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1. LES PRATIQUES MISES EN ŒUVRE PAR LES MEUNIERS FRANÇAIS ET ALLEMANDS

119. Les éléments recueillis au cours de l’instruction ont mis en évidence l’existence de réunions entre des meuniers français et allemands. Sont exposés ci-après les faits relatifs aux réunions qui ont eu lieu entre meuniers français et allemands (a), au contenu des discussions lors de ces réunions (b) aux éléments de surveillance mis en place pour assurer le respect des principes communs établis lors des réunions (c).

a) Les réunions entre les meuniers français et allemands

120. Les pièces produites par le demandeur de clémence, ainsi que celles issues des opérations de visite et de saisie, ont révélé l’existence d’au moins dix réunions tenues entre des meuniers français et des meuniers allemands, entre le mois de mai 2002 et la fin de l’année 2004, concernant la commercialisation de farines en sachets en France et en Allemagne. Les pièces communiquées ultérieurement par le Bundeskartellamt ont permis de corroborer l’existence de certaines de ces réunions, d’une part, et d’identifier d’autres réunions sur la même période, d’autre part. Les lieux des rencontres ont alterné entre la France et l’Allemagne (Paris, Strasbourg, Düsseldorf, Francfort, etc.).

Les contacts initiaux entre les meuniers français et allemands

121. Il ressort des pièces du dossier que des contacts entre meuniers français et allemands ont eu lieu sur la période 2000-2002 à propos de projets de coopération commerciale (création d’une structure de commercialisation en Allemagne à l’image de celles existantes en France comme France Farine et possible entrée de meuniers allemands dans les structures de commercialisation françaises).

122. Un courrier de la VDM invite les meuniers allemands à une réunion à Francfort le 14 mars 2000, ayant pour objet la « coopération commerciale dans le secteur des petits conditionnements », en présence en particulier de représentants de France Farine, d’Euromill et de Grands Moulins de Strasbourg (cotes 12 486 et 12 503). Une note du 15 mars 2000, récapitulant les discussions ayant eu lieu lors de cette réunion, précise qu’elle avait pour objet l’éventualité de « la création d’une société de vente commune de farine en petits conditionnements » (c’est-à-dire en sachets) entre les meuniers allemands, et que les meuniers français avaient été « conviés à cette rencontre afin de témoigner de leur expérience des sociétés de vente France Farine et Générale des Farines » (cotes 12 490, 12 491, 12 507 et 12 508). La même note énonce que cette démarche, entre meuniers allemands, avait pour objectif d’« arriver à des prix globalement confortables [en Allemagne] sur ce segment de marché mais inaptes à susciter trop de convoitises de la part de nouveaux venus », dans un but de

« stabilisation recherché » (cote 12 507).

123. Un courrier de la VDM à destination des meuniers allemands en date du 12 mars 2002, faisant état de « notre projet de coopération en matière de commercialisation », indique que « les collègues français nous ont fait savoir qu’ils étaient prêts à évoquer avec les meuniers allemands présents sur le marché français de la farine en sachets la question d’une présence au sein des structures de vente locales » (cote 12 532).

124. Un courrier du même jour adressé par la VDM aux meuniers Bindewald (par l’intermédiaire de M. G. Q…), Bliesmuhle (par l’intermédiaire de M. P. P…), 3..., Friessinger et Flechtorfer indique avoir « abordé la question avec le Président de France Farine, Monsieur I…, qui préside également l’Association Nationale de la Meunerie française. Il m’a fait savoir que tant France Farine que la Générale des Farines, représentée par Monsieur K…, sont disposées à évoquer le sujet. Monsieur I…

a proposé différentes dates à cette fin (…). Il serait d’accord pour que la réunion ait lieu à Karlsruhe/Ettlingen » (cote 12 544). La prise de contact physique avec les meuniers français est d’ailleurs confirmée par un courrier de la VDM du 8 mai 2002 qui rapporte que, en marge d’une réunion entre meuniers allemands, « sera fait rapport au sujet de la réunion avec nos collègues français » (cote 12 542).

125. Ce projet de coopération commerciale franco-allemand, au sein de structures de commercialisation, n’a cependant pas abouti.

126. Ces prises de contacts initiaux entre meuniers français et allemands sont par ailleurs corroborées par le demandeur de clémence qui a déclaré :

« Durant l’une de ces réunions [entre meuniers allemands], M. X… de Rheintal Mühle, une filiale de Grands Moulins de Strasbourg, était présent. Il est probable que M. X… a proposé à cette occasion de mettre en place des réunions avec les représentants de la société France Farine SA pour parler de questions relatives au marché français. » (cote 6, saisine n° 08/0024 AC).

Les réunions entre meuniers français et allemands

Réunion 1 : InterCity Treff, gare centrale de Francfort,14 mai 2002

127. Il résulte des courriers et invitations adressés par la VDM aux meuniers allemands qu’une réunion s’est tenue avec des représentants français le 14 mai 2002. Ces courriers, envoyés entre le 12 mars 2002 et le 16 avril 2002, visaient à titre principal à trouver une date à laquelle l’ensemble des participants du côté allemand serait disponible pour rencontrer les représentants français. Ces courriers de la VDM sont les suivants :

Date du courrier Destinataires Objet Cotes

12 mars 2002 MM. N…, 3…, Q…,

128. D’une part, la planification de la réunion du 14 mai 2002 est confirmée par le courrier d’invitation envoyé à M. Eric J…, directeur commercial de France Farine (cotes 12 482 et 12 499), ainsi que par le courrier envoyé à MM. N…, 3…, Q…, P… et O… leur adressant « l’invitation envoyée aux participants français à la réunion du 14 mai, 11 h, à l’InterCityTreff de la gare centrale de Francfort » (cotes 12 527 et 12 548). D’autre part, la tenue de cette réunion est avérée par le courrier de la VDM du 29 mai 2002 qui, en vue de convoquer une nouvelle réunion entre meuniers allemands et français, fait état de cette « première rencontre du 14 mai à Francfort ». Ce courrier était adressé aux représentants de Bindewald (M. Q…), Bliesmühle (M. P…), Flechtorfer (M. O…), N…

et 3… (cotes 12 513 et 12 534).

129. Cette réunion semble avoir eu initialement pour objet l’entrée des fabricants allemands dans les structures de commercialisation françaises. Un courrier de M. 2…, président de la VDM, à M. J…, représentant de France Farine, annonçant la tenue de la réunion du 14 mai 2002 et demandant communication d’une liste des participants français, précise :

« il n’a malheureusement pas été possible d’organiser une rencontre à Karlsruhe/Ettlingen » (cote 12 499), ainsi que l’avaient initialement évoqué MM. 2…

(VDM) et I… (France Farine) (cote 12 544).

Réunion 2 : Hôtel Monopol Excelsior de Francfort, 24 juin 2002

130. Une invitation a été adressée par la VDM aux meuniers allemands Bindewald (M. Q…), Bliesmühle (M. P…), Flechtorfer (M. O…), N… et 3… pour une « deuxième réunion avec les français » le 24 juin 2002 (cotes 12 513, 12 516, 12 534 et 12 537).

131. Sur le papier à l’en-tête de l’Hôtel Monopol Excelsior de Francfort saisi dans les locaux de la société Groupe Meunier Celbert, M. H… a dessiné un plan de table retraçant l’emplacement et le nom des participants à cette réunion (cotes 3 394 et 3 395). Selon ce document, les personnes suivantes étaient présentes : M. H… (Groupe Celbert), deux représentants de France Farine, un représentant du relais allemand de Générale de Farines par le biais de M. O…, M. 3… (Heyl GmbH), M. 2… (VDM), M. « Q… B. », et un directeur « B. ». Selon M. H…, l’initiale « B. » correspond au meunier allemand Bindewald ou Bliesmülhe. Toujours selon les déclarations de M. H…, France Farine était représentée par M. J… et M. I… ou M. X…, également directeur commercial de Grands Moulins de Strasbourg et président de Bach Mühle (cote 4 791).

132. Lors d’une audition par les services d’instruction, M. J… a par ailleurs déclaré avoir été présent à cette réunion. Il n’a pas démenti la présence de MM. I… et X… à cette même réunion (cote 6 379).

133. Interrogé par le Bundeskartellamt pour le compte de l’Autorité, M. Q…, directeur de la société Bindewald, a déclaré avoir été présent à une réunion en présence de meuniers français, qui s’est tenue à Francfort en juin 2002 et a identifié M. J… comme présent à cette réunion (cote 10 339). Ces déclarations sont les suivantes :

« Je me suis donc rendu en juin 2002 à une manifestation organisée à Francfort-sur-le-Main par la VDM. Tous les producteurs allemands de farine en petits conditionnements y étaient représentés ; du côté français. Monsieur J… était présent. Je m’en souviens encore car il parlait allemand. (…) Plusieurs moulins français étaient aussi représentés mais je ne les connais pas bien. Pendant la réunion, les français ont indiqué aux participants quelles quantités étaient livrées par quelles meuneries allemandes à quels endroits en France. Les français ont ensuite émis le souhait que les meuneries allemandes ne relèvent pas davantage encore les volumes livrés en France. Les représentants des sociétés allemandes ont opiné du chef, d’autant que les français avaient déclaré vouloir présenter des offres en Allemagne au cas où les volumes augmenteraient. Cela aurait désavantagé les producteurs allemands de petits conditionnements. J’ai moi aussi opiné du chef au nom de Bindewald, afin de ne pas trahir la stratégie de l’entreprise vis-à-vis du marché français. Nous avons poursuivi notre politique. Le président de la VDM était à l’époque Monsieur 2…. »

134. Des notes manuscrites de H... confirment également la tenue de cette réunion, dans la mesure où elles rapportent la teneur des discussions qui y ont eu lieu (cotes 3 394 et 3 395).

135. Enfin, une télécopie à l’en-tête de Grands Moulins de Strasbourg, du 10 octobre 2002, signée par M. X… (Bach Mühle et Grands Moulins de Strasbourg) et adressée à MM. 5… (Minoteries Cantin), I… (France Farine), Y… (Euromill), E… (GMS) et H…

(Groupe Meunier Celbert), fait référence, en rapport avec le « client Intermarché Agenor », au retrait du meunier allemand Bliesmühle « après les discussions de Francfort » (cote 2497).

Réunion 3 : Salon Deutsche Bahn Lounge, gare centrale de Francfort, 6 mai 2003 136. Un courrier de la VDM, envoyé par M. 2… (VDM) à MM. I… et J… (France Farine) et

à M. X… (Bach Mühle et Grands Moulins de Strasbourg) ainsi que du côté allemand à MM. N… (Friessinger) et P… (Bliesmühle), invite les destinataires à une réunion le 6 mai 2003 dans le salon Deutsche Bahn Lounge de la gare de Francfort (cotes 12 570 et 12 589).