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1. PRÉSENTATION DU SECTEUR

14. La présente affaire concerne le secteur de la farine destinée à la consommation humaine, qui est issue de l’écrasement de blé tendre. La meunerie est l’activité de première transformation du produit agricole brut, le blé tendre, en produit semi fini, la farine, à destination de l’industrie agro-alimentaire et du marché grand public.

15. A titre général, l’Allemagne et la France sont respectivement les premier et deuxième producteurs européens de blé tendre en volume. En 2008, la production de blé tendre en France était de 35 millions de tonnes de grains, dont environ 16 % étaient destinés à la production française de farine pour la consommation humaine (cote 3 716).

16. Selon les données de l’Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), les volumes travaillés en France, c’est-à-dire les quantités de blé écrasées pour produire de la farine, sont stables depuis 2002 (5,74 millions de tonnes en 2002 ; 5,63 millions de tonnes en 2003 ; 5,6 millions de tonnes en 2004 ; 5,59 millions de tonnes en 2005).

17. En 2006, 5,1 millions de tonnes de farine de blé tendre ont été produites en Allemagne.

S’agissant de la France, la production de farine de blé tendre en volume (en milliers de tonnes), toutes utilisations confondues, est la suivante :

2003 2004 2005 2006 2007 2008

4 380 4 361 4 337 4 428 4 486 4 305

Source : Office National Interprofessionnel des Grandes Cultures (ci-après « ONIGC »), bulletin de novembre 2008

18. La meunerie française a très marginalement recours aux importations de blé aux fins de son activité d’écrasement, mais exporte 14 % de sa production de farine.

19. Entre 2000 et 2008, le prix de vente de la farine, toutes utilisations confondues, a augmenté en France d’environ 25 % (cotes 12 044 à 12 120, étude Xerfi page 29). Le prix de revient de la farine est en partie dépendant du cours du blé, qui est consultable quotidiennement, le prix de la matière première constituant environ 60 % de ce prix.

Cette part dans les coûts de revient peut, de plus, être ponctuellement plus importante, dans la mesure où le cours du blé est particulièrement élevé, comme ce fut le cas en 2007 où il a augmenté d’environ 60 %.

20. En France, le secteur de la meunerie a généré un chiffre d’affaires de 1,53 milliard d’euros en 2006 et de 1,9 milliard d’euros en 2007 (source : agriculture.gouv.fr).

2. PRÉSENTATION DU PRODUIT EN CAUSE : LA FARINE EN SACHETS

21. La demande de farine de blé tendre destinée à la consommation humaine se décompose selon les utilisations suivantes :

- la boulangerie artisanale (farine destinée à l’usage des boulangers) ;

- l’industrie utilisatrice (farine utilisée à des fins industrielles pour la biscuiterie ou la confection d’autres produits) ;

- la farine en sachets à destination du grand public et des consommateurs : paquets et mixes (préparation à base de farine) vendus en premier lieu à la grande et moyenne distribution (ci-après « GMS »), ainsi qu’à la distribution hard discount ;

- la boulangerie semi-industrielle (ou fournils GMS), le plus couramment désignée sous l’appellation « points chauds GMS » ;

- l’exportation, qui peut concerner les quatre destinations présentées ci-dessus, mais qui constitue pour les meuniers une activité commerciale à part entière.

22. Le décret du 31 août 1938 relatif aux déclarations des stocks de blé, de farine et de semoules et aux redevances compensatrices (modifié en dernier lieu par le décret n° 2009-319 du 20 mars 2009 relatif à la meunerie et modifiant le livre VI du code rural) a instauré en France une typologie des différents types de farines en fonction du taux de cendre qui rentre dans leur composition. Le taux de cendre correspond à la proportion du grain de blé utilisée. Par ailleurs, un arrêté de 1963 porte homologation des farines selon ces taux, dans la mesure où plus le taux de cendre est élevé, moins la farine est considérée comme « blanche ». Par exemple, la farine la moins fine et la plus

« brune » est la T 150, alors que la plus fine et « blanche », utilisée pour les besoins de la pâtisserie et la biscuiterie, est la T 45.

23. Une typologie similaire existe également dans certains pays européens, par exemple en Allemagne. En comparaison avec la nomenclature française, les équivalences en fonction du taux de cendre sont les suivantes :

FRANCE ALLEMAGNE

Type 45 Type 405

Type 55 Type 550

Type 65 Type 80 ou 812

Type 110 Type 1050

24. Toutefois, la farine de type 405 produite en Allemagne contient un taux de cendre légèrement inférieur à celle de type 45 produite par la meunerie française.

a) La farine en sachets

25. Le secteur de la farine en sachets, en cause dans la présente affaire, se compose de trois catégories de produits : les farines dites « classiques », les préparations et les farines à pain.

26. Les farines dites « classiques » représentent le premier segment en volume de ce secteur. Il s’agit de farine à faible taux de cendre de type 45 ou 55 (405 ou 550 en Allemagne). Elles sont caractérisées par une faible différenciation des produits. Les meuniers ont néanmoins diversifié leur offre de produits, en proposant diverses gammes de farine : les farines tous usages, fluide, pâtissière, extra fluide, sans grumeaux, etc. Le conditionnement est généralement d’un kilogramme pour les sachets en France.

27. Les préparations sucrées ou salées dites « mixes », telles que les préparations pour crêpes, gâteaux ou pizzas, ont connu des débouchés croissants en raison de l’évolution des habitudes alimentaires.

28. Les farines à pain (qui combinent farine et levure) ont connu un engouement récent en raison du succès des machines à pain auprès des ménages.

29. D’après les données de l’ONIGC, la farine en sachets produite en France (hors préparations et mixes) est passée de 188 807 tonnes en 2003 à 255 583 tonnes en 2008 (lignes 40 et 41 agrégeant les données collectées auprès des moulins). Le marché français de la farine en sachets (comprenant l’activité de commercialisation de levure) représentait en 2008 un chiffre d’affaires d’environ 171 millions d’euros, dont 138 millions d’euros pour la farine « classique » et 13 millions d’euros pour les mixes.

30. D’après les données communiquées par le Bundeskartellamt, la farine en sachets produite en Allemagne représentait en 2007 environ 320 000 tonnes.

b) Les marques de farine en sachets

31. Une fois la farine produite, elle est ensuite ensachée. Les moulins, établis en France ou en Allemagne, effectuent eux-mêmes cette opération d’ensachage ou en confient l’exécution à un tiers disposant des infrastructures requises. A ce stade, les meuniers (ou la grande et moyenne distribution dans le cas des marques de distributeurs ou « MDD ») peuvent apposer leurs marques respectives sur les sachets. De plus, il existe une

troisième catégorie de sachets de farine en vente dans les enseignes de la grande et moyenne distribution, les « premiers prix » ou « PP », sur lesquels n’est apposée aucune marque spécifique. On retrouve également de tels sachets de farine sans marque dans les enseignes de la distribution hard discount.

32. En France, certains meuniers possèdent leurs marques, dont la principale, commercialisée par la société France Farine, est la marque Francine. Il convient également de citer les marques Treblec, Gruau d’Or ou Melix (cette dernière étant utilisée uniquement pour les préparations).

33. Francine est une marque d’envergure nationale, « leader » du secteur de la farine en sachets. En 2007, les produits vendus sous marque Francine représentaient, de façon globale, plus de la moitié des parts du marché français de la farine. Elle devançait les marques de distributeurs (MDD) ainsi que les premiers prix, comme le montre le tableau ci-dessous :

Parts en valeur Parts en volume

Francine 52,6 % 36,2 %

MDD/marque de distributeur 25,5 % 30,2 %

PP/Premier Prix 12 % 28,2 %

Autres 9,9 % 5,4 %

Total 100 % 100 %

Source : Etude Xerfi (cote 12 057).

34. La même année, les parts de marché de la marque Francine (cote 494) sont réparties, en fonction des trois catégories de produits qui constituent le secteur de la farine en sachets, de la façon suivante :

- sachets de farine dite « classique » : 28,5 % en volume, 40,7 % en valeur ; - farine à pain : 70,5 % en volume, 75,4 % en valeur ;

- préparations (mixes) : 66,3 % en volume, 68 % en valeur.

35. Les ventes sous marque Francine représentaient un chiffre d’affaires d’environ 90 millions d’euros en 2006 (cote 83).

36. En Allemagne, au moins trois marques d’envergure nationale coexistent : Aurora, Kampffmeyer et Rosenmehl (cotes 13 011 à 13 177).

c) Les particularités nationales

37. Le prix de la farine produite en Allemagne est, pour des raisons techniques et structurelles, moins élevé qu’en France. Les meuniers allemands valorisent plus les

« coproduits » (son) en commercialisant des farines moins « blanches », qui répondent à la demande d’une gamme élargie de pains. Ceci provient des habitudes de consommation en Allemagne qui sont différentes de celles relevées en France. En effet, les consommateurs allemands achètent de nombreuses variétés de pain, y compris du pain noir, qui sont produites à base de farine « brune », alors que les consommateurs français s’approvisionnent essentiellement en pain blanc de type « baguette ». Sur le marché français, les coproduits sont principalement destinés à l’alimentation animale.

38. Pour sa part, le marché français se caractérise, à la différence de l’Allemagne, par une réglementation et une fiscalité spécifiques.

Les contingents et droits de mouture

39. La réglementation française de l’activité de meunerie, mise en place en 1938 et dont la surveillance incombe à l’Office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), vise à réduire progressivement les capacités productives de l’industrie pour les farines commercialisées en France.

40. En conséquence, chaque moulin dispose d’un plafond d’écrasement, ou contingent, exprimé en tonnes. Ce contingent peut être transformé, totalement ou partiellement sous le contrôle de l’ONIGC, en droits de mouture, qui peuvent être cédés ou loués à d’autres meuniers. Ainsi, les nouveaux meuniers ne peuvent produire de la farine commercialisée en France que s’ils acquièrent ou louent des droits de mouture ou, le cas échéant, procèdent à l’acquisition d’un outil de production (moulins) auquel est déjà attaché un droit de mouture. Selon les données publiquement disponibles de l’Association Nationale de la Meunerie Française (ANMF), le plafond d’écrasement des moulins implantés en France était de 5 216 769 tonnes en décembre 2006.

41. Il est néanmoins noté que l’écrasement de blé aux fins de fabrication de farine destinée à l’exportation n’est pas concerné par cette réglementation, qui ne vise que la production de farine pour la consommation interne française.

La fiscalité

42. L’article 1618 septies du code général des impôts a mis en place en 1954 une taxe dite

« BAPSA », devenue « FFIPSA » depuis 2004, qui sert à financer le régime de sécurité sociale agricole. Elle est collectée par les organismes sociaux agricoles désignés à l’article L. 731-1 du code rural. Par ailleurs, sa collecte est effectuée par les services des douanes dans les cas d’importation des produits visés par cette réglementation.

43. D’un montant de 15,24 euros par tonne, cette taxe porte sur les farines, semoules ou gruaux de blé tendre livrés ou mises en œuvre en vue de la consommation humaine, ainsi que sur les mêmes produits introduits en provenance d’autres États membres de l’Union européenne ou importés de pays tiers. La taxe est perçue en France continentale auprès des meuniers, des opérateurs qui procèdent à l’introduction des produits sur ce territoire et des importateurs de produits en provenance de pays tiers.

44. Elle porte donc uniquement sur les produits issus de la farines de blé tendre destinés à la consommation en France métropolitaine, les farines, semoules et gruaux de blé tendre expédiés vers d’autres États membres de l’Union européenne ou vers les départements de Corse, exportés ou destinés à être exportés vers des pays tiers ou vers les départements d’outre-mer, étant exonérés de la taxe.