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1.2. Éducation, formation et enseignement

1.2.4. Un second détour par une exploration étymologique de instruire,

former et enseigner.

Poursuivons notre investigation en revenant sur le verbe instruire que nous avons invoqué à propos de la notion d'instrument, en première partie. Force est de constater qu’il n’est pas toujours perçu comme un signifiant positif nécessaire à l’action d’éduquer, l’impression demeure qu’instruire est un mal nécessaire à l’éducation.

Selon Paul Foulquié, (Foulquié 1971 p.262) instruire signifie enseigner ou apprendre quelque chose à quelqu’un et l’instruction est tout à la fois l’action de communiquer des connaissances et de former des esprits et le résultat de cette action. Maurice Debesse précise que le mot «enseigner» est plus faible que le mot «instruire» qui signifie organiser et disposer ensemble en vue de la construction d’un esprit.

Instruire et construire sont étymologiquement proches, issus de struere, ils renvoient à la même idée, les préfixes in et con (cum) ne l'infléchissant pas fondamentalement. Cependant, dans la langue pédagogique, construire est d'un emploi plus noble que instruire.

Suite des notes de la page précédente

127 qu'il faudrait confronter au sens que nous avons emprunté à Bergson dans la partie 1 plus qu'à celui de Descartes

D’un point de vue actuel, construire requiert d’avantage l’activité du sujet visé par l’éducation.

Examinons maintenant le verbe former issu du verbe latin formare.

Le verbe formare dérive du nom forma dont on retient souvent l’usage particulier pour désigner le moule à fromage. Cette restriction est particulièrement abusive car forma désigne dans sa généralité ce qui nous désignons de nos jours par forme en français. Le recours à ce sens pour tenter d’interpréter l’usage de former, formation, formateur et formatrice dans la langue pédagogique, nous semble anecdotique et mal choisi, tout au plus propre à maintenir l’image qui assimilerait l’esprit-cerveau du sujet à un fromage blanc !. Ceci nous paraît peu porteur d’éclairage. À l’article (Foulquié 1971 p.223) «former», Paul Foulquié rapporte la citation128 suivante qui remet en lien les termes explorés : « Le but de l’éducation scolaire est de former l’esprit et non, comme on le croit communément, de transmettre des connaissances ». Nous retrouvons là l’expression de la réticence à l’égard de instruire et la valorisation de former. Il définit la formation comme « l'action de développer, principalement chez les jeunes, les virtualités proprement humaines : intelligence, conscience morale, sens social,...» (Foulquié 1971 p.223)

Pour Patrice Pelpel, la formation est (Pelpel 1989 p.32) « l'acquisition de comportements adaptés à un nouveau milieu et qui impliquent globalement (...) la personne.». Pour l'intelligibilité des pratiques de formation, il repère une logique globale de formation (Pelpel 1989 p.11) qu'il articule autour de trois logiques en interaction :

. la logique de production (productique)

celle de l’entreprise et de ses acteurs, fortement soumise au principe de réalité. Elle utilise les déterminismes techniques, économiques et sociaux. Ses critères dominants sont l’efficacité, la rentabilité, l’utilité.

. la logique de construction du savoir (heuristique)

celle du laboratoire et des lieux de recherche où s’élabore le savoir. C’est celle du domaine de l’expérimentation, en tant qu’expérience construite à partir d’hypothèse et de mises à l’épreuve pour vérification/falsification. Ses critères sont pluralité des démarches, incertitude des résultats, incertitude des coûts réels.

. la logique de transmission (didactique) celle qui caractérise l’enseignement.

En interprétant et en simplifiant la conception de Georges Adamczewski, la formation peut être caractérisée par des visées, que sont « l’acquisition :

. de compétences en une matière, un domaine ou une discipline, . d’habiletés en une pratique ou une technique,

. d’aptitudes en des ressources ou potentialités inhérentes à la personne en apprentissage,

. de virtualités de communication et de créativité collective,

. d’étayages existentiels nécessaires à la construction de l’identité. 129» et une catégorisation selon cinq catégories de l’activité humaine : «

. AVOIR : apprentissage d’un avoir sous forme d’informations et de connaissances,

. FAIRE : apprentissage d’un faire orienté vers des opérations et des actions efficaces,

. ETRE : apprentissage d’un être dans la perspective d’un développement de capacités personnelles,

. COMMUNIQUER : apprentissage d’un communiquer en intégrant une dimension de confrontation d’approches, de rôles et de pratiques,

. CHANGER : apprentissage d’un changer par l’expérience transformatrice, quasi-initiatique, de la contradiction, de la perturbation, de la crise et du dépassement.»

D’après Jean Berbaum, (Berbaum 1989 p.6) la formation est une « intervention qui vise à aider à l’émergence d’une réponse comportementale nouvelle.» en vertu de sa définition de l'apprentissage conçu comme « un processus de construction et d’assimilation d’une réponse nouvelle, c’est à dire comme une démarche d’ajustement du comportement soit à l’environnement soit au projet retenu par l’intéressé.»

Pour revenir à la confrontation de l'éducation et de la formation, nous nous référons au propos de Guy Avanzini, pour qui la formation est une « activité menée en vue de conférer au sujet une compétence qui est précise, limitée, prédéterminée dans la mesure où son usage est prévu avant la formation et amène à la suivre130.» Alors que l’éducation est une « activité exercée dans plusieurs directions, dans plusieurs disciplines, pour accroître la polyvalence de la personne, élargir ses possibilités de choix sans qu’aucun usage précis en soit prévu avant de la recevoir.131». Il ajoute que « la formation ou l’éducation des adultes visent à l’accroissement de l’avoir du sujet, c’est à dire, de ses connaissances ou de ses

129 Les conceptions et les formes de la formation : vers une nouvelle typologie, Recherche et Formation -INRP- n°

130 De la Formation et de l’Education ... des adultes et permanente Binet-Simon n°599-IV-1984 p. 160

techniques. La formation ou l’éducation permanentes entendent susciter ou favoriser l’évolution de l’être lui-même, c’est à dire, le changement de la personnalité.132 »

Examinons enfin le verbe enseigner issu du verbe latin insignire (1- mettre une marque, signaler, distinguer ; 2- désigner, signaler) qui ne renvoie à aucun usage du sens français actuel. Cette remarque vaut aussi pour le verbe apprendre issu du verbe latin apprehendere, et sur lequel nous reviendrons quand nous préciserons notre conception de l'apprentissage. Nous nous demandons toujours pourquoi la langue pédagogique a retenu ces deux verbes au détriment de deux verbes docere et discere que la langue pédagogique latine possédait. En effet, un ouvrage pédagogique du XVIIIèmesiècle du R.P. Jouvency133 s’intitulait De ratione discendi et docendi”134

Tableau 1.2-3 des deux verbes latins docere et discere

docere

1- enseigner, instruire, montrer, faire voir faire connaître

enseigner à (chanter...)

enseigner que (il y a des dieux...) 2- instruire qqn

docere aliquem litteras (Cicéron)

enseigner à lire à quelqu’un

docere aliquem tacere (Cicéron)

enseigner à qqn à se taire

docemur domitas habere libidines (Cicéron)

nous apprenons (nous nous enseignons) à maintenir nos passions domptées

doceri de alique re (Cicéron)

être instruit de qqch

docere aliquem in aliqua re (Cicéron) (rare)

instruire qqn en une matière

5- vel discendi studium, vel docendi (Cicéron) le goût soit de s’instruire soit d’instruire

- tenir école - donner des leçons

doctio

enseignement

doctor, doctrix

- maître (esse)

- celui(celle) qui enseigne

docilis

- disposé à s’instruire, qui apprend aisément docile

docilitas

- facilité à s’instruire, aptitude à apprendre docilité

discere

1- apprendre

discere litteras Graecas : apprendre le grec discere saltare: apprendre à danser

apprendre que apprendre par message faire des études

discentia

- action d’apprendre

Nous n’avons conservé que l’emploi du terme docteur. Docile et docilité ont largement perdu leur noblesse originelle, et l’éducateur actuel ne semble plus enclin à viser la docilité. Un terme subsiste cependant et a même acquis un rôle important dans les pratiques pédagogiques à savoir le terme document issu de documentum, dérivé de docere.

132 Avanzini, G., (1986) op. cit.

133 De ratione discendi et docendi R.P. Jouvency -1711

ouvrage traduit en 1900 par H. Ferté (ancien professeur de réthorique de l’institution) Hachette- Paris -2ème édition 1900

Tableau 1.2-4 de l'étymologie du terme document documentum - exemple - modèle - leçon - enseignement - démonstration documentatio - avertissement documentare - avertir

Le document a incontestablement pris une extension considérable dans le champ de la pédagogie dans le sens où il fournit des éléments nécessaires à l’apprentissage. Des lieux spécifiques ont été conçus tels que le C.D.I.135 et la B.C.D.136. Qui plus est, parmi les objectifs de formation reconnus par les enseignants celui du « être capable de se documenter » est repéré comme un objectif transversal indissociable du développement de l’autonomie des apprenants. Dans leur travail, des équipes pédagogiques organisent même une approche interdisciplinaire de l’apprentissage à se documenter comme nous l'avons rapporté dans [1986a]. Nous serions aussi tenté de dire qu’à propos de cet apprentissage, un consensus réunit les enseignants sur leur rôle de guide, de conseil dans le développement de la capacité à se documenter.

La langue française comporte parfois une ambiguïté dans l'emploi des verbes apprendre et enseigner avec l’expression apprendre quelque chose à quelqu’un. Nous évitons cet usage afin de bien distinguer l’enseignant et l’apprenant. En nous inspirant de Louis Not (Not, 1987) et Olivier Reboul (Reboul, 1991) nous considérons qu'enseigner, c’est ce que fait le maître et, pour cela, il organise son action à partir d’une méthode pédagogique, c’est à dire un système complexe régulé et évolutif articulant les moyens et les fins de l’éducation et s’appuyant sur des principes et des connaissances didactiques. Cette méthode qu’il met en œuvre dans sa classe, l’enseignant la construit plus ou moins coopérativement en posant des objectifs concrets sur des fins plus générales en référence à un idéal d’homme, à un idéal de société, à des connaissances scientifiques mais aussi à des croyances et des valeurs, à des représentations de l’enfant, de l’adolescent, de l’adulte, de l’apprenant, de l’enseignant, de la connaissance et à ce qui les relie. L’enseignant enseigne avec l’intention de faire apprendre, c’est à dire faire connaître, faire agir, faire comprendre mais non pas de faire croire. C’est là une des limites de l’action de l'enseignant : rien ne garantit avec certitude qu’il fasse apprendre.

135 Centre de documentation et d’information dans les collèges et les lycées, centre mis sos la responsabilité d’un professionnel : le documentaliste recruté par concours au grade du CAPES.

1.3. Éducation, formation, enseignement rencontrent les mathématiques et

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