• Aucun résultat trouvé

22. Les pratiques dénoncées par les demandeurs de clémence concernent la distribution des commodités chimiques en France.

1. LES COMMODITÉS CHIMIQUES

23. Les produits concernés par les pratiques dénoncées constituent l’une des catégories de produits chimiques, lesquelles regroupent :

- les commodités chimiques : matières premières de base, de composition fixe, vendues le plus souvent en gros volumes, avec des marges unitaires modérées, issues principalement de la chimie minérale et de la pétrochimie, utilisés par l’industrie et les services et impliquant des investissements lourds et des coûts élevés de logistique pour les distributeurs ;

- les spécialités chimiques : produits formulés en vue d’une performance particulière à l’intention de leurs utilisateurs professionnels finals. Elles sont en conséquence d’un prix plus élevé, et correspondent à un volume de commercialisation moindre que celui des commodités ;

- les produits chimiques fins : produits de composition fixe, notamment, des intermédiaires avancés obtenus par synthèse, des principes actifs et des additifs,

20

intégrant une forte valeur ajoutée en recherche-développement. Ils sont par suite, plus coûteux et commercialisés en faible volume, auprès d’une clientèle professionnelle ciblée (laboratoires pharmaceutiques, producteurs agro-alimentaires, etc.) (arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2007, Gaches Chimie, BOCCRF n° 6 du 16 novembre 2007, p. 997).

24. Les commodités chimiques sont constituées d’un très large éventail de références notamment de produits minéraux liquides et solides et de solvants, dont les solvants pétroliers, les acétates, les glycols, les alcools, les éthers, la soude, les acides, la javel, le peroxyde d’hydrogène, le chlorure ferrique, le formol, les bisulfites, la potasse, etc.

25. Les fournisseurs, producteurs des produits concernés, sont les principaux groupes de la chimie, parmi lesquels figurent Exxon, Shell, BP, Lyondell, Solvay, Rhodia, Atochem, BASF, Bayer, Cerestar. Il s’agit de producteurs de dimension européenne voire mondiale.

2. LA DISTRIBUTION DES COMMODITÉS CHIMIQUES

a) Les différents modes de commercialisation des commodités chimiques 26. En matière de commodités chimiques, il convient de distinguer :

- la vente directe par les producteurs (au moins 95 % de la production) ; - la vente par un distributeur ;

- la vente par un « trader » (arrêt de la cour d’appel de Paris du 13 mars 2007 précité et décision de la Commission européenne du 16 janvier 2001, M. 2244, Royal Vopak/Ellis & Everard).

La vente directe par les producteurs

27. Les commodités chimiques sont, pour l’essentiel, directement fournies par les producteurs aux consommateurs finals, généralement les clients industriels utilisateurs, qui ont des besoins de commodités en grande quantité, généralement par camions ou par wagons complets.

La vente par un distributeur

28. La distribution de commodités chimiques est sujette à des contraintes réglementaires et logistiques qui rendent inefficace économiquement, pour les producteurs, la livraison de petites quantités de commodités chimiques. Dès lors, les producteurs de commodités livrent une partie résiduelle de leur production à des intermédiaires, les distributeurs, lesquels vendent à leur tour à leurs clients des quantités moins importantes, en général inférieures ou égales au camion complet (soit 24 tonnes). Eu égard notamment aux différences de quantités livrées, la vente par les distributeurs constitue pour les clients une offre complémentaire de celle opérée en direct par les producteurs.

29. Cette fonction de distribution est assortie de services, tels que le stockage, le mélange, la dilution, le conditionnement, la livraison ou le transport.

30. Les distributeurs de commodités chimiques recourent à deux modes de livraison :

- la livraison à partir du dépôt : la transaction commerciale a lieu entre le distributeur et le client, et les produits sont transportés des sites du distributeur à ceux du client ; - la livraison directe, ou encore « droiture » : la transaction commerciale a lieu entre le distributeur et le client, mais les produits sont transportés (généralement par

21

camions complets) directement des sites du fournisseur à ceux du client, sans passer par les dépôts du distributeur.

La vente par un « trader »

31. Les clients industriels peuvent également s’adresser à des « traders », qui se distinguent des distributeurs en ce que les premiers limitent leur fonction à la simple transaction commerciale d’achat auprès des producteurs et de revente aux clients utilisateurs, sans que la marchandise ne transite physiquement par leur intermédiaire, et n’assurent généralement aucune autre prestation de service. Les produits sont généralement livrés directement par le fournisseur au client du trader.

32. Les pratiques relevées dans la présente affaire portent sur : - la vente par les distributeurs ;

- la vente par les traders.

b) Les caractéristiques de la vente des commodités chimiques par les distributeurs Les caractéristiques de la demande

33. Les clients des distributeurs de commodités chimiques exercent une grande variété d’activités. Ces clients, qui peuvent être de grands groupes industriels ou des petites et moyennes entreprises, sont notamment actifs dans des secteurs tels que l’industrie chimique, l’agro-alimentaire, l’automobile, les blanchisseries hospitalières et privées, le traitement des eaux, l’armement, l’industrie du béton et du liant routier, l’industrie de la désinfection et du nettoyage, les laiteries, la fabrication de peinture, les industries mécanique et aéronautique, le textile, etc.

La fourniture de services spécifiques

34. Les distributeurs apportent à leurs clients des services spécifiques que ne fournissent ni les producteurs, ni les autres intermédiaires de la distribution des commodités chimiques. A l’acte de revente s’ajoute ainsi un ensemble de services spécifiques dont certains sont directement liés au caractère dangereux de nombreux produits faisant l’objet de contraintes réglementaires spécifiques, notamment pour le stockage et le transport. Ces services comportent le conditionnement en fonction des besoins de la clientèle sous emballage perdu ou consigné, la réalisation de mélanges et dilutions et leur conditionnement, la gestion globale des approvisionnements du client (« global sourcing » ou « out sourcing »), l’information sur la mise en œuvre, la gestion de la sécurité, l’étiquetage, la gestion des produits chez l’utilisateur et enfin la gestion des effluents ainsi que des emballages.

35. Les distributeurs gèrent par ailleurs une multiplicité de fournisseurs et de clients ainsi qu’une large gamme de produits, essentielle à la compétitivité des distributeurs.

Un contexte réglementaire contraignant

36. Les commodités chimiques sont des produits plus ou moins dangereux (parfois inflammables, toxiques, explosifs, etc.) et, à ce titre, soumis à une réglementation stricte relative à la qualité et à la sécurité des produits mais aussi à la protection de l’environnement dans son ensemble. Cette réglementation concerne tant le produit lui-même que ses conditions de stockage, de transport et tous les services associés. Les exigences imposées par les fournisseurs conduisent les distributeurs à miser sur la

22

certification de la qualité et du respect de l’environnement (voir notamment les multiples certifications : ISO 9000 à 9002 et 14001).

37. Les fabricants et distributeurs de produits chimiques sont notamment concernés par l’élargissement du nombre d’installations soumises à la directive 96/82/CE du Conseil du 9 décembre 1996 concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JO L 10 du 14.1.1997, p. 13). Cette directive européenne a été mise en place en 1982 puis simplifiée et étendue en 1999, sous sa version « Seveso II », à un plus grand nombre de sites, comprenant notamment des infrastructures de transport et de stockage. Elle implique des mesures de sécurité renforcées et une information auprès de la population sur les risques encourus. La Commission européenne a décidé de renforcer la directive Seveso II à la suite d’une série d’accidents industriels en Europe, parmi lesquels l’explosion de l’usine AZF à Toulouse, en septembre 2001. Au 31 décembre 2003, cette directive a ainsi été modifiée afin de répondre à de nouvelles exigences.

38. L’activité de distribution implique, dans ce contexte, de réaliser des investissements coûteux dans des équipements spéciaux. À titre d’exemple, la création d’un site Seveso nécessite actuellement un investissement de 15 millions d’euros environ, investissement lourd, à rentabilité lointaine.Il convient à cet égard de souligner que, au cours de la période 2003-2006, Brenntag est le seul distributeur de commodités chimiques, en France, à avoir réussi en 2005 à obtenir la qualification « Seveso II seuil haut » pour son site de Tournan-en-Brie (initialement « Seveso II seuil bas »). En outre, le 22 mai 2006, le nouveau site

« Seveso II seuil haut » de Brenntag à Montville a été inauguré : celui-ci a nécessité un investissement de rénovation de 16,5 millions d’euros.

39. Ces différentes caractéristiques permettent d'identifier une activité spécifique de distribution de commodités chimiques, dont le chiffre d'affaires, en 2011, s'élève à près de 1,3 milliard d’euros (cotes 44918 à 44919).