunité » pour la coalition de cause. En effet, c’est la DG Emploi et affaires sociales qui est en charge de la mise en oeuvre du processus, tout particulièrement en ce qui concerne la rédaction des lignes directrices, l’analyse des PAN et l’élaboration des recommandations adressées aux Etats membres. Or, le Commissaire Padraig Flynn et le directeur général Allan Larsson sont fortement impliqués depuis 1995 dans les groupes de haut niveau mis en place au sein de la Commission pour promouvoir le « gender mainstreaming ». Ils constituent pour la coalition de cause, pourrait- on dire, des alliés « internes » et ont joué de ce fait un rôle important dans la prise en compte de l’égalité entre les hommes et les femmes au sein du processus de Luxembourg. De plus, les services impliqués ont pu s’appuyer sur l’expertise de l’Unité « Egalité des chances » qui dépend de la même Direction générale.

1

« The conscious strategic efforts by groups of people to fashion shared understandings of the world and of themselves that legitimate and motivate collective action » (McAdam, McCarthy and Zald 1996: 6), M. A. Pollack, E. Hafner-Burton, 2000, op. cit., p. 6.

2

Cette Unité pouvant elle-même mobiliser son réseau d’experts sur les questions d’emploi mais aussi activer des appuis extérieurs par le biais notamment du Comité consultatif de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. S’agissant du cadrage stratégique, on observe que l’égalité entre hommes et femmes est présentée dans les premières lignes directrices d’octobre 1997, comme le soulignent Mark A. Pollack et Emilie Hafner-Burton, « not only as a matter of social justice, but also or primarily, in terms of efficiency »1

: « Il est

judicieux, sur le plan économico-social, que les États membres redoublent d’efforts en faveur de l'égalité des chances sur le marché du travail. Si la situation des femmes en matière d'emploi s'est améliorée ces dernières décennies, le taux de chômage est plus élevé chez elles que chez les hommes (12,6 % contre 9,7 %) et leur taux de participation à la vie active est plus faible (50,2 % contre 70,4 %). Dans le monde du travail, les femmes sont surreprésentées dans certains secteurs et professions et sous-représentées dans d'autres. Il faut s’attaquer à ces rigidités du marché du travail, qui réduisent la capacité de l'Europe à créer de la croissance et des emplois »2. On retrouve par ailleurs dans la proposition de la

Commission l’argument de type « démographique » présent dans la Communication de 1996 : « Comme l’ont indiqué les rapports de la Commission sur la démographie, la population en

âge de travailler croît désormais beaucoup plus lentement que dans les vingt dernières années et commencera à baisser au cours de la prochaine décennie. Dans une perspective à plus long terme, l’expansion de l'emploi nécessaire au maintien de notre niveau de vie et du modèle social européen dépend donc de façon cruciale de l’augmentation de la participation des femmes à la vie active »3. Le Conseil européen avalisera également en novembre 1997 la

logique rhétorique concernant l’augmentation du taux d’emploi des femmes : « Les Etats

membres devraient traduire leur volonté de promouvoir l'égalité des chances en augmentant le taux d'emploi des femmes »4.

1

Ibid., p. 19.

2

« Propositions de lignes directrices pour les politiques de l’emploi des Etats membres en 1998 », Communication de la Commission, 1er octobre 1997, p. 9. La version anglaise est plus explicite quant à la double justification puisque la Commission indique que « There are sound economic and social reasons for a reinforcement of the efforts of Member States to promote equal opportunities in the labour market »,

http://europa.eu.int/comm/employment_social/elm/summit/en/papers/guide.htm

3

Ibid., p. 10.

4

Paragraphe 74, Conseil européen extraordinaire sur l'emploi, Luxembourg - 20/21 novembre 1997, Conclusions de la Présidence.

Mais alors que la Commission évoquait succinctement l’approche intégrée de l’égalité1 dans

sa proposition relative au quatrième pilier (intitulé « Renforcer les politiques d'égalité des

chances »), celle-ci sera rejetée par le Conseil des ministres. La résolution du Conseil de

décembre 1997 sur les lignes directrices de 1998 aborde donc l’égalité entre hommes et femmes uniquement sur un angle « spécifique » à travers trois thématiques : Ligne directrice (LD) 16 « S’attaquer à la discrimination entre hommes et femmes », ligne directrice (LD) 17 « Concilier vie professionnelle et vie familiale » et ligne directrice (LD) 18 « Faciliter la

réintégration dans la vie active »2

. Néanmoins, l’activisme de la coalition de cause aboutit en décembre 1998, lors de la révision des lignes directrices, à l’inscription explicite de l’approche transversale de « gender mainstreaming » dans la SEE. Ainsi, les lignes directrices pour l'emploi en 1999 intègrent, dans le quatrième pilier, une nouvelle ligne directrice (LD 19) portant sur « l’intégration de l'égalité des chances entre les femmes et les hommes » :

« Les Etats membres adopteront une approche visant l’intégration de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes dans la mise en uvre des lignes directrices des quatre piliers. Afin de pouvoir utilement évaluer les progrès réalisés à cet égard les Etats membres devront prévoir des systèmes et des procédures appropriés pour la collecte des données »3.

Ce succès tient nous semble-t-il à une double raison : la Commission a su tirer parti du processus de surveillance multilatérale qui s’élaborait « chemin faisant », et a pu en même temps s’appuyer sur les réseaux d’acteurs multi-niveaux favorable à la cause des femmes. D’un côté, la Commission a insisté à chaque étape du processus prévu par l’article 128 du Traité sur la faiblesse de la prise en compte transversale de l’égalité par les Etats membres, et en conséquence sur la nécessité de la renforcer. Dans son premier rapport sur les PAN, la Commission déclarait que le volet desPAN, traitant de la question de l’égalité entre femmes et hommes, était « modeste et insuffisamment détaillé » et que « la cohérence interne des plans

1

« Mais avant tout, lorsqu’ils développeront, et mettront en oeuvre les présentes lignes directrices et lorsqu’ils feront rapport sur elles, les États membres devront prendre en considération la situation particulière des femmes sur le marché du travail », « Propositions de lignes directrices pour les politiques de l’emploi des Etats membres en 1998 », op. cit., p. 10.

2

« Les lignes directrices pour l'emploi en 1998 », Résolution du Conseil du 15 décembre 1997, Commission européenne, Emploi et affaires sociales, pp. 12-13.

3

Résolution (1999/C69/02) du Conseil du 22 février 1999 sur les lignes directrices pour l’emploi en 1999, Journal officiel des communautés européennes, C 69/2, 13.03.1999, p. 8.

d’action pourrait être amélioré en intégrant l’objectif d’égalité des chances dans les autres piliers (comme objectif général) »1.

Dans le Rapport conjoint de 1998, elle réitérait cette recommandation en faisant référence explicitement au « mainstreaming » : « La cohérence interne des plans pourrait néanmoins

être améliorée en intégrant l'objectif d'égalité des chances dans les autres piliers (‘mainstreaming’ de l’égalité des chances entre hommes et femmes) »2. De l’autre, la

Commission a trouvé, en 1998, un soutien important auprès de plusieurs acteurs institutionnels, que l’on peut qualifier d’alliés « externes ». Mark A. Pollack et Emilie Hafner- Burton évoquent en ce sens, « although the member states had rejected a considerably

weaker draft provision the previous year, in 1998 the Commission enjoyed decisive support from the successive British and Portuguese Presidencies of the Council »3. En mai à Belfast,

sous la Présidence de la Grande-Bretagne, les ministres en charge de l’égalité entre les hommes et les femmes se sont réunis pour la première fois en Conseil. Un mois plus tard, le Conseil européen de Cardiff a adopté formellement le principe de « mainstreaming »4. En

juillet, l’ensemble des délégations du Comité consultatif sur l’égalité des chances approuvait l’incorporation de ce principe dans les futures lignes directrices : « In the first place, and as a

premise to all the measures, all the Advisory Committee members strongly support the so- called mixed approach whereby the 1999 guidelines should retain the fourth pillar and reinforce the integration of mainstreaming into all the pillars, promoting equality as a transverse principle in all the actions proposed in relation to employment »5.

Comme nous l’avons déjà souligné, la Commission s’est aussi largement adossée à son réseau d’experts consacré à l’emploi pour argumenter en faveur de la prise en compte de l’égalité dans la Stratégie européenne pour l’emploi6. Mais cette expertise s’est plus largement diffusée

1

« Des lignes directrices à l’action concrète : Examen des plans d’action nationaux pour l’emploi », Communication de la Commission, COM (1998) 316 final, 13 mai 1998, p. 12.

2

Politiques de l'emploi dans l'UE et dans les États membres. Rapport conjoint 1998, Commission européenne, Emploi et affaires sociales, Office des publications officielles des Communautés européennes, Luxembourg, 1999, p. 39.

3

M. A. Pollack, E. Hafner-Burton, 2000, op. cit., p. 20.

4

Les Etats membres sont invités dans le paragraphe 15 à « renforcer les mesures relatives à l’égalité des chances en faisant en sorte que l’égalité entre les hommes et les femmes soit intégrée (mainstreamed) dans toutes les politiques de l’emploi », Conseil européen de Cardiff, 15 et 16 juin 1998, conclusions de la Présidence.

5

« Opinions of the advisory committee on equal opportunities for women and men (since 1996) », 8thmeeting of 6 July 1998, p. 26, http://www.europa.eu.int/comm/employment_social/equ_opp/strategy/advcom.html

6

Les experts nationaux du réseau « Genre et emploi » de la Commission sont chargés entre autres d’évaluer le contenu des PNAE sous l’angle du genre.

au sein de la coalition de cause. Ainsi, la Présidence autrichienne a présenté lors du Conseil informel commun « Travail et affaires sociales » et « Egalité des chances » de juillet 1998, un rapport élaboré notamment par Jill Rubery1, coordinatrice du réseau de la Commission, et qui

reprend différentes raisons - au nombre de trois - pour lesquelles « une dimension d’égalité

des chances est nécessaire dans la Stratégie européenne pour l’emploi :

l’une des principales sources de divergences entre les taux d’emploi des pays développés est la proportion de femmes actives ;

une perspective d’égalité entre les sexes est essentielle pour comprendre les récents changements survenus dans les systèmes d’emploi et de protection sociale;

l’augmentation du taux d’emploi exige également un changement de l’organisation économique et sociale en un système d’emploi et de protection sociale tenant davantage compte des foyers comprenant deux personnes salariées »2

.

Le rapport de la Commission sur les taux d’emploi 1998 qui a servi de base de réflexion à la révision des lignes directrices indiquait également : « Women and men should be able to

participate in work on equal terms with equal responsibilities in order to develop the full growth capacities of our economies »3. Finalement, le Conseil européen de Vienne en

décembre confirmera le renforcement de la dimension transversale de l’égalité entre hommes et femmes4. Et la version des lignes directrices de 1999 adoptées définitivement par le Conseil

en février reprendra intégralement la proposition initiale de la Commission5. Sur le fond, cette

nouvelle mouture apporte un autre changement notable. Contrairement aux lignes directrices

1

J. Rubbery, C. Fagan, Equal Opportunities and employment in the European Union, Federal Ministry of Labour, Heath and social affairs, European Work and Employment Research Centre, Manchester School of Management, UMIST, Vienna 1998.

2

J. Rubery, C. Fagan, 1998, présenté dans le Rapport annuel de la Commission « L’égalité des chances entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne 1998 », COM (1999) 106 final, 05/03/1999, op. cit., pp. 12-13.

3

« Employment Rates Report 1998. Employment Performance in the Member States », Rapport de la Commission, COM (98) 572 final, p. 5.

4

Le paragraphe 31 des Conclusions de la Présidence stipule : « En révisant leurs plans d'action nationaux, les Etats membres devraient s'attacher plus particulièrement à (…) réaliser des progrès tangibles pour ce qui est de promouvoir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, notamment par l'utilisation de points de référence et la prise en compte systématique de cette question », Conseil européen de Vienne, 11 et 12 décembre 1998, Conclusions de la Présidence.

5

« The Austrian Presidency during the last of the year was an equally strong supporter, and chaired the negotiation of the 1999 employment Guidelines, the final version of which retained, unchanged, the Commission’s extended discussion of gender mainstreaming » soulignent Mark A. Pollack et Emilie Hafner- Burton,. M. A. Pollack, E. Hafner-Burton, 2000, op. cit., p. 21.

de 1998, le quatrième pilier est consacré exclusivement à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes - ce que reflète la modification d’intitulé - puisque la ligne directrice visant à « Favoriser l'intégration des personnes handicapées dans la vie active » (LD 19) est enlevée et transférée dans le premier pilier « Améliorer la capacité d’insertion

professionnelle ». Par la suite, la substance des lignes directrices du quatrième pilier (intitulé

désormais « Renforcer les politiques d’égalité des chances entre les femmes et les hommes ») ne change pas considérablement, seule une réorganisation est opérée en 2001, les thématiques de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale (LD 20) et de la réintégration dans la vie active (LD 21) étant réunies dans une même ligne directrice (LD 18 en 2001 et 2002).

L’évolution thématique des lignes directrices (LD) entre 1998 et 2002 est présentée schématiquement dans le tableau ci-dessous :